Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2001-989(IT)I

ENTRE :

BRUCE ROSENBERG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée,

et

 

NANCI PACH,

tierce partie.

 

 

Appels entendus le 9 novembre 2001 et le 16 janvier 2002, à Toronto (Ontario),

 

par l'honorable juge A.A. Sarchuk

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                           Me James Rhodes

Avocat de la tierce partie :                   Me Michael F. Charles

 

 

JUGEMENT SUR LE RÈGLEMENT DE QUESTIONS EN VERTU DE L’ARTICLE 174 DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

 

Par voie d’ordonnance datée du 16 août 2001, Nanci Pach a été constituée tierce partie aux appels de Richard Rosenberg, afin que puissent être tranchées les questions suivantes :

 

1.       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers ont-ils été payés aux termes d’un accord écrit?

 

2.       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu de l’alinéa 60b) et des paragraphes 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi?

 

3.       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b) et des paragraphes 56.1(1) et 56.1(2) de la Loi?

 

Après audition de la preuve de l’appelant et de la tierce partie, et après avoir entendu les observations présentées par les trois parties,

 

la Cour statue comme suit :

 

1.       La réponse à la question 1 est affirmative.

 

2.       Les réponses à la question 2 sont les suivantes :

 

a)       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu des paragraphes 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi? – Non.

 

b)      Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu de l’alinéa 60b)? – Oui.

 

c)       Les montants versés par Bruce Rosenberg à des tiers peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu de l’alinéa 60b)? – Non.

 

3.       Les réponses à la question 3 sont les suivantes :

 

a)       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu des paragraphes 56.1(1) et 56.1(2) de la Loi? – Non.

 

b)      Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b)? – Oui.

 

c)       Les montants versés par Bruce Rosenberg à des tiers doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b)? – Non.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2002.

 

 

 

« A.A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2004.

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

 

Date : 20020524

Dossier : 2001-989(IT)I

 

ENTRE :

BRUCE ROSENBERG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée,

et

 

NANCI PACH,

tierce partie.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT SUR LE RÈGLEMENT DE QUESTIONS EN VERTU DE L’ARTICLE 174 DE LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

 

Le juge Sarchuk

 

[1] Dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 1997 et 1998, l’appelant, Bruce Rosenberg, a déduit les montants de 27 000 $ et de 37 793 $ au titre de paiements de pension alimentaire faits à Nanci Pach. En établissant la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre du Revenu national (le ministre) a, sur ces deux montants, refusé la déduction de 15 000  $ et de 25 793 $ respectivement.

 

[2]     Le 20 juin 2001, le ministre a présenté une demande en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi), en vue d’obtenir, d'une part, une ordonnance constituant Nanci Pach partie dans les appels de Bruce Rosenberg et, d'autre part, une décision sur des questions concernant :

 

a)       les avis de nouvelle cotisation datés du 24 mai 2000 pour les années d’imposition 1997 et 1998 de M. Rosenberg;

 

b)      les nouvelles cotisations proposées pour les années d’imposition 1997 et 1998 de Mme Pach.

 

Le 16 août 2001, la juge Lamarre Proulx a rendu une ordonnance constituant Nanci Pach partie aux appels de Bruce Rosenberg.

 

[3]     Les questions à l’égard desquelles une décision est demandée sont les suivantes:

 

a)       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers ont-ils été payés aux termes d’un accord écrit?

 

b)      Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu de l’alinéa 60b) et des paragraphes 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi?

 

c)       Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b) et des paragraphes 56.1(1) et 56.1(2) de la Loi?

 

[4]     Au début du procès, les parties ont produit un exposé conjoint des faits, qui est ainsi rédigé :

 

[TRADUCTION]

 

CONTEXTE

 

1.         Les années d’imposition 1997 et 1998 sont celles visées par les appels.

 

2.         Tant Nanci Pach que l’appelant étaient des résidents du Canada aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (ci-après appelée « la Loi »).

 

3.         Nanci Pach et l’appelant se sont mariés le 15 septembre 1983 et se sont séparés le 1er septembre 1994, l’appelant quittant le foyer conjugal (soit la propriété située au 137, avenue Westmoreland – ci-après appelée « la propriété »).

 

4.         L’appelant et Nanci Pach ont vécu séparés à tous les moments pertinents depuis le 1er septembre 1994.

 

5.         Trois enfants, âgés de seize, treize et huit ans, sont issus du mariage. Ils habitent la propriété avec Nanci Pach.

 

6.         L’appelant et Nanci Pach ont signé un accord de séparation écrit daté du 17 avril 1994.

 

7.         Dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 1997 et 1998, l’appelant a déduit les montants de 27 000 $ et de 37 793 $ au titre de paiements de pension alimentaire effectués par lui.

 

8.         Dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 1997 et 1998, Nanci Pach a inclus les montants de 27 000 $ et de 37 793 $ au titre de paiements de pension alimentaire reçus.

 

9.         Par voie d’avis de cotisation mis à la poste le 19 mai 1998 et le 13 mai 1999, respectivement, le ministre du Revenu national (ci-après appelé « le ministre ») a établi des cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1997 et 1998.

 

10.       Par voie d’avis de cotisation mis à la poste le 9 novembre 1998 et le 20 mai 1999, respectivement, le ministre a établi des cotisations à l’égard de Nanci Pach pour les années d’imposition 1997 et 1998.

 

11.       Le 21 décembre 1999, Nanci Pach a produit une formule de demande de rajustement d'une T1 pour l’année d’imposition 1997; elle demandait la suppression du revenu de pension alimentaire de 27 000 $. La demande était fondée sur l’explication et les détails suivants : « les paiements de pension alimentaire reçus n’étaient prévus ni par une ordonnance d'un tribunal ni par un accord de séparation écrit. Le comptable précédent a commis une erreur en déclarant ce montant à titre de revenu imposable ».

 

12.       Le 21 décembre 1999, Nanci Pach a produit une formule de demande de rajustement d'une T1 pour l’année d’imposition 1998; elle demandait la suppression du revenu de pension alimentaire de 37 793 $. La demande était fondée sur l’explication et les détails suivants : « les paiements de pension alimentaire reçus n’étaient prévus ni par une ordonnance d'un tribunal ni par un accord de séparation écrit. Le comptable précédent a commis une erreur en déclarant ce montant à titre de revenu imposable ».

 

13.       Par voie d’avis de nouvelle cotisation simultanés mis à la poste le 24 mai 2000, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1997 et 1998 et a refusé les montants de 15 000 $ et de 25 793 $, respectivement, sur les déductions de paiements de pension alimentaire qu'il avait faites.

 

14.       Par voie d’avis de nouvelle cotisation postés le 24 juillet 2000, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de Nanci Pach pour les années d’imposition 1997 et 1998.

 

15.       Par voie d’avis de ratification daté du 12 janvier 2001, le ministre a confirmé ses nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1997 et 1998.

 

16.       Le 16 mars 2001, l’appelant a interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt.

 

17.       En vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu (ci-après appelée « la Loi »), l’intimée a présenté une demande datée du 18 juillet 2001 visant à obtenir que Nanci Pach soit constituée partie à l’appel de Bruce Rosenberg.

 

18.       Le 15 août 2001, la juge Lamarre Proulx, juge en chef par intérim de la Cour canadienne de l’impôt, a ordonné que Nanci Pach soit constituée partie au présent appel.

 

19.       Selon l’accord de séparation écrit mentionné au paragraphe 6 ci-dessus, l’appelant était tenu de payer diverses dépenses spécifiées se rapportant à la propriété, lesquelles n’étaient toutefois ni chiffrées ni décrites. Ces dépenses consistaient dans « les versements hypothécaires, les dépenses mensuelles afférentes au 137, avenue Westmoreland, y compris l’impôt foncier, l’électricité, le gaz, le téléphone, l’assurance, le câble, les frais d’automobile (y compris l’essence et l’assurance), l’aide domestique, ainsi que d’autres dépenses non expressément énumérées ». En outre, l’accord stipulait que l’appelant devait verser à Nanci Pach un montant supplémentaire de « 1 000 $ par mois à titre d’aliments ».

 

VERSEMENTS CONVENUS

 

1997

 

20.       Au cours de l’année d’imposition 1997, Nanci Pach a reçu de l'appelant des versements directs s'élevant à 36 800 $.

 

21.       Au cours de l’année d’imposition 1997, l’appelant a versé un montant de 4 291,36 $ à la Banque nationale.

 

22.       Au cours de l’année d’imposition 1997, l’appelant a versé un montant de 3 512,84 $ à Canada Trust.

 

23.       Au cours de l’année d’imposition 1997, l’appelant a versé un montant de 1 150,62 $ à Assurances Monnex.

 

24.       Au cours de l’année d’imposition 1997, l’appelant a versé un montant de 847,49 $ à Dominion Insurance.

 

25.       Au cours de l’année d’imposition 1997, l’appelant a versé un montant de 2 600 $ au receveur général du Canada.

 

1998

 

26.       Au cours de l’année d’imposition 1998, Nanci Pach a reçu de l'appelant des versements directs s'élevant à 34 889,56 $.

 

27.       Au cours de l’année d’imposition 1998, l’appelant a versé un montant de 1 006,84 $ à Assurances Monnex.

 

28.       Au cours de l’année d’imposition 1998, l’appelant a versé un montant de 883,56 $ à Dominion Insurance.

 

S’ajoutent aux faits admis les témoignages de l’appelant et de Nanci Pach.

 

Contexte

 

[5]     L’appelant et Nanci Pach se sont mariés en septembre 1983. En 1994, le mariage s’était révélé un échec; l’appelant et Mme Pach étaient en instance de séparation. À cette époque-là, l’appelant habitait encore dans la maison familiale, qu’on le pressait de quitter. À peu près au même moment est venu le temps de renouveler l’hypothèque grevant la maison familiale (dont le titre était au nom de Mme Pach) et Mme Pach a refusé de signer les documents pertinents avant que l’appelant accepte de quitter. L'impasse a mené à la rédaction de l’accord de séparation (l’accord) et à la signature par l'appelant et Mme Pach des documents hypothécaires, suivies du déménagement de l’appelant. L’accord, daté du 17 avril 1994, prévoit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Je, Bruce Rosenberg, conviens d’effectuer les versements hypothécaires se rapportant au 137, avenue Westmoreland, à Toronto, après ma séparation de Nanci Pach, pendant une période de cinq ans ou jusqu’à ce que Nanci Pach me libère par écrit de cette obligation. Je conviens également de verser un montant de 1 000,00 $ par mois à titre d’aliments et de payer les dépenses mensuelles afférentes au 137, avenue Westmoreland, y compris l’impôt foncier, l’électricité, le gaz, le téléphone, l’assurance, le câble, les frais d’automobile (y compris l’essence et l’assurance), l’aide domestique, ainsi que d’autres dépenses non expressément énumérées.

 

Je reconnais également avoir refusé, lorsqu’on m’a invité à le faire pour Nanci Pach, de dresser une liste de biens, c'est-à-dire de meubles, que je voulais prendre, ou d'indiquer verbalement que cela m'intéressait d'en prendre. Je laisse plutôt à Nanci Pach le soin de les attribuer.  

 

Fait à Toronto, ce 17e jour d’avril 1994.

 

Témoin :

 

                                                                        « Nanci Pach »

 

                                                                        « Bruce Rosenberg »

 

[6]     D’après l’appelant, l’accord visait à confirmer leur entente mutuelle selon laquelle l’appelant, du fait que Mme Pach n’avait aucune source de revenu à ce moment-là, assumerait lui seul les charges liées à l'entretien de la famille jusqu’à ce que Mme Pach soit en mesure d’en assumer une partie. Dans son témoignage, Mme Pach a confirmé que l’accord exigeait de l’appelant qu’il fournisse à titre d’aliments les montants y prévus. Toutefois, Mme Pach a soutenu que le paiement direct des dépenses du ménage par l’appelant n'avait jamais dû être autre chose qu'une mesure provisoire conçue pour permettre à Mme Pach de se remettre sur ses pieds. En conséquence, tel qu'il avait été convenu, Mme Pach recevait au stade initial un paiement direct de 1 000 $ par mois, tandis que les autres dépenses énumérées dans l’accord étaient payées par l’appelant. Trois ou quatre mois après la signature de l’accord, elle insistait pour dire qu’il était temps que les paiements lui parviennent directement afin qu'elle puisse être autonome. Mme Pach a indiqué très clairement que les paiements dont elle faisait mention correspondaient aux dépenses nécessaires pour maintenir le train de vie habituel de la famille. En effet, elle a déclaré : [TRADUCTION] « ce qu’il lui en avait coûté pour pourvoir aux besoins du ménage pendant les trois mois, c'est ce dont j'allais avoir besoin ». L’appelant a accepté et, à partir de ce moment-là et conformément à leur accord, les sommes nécessaires ont été versées directement à Mme Pach[1], à l'exception seulement des paiements à des tiers, dont la plupart ont continué à être faits par l’appelant en 1997 et en 1998[2].

 

[7]     Dans son témoignage, l’appelant a précisé qu’en 1997, son cabinet d'avocat n'allait pas bien et les paiements étaient devenus un fardeau. Selon lui, vers le mois de janvier 1998, Mme Pach a accepté une réduction des paiements à 3 200 $ par mois, moins une déduction convenue tenant compte de certains autres paiements, tels que l'impôt sur le revenu, l’assurance-automobile et l’assurance-maison de Mme Pach. Bien que l’appelant soutienne qu’il y a eu accord écrit à cet égard, aucun document n’a été produit. Mme Pach, pour sa part, nie l’existence d’un tel accord, qu'il soit verbal ou écrit. L’interrogatoire et le contre-interrogatoire sur cette question ont pris beaucoup de temps mais ont donné peu de renseignements utiles et, tout compte fait, n’ont pas permis d’établir l’existence d’un nouvel accord ou d’un accord modifié. Quoi qu’il en soit, les parties ne contestent pas qu’un tel accord aurait modifié le montant seulement et non la base sous-jacente sur laquelle les paiements étaient effectués aux termes de l’accord de 1994.

 

Analyse

 

[8]     La première question : Les montants versés par l’appelant à Mme Pach ou à des tiers ont-ils été payés aux termes d’un accord écrit?

 

          La preuve établit clairement que les conditions énoncées dans l’accord ont été comprises et acceptées par les deux parties. L’avocat de Mme Pach a soutenu que cette dernière avait accepté ces conditions sans en saisir toutes les conséquences, en raison de son manque d’expérience et de connaissances en matière fiscale. Je ne suis pas d'accord. Mme Pach est une jeune femme intelligente qui s'exprime bien. À mon avis, dans son témoignage, elle a démontré qu’elle se rendait assez bien compte de la somme nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux des enfants et aussi qu’elle avait la ferme conviction que les montants devaient lui être versés directement afin qu’elle puisse les utiliser à sa discrétion. Je suis convaincu qu’il est impossible d’interpréter le document déposé sous la cote A-4 autrement que comme un enregistrement écrit des paiements de pension alimentaire dont l’appelant et Mme Pach ont convenu.

 

[9]     Les deuxième et troisième questions : Les montants versés par M. Rosenberg à Mme Pach ou à des tiers peuvent-ils être déduits par lui en vertu de l’alinéa 60b) et des paragraphes 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi et, par conséquent, doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Mme Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b) et des paragraphes 56.1(1) et 56.1(2) de la Loi?

 

Position de Nanci Pach, la tierce partie

 

[10]    a)       Se fondant sur les dispositions du paragraphe 56.1(4) et les définitions des expressions « pension alimentaire » et « pension alimentaire pour enfants », l’avocat de Mme Pach a soutenu que, [TRADUCTION] « pour qu'un montant soit déductible, il doit être précisé expressément qu'il est destiné uniquement à subvenir aux besoins du conjoint »[3]. Selon lui, ces définitions indiquent clairement que, puisque l'accord ne précisait pas que les montants y mentionnés constituaient des allocations payables à la conjointe, ils deviennent alors une « pension alimentaire pour enfants » et ne peuvent être déduits par l’appelant. L’avocat prétend donc que l’appelant ne peut déduire qu’un montant de 4 000 $ pour 1997[4] et qu’il n’a droit à aucune déduction pour 1998.

 

b)      L’avocat a également soutenu que le montant fixe de 1 000 $ constituait le seul montant de pension alimentaire limité et établi à l’avance ayant été versé aux termes de l’accord. Selon lui, puisqu’il n’existe aucune limite à l’égard des autres montants, lesquels ne sont d'ailleurs ni définis ni chiffrés, ceux-ci ne peuvent être déduits aux fins de la Loi.

 

c)       L’avocat a également fait valoir que les paiements faits à des tiers détaillés aux paragraphes 21 à 25, 27 et 28 de l’exposé conjoint des faits ne sont pas déductibles, parce qu'il aurait fallu que l’accord fasse expressément référence aux paragraphes 60.1(2) et 56.1(2). Puisque tel n’est pas le cas, il faut démontrer que les paiements faits à des tiers constituaient une pension alimentaire et, a soutenu l’avocat, d'après la preuve ils ne l’étaient pas.

 

Analyse

 

[11]    Avant de traiter des arguments invoqués pour le compte de Mme Pach, il faut se pencher sur la question de savoir si les déductions demandées par l'appelant peuvent être fondées sur les dispositions du paragraphe 60.1(2) de la Loi. Celui-ci, de même que le paragraphe 56.1(2), qui lui fait pendant, exige que l’accord contienne des termes clairs et non équivoques permettant de conclure que les deux parties à l’accord voulaient que le montant en cause soit déductible et qu’il soit aussi à inclure dans le revenu. L’accord en cause n’utilise pas le libellé exigé par le paragraphe 60.1(2), de sorte que celui-ci ne s’applique pas. Puisque l’accord ne contient ni en termes explicites ni en termes implicites l'énoncé exigé par la Loi[5], la réponse à la première partie de la question deux est que l’appelant n’a pas droit à une déduction fondée sur les dispositions du paragraphe 60.1(2).

 

[12]    Selon le premier argument invoqué pour le compte de Mme Pach, les montants payés constituaient une « pension alimentaire pour enfants » et ne pouvaient donc être déduits par l’appelant. Les définitions sur lesquelles se fonde l’avocat de Mme Pach font partie de modifications apportées par 1998, ch. 19, paragraphe 97(2) et s’appliquant aux montants reçus après 1996. Afin de déterminer le traitement fiscal d’un paiement de pension alimentaire reçu après 1996, il faut établir d'abord si le montant constitue une « pension alimentaire » ou une « pension alimentaire pour enfants » au sens des définitions au paragraphe 56.1(4). En vertu de ce dernier paragraphe, après 1996 l’expression « pension alimentaire pour enfants » s’entend de la pension alimentaire qui, d’après l’accord, n’est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d’un bénéficiaire qui est le conjoint du payeur. Bien que l’accord présenté à cette Cour ne fasse aucune mention des enfants, il serait difficile de soutenir que les paiements étaient destinés uniquement à subvenir aux besoins de Mme Pach. Ainsi, les montants payés constituent, par définition, une « pension alimentaire pour enfants » et, conformément à la modification de 1998, ils ne sont ni à déduire du revenu du payeur ni à inclure dans celui du bénéficiaire. Toutefois, cela ne règle pas la question, puisque l’argument invoqué ne tient pas compte du fait que, même si les montants de « pension alimentaire pour enfants » en cause ont été reçus après 1996, l’accord entre les parties précède la loi modificative. Pour être soustraite selon la formule énoncée à l’alinéa 56(1)b) de la Loi, la « pension alimentaire pour enfants » doit être une telle pension que le payeur était tenu de verser aux termes d’un accord à la « date d’exécution » de celui-ci ou postérieurement. La loi prévoit également que la « pension alimentaire pour enfants » ne comprend pas un montant ayant été reçu aux termes d’un accord écrit qui n’a aucune « date d’exécution », selon la définition de cette expression que donne la Loi[6]. Les anciennes dispositions s’appliquent aux ordonnances et accords antérieurs à mai 1997. Ainsi, dans l’application de la formule énoncée à l’alinéa 56(1)b), les « montants de pension alimentaire pour enfants » à recevoir aux termes d’ordonnances sans « date d’exécution » antérieures à mai 1997 ne doivent pas être inclus dans l’élément B de la formule et n’auraient pas pour effet de réduire le total des montants de pension alimentaire décrits dans l’élément A de l’alinéa 56(1)b)[7]. Dans de tels cas, la « pension alimentaire pour enfants » est encore à inclure dans le calcul du revenu du bénéficiaire.

 

[13]    L’avocat de Mme Pach soutient également que les paiements effectués, exception faite du montant fixe de 1 000 $, n’étaient ni limités ni établis à l’avance. Bien que la preuve ne soit pas aussi claire et précise qu’elle aurait pu l’être, je ne puis en arriver à la même conclusion. Quoique les paiements de pension alimentaire en sus du montant fixe de 1 000 $ n’aient pas été expressément chiffrés dans l’accord, la preuve indique qu’ils ont été discutés à fond et, en raison de la nature même des dépenses, étaient d’une façon générale limités et établis à l’avance. Je fais notamment référence au témoignage de l’appelant selon lequel lui et Mme Pach avaient [TRADUCTION] « parlé des montants à être versés directement chaque mois », et au fait que, selon ce qu’il s'en souvenait, [TRADUCTION] « le montant était habituellement fixe et se situait aux alentours de 3 200 $ ». En outre, Mme Pach ne conteste pas que des paiements directs de 3 200 $ et de 3 000 $ par mois lui ont été faits en 1997 et en 1998 respectivement. De plus, les chèques fournis régulièrement à Mme Pach par l’appelant étaient faits à l’ordre de celle-ci et n'étaient pas destinés à être utilisés pour effectuer des paiements déterminés. En fait, la preuve indique clairement que Mme Pach, en tant que bénéficiaire de ces chèques, était tout à fait libre d’exercer sa discrétion en affectant à un compte ou à un autre les fonds dont elle disposait ou en décidant quand ces comptes seraient payés ou s'ils le seraient. Puisque les montants de pension alimentaire pour enfants en cause résultent d’un accord sans « date d’exécution », ils n’ont pas pour effet de réduire le total de la pension alimentaire dont il s'agit à la division 60b)(A) de la Loi[8].

 

[14]    La dernière question à examiner est celle de savoir si les paiements ayant été faits à des tiers par l’appelant au cours des années d’imposition 1997 et 1998 l'ont été à titre de « pension alimentaire [...] payée », au sens de l’alinéa 60b) de la Loi, à Mme Pach. L’accord lui-même ne permet à l’appelant ni expressément ni implicitement de s’acquitter de l’obligation que lui impose l’accord en faisant des paiements à des tiers. En outre, la preuve présentée par l’appelant ne suffit pas pour établir que de tels paiements ont été effectués avec le consentement exprès de Mme Pach. Dans ce contexte, son témoignage a été à tout le moins équivoque et a donné à la Cour la nette impression que l'appelant procédait ainsi surtout parce que c'était commode pour lui. Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, il est impossible de conclure que les paiements en question ont été faits à la discrétion de Mme Pach ou que celle-ci y avait donné son consentement exprès. Je conclus donc que les paiements faits à des tiers au cours des années d’imposition 1997 et 1998 n’étaient pas des paiements de pension alimentaire au sens de l’alinéa 60b) de la Loi.

 

[15]    Réponses

 

1        Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers ont-ils été payés aux termes d’un accord écrit? – Oui.

 

2a)     Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu des paragraphes 60.1(1) et 60.1(2) de la Loi? – Non.

 

2b)     Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu de l’alinéa 60b)? – Oui.

 

2c)     Les montants versés par Bruce Rosenberg à des tiers peuvent-ils être déduits par Bruce Rosenberg en vertu de l’alinéa 60b)? – Non.

 

3a)     Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach ou à des tiers doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu des paragraphes 56.1(1) et 56.1(2) de la Loi? – Non.

 

3b)     Les montants versés par Bruce Rosenberg à Nanci Pach doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b)? – Oui.

 


3c)     Les montants versés par Bruce Rosenberg à des tiers doivent-ils être inclus dans le calcul du revenu de Nanci Pach en vertu de l’alinéa 56(1)b)? – Non.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mai 2002.

 

 

 

« A.A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2004.

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 



[1]           Bien que l’appelant ait effectué les paiements d'une façon irrégulière pour tenir compte de ses propres besoins d’argent, il n’est pas contesté que des paiements directs de 3 200 $ et  de 3 000 $ par mois ont été faits à Mme Pach en 1997 et en 1998 respectivement. Voir aussi la pièce A-18 – lettre de l’avocat de Mme Pach à l’appelant – qui contient le commentaire suivant : [TRADUCTION] « Après la séparation, votre client a convenu de verser à ma cliente une pension alimentaire pour enfants de 3 000 $ par mois en argent, comprenant les versements hypothécaires se rapportant à la maison, ainsi que le paiement de l’impôt sur le revenu de ma cliente découlant de l’inclusion dans son revenu du montant de la pension alimentaire versée en argent ». Bien que la preuve ne l’indique pas clairement, devant l’insistance de Mme Pach, la responsabilité d'effectuer les versements hypothécaires lui aurait été transférée à un moment donné en 1998.

[2]           Les paiements faits à des tiers sont indiqués aux paragraphes 21 à 25, 27 et 28 de l’exposé conjoint des faits.

[3]        56.1(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a)         le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)         le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

 

« pension alimentaire pour enfants »  Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

60.1(4) Les définitions figurant au paragraphe 56.1(4) s'appliquent au présent article et à l'article 60.

[4]           C’est-à-dire 1 000 $ par mois, de janvier à avril 1997 inclusivement, soit les quatre mois précédant la « date d’exécution » définie au paragraphe 56.1(4).

[5]           L’alinéa 60.1(2)b) disait textuellement ceci : « est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement ».

[6]        56.1(4)   « date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

 

a)         si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b)         si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997

(i)         le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii)        si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii)       si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv)       le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[7]           56(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

            […]

b)         le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

                               A - (B + C)

où :

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure.

[8]           60        Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

b)         le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

         A - (B + C)

où :

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure.

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