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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-338(IT)G

ENTRE :

DAVID CIEBIEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 19 novembre 2001, à Ottawa (Ontario) par

 

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                           L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :                                     Me Gatien Fournier

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis, sans frais, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

 

          L'appelant n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2002.

 

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020419

Dossier: 2000-338(IT)G

 

 

ENTRE :

DAVID CIEBIEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel concerne l'année d'imposition 1997. Le litige porte sur l'applicabilité du paragraphe 20.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») dans le cas où, à un moment donné après 1993, un contribuable cesse d'exploiter une entreprise et, par conséquent, de l'argent emprunté cesserait d'être utilisé par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise si ce n'était de l'application de cette disposition.

 

 

[2]     Dans l'avis d'appel et dans la réponse à l'avis d'appel il n'était pas question de l'application possible de l'article 20.1 de la Loi. L'appelant a soulevé cette question pour la première fois à l'audience. D'autres questions litigieuses ressortent des actes de procédures. À la fin de l'audience, j'ai demandé à l'avocat de l'intimée et à l'appelant de me présenter par écrit leurs arguments sur l'application possible de l'article 20.1 de la Loi. Dans ses observations écrites, l'appelant a indiqué à la Cour qu'il renonçait à ses motifs d'appel sauf celui concernant le paragraphe 20.1(2) de la Loi.

 

[3]     Les éléments de preuve établissent ce qui suit.

 

 

[4]     Le 19 octobre 1988, David et Christa Ciebien ont hypothéqué leur maison pour 121 500 $. Le numéro du prêt est : 0749‑5‑11814.

 

 

[5]     Le 20 octobre 1988, l'appelant et son épouse ont acquis deux salons de coiffure pour le prix de 150 000 $. Ces salons étaient des exploitations en franchise munies d'une licence de Fantastic Sam's.

 

 

[6]     Le 22 octobre 1988, l'appelant et son épouse ont signé un contrat de licence avec W.S. Hair Salons Ltd. et ils ont obtenu le droit d'utiliser la franchise de Fantastic Sam's pour leurs salons.

 

 

[7]     Un salon était situé au 10211, rue King George, Surrey et l'autre au 10790, – 148e rue, Surrey, Colombie-Britannique. Le deuxième salon était peut-être situé au 14806. – 108e av., Surrey, puisque c'est l'adresse mentionnée dans les factures pour l'année 1990.

 

 

[8]     L'appelant et son épouse ont manqué à leur engagement de payer les droits de licence hebdomadaires, et la Cour suprême de la Colombie-Britannique leur a ordonné en 1990 de cesser d'exercer leurs activités sous le nom commercial Fantastic Sam's.

 

 

[9]     L'appelant et son épouse ont, par conséquent, renommés leurs salons Surrey Hair World et ont continué à les exploiter sous ce nom. Le salon situé sur la rue King George a été fermé en 1992. L'autre salon a été exploité jusqu'en 1994.

 

 

[10]    Le salon exploité sous le nom commercial Surrey Hair World au 14806, - 108e av. Surrey, C.-B. a été vendu à Frank El‑Asmar pour 11 000 $. L'entente a été signée le 21 août 1994. La date de clôture était le 28 août 1994.

 

 

[11]    L'état du compte de prêt hypothécaire pour 1994 est sous l'onglet 3 de la pièce A‑1. Selon ce document, le dernier jour de 1993, le solde d'ouverture s'élevait à 114 188,68 $; les intérêts imputés durant la période s'élevaient à 8 975,28 $; les emprunteurs ont versé 11 670,88 $ en capital et intérêts et effectué un remboursement anticipé de capital de 4 000 $; et le 31 décembre 1994, le solde de clôture s'élevait à 107 493,08 $.

 

 

[12]    L'état du compte de prêt hypothécaire pour 1997 est également sous l'onglet 3 de la pièce A-1. D'après ce document, le solde d'ouverture s'élevait à 99 726,72 $, les intérêts imputés à 8 286,36 $, les emprunteurs ont versé 12 974,20 $ en capital et intérêts et le solde de clôture s'élevait à 95 218,88 $.

 

 

[13]    Tel qu'il appert du document sous l'onglet 4 de la pièce A-1, l'exercice de l'entreprise allait du 1er novembre au 31 octobre de l'année suivante durant les années pertinentes.

 

 

[14]    Le paragraphe 20.1(2) de la Loi est ainsi libellé :

 

20.1(2) Lorsque, à un moment donné après 1993, un contribuable cesse d'exploiter une entreprise et cesse, par conséquent, d'utiliser de l'argent emprunté en vue de tirer un revenu de l'entreprise, les règles suivantes s'appliquent :

 

a)         lorsque, à un moment coïncidant avec le moment donné ou postérieur à celui-ci (appelé « moment de la disposition » au présent alinéa), le contribuable dispose d'un bien qu'il a utilisé pour la dernière fois dans le cadre de son entreprise, il est réputé avoir utilisé, immédiatement avant le moment de la disposition, la fraction de l'argent emprunté qui correspond au moins élevé des montants suivants pour acquérir le bien :

 

(i)         la juste valeur marchande du bien au moment de la disposition,

 

(ii)        la fraction de l'argent emprunté qui reste à rembourser au moment de la disposition et qui n'est pas réputée, par le présent alinéa, avoir été utilisée avant le moment de la disposition pour acquérir un autre bien;

 

b)         sous réserve de l'alinéa a), l'argent emprunté est réputé, après le moment donné, ne pas avoir été utilisé pour acquérir un bien que le contribuable a utilisé dans le cadre de son entreprise;

 

c)         la fraction de l'argent emprunté qui reste à rembourser après le moment donné et qui n'est pas réputée, par l'alinéa a), avoir été utilisée avant ce moment ultérieur pour acquérir un bien est réputée avoir été utilisée par le contribuable à ce moment ultérieur en vue de tirer un revenu de l'entreprise;

 

d)         après le moment donné, les exercices de l'entreprise sont réputés coïncider avec les années d'imposition du contribuable, sauf que le premier de ces exercices est réputé commencer à la fin du dernier exercice de l'entreprise commençant avant le moment donné.

 

[15]    Je cite certaines parties des observations écrites de l'avocat de l'intimée sur l'application du paragraphe 20.1(2) de la Loi :

 

[TRADUCTION]

 

3.         Toutefois, pour que ce principe de déduction prolongée s'applique, il est nécessaire d'établir que les conditions prescrites par l'article 20.1 et, dans le cas présent, les conditions particulières prescrites par le paragraphe 20.1(2) de la LIR sont réunies.

 

4.         En premier lieu, il doit être démontré que le contribuable a cessé d'exploiter une entreprise à un moment donné après 1993. Dans le présent cas, il ne peut être clairement déterminé à partir des éléments de preuve que l'appelant a présentés à quel moment il a cessé d'exploiter son entreprise.

 

5.         En outre, la personne qui demande la déduction doit établir les éléments suivants :

 

·        al. 20.1(2)a) : le moment de la disposition; quel bien utilisé pour la dernière fois par le contribuable a fait l'objet de la disposition;

 

·        s.-al.  20.1(2)a)(i) : la juste valeur marchande du bien au moment de la disposition;

 

·        s.-al. 20.1(2)a)(ii): la fraction de l'argent emprunté qui reste à rembourser au moment de la disposition;

 

·        al. 20.1(2)d): quel était le dernier exercice de l'entreprise qui a commencé avant le « moment donné ».

 

6.         Pour demander la déduction permise conformément au paragraphe 20.1(2), l'appelant est tenu d'établir ces faits essentiels. L'appelant n'a jamais fourni d'éléments de preuve concernant ces faits essentiels. Les chiffres qu'il a mentionnés durant son argumentation ne constituent pas des éléments de preuve ou une preuve des éléments requis. L'absence d'éléments de preuve sur cette question en particulier est cruciale, et, en ce qui concerne cette questions litigieuse, l'appel ne peut réussir.

 

 

[16]    Je cite certaines parties des observations écrites de l'appelant :

 

[TRADUCTION]

 

2.      ... L'appelant a utilisé le montant emprunté en 1988 dans la même entreprise jusqu'à ce qu'il la vende en 1994. L'appelant n'a PAS acheté ou vendu d'autres entreprises durant cette période. Le prêt de 121 500 $ qui a été utilisé pour acheter l'entreprise a abouti 6 ans plus tard à une vente avec un produit de 11 000 $ environ qui a servi à rembourser une partie du prêt. La première utilisation des fonds par l'appelant est similaire à l'utilisation en 1994, lors de la vente de l'entreprise. Dans les deux cas, les fonds ont été utilisés pour l'acquisition d'une entreprise de salons de coiffure.

 

[...]

 

4.         En ce qui concerne la prétention de l'intimée selon laquelle j'ai omis d'établir que l'entreprise a cessé ses activités à un moment donné après 1993, l'appelant a inclus dans sa documentation le contrat de vente daté du 21 août 1994. Le document indique clairement que l'appelant n'était plus propriétaire du salon à compter du 28 août 1994. L'appelant ne possédait plus aucun autre actif lié au salon après cette date.

 

5.         L'intimée soutient que l'appelant doit établir quel bien a été vendu. La convention de vente qui a été déposée en preuve déclare qu'elle s'applique à un salon de coiffure situé au 14806, – 108e av., Surrey, C.-B. Sont inclus dans la vente, le mobilier, les accessoires fixes et l'équipement, les produits pour les cheveux, l'intérêt à bail et l'achalandage.

 

6.         L'intimée déclare que l'appelant doit établir quelle était la juste valeur marchande du bien lors de la disposition. La juste valeur marchande en question équivaut à ce que j'ai reçu par suite d'une vente à un tiers avec lequel je n'avais aucun lien de dépendance après avoir annoncé que l'entreprise était en vente pendant une très longue période, soit 11 000 $. Le produit de la disposition est clairement indiqué dans la convention de vente qui faisait partie de la documentation que l'appelant a remise à l'intimée des semaines avant l'audience. L'appelant ne possédait plus d'actifs concernant les salons de coiffure après cette date.

 

7.         L'intimée soutient que l'appelant dont établir le montant qui lui restait à rembourser lors de la disposition. L'appelant a fourni à l'intimée l'état du compte hypothécaire pour 1994 indiquant le solde en capital le premier et le dernier jour de l'année. Selon l'état préparé par la banque, le solde au 28 août 1994 s'élevait à 112 423,62 $ environ d'après les éléments de preuve présentés. Plusieurs autres états du compte hypothécaire sont également fournis à l'appui de cette affirmation.

 

8.         L'intimée demande quel exercice a commencé avant le « moment donné ». L'exercice est indiqué sur l'état du revenu tiré d'une entreprise et des dépenses d'entreprise annexé à la déclaration de revenus et également dans la documentation concernant la présente cause. L'exercice allait du 1er novembre 1993 au 31 octobre 1994. Toutefois, l'entreprise a été vendue le 28 août 1994.

 

9.         L'intimée n'a aucun argument concret à faire valoir contre l'applicabilité du paragraphe 20.1(2) dans le cas de l'appelant et elle soulève maintenant la question à savoir si la documentation est en règle. L'appelant a établi tous les faits qui, selon l'intimée, sont requis. L'appelant a présenté son livre de documents à la Cour. L'intimée avait des copies de tous les documents en question plusieurs semaines avant la date d'audience. Si l'intimée avait des questions concernant les documents, elle aurait dû les poser à l'appelant durant son témoignage.

 

Conclusion

 

[17]    Il ressort des éléments de preuve que l'emprunt a été contracté dans le but d'acheter des salons de coiffure en franchise et pas seulement les franchises, comme semble l'avoir pensé l'intimée. Une fois les franchises résiliées, l'entreprise de salons de coiffure a continué à exercer ses activités.

 

 

[18]    La vente du salon de coiffure a eu lieu le 28 août 1994, soit après 1993. Je n'ai aucune raison de douter que le prix de vente obtenu était celui que l'appelant était en mesure d'obtenir et que cette vente a été conclue par des parties sans lien de dépendance.

 

 

[19]    L'avocat de l'intimée a fait valoir que les chiffres mentionnés par l'appelant au cours de la présentation de ses arguments juridiques ne constituent pas des éléments de preuve. En ce qui concerne cette prétention, il faut dire que les documents auxquels l'appelant a fait référence étaient tous dans son livre de documents déposé comme pièce A-1. Il est vrai qu'ils se trouvaient parmi un ensemble disparate d'autres documents non pertinents. Toutefois, si l'avocat de l'intimée avait voulu une réouverture de l'audience pour interroger l'appelant sur les documents les plus pertinents, en particulier ceux concernant la vente du salon de coiffure le 28 août 1994, il aurait pu en faire la demande et j'aurais pu la considérer favorablement.

 

[20]    À mon avis, l'appelant peut se prévaloir du paragraphe 20.1(2) de la Loi et il est en droit de déduire les paiements effectués relativement à la partie du montant qui restait à rembourser n'importe quand après le 21 août 1994 qui ne sont pas réputés aux termes de l'alinéa 20.1(2)a) de la Loi avoir été utilisés avant ce moment postérieur pour acquérir un bien. Conformément à l'alinéa 20.1(2)d de la loi, l'entreprise sera réputée avoir des exercices après le moment donné qui coïncident avec les années d'imposition du contribuable, sauf que le premier tel exercice sera réputé commencer à la fin du dernier exercice de l'entreprise qui a commencé avant le 28 août 1994.

 

 

[21]    L'appel est admis et la cotisation de l'appelant est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait de ce que je viens d'exprimer au paragraphe précédent. Il n'y a aucune adjudication de dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2002.

 

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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