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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-4161(IT)I

ENTRE :

TIMOTHY S. JONES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 16 avril 2002 à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelant :                         Me William I. Innes

 

Avocate de l'intimée :                          Me Margaret Nott

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté et la cotisation du ministre est confirmée.

 

Signé à Corner Brook (Terre-Neuve), ce 27e jour de juin 2002.

 

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juin 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020627

Dossier: 2001-4161(IT)I

 

ENTRE :

 

TIMOTHY S. JONES,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel est interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie pour l'année d'imposition 1999 et dont l'avis est daté du 1er octobre 2001. Par cette nouvelle cotisation, le ministre a inclus dans le revenu de l'appelant un montant de 15 500 $ au titre d'une bourse d'études que l'appelant avait reçue pour fréquenter, comme externe, l'Upper Canada College (le « collège »). Il s'agissait en fait d'une bourse de 16 000 $, mais le ministre a admis une réduction de 500 $, conformément à l'alinéa 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

Faits

 

[2]     Il n'y avait pas vraiment de point litigieux quant aux faits de l'espèce. L'appelant, né le 20 octobre 1985, était un jeune de 16 ans qui, en 1999, après un concours ouvert aux élèves de tout le Canada, s'était vu accorder une bourse d'études par le collège. La bourse avait une valeur nominale de 16 000 $ et couvrait les frais de scolarité d'un externe fréquentant le collège.

 

[3]     L'appelant n'a pas reçu d'argent comptant. La bourse d'études ne pouvait être convertie en espèces. Les frais de scolarité ont été imputés sur le compte de l'élève, et le montant de la bourse a été porté au crédit de ce compte par voie d'écritures comptables. Le montant de la bourse ne pouvait être transféré à une autre partie.

 

[4]     Le collège savait que l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'« ADRC ») considérait que le montant reçu était imposable, ce dont les élèves étaient informés. Pour l'année d'imposition 1999, l'école a envoyé à l'appelant un formulaire T4A indiquant, dans la case « Autres revenus », un montant de 16 000 $ au titre de la bourse d'études de l'appelant.

 

[5]     L'appelant a fait opposition à la cotisation, et le ministre a, par voie de nouvelle cotisation, inclus seulement 15 500 $ dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1999, reconnaissant que la première tranche de 500 $ de la bourse n'était pas imposable. La cotisation initiale a fait l'objet d'autres ajustements mineurs, à l'égard desquels il n'est pas fait appel.

 

[6]     Patti A. MacNicol était une comptable agréée agissant comme directrice des finances pour le collège et elle était bien au courant de la bourse d'études qui avait été accordée, ainsi que du programme de bourses d'études du collège. Elle a décrit le processus au terme duquel des bourses d'études sont accordées à chaque année à des élèves qui ont les qualités requises et qui ne peuvent payer eux‑mêmes les frais. L'avoir net de chaque demandeur est pris en considération et doit être confirmé. Les bourses d'études sont toutes basées sur un besoin financier relatif. Le montant que l'appelant a reçu dans l'année en cause était destiné à couvrir les frais de scolarité et d'autres frais à payer à cette époque. En sus des frais de scolarité, il faut habituellement payer environ 3 000 $ ou plus pour fréquenter le collège.

 

[7]     Il s'agit d'un processus annuel, et chaque famille doit refaire une demande, car le montant accordé, s'il en est, peut ne pas être le même.

 

[8]     Ce que l'appelant a reçu en 1999, ce n'est pas de l'argent comptant. Mme MacNicol a confirmé que la bourse ne peut être convertie en espèces. Les frais de scolarité sont imputés sur le compte de l'élève, et ce compte est crédité du montant de la bourse par voie d'écritures comptables. Ce montant ne peut être transféré à une autre partie.

 

[9]     Mme MacNicol a dit clairement au cours de son témoignage que le collège savait que l'ADRC considérait cette bourse d'études imposable entre les mains du bénéficiaire, ce dont chaque bénéficiaire était informé. Cela les avait beaucoup préoccupés au collège, car il y a beaucoup de bons élèves qui ne viennent pas au collège parce qu'ils ne peuvent supporter le fardeau fiscal que représente l'imposition de la bourse entre les mains du bénéficiaire. On perd de bons élèves et athlètes au collège à cause de cela.

 

[10]    Mme MacNicol a expliqué le fonctionnement du processus de sélection, ainsi que le fondement de la bourse d'études, et elle a expliqué comment le montant de la bourse est porté au crédit du compte de l'élève et inscrit dans les livres du collège. Elle a répété que, si le demandeur refusait la bourse d'études, celle‑ci irait à quelqu'un d'autre, ce dont le collège déciderait.

 

[11]    Gordon Jones, qui était technologue en orthopédie, est le père de l'appelant. Il a expliqué comment l'appelant s'était vu attribuer la bourse d'études. Il a reconnu la section 2 de la pièce A‑1, soit une lettre du collège en date du 13 mai 1999 avisant Gordon Jones et son épouse que l'appelant s'était vu accorder une bourse d'excellence de 16 000 $ pour l'année 1999. La lettre confirmait que l'ADRC considérait comme des avantages imposables les bourses d'études comme celle qui a été accordée à l'appelant. Gordon Jones a dit que le montant de la bourse d'études avait été déclaré à l'ADRC au nom de l'appelant. Il a confirmé qu'il savait que la bourse serait imposable. Ils acceptaient cela. Ils ignoraient quel serait le montant de l'impôt, mais, comme il disait, ils croyaient « que ce serait mince ».

 

[12]    Gordon Jones a reconnu la section 4 de la pièce A‑1, soit un état du collège au nom de l'appelant pour 1999 indiquant comment le montant de la bourse d'études avait été porté au crédit du compte de l'appelant au collège. Il a également reconnu la section 7 de cette pièce, soit une demande pour l'année scolaire 2000‑2001 concernant l'octroi d'une bourse de 18 000 $ à l'appelant pour ladite année. Encore là, dans cette lettre, le collège rappelait aux parents que l'aide financière était assimilée à un avantage imposable par l'ADRC et il disait que, selon de récentes propositions budgétaires, le niveau d'exemption pourrait être porté à 3 000 $. Le collège faisait de nouveau remarquer que le montant de la bourse serait déclaré à l'ADRC au nom du fils pour la période pour laquelle ce montant était porté au crédit du compte du fils. Des documents figurant aux sections 8 à 12 étaient des copies d'états financiers du collège au nom de l'appelant, et une lettre en date du 6 mars 2001 figurant à la section 10 indiquait que l'appelant s'était vu accorder une bourse d'études de 20 000 $ pour l'année 2001‑2002. Encore là, la lettre rappelait aux parents que l'ADRC considérait l'aide financière comme un avantage imposable, seule la première tranche de 3 000 $ étant reçue en franchise d'impôt. Elle indiquait également que le montant de la bourse serait déclaré à l'ADRC au nom du fils pour la période pour laquelle ce montant était porté au crédit du compte du fils.

 

[13]    La section 12 de la pièce A‑1 était une copie de la déclaration spéciale T1 pour 1999 remplie par Gordon Jones au nom de l'appelant. Gordon Jones avait inclus le montant de 16 000 $ dans le revenu, mais, a‑t‑il dit ensuite : « Je pensais avoir un crédit pour ça. » La section 13 était une lettre de l'appelant à l'ADRC en date du 23 avril 2001 dans laquelle l'appelant indiquait qu'il s'opposait au fait que soit imposé le montant de 18 000 $ pour l'année d'imposition 2000. Gordon Jones a répété que l'année d'imposition 1999 avait fait l'objet d'une opposition. Les autres documents de la pièce A‑1 se rapportaient au différend qui oppose l'ADRC, qui considère que le montant de la bourse d'études est imposable, et l'appelant, qui estime que ce montant n'est pas imposable.

 

[14]    Gordon Jones a répété que l'appelant n'avait jamais eu la somme en cause entre les mains.

 

[15]    Au cours du contre‑interrogatoire, Gordon Jones a dit que l'appelant n'avait pas reçu d'argent comptant. L'appelant a bel et bien fréquenté le collège et, s'il n'avait pas reçu une bourse d'études, il lui aurait fallu verser les 16 000 $. Gordon Jones était enchanté que son fils ait reçu la bourse d'études. Ils n'auraient pu payer eux‑mêmes les frais.

 

[16]    Au cours du réinterrogatoire principal, Gordon Jones a dit que l'appelant aurait poursuivi ses études dans le système public s'il n'avait pas reçu la bourse.

 

[17]    L'appelant, Timothy Jones, a dit qu'il fréquentait le collège dans l'année en cause. Il y est entré, au niveau de la neuvième année, à l'automne 1999. Après avoir reçu de l'information de la famille sur l'occasion qui s'offrait à lui, il a tenté sa chance et a fini par obtenir la bourse d'études. Il n'a pas reçu d'argent comptant et ne pouvait en recevoir. Interrogé au sujet de sa situation financière, il a dit que ses économies s'élevaient à environ 4 000 $, soit une somme en réserve pour des études postsecondaires. Son avoir net était de 4 500 $ en 1999 et est à peu près le même aujourd'hui. Il n'a pas touché à cet argent.

 

[18]    L'appelant n'a pas reçu d'argent comptant ni de biens du collège pour ce qui est du montant de la bourse en cause. Il fréquentait le collège sans avoir à payer les frais de scolarité. Il devait toutefois payer lui‑même les frais relatifs à des manuels et à des uniformes. Il aimait fréquenter le collège, qu'il considérait comme une très bonne école lui offrant de réelles possibilités que les écoles publiques n'offraient pas, et il était heureux d'être là.

 

[19]    Au cours du réinterrogatoire principal, l'appelant a dit que, s'il n'avait pas reçu une bourse d'études, il aurait fréquenté une école secondaire située près de chez lui et aurait alors dû payer les frais relatifs aux manuels et aux excursions scolaires, mais pas de frais de scolarité.

 

Arguments invoqués pour l'appelant

 

[20]    Dans son argumentation orale et écrite, l'avocat de l'appelant a dit que ce qui est imposable en vertu de la Loi, c'est de l'argent et non des choses « éphémères ». Les bourses d'études de l'appelant étaient en réalité « de simples écritures » dans les registres comptables du collège. En 1999, l'avoir net de l'appelant n'a pas concrètement augmenté en raison de la bourse d'études ou d'autre chose. Il y a deux questions à trancher dans le présent appel, à savoir : 1) Quel était le « montant » de la bourse d'études reçue par l'appelant en 1999, c'est‑à‑dire quelle était « la valeur [...] exprimée en argent » de cette bourse? 2) Si le « montant » de la bourse d'études reçue par l'appelant en 1999 fait que l'appelant est imposable, est‑ce que cela représente une injustice si fondamentale que cette honorable cour devrait, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré, recommander au ministre de rendre un décret de remise au titre de l'impôt en vertu des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11?

 

[21]    L'avocat fait remarquer que les bourses d'études sont assujetties à l'impôt en vertu des dispositions de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Si des sommes étaient effectivement versées à l'élève, le calcul de l'impôt serait simple, mais, lorsqu'un établissement accorde une bourse d'études postsecondaires, il porte simplement un montant au crédit du compte de l'élève pour le paiement des frais de scolarité. L'évaluation est un point quelque peu théorique, car, quelle que soit la valeur de la bourse d'études, l'élève a droit à un crédit compensatoire pour frais de scolarité.

 

[22]    Un problème se pose toutefois lorsque la bourse couvre des frais de scolarité relatifs à des études primaires ou secondaires, car, depuis 1988, on ne peut se prévaloir d'une déduction ou d'un crédit compensatoire pour frais de scolarité relatifs à de telles études.

 

[23]    La seule indication législative à l'alinéa 56(1)n) de la Loi est que la somme reçue à titre de bourse d'études est imposable. Le terme « montant » est défini au paragraphe 248(1) de la Loi comme désignant la « valeur [...] exprimée en argent » du droit ou de la chose en cause.

 

[24]    L'avocat a fait référence à l'affaire Wilkins (H.M. Inspector of Taxes) v. Rogerson, 39 Tax Cases 344 (C.A. (Angleterre)), et il a émis l'avis que la valeur d'une chose ou d'un droit reçu par un contribuable est la valeur pour ce contribuable et non le coût pour la personne accordant la chose ou le droit au contribuable.

 

[25]    Dans la présente espèce, la bourse d'études en cause n'avait aucune valeur pécuniaire pour l'appelant, malgré le fait que ce dernier aimait sans doute fréquenter le collège et était avantagé par les normes élevées du collège. Il s'agissait d'avantages purement personnels n'ayant aucune valeur pécuniaire.

 

[26]    Les montants reçus en l'espèce ne visaient pas le gîte et le couvert, bien qu'il soit possible que des montants reçus à cet égard représentent des avantages pécuniaires quantifiables.

 

[27]    De même, dans le cas d'un non‑résident qui n'aurait pas par ailleurs droit à des études secondaires gratuites au Canada, on pourrait arguer qu'une bourse d'études représente un avantage pécuniaire, mais, encore là, tel n'est pas le cas dans la présente espèce.

 

[28]    Les affaires relatives à des réductions de prix et bourses d'études assujetties à l'impôt comme revenus d'emploi entre les mains d'un parent d'un élève ne nous aident pas en l'espèce. La disposition d'assujettissement de l'alinéa 6(1)a) de la Loi est beaucoup plus vaste (« avantages quelconques ») que dans le cas de l'alinéa 56(1)n). Elle vise en outre à imposer l'avantage entre les mains du parent / employé et non entre les mains de l'élève. La politique sous‑jacente à l'imposition de formes supplémentaires de revenus d'emploi (avantages sociaux) est complètement différente de ce qu'il en est dans le cas de l'assujettissement d'un élève à l'impôt sur une bourse d'études d'ordre non pécuniaire qui est basée sur le besoin. À cet égard, l'avocat a fait référence à l'affaire Detchon c. La Reine, C.C.I., no 92‑460(IT)G, 25 octobre 1995 (96 D.T.C. 2032), ainsi qu'à l'affaire Guay c. La Reine, C.C.I., no 93‑3028(IT)I, 21 mai 1996 (96 D.T.C. 1534).

 

[29]    L'avocat a fait état de certaines des causes relatives à des avantages accordés à un employé dans lesquelles la Cour d'appel s'est fondée sur une analyse quant à savoir s'il y avait eu un avantage économique effectif pour le contribuable ou si le statu quo avait simplement été maintenu, auquel cas l'avantage n'était pas imposable. Voir l'affaire Canada (Procureur général) c. Hoefele, [1996] 1 C.F. 322 (95 D.T.C. 5602 (C.A.F.)).

 

[30]    À la lumière de ces causes, l'avocat a fait remarquer que l'avoir net de l'appelant était resté pratiquement le même depuis 1991. L'appelant avait un peu plus de 4 000 $ en obligations d'épargne du Canada et une petite somme sous forme d'intérêts cumulés. Si la valeur nominale de ces bourses d'études est considérée comme imposable entre ses mains, son avoir net sera réduit à néant. D'un point de vue économique, il est tout simplement insensé de conclure que ces bourses confèrent un avantage économique et de rendre l'appelant insolvable.

 

[31]    De plus, la bourse d'études n'a pas conféré un avantage économique à l'appelant; elle lui a simplement permis de recevoir gratuitement au collège une formation de niveau secondaire qu'il était déjà légalement en droit de recevoir dans les écoles publiques de Toronto.

 

[32]    L'avocat était disposé à admettre que le fait de fréquenter le collège pouvait comporter certains avantages (et inconvénients) éphémères, mais, soutenait‑il, ces avantages ne correspondent pas, du moins en l'espèce, aux types d'avantages qui peuvent être exprimés en argent et imposés; quoi que ce soit qu'ils puissent être, les avantages en cause ne sont pas des dollars.

 

[33]    En résumé, l'avocat soutenait que la « valeur [...] exprimée en argent » de la bourse d'études de 16 000 $ reçue par l'appelant en 1999 était nulle ou, du moins, inférieure aux exemptions personnelles applicables au cas de l'appelant pour l'année d'imposition 1999.

 

[34]    Toutefois, dans l'hypothèse où la Cour conclurait que l'appelant était imposable sur le montant de la bourse qu'il a reçue, il conviendrait que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire et recommande au ministre de rendre un décret de remise au titre de l'impôt en vertu des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques. À cet égard, l'avocat a cité l'affaire Moulton c. Canada, [2002] A.C.I. no 80 (C.C.I.), ainsi que l'affaire Watanabe c. La Reine, C.C.I., no 98‑1049(IT)I, 25 mars 1999 (99 D.T.C. 822).

 

[35]    Selon l'avocat, l'imposition des montants en cause rendrait l'appelant insolvable, ce qui représenterait une politique à tout le moins douteuse.

 

[36]    L'avocat arguait en outre que, du point de vue du principe général, une telle règle ferait tout simplement que les bourses d'études fondées sur les besoins — comme celles qui sont accordées par le collège — deviendraient complètement inopérantes. Aucun des élèves ne pourrait se permettre de les accepter. Le simple fait de proposer que les écoles comme le collège « majorent » tout simplement leurs bourses pour permettre aux élèves de payer l'impôt n'aiderait pas. Cela reviendrait simplement à établir un impôt indirect sur le revenu à l'égard d'organismes de bienfaisance exonérés d'impôt et à détourner des ressources affectées à l'exercice d'activités de bienfaisance.

 

[37]    En conclusion, l'avocat soutenait que le fait d'imposer la valeur nominale de la bourse d'études reçue par l'appelant en 1999 serait très dur et injuste pour l'appelant et sa famille et il demande à notre honorable cour de faire au ministre une recommandation en conséquence.

 

[38]    Comme mesure de redressement, estimait l'avocat, la Cour devrait ordonner que la cotisation portée en appel soit déférée au ministre pour nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la « valeur [...] exprimée en argent » de la bourse d'études de 16 000 $ reçue par l'appelant en 1999 était nulle ou, du moins, inférieure aux exemptions personnelles applicables au cas de l'appelant pour l'année d'imposition 1999; sinon, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et recommander au ministre de rendre un décret de remise au titre de l'impôt en vertu des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

Arguments invoqués pour l'intimée

 

[39]    Dans son argumentation écrite et orale, l'avocate de l'intimée établissait un rapport entre les faits de l'espèce et les faits examinés par la Cour dans l'affaire Wilkins, précitée (dans laquelle le contribuable était un employé, ce qui n'est toutefois pas le cas en l'espèce). Les frais de scolarité ne visent pas le coût du costume qui était en cause dans l'affaire Wilkins. Ils se rapportent au droit de fréquenter une école.

 

[40]    L'avocate arguait que, en vertu des dispositions de l'alinéa 56(1)n) de la Loi, sont à inclure dans le calcul du revenu de l'appelant pour une année d'imposition :

 

Bourses d'études, de perfectionnement, etc. — l'excédent éventuel :

(i) du total des sommes (à l'exclusion des sommes visées à l'alinéa q), des sommes reçues dans le cours des activités d'une entreprise et des sommes reçues au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi) reçues au cours de l'année par le contribuable à titre de bourse d'études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une œuvre remarquable réalisée dans son domaine d'activité habituel, à l'exclusion d'une récompense visée par règlement,

sur le plus élevé de 500 $ et du total des montants dont chacun représente le moins élevé des montants suivants : [...]

 

[41]    Le paragraphe 248(1) de la Loi définit comme suit le terme « montant » :

 

« montant » — « montant » Argent, droit ou chose exprimés sous forme d'un montant d'argent, ou valeur du droit ou de la chose exprimée en argent. Toutefois : [...]

 

Le terme « montant » désigne de l'argent ou, dans le cas d'une chose ou d'un droit autre que de l'argent, la valeur de la chose ou du droit exprimée en argent ou le chiffre correspondant sur le plan monétaire.

 

[42]    À l'appui de cette position, l'avocate a également fait référence à l'affaire Blais c. M.R.N., C.C.I., no 86‑112(IT), 28 avril 1989 (1989 Carswell Nat 474), aux pages 5 et 6. Dans cette affaire, la Cour traitait d'une « pension alimentaire » et considérait qu'il était tout à fait naturel que cela soit exprimé en argent. L'avocate a en outre fait référence à la signification du terme « recevoir », et sa position était la suivante :

 

[TRADUCTION]

Le mot « recevoir » désigne le fait de bénéficier ou de profiter de quelque chose sans nécessairement l'avoir entre les mains.

 

[43]    Au soutien de cette position, l'avocate a fait référence aux affaires suivantes : Morin c. La Reine, C.F. 1re inst., no T‑4328‑78, 16 octobre 1974 (75 D.T.C. 5061), aux paragraphes 24 à 29; Hoffman c. M.R.N., C.F. 1re inst., no T‑648‑83, 15 octobre 1985 (85 D.T.C. 5508), aux paragraphes 9 à 16; Kurisko c. M.R.N., C.F. 1re inst., no T‑2937‑84, 31 août 1988 (88 D.T.C. 6434), aux paragraphes 13 à 17.

 

[44]    En ce qui a trait au terme anglais « scholarship » (« bourse d'études »), la position de l'avocate était que ce mot désigne une somme d'argent ou l'équivalent offert (par un organisme d'éducation, un organisme public ou privé, une organisation ou une fondation) pour permettre à un élève de poursuivre ses études à l'école, au collège ou à l'université[1].

 

[45]    L'avocate a fait référence à l'affaire La Reine c. Amyot, [1977] 1 C.F. 43 (76 D.T.C. 6217) (1re inst.), aux paragraphes 11 et 12, et elle disait que cette décision appuyait sa position.

 

[46]    Au sens ordinaire du libellé de l'alinéa 56(1)n), la bourse d'excellence de 16 000 $ était une somme reçue par l'appelant au cours de l'année d'imposition 1999 à titre de bourse d'études. Au soutien de cette position, l'avocate a fait référence à des éléments pertinents comme : le feuillet T4 établi au nom de l'appelant; le relevé de compte du collège pour 1999‑2000 qui faisait état des montants; une lettre de J. Reid Barter, directeur du service des admissions, à M. et Mme G. S. Jones en date du 13 mai 1999 indiquant que la somme était imposable; l'offre de bourse d'études en date du 25 mai 1999, qui indiquait la même chose; la page Web du collège concernant les admissions, l'aide financière et les bourses d'études, qui n'indiquait pas le contraire; la description du terme anglais « scholarship » (« bourse d'études ») figurant dans le Concise Oxford.

 

[47]    Sinon, la bourse d'excellence était un droit de fréquenter le collège, droit dont la valeur exprimée en argent était de 16 000 $, soit le montant reçu par l'appelant au cours de son année d'imposition 1999, et l'appelant a bénéficié de cette somme sans nécessairement l'avoir entre les mains.

 

[48]    À l'appui de cette position, l'avocate a fait référence à l'affaire Hoffman, précitée, aux paragraphes 9 à 16, ainsi qu'à l'affaire Kurisko, précitée, aux paragraphes 13 et 15, et à l'affaire Blais, précitée, aux paragraphes 16 et 17.

 

[49]    On a dispensé l'appelant de payer les frais de scolarité. Un tel droit entre dans le cadre du terme « montant » défini à l'article 248 de la Loi. Il n'est pas nécessaire qu'une personne ait eu une somme entre les mains pour que l'on considère qu'elle s'est vu accorder un droit ou une chose. La Loi traite de l'imposition d'une bourse d'études, et c'est ce à quoi il est fait référence dans l'affaire Amyot, précitée, soit une décision appliquant la règle du sens ordinaire, comme cela devrait être fait en l'espèce.

 

[50]    Ce qui est imposé en l'espèce, c'est le droit de l'appelant de fréquenter un collège pour poursuivre ses études, quoique l'appelant n'ait pas reçu d'argent comptant. L'argent a été transféré à la fondation et a ensuite été transféré dans le compte de l'appelant. Cela ne correspond pas aux faits de l'affaire Detchon, précitée, dans laquelle le juge présidant le procès a déféré la question au ministre pour que, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, une remise de l'impôt et des intérêts fixés au titre des avantages puisse être accordée, parce qu'une pratique antérieure avait porté les contribuables à croire que le ministre n'appliquerait pas la politique qu'il avait publiée. Dans cette affaire, aucune somme n'avait en fait été transférée. Les enfants d'enseignants recevaient une formation gratuitement ou payaient des frais de scolarité réduits dans des écoles et collèges où les parents enseignaient, et le ministre avait considéré qu'il s'agissait d'avantages et en avait imposé la valeur.

 

[51]    L'avocate arguait également que, malgré le fait que l'appelant ne pouvait transférer le montant de la bourse d'études, celle‑ci aurait pu être transférée à quelqu'un d'autre si l'appelant ne l'avait pas acceptée et elle devait donc avoir une valeur.

 

[52]    En guise de réfutation, l'avocat de l'appelant a dit que les affaires Morin, Hoffman et Kurisko, précitées, ne nous aident pas dans la présente espèce pour ce qui est de la question de la rentrée d'argent, car, dans ces causes‑là, il s'agissait d'une rentrée d'argent réputée. Aucune preuve présentée à la Cour n'indiquait quelle était la valeur du droit, mais trois témoins ont dit que la bourse d'études n'avait aucune valeur pécuniaire.

 

Analyse et décision

 

[53]    Dans les observations préliminaires qu'il a faites à la Cour, l'avocat de l'appelant a dit que, dans l'avis d'appel, l'appelant alléguait au sujet de la bourse d'études que ce qu'il avait en fait reçu était non pas de l'argent ou un bien quelconque, mais simplement la possibilité de fréquenter l'école sans qu'on lui fasse payer les frais de scolarité. L'avocat de l'appelant faisait valoir que le ministre n'avait pas nié cette allégation dans ses hypothèses. L'avocate de l'intimée a cependant fait remarquer que, dans la réponse à l'avis d'appel, au paragraphe 4, le ministre niait les allégations de fait contenues dans l'avis d'appel, sauf celles qui étaient admises, ce qui n'incluait pas le paragraphe 5.

 

[54]    Quoi qu'il en soit, la Cour est convaincue que le ministre a établi à l'égard de l'appelant une cotisation basée sur le fait que l'appelant avait reçu du collège le montant de 16 000 $ relativement à la bourse d'études et que c'est au sujet de ce montant que l'appel de la cotisation est interjeté.

 

[55]    En l'espèce, il n'y a pas vraiment de différend quant aux faits ni quant à la question de savoir quelles dispositions de la Loi doivent être prises en considération.

 

[56]    L'alinéa 56(1)n) de la Loi, intitulé « Bourses d'études, de perfectionnement, etc. », dispose que le contribuable doit inclure dans son revenu pour une année d'imposition :

 

l'excédent éventuel :

(i) du total des sommes (à l'exclusion des sommes visées à l'alinéa q), des sommes reçues dans le cours des activités d'une entreprise et des sommes reçues au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi) reçues au cours de l'année par le contribuable à titre de bourse d'études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une œuvre remarquable réalisée dans son domaine d'activité habituel, à l'exclusion d'une récompense visée par règlement, [...]

 

[57]    Dans cette disposition de la Loi, les termes importants sont : « sommes [...] reçues » et « bourse d'études ». Ces termes ne sont pas définis, mais le mot « montant » est défini comme suit au paragraphe 248(1) de la Loi :

 

« montant » Argent, droit ou chose exprimés sous forme d'un montant d'argent, ou valeur du droit ou de la chose exprimée en argent. [...]

 

Dans l'affaire Blais, précitée, aux paragraphes 16 et  17, le terme « montant » a fait l'objet d'un certain examen. La Cour a conclu que ce mot désigne « soit l'argent, soit, s'il s'agit de droits ou de choses autre que de l'argent, leur valeur exprimée en argent ou le chiffre correspondant sur le plan monétaire ».

 

[58]    Le terme « recevoir » a été examiné dans l'affaire Morin, précitée, et la Cour a statué au paragraphe 24 :

 

      Cette proposition, nous regrettons de le dire, nous semble absolument inadmissible, car le mot recevoir ou toucher veut évidemment dire en bénéficier ou en profiter.  En recevoir les avantages sans être obligé de l'avoir dans ses mains.

 

La Cour a en outre cité et approuvé le jugement Lucien Gingras v. M.N.R. (inédit), dans lequel il est dit (aux pages 4 et  5 de la version anglaise) :

 

[TRADUCTION]

Le terme « touché » ne signifie pas nécessairement que le montant intégral du salaire doit avoir été physiquement reçu par le bénéficiaire du paiement ou déposé intégralement dans le compte bancaire de ce dernier.

 

D'après l'interprétation de l'article 5, qu'il suffise de dire que le montant du salaire a été versé par l'employeur à l'employé lui‑même ou au profit de ce dernier ou qu'il a été remis à un tiers en vertu d'une loi fédérale ou provinciale.

 

[59]    Contrairement à l'affaire Morin, les affaires Hoffman et Kurisko, précitées, qui ont été invoquées par l'avocate de l'intimée, étaient des causes dans lesquelles l'argent avait été versé à un tiers et non pas directement au contribuable, qui arguait qu'il n'avait pas reçu la somme. Toutes ces causes étayent toutefois la proposition voulant que, pour que l'on considère qu'un contribuable a reçu un avantage, il n'est pas nécessaire que le contribuable ait en fait eu l'argent entre les mains; il suffit qu'il ait reçu une valeur en argent et qu'il ait bénéficié ou profité de quelque chose.

 

[60]    La Cour n'a aucun doute quant au fait qu'en l'espèce, ce que l'appelant a reçu entre dans le cadre de la définition de « Bourses d'études » figurant à l'alinéa 56(1)n). Il est indubitable que, dans la présente espèce, l'argent correspondant à la bourse d'études est allé dans le compte de l'appelant au collège. La preuve établit clairement que l'écriture passée dans le compte de l'appelant fait état de la somme d'argent en cause et que l'on débitait périodiquement ce compte pour indiquer ce qu'il restait à l'appelant comme crédit après que des frais étaient imputés sur ce compte. La Cour est donc convaincue que, quoi que ce soit qu'elle représente, la bourse d'études a en fait été reçue par l'appelant, malgré le fait que ce dernier ne l'a pas eue entre les mains, qu'il n'a en fait jamais reçu le montant en argent et qu'il n'a jamais pu le contrôler, sauf qu'il savait que le montant de la bourse compensait les frais imputés sur son compte.

 

[61]    L'avocat de l'appelant a posé la question de savoir ce qu'est le montant de la bourse d'études reçue par l'appelant. Sa position est que la bourse n'avait aucune valeur pécuniaire pour l'appelant, sauf que ce dernier peut avoir reçu des avantages purement personnels n'ayant aucune valeur pécuniaire. Conformément à l'arrêt Wilkins, précité, l'avocat de l'appelant a argué que la valeur d'une chose ou d'un droit reçu par un contribuable est la valeur pour ce contribuable et non le coût pour la personne accordant la chose ou le droit au contribuable. Il reste la question de savoir si l'appelant a reçu quelque chose de valeur du fait que son compte a été crédité du montant de la bourse d'études.

 

[62]    L'avocat a fait une analogie avec les diverses causes qui se rapportaient à des avantages accordés à des employés et dans lesquelles il s'agissait de savoir s'il y avait eu un avantage économique effectif pour le contribuable ou si le statu quo avait simplement été maintenu. Dans la présente espèce, disait‑il, le contribuable n'a rien reçu de concret, et il n'y avait donc aucun avantage imposable.

 

[63]    La position de l'avocat était que l'avoir net de l'appelant était resté pratiquement le même, car en définitive, après avoir fréquenté l'université, l'appelant avait dans son compte d'épargne à peu près la même somme qu'avant d'obtenir la bourse d'études.

 

[64]    La Cour n'est pas convaincue que les causes susmentionnées soient très utiles. Dans ces causes, il est indubitable que ce que les contribuables ont reçu était quelque chose qui avait une valeur en argent, mais, en fin de compte, parce qu'il leur avait fallu débourser autant d'argent ou même plus, ils ne se retrouvaient pas dans une meilleure situation financière qu'avant. En l'espèce, l'avocat relie cela au fait que l'appelant aurait pu gratuitement recevoir une formation de niveau secondaire en fréquentant des écoles publiques. Comme l'appelant a décidé d'aller au collège, la bourse d'études lui permettait simplement de recevoir une formation de niveau secondaire sans en payer les frais, mais il n'était pas en meilleure posture que s'il était allé à l'école publique, où il n'aurait pas eu à payer de frais.

 

[65]    Assurément, ce que l'appelant a reçu dans le cas présent était un « montant » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. Il est vrai que l'appelant n'a pas lui‑même reçu l'argent, mais l'argent a été transféré dans son compte et a été utilisé pour payer ses dépenses, qu'il lui aurait fallu payer lui‑même s'il n'avait pas reçu la bourse d'études. Donc, l'appelant a assurément reçu de l'argent, une valeur en argent, une chose ou un droit exprimé sous forme d'un montant d'argent ou la valeur, exprimée en argent, de ce droit, qui consistait à ce que le montant de la bourse d'études soit porté au crédit de son compte.

 

[66]    Pour ce qui est du terme « recevoir », la Cour ne doute pas non plus que l'appelant a bénéficié ou profité du dépôt du montant de la bourse d'études dans son compte au collège. Si l'appelant n'avait pas reçu la bourse, il lui aurait fallu payer les frais lui‑même.

 

[67]    Notre cour n'est pas d'accord sur l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel la bourse d'études n'a conféré aucun avantage économique à l'appelant. Le fait d'avoir reçu la bourse d'études ou la valeur de celle‑ci a permis à l'appelant de fréquenter le collège — quels que soient les avantages que cela pouvait comporter et quelle que soit la raison pour laquelle l'appelant voulait être là — sans avoir à payer lui‑même les frais ou sans que ses parents aient à payer les frais. Le fait que l'appelant pourrait avoir reçu une formation de niveau secondaire gratuitement ailleurs qu'au collège ne change rien à ce résultat. De même, la Cour ne saurait être d'accord sur l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel la valeur, exprimée en argent, de la bourse d'études de 16 000 $ était nulle ou, du moins, inférieure aux exemptions personnelles applicables au cas de l'appelant pour l'année d'imposition en cause.

 

[68]    Dans l'affaire Detchon, précitée, dans laquelle les contribuables exerçaient un emploi d'enseignants dans une école privée du Québec et leurs enfants fréquentaient l'école gratuitement, contrairement à d'autres élèves, le juge Rip a décidé que chacun des contribuables avait reçu un « avantage » relatif à un emploi, avantage dont la valeur était égale aux frais de scolarité que les parents d'autres élèves devaient payer à l'école. Cela ne correspond pas exactement aux faits de la présente espèce et, encore là, cette affaire a été tranchée en se fondant sur un avantage reçu par les parents, mais elle souligne bel et bien que le savant juge présidant le procès a conclu qu'un avantage avait été reçu, même s'il s'agissait d'un avantage sous forme de cours gratuits.

 

[69]    En définitive, la Cour est convaincue que la preuve établit que l'appelant a reçu dans l'année en cause un avantage imposable tenant à la bourse d'études de 16 000 $ et que cet avantage était bel et bien imposable entre les mains de l'appelant comme l'indique la cotisation.

 

[70]    La seconde question est de savoir si le fait de rendre l'appelant imposable au titre du montant de la bourse d'études représente une injustice si fondamentale que notre honorable cour devrait, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré, recommander au ministre de rendre un décret de remise au titre de l'impôt en vertu des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[71]    Comme l'a fait remarquer l'avocat, lorsque la bourse couvre des frais de scolarité relatifs à des études primaires ou secondaires, le problème se pose, car, depuis 1988, on ne peut se prévaloir d'une déduction ou d'un crédit compensatoire pour frais de scolarité relatifs à de telles études comme ce pouvait être le cas avant 1988. Aucune preuve n'a été présentée quant à savoir pourquoi ce changement a été apporté. Qu'il suffise de dire que, pour l'année en cause, un tel crédit compensatoire n'existait pas.

 

[72]    L'appelant a témoigné que, s'il n'avait pas reçu la bourse d'études, ses parents n'auraient pas eu les moyens de l'envoyer à ce collège, et il n'y serait pas allé, car il aurait pu recevoir gratuitement une formation dans les écoles publiques. La preuve indique toutefois clairement que, dès le début, l'appelant et ses parents étaient au courant des conséquences fiscales de l'acceptation de la bourse et qu'ils se sont fondés sur le fait que les conséquences fiscales seraient négligeables, croyant sans doute qu'il y aurait des crédits compensatoires. Cependant, ils ont continué à demander la bourse les années suivantes, malgré le fait que le montant de la bourse augmentait chaque année, que les conséquences fiscales seraient vraisemblablement plus lourdes et que, comme ils le savaient, le ministre maintenait sa position selon laquelle les montants reçus chaque année étaient imposables.

 

[73]    Les faits de l'espèce diffèrent de ce qu'il en était dans l'affaire Detchon, précitée, dans laquelle le juge Rip était disposé à recommander au ministre de rendre, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, un décret de remise de l'impôt et des intérêts fixés au titre des avantages, dans la mesure où la situation était attribuable à une pratique de l'ADRC consistant à ne pas appliquer la politique publiée, ce qui avait porté les contribuables à croire qu'ils ne seraient pas imposés. En l'espèce, ce n'est pas le cas. C'est exactement le contraire, car l'appelant et ses parents n'ont jamais été fondés à croire que le ministre n'appliquerait pas son interprétation des dispositions pertinentes de la Loi et ils sont allés de l'avant en étant parfaitement au courant de ce qu'il en était.

 

[74]    Les circonstances de l'espèce diffèrent de ce qu'il en était dans l'affaire Moulton, précitée, dans laquelle le juge Bowman a émis l'opinion qu'il serait approprié que le ministre rende un décret de remise. Dans cette affaire, le contribuable avait dans une certaine mesure été influencé par des renseignements qu'il avait reçus de fonctionnaires de l'ADRC à un certain nombre de reprises et il agissait de bonne foi en se fondant sur ce qu'il considérait comme des avis appropriés de fonctionnaires de l'ADRC.

 

[75]    Dans la décision Watanabe, précitée, le juge Bowman a émis une opinion semblable dans une affaire où le ministre avait déjà renoncé aux intérêts par ailleurs payables par suite d'un refus, considérant sans doute qu'il était injuste de fixer des intérêts, car le contribuable s'était fondé sur des avis erronés de l'ADRC. Dans cette affaire, encore là, le juge Bowman a dit, aux paragraphes 7 et 8 :

 

   Mme Watanabe avait toutes les raisons de se fier à l'avis reçu et elle l'a fait de bonne foi.  Elle a cru comprendre qu'elle pouvait déduire 3 500 $ en 1996 et le reste, 1 718, 37 $, en 1997, en dépit de sa cotisation pour l'année en cours au RPA du Collège.

 

   L'avis qu'elle a reçu était erroné.

 

[76]    Ces circonstances sont également différentes de ce qu'il en est dans la présente espèce.

 

[77]    On n'a pas présenté d'observations quant à savoir pourquoi, après 1988, aucune déduction correspondante qui aurait pu avoir été disponible par le passé n'était prévue dans la législation de l'impôt sur le revenu, quant à savoir pourquoi il n'y avait aucune déduction correspondant aux déductions disponibles dans le cas d'études postsecondaires, si ce n'est que cela pouvait avoir échappé à l'attention du législateur. On peut seulement supposer que l'une des raisons peut avoir été que le législateur ne jugeait pas nécessaire d'accorder de telles déductions dans le cas d'études secondaires, étant donné que l'on peut faire de telles études gratuitement dans les écoles publiques. L'élève dont le cas est considéré en l'espèce n'était pas obligé de fréquenter un établissement privé, où les élèves ou leurs parents doivent payer les frais de scolarité et où les avantages pour les élèves peuvent être plus grands — ou du moins perçus comme tels — que dans le cas d'écoles publiques. Toutefois, cela n'a rien à voir avec la décision en l'espèce, et le contribuable et ses parents ont fait le choix librement, sans que des fonctionnaires de l'ADRC exercent une influence.

 

[78]    La Cour n'accorde pas beaucoup de poids non plus à la preuve présentée par la personne assurant la vice‑présidence des finances du collège et selon laquelle la non‑déductibilité des bourses d'études ou l'inexistence d'un crédit compensatoire font que l'on a quelque difficulté à attirer les élèves que l'on veut au collège, parce que les élèves ne peuvent se prévaloir de la bourse d'études en raison des inconvénients fiscaux.

 

[79]    La Cour doit interpréter la législation de la manière dont elle la voit. Dans ce cas‑ci, une simple lecture des dispositions législatives indique que le montant est imposable. Il ne convient pas en l'espèce que la Cour recommande au ministre d'accorder une remise.

 

[80]    Dans le cas qui nous occupe, le recours approprié consisterait à tenter de faire modifier la loi, à essayer de convaincre les autorités législatives compétentes que la loi devrait être modifiée parce que c'est dans l'intérêt de tous les contribuables ou que c'est globalement important.

 

[81]    Si notre cour devait recommander au ministre de rendre un décret de remise, tout bénéficiaire d'une bourse d'études serait en mesure de demander la même chose, et les résultats pourraient avoir une ampleur considérable.

 

[82]    La Cour est convaincue que le ministre a établi une cotisation bien fondée. L'appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée.

 

Signé à Corner Brook (Terre-Neuve), ce 27e jour de juin 2002.

 

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juin 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1]  Concise Oxford Dictionary, Oxford University Press, Grande‑Bretagne (1990), page 1080 (« Concise Oxford »).

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