Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020424

Dossier: 2001-991(IT)I

 

ENTRE :

 

HENRY P. ROSE,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

 

                   Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

 

                   Avocat de l'intimée :                           Me Michael Taylor

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique)

le mercredi 16 janvier 2002)

 

Le juge Margeson, C.C.I.

 

[1]     Dans une cause de cette nature, il incombe à la partie appelante d’établir que la cotisation du ministre du Revenu national (le « ministre ») est erronée. L’avocat de l’intimée a décrit les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui s’appliquent non seulement à l’appelant en l’espèce, mais à tous les contribuables.

 

[2]     La règle de base est qu'une déclaration indiquant tous les revenus gagnés au cours d'une année doit être produite par les contribuables au plus tard le 30 avril de l’année suivante. Dans le cas qui nous occupe, un revenu d’emploi est en cause, ce qui est visé par l’article 5 de la Loi. Cet article dit que le revenu d’un contribuable tiré d’une charge ou d’un emploi est le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications, que le contribuable a reçus au cours de l’année. La Loi crée un système d’autocotisation, car le contribuable est celui qui sait combien il a gagné dans une année. En examinant la déclaration de revenu produite par un contribuable, le ministre peut savoir combien le contribuable a gagné.

 

[3]     Le ministre a évidemment le droit d’exiger que les employés produisent des déclarations de revenu et que les employeurs lui fournissent des renseignements quant à savoir ce que des contribuables ont gagné. En l’espèce, nous avons un « T4 ». L’employeur est tenu de remplir un T4 pour confirmer ce que le contribuable a gagné. Lorsque le contribuable produit une déclaration de revenu, il produit une copie du T4 pour confirmer ce qu’il a gagné. Cela fait partie du système. Le ministre est en droit de compter sur les renseignements indiqués dans le T4 et sur les renseignements fournis par le contribuable.

 

[4]     Dans la présente espèce, on n'a présenté à la Cour aucun élément de preuve indiquant que le ministre avait reçu une déclaration de revenu du contribuable. Le contribuable dit qu’il a bel et bien produit une déclaration de revenu avant que soit établie la nouvelle cotisation en cause. On ne m’a présenté aucune information indiquant que le ministre a en sa possession une telle déclaration et, en fait, la cotisation établie par le ministre était évidemment basée sur le paragraphe 152(7) de la Loi. Ce paragraphe autorise le ministre à établir une cotisation si aucune déclaration de revenu n’a été produite.

 

[5]     Le ministre n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part, c’est‑à‑dire par la déclaration T1 d’un contribuable ou par le formulaire T4. Si aucune déclaration n’a été produite, le ministre peut fixer l’impôt à payer en vertu de cette partie de la Loi.

 

[6]     C’est ce que le ministre a fait, en se fondant sur les seuls renseignements disponibles. Ces renseignements étaient indiqués dans le T4, qui a été produit électroniquement, d’après la preuve. Le témoin qui a comparu pour le ministre a dit qu’il avait électroniquement accédé aux renseignements contenus dans le dossier de l’appelant et qu’il avait découvert le T4 qui indiquait que l’appelant avait gagné 51 277 $ dans l’année en cause et qui faisait état des déductions qui avaient été effectuées. Se basant sur ces renseignements, ce témoin avait établi une cotisation à l’égard du contribuable en vertu du paragraphe 152(7), conformément à la Loi.

 

[7]     Il lui incombait d’informer l’appelant et il l’a fait. Il a fait savoir clairement au contribuable que ce dernier avait le droit d'interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt et il a bel et bien discuté avec le contribuable (de l’aveu même de celui‑ci) de la position du contribuable selon laquelle ce dernier estimait avoir gagné 35 000 $ plutôt que 51 000 $. Pour autant que la Cour le sache, telle est la teneur de la conversation que ces deux personnes ont eue.

 

[8]     Le contribuable s’est bel et bien prévalu de son droit d’interjeter appel à l’encontre de la cotisation, et telle est la question dont notre cour est saisie.

 

[9]     Tout contribuable du Canada qui interjette appel a le droit de se présenter devant la Cour pour être entendu, pour être écouté et pour faire en sorte que les renseignements et les éléments de preuve qu’il fournit soient pris en compte. La Cour doit toutefois rappeler à l’appelant que, à ce stade, le ministre est en droit de se fonder sur la cotisation qu’il a établie tant qu’il n’est pas prouvé que la cotisation est erronée. Le contribuable semble croire (à tort, malheureusement) quelque chose qu’il peut avoir appris d’autres sources, à savoir que le ministre doit prouver que la cotisation est bien fondée.

 

[10]    La loi est telle que, dans notre système d’autocotisation, il serait impossible au ministre de s’acquitter de cette charge, car les renseignements quant à savoir ce que gagne un contribuable sont connus du contribuable surtout et de l'employeur jusqu’à un certain point. Il y a bien des genres de revenus gagnés par un contribuable dont personne ne sait quoi que ce soit, sauf le contribuable lui‑même. Voilà la raison pour laquelle la Loi renferme ce qui est communément appelé un genre de disposition portant inversion de la charge de la preuve; en d’autres termes, le ministre n’a pas à prouver que la cotisation est bien fondée, et l’appelant doit établir que la cotisation est erronée.

 

[11]    En l’espèce, la seule preuve qui ait été présentée quant au montant exact gagné par l’appelant était la preuve contenue dans le T4. Le ministre était en droit de se fonder là‑dessus et d’établir la cotisation. À ce stade, donc, la cotisation est réputée être bien fondée tant que l’appelant n’établit pas qu’elle est erronée.

 

[12]    Quelle preuve a‑t‑on présentée à notre cour pour la convaincre que la cotisation du ministre était erronée? La seule preuve qui ait été présentée tient à l’opinion de l’appelant, qui n’est pas étayée par de la documentation, ni même par une analyse de l’appelant lui‑même ou par une sorte d’état de rapprochement qui indiquerait que les registres de l’appelant montrent que la cotisation établie par le ministre était erronée en ce que l’appelant avait gagné seulement 35 000 $ plutôt que les 51 277 $ que le ministre considère que l'appelant a gagnés.

 

[13]    L’appelant a dit qu’il estime avoir reçu seulement 35 000 $ et que les 16 000 $ restants représentaient des frais qu’il avait payés personnellement et dont le montant lui était dû. Fondamentalement, il dit : « J’ai gagné seulement 35 000 $, et les 16 000 $ restants représentent donc des frais que j’ai payés. Il faut qu’il s’agisse de frais que j’avais payés au nom de la société et dont je n’avais pas été remboursé par cette dernière ».

 

[14]    Lorsque l’appelant a été contre‑interrogé, il lui a fallu admettre qu’il n’avait absolument aucun document pour étayer les frais qu’il avait payés. Il n’avait aucun reçu, mandat, chèque oblitéré, billet d’avion, état de rapprochement ou de registre de la société attestant qu’on lui devait cette somme d’argent. Il est déraisonnable qu’une société ayant apparemment la taille et les moyens du payeur en l’espèce, l’employeur, n’ait pas tenu de livres ou registres indiquant quels montants étaient versés aux employés comme revenus et quels montants étaient dus aux employés au titre de frais payés par eux au nom de la société. Ce serait quelque chose qui serait presque automatique dans un système de comptabilité.

 

[15]    D’après ce qu’a dit l’appelant, il s’agissait d’une grosse société, qui a eu à un moment donné des avoirs importants dans le monde entier. Cette succursale particulière a fait faillite et pouvait ne pas être exploitée de la même manière que les autres parties de la société mère, mais il aurait dû y avoir des registres disponibles pour étayer ce que l’appelant allègue ici.

 

[16]    Dans le cas qui nous occupe, la société a présenté au ministre un formulaire T4 indiquant que l’appelant avait gagné 51 277 $. Ce document fait état de revenus et de certaines déductions. Certes, d’après la preuve présentée par le témoin appelé par le ministre, le montant des déductions était inexact, et la Cour considère cela comme avéré. Encore là, toutefois, il ressort clairement de ce que le témoin de l’intimée a dit et de ce que la Cour peut raisonnablement déduire qu’il y a bien des raisons pour lesquelles, en un an, des déductions salariales suffisantes selon la Loi peuvent ne pas avoir été faites ou des déductions supérieures à ce qui était nécessaire peuvent avoir été faites.

 

[17]    Comme je l’ai mentionné, le montant déduit dans une année donnée peut dépendre du revenu gagné dans l’année précédente. Il peut dépendre du revenu que l’employeur s’attendait que l’appelant gagne dans l’année en cause. Il dépend des renseignements fournis par le contribuable à l’employeur et au gouvernement. Il peut y avoir bien des raisons pour lesquelles le montant à déduire selon le revenu d’un contribuable dans l’année puisse ne pas être le montant exact.

 

[18]    Donc, comment l’appelant peut‑il soutenir que le fait que l’employeur n’a pas déduit dans l’année en cause le montant qui aurait dû être déduit du revenu de 51 277 $ est une preuve que la Cour peut accepter comme établissant que l’appelant a seulement gagné 35 000 $ plutôt que 51 277 $? Aucun élément de preuve ne permet à la Cour de conclure que l’appelant a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation du ministre était erronée.

 

[19]    Comme tel est l’état du droit et comme le ministre est en droit de tabler sur l’exactitude des présomptions, la Cour est convaincue qu’on ne lui a présenté aucun élément de preuve lui permettant de conclure que la cotisation était erronée.

 

[20]    L’appelant aurait dû pouvoir démontrer que la cotisation était erronée si tel était son but, et il l’a admis au cours de son témoignage. Toutefois, il n’avait aucune copie de la déclaration de revenu originale qu’il disait avoir produite et il n’avait rien pour montrer qu’il avait produit une déclaration pour 1996 avant que la cotisation soit établie par le ministre. Il n’avait pas un sommaire ou une ventilation quant au montant contesté, et la Cour n’a aucune copie de la lettre d’accompagnement envoyée au ministre au sujet de l'écart entre le montant que l’employeur de l’appelant disait que ce dernier avait gagné et le montant que l’appelant lui‑même disait qu’il avait gagné.

 

[21]    D’après l’appelant, il avait payé des frais d’électricité, des frais concernant le nettoyage des restaurants, des frais relatifs à des voyages en avion faits pour aller chez lui, des frais d’hébergement, des frais de transport, des frais concernant des salaires versés à d’autres employés, des frais de véhicule et des frais concernant un acompte relatif à un véhicule. Ce sont tous là des éléments à l’égard desquels des reçus devraient être disponibles et à l’égard desquels on s’attendrait que des reçus soient disponibles.

 

[22]    Dans la présente espèce, il n’y avait pas de preuves acceptables pour étayer la position de l’appelant, parce que l’appelant avait choisi de ne pas en présenter ou parce qu’il ne pensait tout simplement pas qu’il fallait en présenter ou parce qu’il croyait que le simple fait de comparaître devant la Cour et de dire qu’il n’estimait pas que la cotisation du ministre était bien fondée serait suffisant pour réfuter la présomption d’exactitude de la cotisation.

 

[23]    De plus, l’appelant a dit qu’il avait envisagé à un moment donné de poursuivre son propre employeur et qu’ils avaient conclu un règlement. Eh bien, si la société a conclu un règlement avec l’appelant, elle devait avoir des raisons de croire que l’appelant pourrait établir quel était le montant de la dette de la société. Si c'est le cas, l’appelant aurait assurément pu produire certains de ces éléments de preuve ici aujourd’hui.

 

[24]    La position que l’appelant avance en l'espèce est extrêmement ténue. L’argument qu’il invoque est basé sur quelque chose qui n’a pas été établi.

 

[25]    En conséquence, la Cour devra rejeter l’appel et confirmer la cotisation du ministre.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'avril 2002.

 

 

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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