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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2001-2768(IT)I

ENTRE :

SHEILA JUBENVILLE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 25 juin 2002, à Regina (Saskatchewan), par

l'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Pour l'appelante :                                          L'appelante elle-même

 

Avocate de l'intimée :                                   Me Tracey Harwood-Jones

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel portant sur la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs du jugement ci-joints.


 

L'appelante a droit au montant de 350 $ au titre des frais et débours engagés relativement à l'appel.

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 3e jour de juillet 2002.

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020703

Dossier: 2001-2768(IT)I

 

 

ENTRE :

SHEILA JUBENVILLE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Regina (Saskatchewan) le 25 juin 2002. L'appelante a témoigné. L'intimée a fait témoigner Brian Aronson, C.A., vérificateur pour « Conseils et Vérification Canada », qui a effectué, en 1997, la vérification de Tzivos Hashem Canada Inc. (« Tzivos »), un organisme de bienfaisance enregistré, et de sa « division », Canadian Homes for Russian Children (« CHRC »). L'appelante et son époux ont adopté deux enfants russes en 1997 par l'intermédiaire de CHRC.

 

[2]     Le litige porte sur le reçu pour don de bienfaisance no 5003397 émis par Tzivos le 29 décembre 1997 pour le montant de 14 000 $ dont l'appelante a demandé la déduction dans sa déclaration de revenus pour l'année 1997 (pièce A‑2).

 

[3]     Les détails du litige sont exposés aux paragraphes 2 à 10 de la Réponse à l'avis d'appel, qui sont libellés comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

2.         La déclaration de revenus pour l'année 1997 a fait l'objet d'une cotisation initiale le 22 mai 1998.

 

3.         Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997, l'appelante a inclus dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables et de l'impôt payable un montant de 14 000 $ relatif à un don de bienfaisance (le « montant du don »).

 

4.         En établissant la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1997, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction du montant du don.

 

5.         L'appelante a déposé, relativement à l'année d'imposition 1997, un avis d'opposition reçu le 30 juin 2000.

 

6.         Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation se rapportant à l'année d'imposition 1997 au moyen d'un avis de ratification daté du 27 avril 2001.

 

7.         En établissant cette nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         les faits admis précédemment;

 

b)         l'appelante a demandé la déduction d'un montant de 14 000 $ relativement à un don versé à Tzivos Hashem Canada Inc. (« Tzivos ») pour CHRC;

 

c)         le don mentionné à l'alinéa 7b) n'a pas été fait à titre volontaire ou n'a pas été fait            sans espoir de contrepartie;

 

d)         l'appelante était tenue par Tzivos d'inclure un don dans les honoraires versés pour l'adoption;

 

e)         Tzivos n'a pas fourni à l'appelante de reçu officiel aux fins de l'impôt;

 

f)                    l'appelante n'est pas en droit d'inclure le montant du don dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables et de l'impôt payable pour l'année d'imposition 1997.

 

B.        POINTS EN LITIGE

 

8.         La question est de savoir si l'appelante avait droit à un crédit pour don de bienfaisance en vertu de l'article 118.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »).

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOYENS INVOQUÉS ET CONCLUSIONS RECHERCHÉES

 

9.         Il invoque l'article 118.1 de la Loi et l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu, tels que modifiés pour l'année d'imposition 1997.

 

10.       Il fait valoir que, du fait que le montant du don n'était pas un don de bienfaisance au sens du paragraphe 118.1(1) de la Loi, l'appelante n'avait pas droit à un crédit d'impôt pour don de bienfaisance en vertu du paragraphe 118.1(3) de la Loi.

 

[4]     Les hypothèses 7a) et b) n'ont pas été réfutées au moyen de la preuve. L'hypothèse 7e) a été réfutée au moyen de la pièce A‑2 et du témoignage de l'appelante.

 

[5]     En 1997, l'appelante et son époux ont adopté deux enfants russes par l'entremise de CHRC. Durant le processus d'adoption, ils ont reçu la pièce R-2 datée du 9 septembre 1997, à laquelle ils se sont plus ou moins conformés par la suite.

 

[6]     La pièce R-2 décrit une série d'« étapes » intitulées [TRADUCTION] « Le processus d'adoption du CHRC » et indique notamment ce qui suit :

 

1.       À la fin de l'étape no 2, qui décrit un certain nombre de procédures et d'honoraires, figure le paragraphe [TRADUCTION] « Don payable à CHRC à l'étape no 2 : 3 000 $ CAD ».

 

2.       À l'étape no 5, on trouve le paragraphe souligné suivant :

 

[TRADUCTION]

 

Après l'adoption d'un enfant, un reçu d'impôt pour don de bienfaisance est émis pour un montant approximatif de 11 000 $ CAD, ce qui ouvre droit à une déduction de l'impôt payable de 5 000 $ en moyenne au titre des dons de bienfaisance.

 

[7]     La pièce A‑1 renferme les reçus pour les mandats-poste envoyés par l'appelante et des notes prises par elle sur des auto-collants au cours des conversations téléphoniques qu'elle a eues au sujet du processus d'adoption avec les représentants de CHRC. L'appelante a indiqué [TRADUCTION] « don de 5 400 $ au CHRC » et [TRADUCTION] « don de 5 000 $ US ». Cependant, en dollars canadiens, les reçus pour les mandats-poste correspondent approximativement au montant de 14 000 $ indiqué sur le reçu émis. Les montants étaient les suivants :

 

7 mai 1997                      5 400 $

7 mai 1997                      3 772,98 $

7 mai 1997                      5 159,01 $

TOTAL                          14 329,99 $

 

Il convient de préciser que ces montants ont été versés avant le 9 septembre 1997.

 

[8]     Dans le cadre de sa plaidoirie, l'avocate de l'intimée a attiré l'attention de la Cour sur les paragraphes 7 et 12 de l'arrêt Woolner c. La Reine, C.A.F., no A‑912‑97, 21 octobre 1999, 99 DTC 5722, qui sont libellés comme suit :

 

Notre Cour a posé qu'un don, au sens où l'entend la common law, est un transfert volontaire d'un ou de biens d'une personne à une autre, à titre gratuit et non en exécution d'une obligation contractuelle, sans attente ou espoir d'un avantage matériel en contrepartie. En l'espèce, il est manifeste que les contributions étaient volontaires. Reste à savoir si elles ont été faites dans l'attente ou l'espoir d'un avantage matériel.

 

[…]

 

Les contribuables soutiennent qu'il n'y a aucun lien entre les contributions faites et les bourses accordées. Il y a cependant la preuve concluante d'un tel lien. À chaque demande de bourse, le demandeur est invité à remplir une formule de promesse de don. En outre, un rapport du comité d'aide aux élèves renferme cette indication : « Nous présumons que l'élève et/ou les parents contribueront autant que possible au fonds ». Qui plus est, ceux qui ne tenaient pas entièrement leur promesse de don, se le faisaient rappeler.

 

[9]     La Cour conclut que l'appelante et son époux ont véritablement fait don du montant en cause parce qu'ils souhaitaient faire œuvre de charité et venir en aide aux enfants russes vivant dans des orphelinats. L'appelante et son époux se font un devoir de veiller au bien‑être des enfants, et non seulement de ceux qu'ils ont adoptés. L'appelante a témoigné, et la Cour accorde foi à ses propos, qu'elle‑même et son époux avaient fait les dons librement, en plus de verser les honoraires demandés, afin qu'ils soient utilisés pour prendre soin des orphelins russes, les nourrir et veiller à leur santé, et qu'ils ont vérifié qu'il en était ainsi quand ils sont allés en Russie.

 

[10]    La Cour est d'avis que le montant de 3 000 $ mentionné à l'étape 2 a été versé comme condition pour mener à terme le processus d'adoption. Le reste du montant est un don que les Jubenville ont fait à titre gratuit sans aucune obligation contractuelle et sans attente ou espoir de contrepartie matérielle. Il s'agissait d'un don de bienfaisance légitime à un organisme de bienfaisance enregistré de la part des Jubenville.

 

[11]    Ce n'est qu'après 1997 que Revenu Canada a effectué une vérification à l'égard de Tzivos et a ultérieurement établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante. Celle‑ci n'a jamais agi de façon malhonnête, non plus qu'elle a usé de subterfuge. Au contraire, toutes ses actions étaient motivées par le désir de faire œuvre de charité.

 

[12]    Cependant, les Jubenville ont fait un versement après le 9 septembre 1997. L'étape 2 de la pièce R‑2 donne effectivement l'impression que CHRC s'attendait à recevoir un « don » de 3 000 $ à cette étape du processus d'adoption. Dès lors, le don semble s'inscrire dans le cadre d'une obligation contractuelle exécutée dans l'espoir d'une contrepartie matérielle. Il n'existe aucune preuve permettant d'établir avec certitude le moment où cette étape a eu lieu ni le moment lorsque le montant de 3 000 $ a été versé. Néanmoins, dans ces circonstances, cette somme doit être soustraite du montant de 14 000 $ indiqué sur le reçu émis à l'appelante pour l'année 1997.

 

[13]    L'appel est admis relativement à 11 000 $ du montant total de 14 000 $ dont l'appelante a demandé la déduction pour l'année 1997. L'appelante est en droit de demander un crédit pour don de bienfaisance de 11 000 $ en vertu de l'article 118.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu pour 1997.

 

[14]    L'appelante a dû se déplacer de Yorkton (Saskatchewan) à Regina, ce qui représente plus de 320 kilomètres aller‑retour. Elle a droit à un montant de 200 $ au titre des débours engagés. Elle a également retenu les services d'un avocat aux fins de la préparation de l'Avis d'appel, ce pour quoi elle a droit à des dépens de
150 $. En conséquence, elle a droit à un montant total de 350 $ au titre des frais et débours engagés relativement à l'appel.

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 3e jour de juillet 2002.

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

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