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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-4324(IT)I

ENTRE :

ANDRE D. BENTOLILA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Lise Bentolila (2001‑4341(IT)I), à Ottawa (Ontario), le 9 mai 2002, par

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                          William Bentolila

Avocat de l'intimée :                                     Me Gordon Bourgard, c.r.

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la cotisation est annulée.

 

Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies en application de la Loi pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant n'est pas redevable des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2002.

 

 

« C. J. Miller »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-4341(IT)I

ENTRE :

LISE BENTOLILA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels d'Andre D. Bentolila (2001‑4324(IT)I), à Ottawa (Ontario), le 9 mai 2002, par

 

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelante :                         William Bentolila

Avocat de l'intimée :                                     Me Gordon Bourgard, c.r.

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelante n'est pas redevable des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2).

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2002.

 

 

« C. J. Miller »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020517

Dossier: 2001-4324(IT)I

ENTRE :

ANDRE D. BENTOLILA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

Dossier : 2001-4341(IT)I

ET ENTRE :

LISE BENTOLILA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Andre Bentolila et Lise Bentolila interjettent appel, sous le régime de la procédure informelle, à l'encontre de nouvelles cotisations du ministre du Revenu national (le « ministre ») pour leurs années d'imposition 1996 et 1997, pour l'année d'imposition 1993 de M. Bentolila et pour l'année d'imposition 1998 de Mme Bentolila; ces appels ont été entendus sur preuve commune. Les Bentolila avaient demandé des crédits d'impôt non remboursables au titre de dons de bienfaisance qui avaient été faits à l'Or Hamaarav Sephardic Congregation, ainsi qu'à l'Arabenel S. Learning Centre dans le cas de Mme Bentolila. Le ministre a rejeté ces demandes et a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     Le cas des Bentolila est curieux en ce qu'un certain nombre de choses inattendues sont arrivées. Premièrement, l'avocat de l'intimée s'est enquis de la nature des cotisations portées en appel. Juste avant le procès, il avait vu une copie d'une cotisation qui lui avait fait penser que certaines des cotisations portées en appel pouvaient être des cotisations portant qu'aucun impôt n'était payable. Comme cela pouvait influer considérablement sur sa façon de procéder, du temps lui a été accordé pour qu'il vérifie auprès du chef des appels du bureau d'Ottawa si, comme il disait, les « appels devaient aller de l'avant ». Le fait que l'intimée détermine une telle question à cette étape tardive était inattendu; quoi qu'il en soit, la réponse, reçue peu après, était que oui, les appels « devaient aller de l'avant ». J'ai ensuite été informé par le fils des appelants, qui agissait comme représentant des appelants, que ni M. Bentolila ni Mme Bentolila n'entendaient témoigner. Après de brèves observations sur la pertinence des hypothèses de l'intimée, ainsi que sur le fait que les appelants pourraient être appelés à témoigner par l'intimée, le représentant des appelants a demandé un bref ajournement. À la reprise de l'audience, il a été convenu que le recueil de documents de l'intimée serait intégralement déposé comme pièce sous la cote A‑1. Le représentant des appelants m'a renvoyé au paragraphe 43 du jugement rendu par le juge Shamai dans l'affaire R. v. Edery, [2001] O.J. no 1437, dans laquelle il était dit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

[...]

 

1994    Abarbanel a indiqué des dons de 285 967 $, mais les reçus pour dons s'élevaient à 758 807 $.

 

1995    Abarbanel a indiqué des dons de 312 229 $, mais les reçus s'élevaient à 995 970 $.

 

1993    Or Hamaarav a indiqué des dons de 180 857 $, mais les reçus s'élevaient à 558 191 $.

 

1994    Or Hamaarav a indiqué des dons de 233 685 $, mais les reçus s'élevaient à 1 296 208 $.

 

1995    Or Hamaraav a indiqué des dons de 363 745 $, mais les reçus s'élevaient à 1 573 208 $.

 

[3]     Deuxièmement, les appelants m'ont renvoyé à une Dénonciation déposée par Frank Manetti contenant 48 allégations contre le rabbin Edery, toutes basées sur la délivrance de faux reçus pour dons de bienfaisance. Aucun des reçus mentionnés ne se rapportait aux appelants.

 

[4]     Le représentant des appelants a ensuite entrepris d'appeler à la barre deux témoins qui avaient été assignés par l'intimée; le premier était Jacob Abecassis, et le second était le rabbin Edery. Les appelants ont fini par décider de ne pas témoigner pour eux‑mêmes, et l'avocat de l'intimée ne les a pas appelés comme témoins. Ayant fait état de ce contexte quant au déroulement du procès, je traiterai maintenant des faits exposés par Jacob Abecassis, par le rabbin Edery, par Mme Edery et par le fonctionnaire de la Direction des enquêtes spéciales de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, Frank Manetti.

 

[5]     Jacob Abecassis était un courtier de Toronto qui offrait un service d'établissement de déclarations de revenu durant les années 1990. En 1995, il avait été mis au courant d'un prétendu programme de dons, par un certain Meyer Cohen. L'essentiel de l'explication donnée par M. Cohen à M. Abecassis était que de riches clients faisaient des dons sans révéler leur nom et que, moyennant des frais d'administration représentant 20 p. 100 de la valeur nominale du don, des clients de M. Abecassis pourraient faire inscrire leur nom sur les reçus pour dons de bienfaisance. Les organismes de bienfaisance en cause étaient des organismes de bienfaisance enregistrés que dirigeait le rabbin Edery, à savoir l'Or Hamaarav Sephardic Congregation et l'Arabenel S. Learning Centre. À un moment donné à la fin de 1995, le rabbin Edery avait dit à M. Abecassis de ne plus faire affaire avec M. Cohen. M. Abecassis indiquait au rabbin Edery le nom et l'adresse de ses clients, ainsi que le montant des reçus nécessaires aux fins de l'impôt. Le rabbin délivrait les reçus demandés et percevait les frais d'administration, qu'il partageait avec M. Abecassis. Le rabbin Edery a témoigné qu'il croyait comprendre que le paiement perçu de clients de M. Abecassis n'était qu'un versement initial, le reste devant suivre plus tard. Aucun solde n'a été versé plus tard, et je n'accepte pas l'explication du rabbin. M. Abecassis a dit qu'il n'avait jamais eu de rapports avec les appelants.

 

[6]     En 1996, M. Abecassis est devenu préoccupé quant au fait que des clients s'adressent directement au rabbin Edery, de sorte qu'il a commencé à établir et délivrer ses propres reçus. Éprouvant apparemment du remords à supplanter le rabbin Edery, il a mis un terme à cette pratique et a en fait versé au rabbin Edery ce qu'il considérait comme étant la part du rabbin dans les honoraires d'administration tirés de son stratagème frauduleux exécuté en solo.

 

[7]     Le rabbin Edery et Jacob Abecassis ont tous les deux été déclarés coupables d'infractions à la Loi. L'enquêteur spécial, Frank Manetti, a confirmé que son enquête avait permis de déterminer l'exactitude des chiffres (paragraphe 2 des présents motifs) indiqués dans la décision rendue par le juge Shamai dans le procès criminel du rabbin Edery. M. Manetti a également témoigné que son enquête avait révélé l'existence d'environ 4 000 reçus et que, comme il leur fallait porter des accusations rapidement, ils avaient examiné les reçus par ordre alphabétique et avaient commencé par s'occuper du cas des contribuables qui étaient disposés à admettre l'utilisation de reçus nettement gonflés au titre de dons de bienfaisance. Le nom des Bentolila n'était pas sur cette liste.

 

[8]     Le rabbin Edery a témoigné que les Bentolila étaient des membres de longue date de sa congrégation. Il les connaît depuis 1974 et considérait qu'il avait une relation spéciale avec eux. Lors de l'interrogatoire auquel il a été soumis par le représentant des appelants, le rabbin Edery n'a pu préciser combien de fois M. Bentolila avait fait des dons et il ne se rappelait pas précisément combien de dons avaient été faits en espèces et combien de dons avaient été faits par chèques. Il a bel et bien déclaré que jamais il n'avait délivré aux Bentolila des reçus gonflés.

 

[9]     Lors de l'interrogatoire auquel il a été soumis par l'avocat de l'intimée, le rabbin Edery n'a admis initialement aucune culpabilité concernant sa condamnation relative aux 48 infractions à la Loi de l'impôt sur le revenu. Après que l'on eut produit la Dénonciation, ainsi que le jugement du juge Shamai, il a fini par admettre qu'il avait été déclaré coupable et qu'il avait été condamné à une détention à domicile d'un an et à une amende de 32 000 $.

 

[10]    En réponse à des questions plus détaillées au sujet des dons des Bentolila, le rabbin Edery a dit que M. Bentolila faisait un certain nombre de dons tout au long de l'année et qu'un seul reçu était ensuite délivré à M. Bentolila. C'était habituellement l'épouse du rabbin Edery qui comptabilisait de tels dons. Mme Edery établissait les reçus, et le rabbin Edery les signait tout simplement. L'avocat de l'intimée a passé en revue tous les reçus produits en preuve qui avaient été délivrés aux Bentolila. Le rabbin Edery ne se souvenait pas bien des dons faits par chèques. Les dons dont il disait se souvenir étaient des dons qui avaient été faits en espèces. Il a témoigné qu'il datait les reçus selon ce qui était demandé par les donateurs. Son témoignage était confus et parfois contradictoire. Il semblait de temps en temps se souvenir de détails relatifs à une visite de M. Bentolila, mais je considère ce témoignage comme peu fiable. Le plus qui puisse être tiré du témoignage du rabbin Edery est que M. Bentolila a rendu visite au rabbin Edery plusieurs fois (dates inconnues), que M. Bentolila a fait divers dons (montants inconnus), surtout en espèces, et que des reçus étaient parfois — pas toujours — remis au moment du don. Si un reçu n'était pas immédiatement remis, l'épouse du rabbin indiquait le montant dans un carnet ou sur un bout de papier. Mme Edery n'a pu produire de tels registres, car elle a témoigné que ces registres étaient jetés une fois les reçus délivrés. Lors du procès criminel de son époux, Mme Edery avait témoigné qu'elle ne tenait pas de registres.

 

[11]    Le rabbin Edery implorait l'avocat de l'intimée de demander aux Bentolila quand et combien ils avaient donné, car il estimait que les Bentolila le sauraient mieux que lui.

 

[12]    Pour ce qui est des reçus, M. Manetti a témoigné que la numérotation de plusieurs des séries de reçus, dont certaines contenaient les reçus remis aux Bentolila, était suspecte. Par exemple, un reçu en date du 30 décembre 1994 délivré à M. Bentolila portait le numéro 6271, alors que le reçu 6273 était daté du mois d'octobre précédent.

 

[13]    Dans le cadre du stratagème décrit par M. Manetti, le rabbin Edery acceptait le montant intégral indiqué dans le reçu, puis il en retournait 90 p. 100 au donateur. Aucune preuve n'indiquait que le rabbin Edery avait agi de la sorte dans le cas des Bentolila.

 

[14]    Je suis convaincu que, durant les années en cause, les Bentolila ont fait des dons aux organismes de bienfaisance enregistrés du rabbin Edery. Contrairement à bien d'autres personnes ayant obtenu des reçus pour dons de bienfaisance, les Bentolila avaient avec le rabbin Edery une relation spéciale de longue date. Je n'ai aucune preuve déterminante que de tels dons ont été faits autrement qu'en espèces. Je n'ai également rien de concluant qui confirme que les reçus ont été délivrés à la date qui est indiquée, et le rabbin a reconnu que, dans bien des cas, la date était proposée par le donateur. Je conclus que les dates indiquées dans les reçus remis aux Bentolila ne correspondent pas aux dates auxquelles les dons en espèces ont en fait été effectués. Me fondant sur les dépositions du rabbin Edery et de l'épouse de ce dernier et comme les appelants n'ont pas témoigné, je ne peux non plus considérer que les dates indiquées dans les reçus correspondent aux dates auxquelles les reçus ont été délivrés. À cet égard, je me fonde aussi sur la numérotation irrégulière des reçus. Étant parvenu à cette conclusion, je passe à l'examen de l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement »), qui se lit comme suit :

 

(1)        Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer que ledit reçu est un reçu officiel aux fins de l'impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon qu'ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

 

a)         le nom et l'adresse au Canada de l'organisation ainsi qu'ils sont enregistrés auprès du Ministre;

 

b)         le numéro d'enregistrement attribué par le Ministre à l'organisation;

 

c)         le numéro de série du reçu;

 

d)         le lieu ou l'endroit où le reçu a été délivré;

 

e)         lorsque le don est un don en espèces, le jour ou l'année où le don a été reçu;

 

e.1)      lorsque le don est un don de biens autres que des espèces,

 

(i)         le jour où le don a été reçu,

(ii)        une brève description du bien, et

(iii)       le nom et l'adresse de l'évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

 

f)          le jour où le reçu a été délivré, si ce jour diffère du jour visé à l'alinéa a) ou e.1);

 

g)         le nom et l'adresse du donateur y compris, dans le cas d'un particulier, son prénom et son initiale;

 

h)         le montant qui correspond

 

(i)         au montant du don en espèces, ou

(ii)        lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, à la juste valeur marchande du bien au moment où le don a été fait; et

 

i)          la signature, ainsi qu'il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d'un particulier compétent qui a été autorisé par l'organisation à accuser réception des dons. 

 

[15]    Les exigences de cet article du Règlement sont précises. Si un don en espèces a été fait un jour donné et que le reçu a été délivré un autre jour, la date de délivrance du reçu doit être indiquée, ainsi que l'année ou le jour où le don a été fait. Les reçus remis aux Bentolila sont défectueux à cet égard. Même si je devais accepter le fait que les reçus indiquaient bien l'année exacte du don, je n'ai pas de preuve suffisante que le reçu porte effectivement la date à laquelle il a été délivré. Dans de telles circonstances, je ne peux admettre que les Bentolila se fondent sur de tels reçus pour dons de bienfaisance. Je rends cette décision sans arriver à une conclusion quant à savoir combien les Bentolila ont donné. Les Bentolila n'étaient pas disposés à témoigner et doivent comprendre la difficulté que cela cause à un juge des faits. Je tiens toutefois à préciser que le fait que je n'admette pas les dons de bienfaisance n'équivaut pas à dénigrer la conduite des Bentolila; cela équivaut plutôt à reconnaître que les Bentolila ont été mêlés à un stratagème frauduleux exécuté par d'autres. Cela m'amène à l'examen des deux questions restantes.

 

[16]    Tout d'abord, pour ce qui est de l'année d'imposition 1993 de M. Bentolila, la nouvelle cotisation est datée du 4 octobre 2000, soit plus de trois ans après le 27 mai 1994, date à laquelle la première cotisation a été envoyée par la poste. L'intimée doit donc se baser sur l'alinéa 152(4)a) de la Loi, qui se lit comme suit :

 

152(4)  Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition.  Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

 

a)         le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)         soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

(ii)        soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

 

[...]

 

[17]    L'avocat de l'intimée m'a renvoyé à l'affaire Nesbitt c. La Reine, C.A.F., no A‑54‑96, 15 novembre 1996 (96 DTC 6588), et plus précisément aux observations suivantes du juge Strayer :

 

[...] un mauvais calcul, fondé sur des faits déclarés de manière exacte, ne peut en soi constituer une présentation erronée de faits. L'appelant a admis que l'erreur faite dans sa déclaration, quelle que soit la manière dont elle était qualifiée,  avait été commise par inattention et qu'il en était responsable même si l'erreur de calcul était l'œuvre de son comptable.

 

Je souscris au raisonnement et aux conclusions du juge de première instance selon lesquels, au sujet des questions qu'il avait à trancher, l'appelant avait fait une présentation erronée de faits et qu'il en était responsable.

 

[...]

 

[...] Il me semble que l'un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l'établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l'erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.

 

[18]    Les circonstances de l'affaire Nesbitt se distinguent des faits de la présente espèce. Dans l'affaire Nesbitt, l'appelant a admis que l'erreur faite dans sa déclaration avait été commise par inattention. Cela entre carrément dans le cadre de l'alinéa 152(4)a). M. Bentolila n'a rien admis de tel : il n'a en fait absolument rien admis, car il n'a pas témoigné. L'intimée veut que je tire une conclusion négative de ce fait, ainsi que des circonstances mêmes du programme frauduleux de dons du rabbin Edery, pour conclure que les Bentolila ont fait une présentation erronée des faits, et ce, par négligence, inattention ou omission volontaire. Je conclus bel et bien qu'il y a eu une présentation erronée des faits, en ce que les Bentolila se sont fondés sur des reçus défectueux, comme je l'ai expliqué précédemment dans les présents motifs. La preuve ne permet toutefois pas de conclure que les Bentolila ont fait une présentation erronée par négligence, inattention ou omission volontaire; cela a plutôt été fait à cause des agissements du rabbin Edery. Il n'y a pas de preuve suffisante pour conclure que les Bentolila auraient dû être conscients d'un problème relatif aux dons faits à un organisme de bienfaisance avec lequel ils faisaient affaire depuis de nombreuses années. Des centaines de milliers de dollars ont en fait été versés aux organismes de bienfaisance au fil des ans. Pour conclure qu'il y a eu négligence, inattention ou omission volontaire, il faudrait conclure que les Bentolila ont agi en toute connaissance de cause, ce que, dans les circonstances, je ne suis pas disposé à conclure du simple fait que les Bentolila n'ont pas témoigné. L'intimée ne peut dans ce cas‑ci se prévaloir du paragraphe 152(4) pour prolonger la période normale de nouvelle cotisation. L'appel de M. Bentolila pour 1993 est admis, et la cotisation est annulée.

 

[19]    Enfin, pour ce qui est des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2), il incombe à l'intimée de prouver que, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, les Bentolila ont fait un faux énoncé dans une déclaration ou y ont participé, y ont consenti ou y ont acquiescé. L'avocat de l'intimée a cité la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. Côté, 2000 DTC 6615, dans laquelle les contribuables avaient obtenu des reçus indiquant des montants quatre fois plus élevés que les prix des œuvres d'art qu'ils venaient d'acquérir. La Cour d'appel fédérale a convenu avec le juge de première instance que les contribuables avaient ainsi fait preuve d'une insouciance marquée ou, à tout le moins, d'une négligence grave. Cela suppose toutefois que le contribuable a agi en connaissance de cause, ce qui n'a pas été prouvé dans la présente espèce. Les Bentolila ont fait certains dons au rabbin Edery. L'intimée n'a pas prouvé que le montant des reçus excédait le montant de ces dons. Il s'ensuit qu'il ne peut s'agir d'un faux énoncé donnant lieu à l'imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2). Il a été démontré que les reçus étaient défectueux en raison d'un datage inapproprié, mais, comme j'ai conclu que, aux fins du paragraphe 152(4), il n'y a pas eu de la part des Bentolila une telle présentation erronée par négligence ou inattention, je ne vais assurément pas conclure que la situation entre dans le cadre de la norme plus stricte qui est prévue au paragraphe 163(2). Les pénalités n'ont pas été imposées à bon droit.

 

[20]    Les appels sont admis et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen en tenant compte du fait que :

 

a)       l'appel interjeté par M. Bentolila pour l'année d'imposition 1993 est admis en tenant compte du fait que la cotisation est annulée;

b)      les appels interjetés par M. Bentolila et Mme Bentolila à l'encontre de pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) sont admis.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2002.

 

 

« C. J. Miller »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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