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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

97-521(IT)G

 

ENTRE :

 

MORRIS KAISER,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Requête entendue le 10 avril 2002, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge R. D. Bell

 

Comparutions

 

Avocats de l'appelant :                        Me Neil Gill et

                                                          Me B. Franklin Shostack

 

Avocate de l'intimée :                          Me Marilyn Vardy

 

Avocat de Larry Krauss :                    Me Fred A. Platt

         

 

ORDONNANCE

 

          LA COUR,

 

Vu la requête introduite par l’appelant en application de l’article 86 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (l'article 86), visant à enjoindre Larry Krauss (Me Krauss) de produire le registre des procès-verbaux de Morka Holdings Inc. ou une copie certifiée conforme de son contenu,

 

Vu les affidavits versés au dossier et les allégations des avocats des parties,

 

          Par les motifs d’ordonnance ci-joints, ordonne, en application des dispositions de l’article 86 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), à Larry Krauss, avocat, dont le cabinet est sis au 5140, rue Yonge (bureau 1540), Toronto (Ontario) M2N 6L7, de produire, d’ici au 22 avril 2002 au plus tard, une copie certifiée conforme du registre des procès-verbaux de Morka Holdings Inc., à l’avocat de l’appelant à l’adresse suivante :

 

          Black Sutherland, LLP

          Avocats

          Bureau 2700, 401, rue Bay

          Toronto (Ontario) M5H 2Y4

 

          À l’attention de Me B. Franklin Shostack

 

Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'avril 2002.

 

 

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020418

Dossier: 97-521(IT)G

 

ENTRE :

 

MORRIS KAISER,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Bell, C.C.I.

 

[1]     Il y a en l’espèce requête introduite par le requérant, Morris Kaiser (Kaiser), en application de l’article 86 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (la règle 86), visant à enjoindre Larry Krauss (MKrauss) de produire le registre des procès-verbaux de Morka Holdings ou d’une copie certifiée conforme de son contenu, d’ici au 15 avril 2002 au plus tard, et d’assumer les dépens de la même requête. Selon l'affidavit déposé à l’appui par l’avocat de l’appelant, Me Bennet Franklin Shostack, ce registre des procès-verbaux

 

[TRADUCTION]

 

pourrait faire l’objet d’une assignation à produire à l’audition de l’appel formé par l’appelant devant la Cour … , qui aura lieu le 22 avril 2002, puisqu’il figure dans l’affidavit de documents, déposé par l’appelant auprès de la Cour dans son appel.

 

La date ci-dessus a été reportée au 24 avril 2002.

 

L’affidavit déposé à l’appui de la requête indique que le registre des procès-verbaux en question serait en la possession de Larry Krauss, avocat. Il indique également que Me Shostack avait écrit à deux reprises à Me Krauss pour en demander la communication et n’avait reçu d’autre réponse qu’un appel téléphonique de l’adjoint de ce dernier, lui disant que Me Krauss répondrait à la lettre dès qu’il serait de retour en ville. Enfin, l'affidavit indique qu’il n’y a eu aucune réponse à l’une ou à l’autre lettre, et que Me Krauss n’a pas dit qu’il n’avait plus ce registre en sa possession.

 

[2]     À l’audition de la requête, Neil Gill (Me Gill), représentant Kaiser, a fait savoir, comme l’avait indiqué l’avis d’appel, que la cotisation contestée traitait comme revenu de placement une somme déclarée par Kaiser à titre de dividendes. Il a indiqué en outre que le registre des procès-verbaux était nécessaire pour prouver, au moyen de la résolution qui y est consignée, que la somme en question représentait en fait des dividendes, et non un revenu de placement.

 

[3]     Fred A. Platt (Me Platt), l’avocat représentant Me Krauss, a cité un affidavit déposé à l’appui de l’opposition à la requête, dans lequel Me Krauss faisait savoir qu’il exerçait à titre de praticien exerçant seul, de principal associé dans le cabinet Krauss & Associates, d’associé chez Grubner, Krauss, et d’associé chez Grubner, Krauss & Frankel. Il était également indiqué dans l'affidavit que Kaiser and Kilmore Realty Group, que Kaiser disait contrôler, devait des sommes substantielles à titre d’honoraires à Grubner, Krauss et à Grubner, Krauss & Frankel.

 

[4]     Cet affidavit indique également que des sorties d’imprimante énumérant les comptes clients en souffrance ci-dessus étaient jointes à titre de pièces à un affidavit signé sous serment par Me Krauss et déposé dans une autre instance engagée notamment par Kaiser contre Me Krauss et d’autres intimés. L'affidavit fait état des efforts faits dans cette autre instance pour obtenir les livres et registres sociaux de Me Krauss. Le même affidavit cite, avec copie jointe, une ordonnance du juge Pitt de la Cour de l’Ontario (Division générale) portant production à un cabinet d’avocats nommément désigné

 


[TRADUCTION]

 

... ou à tout autre cabinet d’avocats agissant subséquemment à titre d’avocats inscrits des requérants, de l’original ou de la copie de tous les livres et registres sociaux en leur possession et qui appartiennent aux sociétés dans lesquelles Morris Kaiser a une participation majoritaire …

 

Il est précisé dans l’ordonnance qu’elle a été rendue sans préjudice du droit des intimés aux dépens dont les honoraires d’avocat ni de leur prétention à un privilège sur les articles qui y sont spécifiés.

 

[5]     Cet affidavit fait aussi état d’une seconde requête entendue par le juge Rosenberg de la même cour visant à obtenir une ordonnance portant annulation de l’avis de comparution de l’intimé, Me Krauss, et des affidavits en réponse, pour défaut de se conformer à l’ordonnance du juge Pitt ou, subsidiairement, à obtenir une ordonnance enjoignant Me Krauss de produire tous les documents, registres, dossiers et papiers concernant Morris Kaiser ou toute société qu’il représente, contrôle ou dirige. Le juge Rosenberg a rejeté la requête en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

Le requérant demande en fait que la Cour juge en appel la décision du juge Pitt. Cela ne se fait pas. Les termes de son ordonnance sont clairs. Il n’y a aucune preuve que des registres ou dossiers sociaux des sociétés que M. Kaiser contrôle n’aient pas été produits. Le sens de cette ordonnance est clair à mon avis, à savoir qu’il n’y a aucun fait nouveau qui permette à la Cour de revenir sur la question et sur l’affaire. Requête rejetée.

 

[6]     Me Gill soutient que le registre des procès-verbaux est nécessaire pour permettre à Kaiser de prouver, dans son appel devant notre cour, que le revenu indiqué dans sa déclaration de revenu comme étant des dividendes, représentait bien des dividendes. Il affirme que Kaiser ferait tout ce qui était nécessaire pour respecter le privilège.

 

[7]     De son côté, Me Platt, représentant Me Krauss, rappelle que deux juges avaient rejeté la requête de Kaiser en production des livres sociaux de Morka.

 

[8]     Il cite l’affaire Stancer Sidenberg v. Maricic, [1992] O.J. NO. 1540 dans laquelle le juge E. MacDonald de la Cour de l’Ontario (Division générale) était saisi d’une requête en transfert d’un dossier du cabinet d’avocats Stancer au cabinet d’avocats Zeppieri, lequel avait remplacé le premier à titre de représentant de Maricic. Le litige portait sur la question de savoir si Stancer pouvait légitimement prétendre à un privilège sur les documents en sa possession par suite du défaut de paiement de Maricic. Le distingué juge a conclu que le transfert par Stancer de son dossier aurait pour effet de rendre futile son privilège d’avocat; il a donc refusé de rendre l’ordonnance en ce sens.

 

[9]     Me Platt cite aussi la décision Re Gladstone, [1972] 2 O.R. 127 par laquelle la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que la Cour pouvait intervenir dans l'exercice du privilège d’avocat en garantie des dépens lorsque les intérêts de tiers étaient en jeu. Le juge McGillivary de la Cour d’appel a conclu en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

Le droit que l’avocat tient de la common law d’exercer son privilège sur les documents en sa possession dans le cas où il est renvoyé sans motif légitime par son client, est bien reconnu, sous réserve cependant de certaines exceptions. L’exception à cette règle posant que l’avocat est normalement en droit d’exercer son privilège dans ces conditions, réside en ce que, si les intérêts de tiers sont en jeu, la Cour peut intervenir dans l’exercice de ce privilège sans pour autant l’anéantir. C’est ce qui a été fait plus d’une fois, et toujours par ce motif que, si un avocat peut exercer son privilège pour mettre son client dans l’embarras, il ne faut pas qu’il soit à même de mettre dans l’embarras d’autres parties à l’instance.

 

L’argument de Me Platt est que les circonstances qui justifiaient l’exception dans le précédent Gladstone n’existent pas en l’espèce.

 

[10]    Me Platt cite également Monarch Trustco (liquidator of) v. 792266 Ontario Ltd., [1999] O.J. No. 553, dossier no 97-CU-120798 : la Cour de l’Ontario (Division générale) y rappelait que la contestation parallèle est une contestation formulée dans une autre instance que celle où l’ordonnance ou le jugement remis en question a été rendu, et ce dans le but de faire infirmer, de modifier ou d’annuler celui-ci. Le juge Sanderson de la Cour de l’Ontario (Division générale) faisait remarquer que, dans les trois requêtes dont il était saisi, il était nécessaire de décider si les questions relatives à la vente imprudente du bien par le liquidateur avaient un rapport avec l’affaire, étant donné que la vente avait été expressément autorisée par ordonnance du juge Houlden. Il a tiré une conclusion défavorable du défaut par l’une quelconque des cautions de faire valoir par affidavit qu’elles n’étaient au courant ni n’avaient été informées de l’ordonnance du juge Houlden ou de l'action intentée dans le but d'obtenir l’autorisation de la vente. Le juge Houlden a conclu en ces termes :

 

[TRADUCTION]

 

… J'ai décidé que l’avocat des cautions ne pourra poser des questions ou procéder à un interrogatoire au sujet de l’aliénation imprudente en l’espèce. Je fais mien le raisonnement tenu par le juge Ground dans Nash v. CIBC Trust Corp. (1996), 7 C.P.C. (4th) 263, page 275 [confirmé pour d’autres motifs [1997] O.J. No. 1001], savoir qu’une ordonnance de séquestre ne saurait être contestée par les gens qui ont été informés de la procédure de mise sous séquestre, mais qui n’ont pas participé aux audiences ni n’ont fait appel d’une ordonnance rendue dans l’instance.

 

D’ailleurs, les parties à une instance subséquente ne sauraient revenir sur le même point litigieux lorsqu’elles partageaient les intérêts d’une partie à la première instance, quand bien même elles n’y auraient pas été parties.

 

Le distingué juge a conclu que la question de la sagesse de la vente du bien avait été décidée par le juge Houlden, et que toute tentative de remettre en question le bien-fondé de cette vente équivalait à une contestation parallèle de l’ordonnance de ce dernier. C’est pourquoi l’avocat des cautions n’a pas été recevable à poser la question.

 

ANALYSE ET CONCLUSION :

 

[11]    Le paragraphe 86(1) prévoit ce qui suit :

 

86.       (1) Lorsqu'un document est en la possession d'une personne qui n'est pas partie à l'appel et qu'on pourrait la contraindre à produire ce document à une audience, la Cour pourra, à la demande d’une partie, après avis à cette personne, prescrire la production d'une copie certifiée qui peut être utilisée à toutes fins à la place de l'original.

 

[12]    Il n’y a pas en l’espèce remplacement d’un cabinet d’avocats par un autre qui cherche à se faire remettre un ou des dossiers par le premier. On peut présumer que, dans les affaires de ce genre, la récupération des dossiers s’explique par le fait que les nouveaux avocats en ont besoin pour poursuivre le travail pour le client qui a renvoyé les premiers avocats. Qui plus est, dans l’appel en instance, la position de l’intimée, Sa Majesté la Reine, pourrait être affectée par le ou les documents en question.

 

[13]    La requête en instance vise la production du registre des procès-verbaux qui pourrait aider l’appelant à faire la preuve de la nature du revenu déclaré dans sa déclaration de revenus. Les ordonnances susmentionnées des juges Pitt et Rosenberg ont été rendues dans une autre instance, et non dans cet appel en matière d’impôt sur le revenu. En réponse à une question posée par la Cour, MPlatt a fait savoir que Me Krauss ne voulait pas restituer le document en question parce qu’il voulait s’assurer de recouvrer ses honoraires, ou une partie de ses honoraires. Me Platt est d’avis que la Cour pourrait ordonner la production du registre des procès-verbaux sous condition de paiement d’une certaine somme à Me Krauss. Je ne rendrai pas pareille ordonnance, qui serait arbitraire et qui plus est, est au-delà de mes compétences.

 

[14]    Il est fondamental pour le jugement juste de l’appel de Kaiser qu’il ait la preuve nécessaire, si tant est qu’elle existe, pour étayer sa caractérisation de son revenu. La Cour n’a été saisie d’aucune preuve ou témoignage indiquant que la demande de production du registre des procès-verbaux vise quelque autre fin que ce soit. De même, personne n’a prétendu non plus que la requête en instance ait été introduite dans un autre but, quel qu’il soit. D’ailleurs, toute partie peut signifier une assignation à produire ce registre des procès-verbaux à l’audition de l’appel. En conséquence, on « pourrait contraindre à produire » ce dernier, en application du paragraphe 86(1).

 

[15]    Je rejette dans ces conditions l’argument de Me Platt qu’une ordonnance rendue en application de l'article 86 rendrait futile le privilège d’avocat de MKrauss. Bien que la Cour n’ait été saisie d’aucune preuve sur le nombre de documents, dont on présume qu’ils servent de garantie pour le privilège d’avocat, en la possession de Me Krauss, le nombre de sociétés qui, avec Kaiser, ont introduit des requêtes dans l’autre instance, remplit trois pages. L’élément d’information contenu dans le registre des procès-verbaux peut étayer ou affecter de toute autre manière la position de Kaiser ou de Sa Majesté la Reine, ou des deux à la fois, dans l’appel en instance. En conséquence, la Cour ordonnera à MKrauss de produire à l’avocat de Kaiser, d’ici au 22 avril 2002 au plus tard, une copie certifiée conforme du registre des procès-verbaux de Morka.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'avril 2002.

 

 

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de février 2004.

 

 

 


Mario Lagacé, réviseur

 

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