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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2000-717(IT)G

ENTRE :

GIBRALT CAPITAL CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 10 septembre 2001, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

 

l'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :                        Me Joel A. Nitikman

Avocate de l’intimée :                         Me Lynn M. Burch

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation d'impôt sur le revenu établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté, avec dépens.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'avril 2002.

 

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date: 20020417

Dossier: 2000-717(IT)G

 

ENTRE :

 

GIBRALT CAPITAL CORPORATION,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge McArthur

 

[1]     Le présent appel vise une cotisation établie à l’égard de l’année d’imposition 1995. La question à trancher est celle de savoir si l’article 80 de la Loi de l’impôt sur le revenu s’applique à une annulation de dette de 16 millions de dollars[1]. L’appelante[2] soutient que cette disposition ne s’applique pas puisque la dette n’était pas une « créance commerciale » au sens du paragraphe 80(1), qui se lit comme suit :

 

« créance commerciale » Créance émise par un débiteur et sur laquelle un montant au titre d'intérêts est déductible dans le calcul du revenu, du revenu imposable ou du revenu imposable gagné au Canada du débiteur compte non tenu des paragraphes 15.1(2) et 15.2(2), de l'alinéa 18(1)g), des paragraphes 18(2), (3.1) et (4) et de l'article 21, si ces intérêts :

 

a)         soit ont été payés ou étaient payables par le débiteur en exécution d'une obligation légale;

b)         soit avaient été payés ou payables par le débiteur en exécution d'une telle obligation.

 

Il est entendu que la créance commerciale constitue une obligation pour l'application de la définition de « principal » au paragraphe 248(1).

 

[2]     Les parties ont établi un exposé conjoint des faits, lequel figure à l’annexe A des présents motifs[3]. Les événements qui sont à l’origine du présent appel sont complexes. Les principaux événements sont les suivants. Joseph Shoctor (M. Shoctor), homme d’affaires d’Edmonton, contrôlait trois sociétés[4] qui ont acheté en 1981 le Westward Inn (l’hôtel), situé à Calgary, pour la somme de 18 000 000 $. Cette entreprise s’est révélée un désastre financier, si bien que M. Shoctor s’est trouvé, en 1988, en fort mauvaise posture au plan financier. Il devait 32 000 000 $ à la Banque TD, à laquelle il avait consenti des garanties personnelles. M. Shoctor a alors fait appel à un ami de longue date, Samuel Belzberg (M. Belzberg), qui a versé 10 000 000 $ à la Banque TD en règlement final de la dette de 32 000 000 $[5]. La créance de 32 000 000 $ a été cédée à la société Cal-Con Financial Ltd. (Cal-Con). En bout de ligne, M. Shoctor n’a pu rembourser la dette de 10 000 000 $ qu’il avait envers M. Belzberg, et les deux hommes ont conclu en 1993 une nouvelle entente prévoyant le refinancement de la dette. Aux termes de cette entente, appelée entente cadre de règlement (l’ECR), M. Shoctor cédait un grand nombre de ses éléments d’actif à M. Belzberg, soit essentiellement 2 000 000 $ en espèces et l’hôtel. M. Belzberg renonçait ainsi à une créance d’environ 16 000 000 $. L’appelante a initialement produit des déclarations de revenu en tenant pour acquis que le paragraphe 80(1) s’appliquait, estimant qu’elle avait suffisamment de pertes autres que des pertes en capital pour compenser la renonciation à sa créance. Apparemment, la déduction des pertes autres que des pertes en capital a été refusée, et l’appelante a produit à nouveau des déclarations de revenu fondées sur le fait que l’article 80 ne s’appliquait pas, d’où le présent appel.

 

[3]     L’appelante soutient qu’aucune partie des 16 000 000 $ ne satisfait aux exigences de la définition de « créance commerciale ».

 

[4]     Ces 16 000 000 $ constituent le total de trois créances distinctes de 9 000 000 $, de 4 000 000 $ et de 2 200 000 $ respectivement[6]. L’historique de chacune de ces créances doit être examiné. Comme je l’ai déjà indiqué, trois sociétés contrôlées par M. Shoctor avaient, en 1981, acheté l’hôtel en contractant auprès de la Banque TD un emprunt hypothécaire au montant de 18 200 000 $. Elles étaient solidairement responsables du remboursement de ce prêt. En novembre 1987, M. Shoctor a lui-même acheté l’hôtel aux trois compagnies pour 7 000 000 $, somme qu’il a empruntée de cette même Banque TD. Ces 7 000 000 $ ont permis aux trois compagnies de rembourser une partie de la dette initiale de 18 200 000 $. La dette totale figurant dans les registres du Groupe Shoctor n’avait pas changé, puisque les trois compagnies avaient solidairement garanti le remboursement des 7 000 000 $ empruntés par M. Shoctor. En 1988, la dette initiale de 18 200 000 $ était passée à environ 32 000 000 $, compte tenu des intérêts et de divers autres montants. Des opérations ont été conclues en vue du refinancement de la dette; ainsi, M. Belzberg a emprunté 10 000 000 $ à la Banque TD afin de rembourser la dette de 32 000 000 $ que la Banque TD avait cédée à Cal-Con[7].

 

[5]     En 1993, la Provincial Credit Corp. Ltd. (Provincial)[8] rachetait l’hôtel à M. Shoctor pour la somme de 4 000 000 $. Ce dernier consentait à cette fin à Provincial un prêt hypothécaire de 2 000 000 $. Divers autres éléments d’actif ont également été transférés en règlement de la créance de 10 000 000 $ de M. Belzberg de 1988. Par suite de ces transferts, M. Belzberg a obtenu le contrôle total de Cal-Con. Le Groupe Shoctor[9] devait alors 36 000 000 $ à Cal-Con, soit la créance initiale de 32 000 000 $ que la Banque TD avait cédée à Cal-Con en 1988, plus les intérêts. Provincial devait également 4 000 000 $ à Harvey Holdings Ltd. (Harvey), au titre d’une dette entre entreprises.

 

[6]     Les parties ont conclu en 1993 une nouvelle entente de refinancement de la dette aux termes de laquelle, par suite de la cession de diverses créances, Provincial devait environ 16 000 000 $ à Cal-Con. Cette dette de 16 000 000 $, à laquelle on a finalement renoncé en 1995 par suite de la constitution en société de la Gibralt Capital Corporation, était constituée de six dettes distinctes. Deux de celles-ci ne sont pas visées par le présent litige et une troisième dette de 139 819 $ n’a pas été mentionnée dans les plaidoiries verbales[10]. Les trois autres dettes s’élevaient respectivement à 9 000 000 $, 4 000 000 $ et 2 200 000 $.

 

[7]     La dette de 9 000 000 $ constitue une partie, prise en charge par Provincial, de la dette initiale du Groupe Shoctor envers Cal-Con. Comme je l’ai déjà mentionné, cette dette de 36 000 000 $ se rapporte à l’emprunt initial de 18 200 000 $ contracté par le Groupe Shoctor aux fins de l’achat de l’hôtel. 

 

[8]     La dette de 4 000 000 $ se rapporte aux prêts entre entreprises conclus par Provincial et Harvey. La créance a par la suite été cédée à Cal-Con.

 

[9]     La dette de 2 200 000 $ résulte du rachat, par Provincial, de l’hôtel de M. Shoctor en 1993; ce dernier a consenti à cette fin un prêt hypothécaire de 2 200 000 $ à Provincial. M. Shoctor a par la suite cédé la créance qu’il avait sur Provincial à Cal-Con, aux termes de l’entente de refinancement de la dette.

 

Position de l’appelante – La dette de 9 000 000 $

 

[10]    L’appelante a présenté trois arguments distincts en vue d’établir que la dette de 9 000 000 $ ne devrait pas être visée par l’article 80. Tous ces arguments partent de la prémisse selon laquelle la créance ne satisfait pas aux critères d’une « créance commerciale » au sens du paragraphe 80(1).

 

a)      Application rétroactive

 

[11]    L’appelante soutient que, lorsque les sociétés formant le Groupe Shoctor ont vendu l’hôtel en 1987, les intérêts sur la dette qu’elles avaient envers la Banque TD ont cessé d’être déductibles aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la Loi, puisqu’il n’y avait plus de source de revenu[11]. Les parties au présent appel ont reconnu que, avant la vente de l’hôtel à M. Shoctor en 1987, le Groupe Shoctor pouvait déduire les intérêts et que l’ancien article 80 se serait alors appliqué. L’essentiel de l’argument de l’appelante est que, l’article 80 ayant été modifié en 1995, les modifications s’appliquent uniquement aux années d’imposition se terminant après le 21 février 1994[12], et que la dette peut faire l’objet d’un examen uniquement en vue de déterminer si « un montant au titre d’intérêts est déductible » (la version anglaise de l’article 80 parle d’intérêts qui étaient ou auraient été déductibles – « was or would have been deductible ») après le 21 février 1994. À l’appui de cette position, l’appelante invoque la présomption de non-rétroactivité des lois[13].

 

[12]    L’appelante affirme qu’on devrait examiner le prêt uniquement en vue de déterminer s’il s’agit d’une « créance commerciale » pour les périodes postérieures à février 1994 et que, puisqu’il n’y avait aucune source de revenu durant cette période, les intérêts n’auraient pas été déductibles.

 

b)      Libération du débiteur

 

[13]    L’appelante affirme que la dette de 32 000 000 $, qui a été répartie entre les parties aux termes de l’ECR, était une dette solidaire des parties initiales. Elle soutient que, lorsque la Banque TD a annulé les dettes de Harvey et de M. Shoctor en 1988, Provincial se trouvait également à être libérée de plein droit. L’appelante ajoute que Provincial a alors pris en charge une nouvelle obligation légale qui n’est reliée à aucune source de revenu et que, par conséquent, la nouvelle créance qu’elle avait émise ne constituait pas une « créance commerciale » puisque les intérêts n’auraient pas été déductibles. La libération d’un débiteur solidaire entraîne la libération de tous les débiteurs. L’appelante soutient qu’aucune des trois exceptions reconnues à cette règle ne s’applique en l’espèce et que, par conséquent, la règle s’applique, de sorte que Provincial serait libérée de la dette initiale et prendrait en charge une nouvelle obligation légale.

 

c)       Novation

 

[14]    L’appelante soutient subsidiairement que, lorsque la dette de 32 000 000 $ a été répartie entre les différentes parties aux termes de l’ECR et que les autres parties ont subséquemment été libérées, il en a résulté une novation : ainsi, Provincial prenait en charge une nouvelle dette de 9 000 000 $, qui était distincte en droit de la dette initiale de 32 000 000 $. L’appelante affirme que cette nouvelle dette n’était liée à aucune source de revenu et que, par conséquent, les intérêts n’étaient pas et n’auraient pu être déductibles.

 

Position de l’intimée – La dette de 9 000 000 $

 

a)      Application rétroactive

 

[15]    L’historique du prêt doit être examiné en vue de déterminer s’il s’agit d’une « créance commerciale ». Agir autrement équivaudrait à contrecarrer l’intention du législateur.

 


b)      Libération du débiteur

 

c)       Novation

 

[16]    L’avocate de l’intimée a traité de ces deux arguments, présentés pour le compte de l’appelante, en un seul temps. L’avocate soutient que la question de savoir s’il y a eu ou non novation ou libération des débiteurs n’est pas pertinente. Elle affirme que le traitement applicable à l’annulation d’une créance sera fonction de la source de la créance : il s’agit soit d’une source commerciale, auquel cas la créance sera visée par l’article 80, soit d’une source personnelle, auquel cas elle ne sera pas visée par l’article 80. L’avocate soutient en outre que les créances satisfont à l’exigence, prévue par la définition de « créance commerciale » qui figure à l’article 80, portant qu’il y ait une « obligation légale », cet article s’appliquant « si » il y a obligation légale. Elle soutient que le mot « si » vise en l’occurrence à la fois l’hypothèse selon laquelle des intérêts avaient été payés ou payables et l’hypothèse selon laquelle ceux-ci étaient payables conformément à une obligation légale.

 

[17]    Elle soutient en outre que, même s’il y avait eu libération des débiteurs ou novation de la dette, le paragraphe 20(3) s’appliquerait, de sorte que l’argent emprunté aux termes des nouveaux prêts serait réputé avoir été utilisé aux fins auxquelles l'argent emprunté antérieurement a été utilisé et que les intérêts seraient par conséquent toujours déductibles en vertu de l’alinéa 20(1)c)[14].

 

[18]    L’avocate affirme par ailleurs que les libérations n’ont jamais pleinement été effectuées et que, puisque M. Shoctor n’a pas été libéré, Harvey ne l’a pas été non plus. Elle affirme que, tout au plus, il y a eu un engagement à ne pas intenter de poursuite.

 

[19]    Enfin, l’avocate conclut qu’aucune des libérations postérieures à la passation de l’ECR n’a entraîné une substitution de débiteurs, et qu’aucune preuve ne permet de conclure que les parties à l’ECR avaient l’intention de conclure une novation.

 

[20]    En réponse, l’appelante a affirmé que l’intimée avait mal interprété ses arguments. Si Provincial avait été libérée, ou s’il y avait eu novation, la dette de 9 000 000 $ prise en charge par Provincial, par suite de la répartition de la dette initiale aux termes de la partie A de l’annexe F de l’ECR, constituait donc au plan juridique une nouvelle dette, c’est-à-dire une dette distincte en droit de la dette de 1981. C’était cette nouvelle dette qui faisait partie des 16 000 000 $ auxquels Cal-Con avait renoncé le 18 janvier 1995.

 

[21]    Le présent appel a été entendu le 10 septembre 2001. Le lendemain, l’avocate de l’intimée a demandé à la Cour l’autorisation de présenter des observations écrites à l’égard des deux arguments suivants avancés par l’appelante : (i) la libération de l’un des débiteurs solidaires entraîne la libération de tous les débiteurs et (ii) il y avait eu novation. Même si l’appelante s’est opposée à ce que la Cour accorde une telle autorisation et a présenté à cet égard des arguments solides, la Cour a néanmoins fait droit à la demande de l’avocate, Ainsi, la Cour pourrait examiner les divers points de vue exprimés à l’égard des deux arguments susmentionnés. Dans les observations supplémentaires qu’elle a ainsi produites, l’avocate de l’intimée a également abordé la question de l’application rétroactive ou prospective de l’article 80 pour ce qui est de la « créance commerciale ». En réponse, l’appelante a demandé à la Cour d’ignorer cet argument supplémentaire de l’intimée. Bien que le point soulevé par l’appelante soit bien fondé, j’ai de nouveau, pour les mêmes motifs, fait droit à la demande et examiné ces observations de l’intimée, ainsi que la réponse de l’appelante, et je les ai en fin de compte trouvées très peu utiles. 

 

Analyse

 

[22]    L’appelante doit inclure ou non dans son revenu le montant de la créance à laquelle elle a renoncé selon qu’il s’agit ou non d’une « créance commerciale » au sens du paragraphe 80(1). Compte tenu de l’importance de cette disposition au regard de la présente décision, je la citerai de nouveau :

 

« créance commerciale » Créance émise par un débiteur et sur laquelle un montant au titre d'intérêts est déductible dans le calcul du revenu, du revenu imposable ou du revenu imposable gagné au Canada du débiteur compte non tenu [...]

a)         soit ont été payés ou étaient payables par le débiteur en exécution d'une obligation légale;

b)         soit avaient été payés ou payables par le débiteur en exécution d'une telle obligation,

 

Il est entendu que la créance commerciale constitue une obligation pour l'application de la définition de « principal » au paragraphe 248(1).

 

 

La dette de 9 000 000 $

 

[23]    La dette de 16 000 000 $ se compose de plusieurs éléments. La dette de 9 000 000 $ représente une partie, prise en charge par Provincial, de la dette initiale de 36 000 000 $ que le Groupe Shoctor avait envers Cal-Con. Comme je l’ai déjà indiqué, l’emprunt de 18 000 000 $ contracté par le Groupe Shoctor pour acheter l’hôtel fait partie de cette dette de 36 000 000 $. 

 

a)      Application rétroactive

 

[24]    Je souscris à l’argument de l’appelante selon lequel les intérêts « n’étaient pas ni n’auraient été déductibles » après février 1994. La question à trancher est celle de savoir si la loi s’applique rétroactivement. L’expression « was or would have been deductible » (« étaient ou auraient été déductibles ») s’applique-t-elle aux années qui précèdent le mois de février 1994, ou n’est-ce pas plutôt la présomption de non-rétroactivité des lois qui s’applique et qui empêche ainsi une telle interprétation? L’appelante a renvoyé la Cour au passage qui suit du paragraphe 39 de l’arrêt Benner c. Canada (secrétaire d'État)[15], dans lequel le juge en chef Lamer citait le passage d’un article d’Elmer Driedger :

 

[TRADUCTION]

 

Une loi rétroactive est une loi dont l'application s'applique à une époque antérieure à son adoption.  Une loi rétrospective ne dispose qu'à l'égard de l'avenir.  Elle vise l'avenir, mais elle impose de nouvelles conséquences à l'égard d'événements passés. Une loi rétroactive agit à l'égard du passé.  Une loi rétrospective agit pour l'avenir, mais elle jette aussi un regard vers le passé en ce sens qu'elle attache de nouvelles conséquences à l'avenir à l'égard d'un événement qui a eu lieu avant l'adoption de la loi.  Une loi rétroactive modifie la loi par rapport à ce qu'elle était; une loi rétrospective rend la loi différente de ce qu'elle serait autrement à l'égard d'un événement antérieur.  

 

[25]    Je ne crois pas que la modification du paragraphe 80(1) impose de nouvelles conséquences à l'égard d'événements passés lorsqu’on l’applique aux circonstances de l’affaire qui nous occupe. Les dispositions pertinentes de l’ancien article 80 étaient presque identiques, au plan de leur effet, aux nouvelles dispositions. L’application de l’ancien article 80 produirait à l’égard de l’appelante les mêmes effets que ceux produits par le nouvel article 80. Par conséquent, les modifications apportées aux passages pertinents de l’article 80 n’imposent pas de nouvelles conséquences à l'égard d'événements passés, pas plus qu’elles n’attachent de nouvelles conséquences à l'avenir, lorsqu’on les applique à la situation de l’appelante, puisque les effets sont les mêmes aux termes de l’ancien et du nouvel article 80; l’appelante n’était pas, par suite des modifications législatives, assujettie à une nouvelle pénalité, incapacité ou obligation se rattachant à des événements passés. Les modifications apportées au paragraphe 80(1) ne m’empêchent donc pas d’examiner quelle était la nature du prêt dans les années précédant le mois de février 1994. Les 9 000 000 $ font partie de la dette de 1981. De toute évidence, les intérêts sur cette dette « auraient été déductibles ».

 

[26]    Dans l’arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. M.R.N.[16], la Cour suprême du Canada a examiné la question de l’application rétroactive des lois. Dans cette affaire, la question était de savoir si une modification apportée au paragraphe 83A de la Loi empêchait l’appelante de déduire certains frais. N’eussent été les modifications, les frais en cause auraient été déductibles. Le juge Dickson (tel était alors son titre), s’exprimant au nom de la majorité, a traité aux pages 5454 à 5456 de la question de l’application rétroactive des lois en ces termes :

 

[…] On allègue qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours aux présomptions portant sur l'intention du législateur puisque ces règles d'interprétation ne sont utiles dans la détermination du sens véritable [page 279] que lorsque le texte est obscur et ambigu : voir les propos du juge Lamont dans Acme Village School District c. Steele-Smith, [1993] R.C.S. 47, à la p. 51. Cette allégation est fort pertinente. […]

 

Il a ensuite traité de la rétroactivité :

 

[…] Selon la règle générale, les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la Loi ne le décrète expressément ou n'exige implicitement une telle interprétation. Une disposition modificatrice peut prévoir qu'elle est censée être entrée en vigueur à une date antérieure à son adoption, ou qu'elle porte uniquement sur les transactions conclues avant son adoption. Dans ces deux cas, elle a un effet rétroactif. À première vue, la présente affaire peut s'apparenter au deuxième cas, mais je suis d'avis que l'analyse de la disposition abrogative démontre qu'elle n'a aucune portée rétroactive dans le sens qu'elle modifie des droits acquis, bien qu'elle porte incontestablement atteinte aux transactions passées. L'article, tel que modifié par la disposition abrogative, ne vise pas les années d'imposition antérieures à la date de la modification; il ne cherche pas à s'immiscer dans le passé et ne prétend pas signifier qu'à une date antérieure, il faille considérer que le droit ou les droits des parties étaient ce qu'ils n'étaient pas alors. Pour autant que l'appelante soit concernée, cet article ne vise qu'à retirer pour l'avenir le droit de faire certaines déductions dont il était auparavant [page 280] possible de tirer avantage; l'article n'a aucune incidence sur ce droit dans la mesure où il a été exercé à une date antérieure à l'adoption de la loi modificatrice.

 

[…] Selon la règle, une loi ne doit pas être interprétée de façon à porter atteinte aux droits existants relatifs aux personnes ou aux biens, sauf si le texte de cette loi exige une telle interprétation […]

 

La version modifiée du paragraphe 80(1) n’a pas porté atteinte aux droits acquis ou existants de l’appelante.

 

[27]    Même si les modifications apportées à l’article 80 ont une portée rétroactive, je conclus que la Loi exige implicitement une telle interprétation. La présomption de la non-rétroactivité des lois ne s’appliquerait pas, étant donné que le libellé de la loi est clair et précis. Je souscris à l’observation de l’intimée selon laquelle tirer une conclusion différente équivaudrait à contrecarrer l’intention évidente du législateur.

 

[28]    Même si les prétentions de l’appelante sont valables, elles ne résistent pas à un examen approfondi.

 

b)      Libération du débiteur

 

[29]    L’avocat de l'appelante a raison lorsqu’il fait valoir que, sous réserve de certaines exceptions, la libération d’un « débiteur solidaire » entraîne la libération de tous les débiteurs. Cette règle ne s’applique toutefois pas dans les circonstances de la présente affaire. L’appelante soutient que l’ECR a d’abord libéré Harvey, libérant du coup Provincial, par conséquent en droit, de toute obligation au titre de la dette. L’appelante a ajouté que, aux termes de l’ECR, Provincial avait pris en charge une nouvelle dette de 9 000 000 $ due à Cal-Con[17]. Comment cela peut-il être, puisque Provincial a été libérée de toute obligation à l’égard du prêt de 36 000 000 $? La répartition subséquente de la dette annulée n’aurait aucun effet. Cal-Con ne pouvait répartir une dette non inexistante.

 

[30]    Je conclus que la répartition de la dette de 36 000 000 $ a précédé les libérations. Aux termes de la clause 3.4.4 de l’ECR, Cal-Con libérait Harvey, mais uniquement sous réserve de l’exécution des opérations mentionnées dans l’ECR. La répartition devait par conséquent avoir été faite avant la libération. Étant donné que la répartition de la dette est survenue en premier, la libération subséquente de certaines des parties n’aurait aucun effet sur la dette de 9 000 000 $, étant donné qu’il ne s’agissait plus d’une dette solidaire. La règle selon laquelle la libération de l’un des débiteurs solidaires entraîne la libération de tous les débiteurs solidaires ne s’appliquerait tout simplement pas.

 

c)       Novation

 

[31]    La question de savoir s’il y a novation ou non est une question de droit et de fait. Dans la septième édition du Black's Law Dictionary, la novation est définie comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

novation, n. Substitution d’une nouvelle obligation à une ancienne obligation; soit une nouvelle dette est substituée à l’ancienne dette, soit une partie est substituée à l’ancienne partie. Il peut y avoir substitution (1) d’une nouvelle obligation entre les mêmes parties, (2) d’un nouveau débiteur ou (3) d’un nouveau créancier.

 

[32]    Dans l’arrêt National Trust Co. c. Mead[18], la Cour suprême du Canada a défini la novation comme suit :

 

Une novation est une convention trilatérale qui opère l'extinction d'un contrat existant et qui y substitue un contrat nouveau.  De fait, pour qu'une convention effectue une novation valide, la contrepartie convenable consiste en l'extinction de la dette primitive en échange d'une promesse de s'acquitter d'une obligation quelconque. [...] le créancier ne peut plus s'adresser au débiteur originaire si par la suite on ne s'acquitte pas des obligations conformément au contrat substitué.

 

[…] le consentement constitue l’élément essentiel de la novation […]

                                                                                                            (Je souligne)

 

[33]    Je ne crois pas qu’il soit raisonnable de conclure que le créancier Harvey avait l’intention de faire remise de la dette initiale et d’y substituer une nouvelle dette. La dette initiale n’a pas été annulée et remplacée par une nouvelle dette. Avant la répartition de la dette de 36 000 000 $, Provincial devait au moins 9 000 000 $ sur ce montant. Il s’agit d’une même dette qui a été réduite, et non éliminée. Après la passation de l’ECR, Provincial avait toujours la même dette envers M. Belzberg. Les parties n’ont produit aucun élément de preuve permettant de conclure qu’elles avaient « consenti » à une novation, qui découlerait de la répartition de la dette.

 

[34]    Dans l’arrêt National Trust, précité, la Cour suprême a ajouté ceci : « La novation se caractérise essentiellement par la substitution de débiteurs. » En ce qui concerne le prêt de 9 000 000 $, l’appelante soutient que Provincial avait été substituée aux autres créanciers solidaires et qu’une nouvelle obligation avait été créée entre Provincial et l’appelante. Je conclus que la substitution de débiteurs implique une substitution complète. En l’espèce, il est question de débiteurs solidaires qui ont initialement chacun pris en charge une dette solidaire, et non d’une « substitution de débiteurs » ainsi que l’implique la novation. Comme l’expliquait récemment le juge en chef adjoint Bowman, de cette cour[19] : « Une novation consiste en la création d'un nouveau lien contractuel, généralement lorsqu'un débiteur est déchargé de son obligation envers un obligataire avec le consentement de ce dernier et que l'obligation est assumée par un tiers, si bien qu'une nouvelle obligation survient entre l'obligataire et le tiers. » D’après les faits de la présente espèce, je ne crois pas que la prise en charge par chacun des débiteurs solidaires initiaux de sa partie respective de la dette ait entraîné la création d’une nouvelle obligation distincte entre l’appelante et Provincial. En l’espèce, il y a eu répartition d’une dette et non novation. En outre, l’attribution d’une partie de la dette à Provincial ne peut être assimilée à une substitution complète de Provincial aux débiteurs initiaux, puisque M. Shoctor n’a pas été entièrement libéré de sa dette.

 


Position de l’appelante – La dette de 4 000 000 $

 

[35]    L’avocat de l’appelante soutient qu’il a été convenu que Harvey avait payé 2 200 000 $ des 4 000 000 $ aux créanciers de Provincial. L’avocat admet que l’origine de la dette de 1 800 000 $ que Provincial avait envers Harvey est inconnue et demande à la Cour de déduire que cette dette est de même nature que la dette de 2 200 000 $.

 

[36]    L’avocat soutient qu’une avance entre entreprises qui découle du paiement des créanciers par une compagnie pour le compte de l’autre n’entraînerait pas la création d’un lien entre le prêteur et l’emprunteur et que, par conséquent, les intérêts n’étaient pas et n’auraient pu être déductibles aux termes de l’alinéa 20(1)c).

 

[37]    L’avocat invoque deux jugements à l’appui de son argument : La succession d'Aylward c. La Reine[20] et A.C. Simmonds & Sons Limited c. M.R.N.[21]. Il affirme qu’on a énoncé, dans le jugement Aylward, le principe selon lequel, si une personne a demandé à une autre personne d’accomplir un acte qui coûtera de l’argent à cette dernière – c’est-à-dire qu’il risque d’y avoir pour cette dernière une obligation juridique de payer une somme d’argent –, il y aura présomption juridique que la personne qui a fait cette demande s’est engagée à dédommager l’autre de ses frais. L’avocat soutient donc que [traduction] « la raison pour laquelle les registres[22] font état d’une avance entre entreprises est qu'il existe une présomption juridique que Provincial a l’obligation d’indemniser Harvey, c’est-à-dire de lui payer ou de lui rembourser les sommes que celle-ci a versées aux créanciers ».

 

[38]    L’avocat fait valoir que feu le juge Christie a conclu dans le jugement Simmonds, précité, qu’une personne pouvait avoir une dette envers une autre sans qu'il n'existe un lien entre le prêteur et l’emprunteur. L’avocat ajoute que, aux termes de l’analyse effectuée dans le jugement Simmonds, une avance entre entreprises découlant du paiement d’une somme d’argent aux créanciers par une compagnie pour le compte d’une autre compagnie entraîne simplement la création d’un lien entre un débiteur et un créancier et non d’un lien entre un prêteur et un emprunteur. L’appelante soutient donc que les sommes payées aux créanciers de Provincial ne peuvent être assimilées à un prêt. Il s’agit d’une dette contractée entre entreprises, mais non d’un prêt. Et s’il ne s’agit pas d’un prêt, il ne peut être question d’intérêts déductibles et, par conséquent, l’article 80 ne s’applique pas à cette opération.

 

Position de l’intimée – La dette de 4 000 000 $

 

[39]    Les observations orales de l’intimée portaient essentiellement sur le fait que le législateur emploie, dans la définition de « créance commerciale », le mot « créance » et non le mot « prêt ». L’avocate de l’intimée affirme qu’aucun des arrêts cités par l’appelante à l’égard de la question des prêts n’est pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si les 4 000 000 $ correspondent ou non à une créance commerciale. Selon l’avocat, il suffit simplement de conclure qu’il s’agissait d’une créance au sens large.

 

Analyse

 

[40]    Les paragraphes 50 et 51 de l’exposé conjoint des faits indiquent que Harvey a versé 2 200 000 $ aux créanciers de Provincial pour le compte de celle-ci. On ne sait pas d’où vient la dette de 1 800 000 $. J’en déduis qu’il s’agit d’une dette de même nature que la dette de 2 200 000 $.

 

[41]    Quelle est la nature de ces 4 000 000 $? S’agit-il d’un prêt contracté à des fins commerciales, ou simplement d’une dette entre entreprises qui n’est pas, en droit, un prêt? Dans l’arrêt National Revenue v. T.E. McCool Ltd.[23], le juge Estey déclarait ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

          On a attribué à des termes comme « capital emprunté » et « argent emprunté » dans la loi fiscale le sens de capital ou d'argent emprunté dans le cadre d'une relation de prêteur et d'emprunteur.

 

Pour ce qui est du montant de 4 000 000 $, les états financiers de Provincial font état d’ « avances consenties par des compagnies associées sans aucune modalité de remboursement particulière, aucune garantie, ni aucun intérêt ». L’appelante se fonde sur le raisonnement tenu par le juge Mogan dans le jugement Aylward, précité. Dans une affaire semblable à celle qui nous occupe, le juge Mogan a conclu qu'il existait une présomption légale que l’auteur de la demande s’engageait à dédommager l’autre personne de ses frais. L’appelante conclut que, lorsque Harvey a versé de l’argent au nom de Provincial, l’opération en cause n’était pas un prêt consenti à Provincial. Provincial a l’obligation juridique de rembourser Harvey; cependant, il n’est pas question de prêt, mais plutôt d’une obligation d’indemnisation tacite. Bien que l’expression « argent emprunté » figurant au sous-alinéa 20(1)c)(i) renvoie à une dette qui constitue un prêt aux termes d’un lien entre un prêteur et un emprunteur plutôt que d’un lien entre un débiteur et un créancier, je souscris à la conclusion, tirée par le juge Christie dans le jugement Simmonds, selon laquelle une dette peut exister sans l’existence d’un lien entre un prêteur et un emprunteur.

 

[42]    Les faits en cause dans les affaires Aylward et Simmonds sont distincts des faits de l’affaire qui nous occupe. M. Aylward était tenu d’indemniser Aylward Limited pour ce qui est des réclamations des créanciers de cette société. M. Aylward avait personnellement pris en charge les dettes de la société. Il avait fait en sorte que la société fournisse des garanties à ses créanciers. Le juge Mogan a déclaré que, selon la common law, il existait un contrat implicite aux termes duquel M. Aylward était tenu d’indemniser la société au titre de ces garanties. En l’espèce, il n’y a aucune preuve que Harvey avait une quelconque obligation juridique de rembourser les créanciers de Provincial. Je conclus que Harvey et Provincial avaient conclu une entente prévoyant que Harvey avancerait de l’argent au nom de Provincial. Harvey n’avait accordé aucune garantie ni n’avait exigé que Provincial fournisse quelque garantie que ce soit. Il n’y a aucune preuve que Harvey avait conclu avec les créanciers de Provincial une quelconque entente portant que Harvey serait responsable des dettes. C’était l’équivalent d’une opération unique. Le fait que Harvey ait directement payé les créanciers de Provincial ne change pas la nature de l’opération. C’était là une simple formalité.

 

[43]    Rien ne prouve que Harvey avait une relation contractuelle avec les créanciers de Provincial, ni que Harvey avait garanti qu’il rembourserait les créanciers de Provincial. Compte tenu de la preuve produite, je tiens pour avéré que Harvey avait conclu un contrat entre prêteur et emprunteur avec Provincial mais non avec les créanciers de celle-ci. En l’absence d’une telle entente de prêt, Harvey n’aurait aucune autre raison ou obligation d’avancer les fonds. Il n’y a aucune preuve de connexité contractuelle entre Harvey et les créanciers de Provincial. Il y avait plutôt une connexité contractuelle implicite entre Harvey et Provincial.

 

[44]    Dans la décision Simmonds, le juge Christie déclarait ce qui suit à la page 709:

 

[…] l'appelante [s'est entendue] avec l'organisme émettant les lettres de crédit pour que cet organisme ouvre aux fournisseurs japonais […] un crédit […] L'appelante s'était également engagée, envers l'organisme émettant des lettres de crédit, à lui régler les sommes qu'il paierait, plus les intérêts et les commissions. Dynacharge U.S., enfin, s'était engagée à rembourser à l'appelante les dépenses que celle-ci aurait engagées dans le cadre des démarches nécessaires pour obtenir, au bénéfice des fournisseurs, les crédits permettant à Dynacharge U.S. d'exercer ses activités commerciales. […]

 

[45]    Dans l’affaire Simmonds, tout comme dans l’affaire Aylward, l’appelante était légalement tenue d’une obligation envers les tiers créanciers, et l’argent avait été avancé à ces derniers en raison d’une obligation contractuelle. À la page 709 du jugement Simmonds, le juge Christie citait la définition qui suit de prêt d’argent figurant dans la cinquième édition (1979) du Black's Law Dictionary :

 

La livraison, par une partie à une autre partie, et la réception par celle-ci, d'une somme d'argent en fonction d'un accord, expresse ou tacite, de remboursement de cette somme, avec ou sans intérêts.

 

Le juge Christie poursuivait en ces termes :

 

[…] À mon avis, cette définition ne s'applique pas aux opérations sur lettres de crédit, ici en cause. […]

 

Je conclus que la définition du dictionnaire Black's décrit bien ce qui est arrivé entre Harvey et Provincial. Au fond, Harvey a en l’espèce consenti une avance de 4 000 000 $ à Provincial. Dans le jugement Simmonds, le juge Christie citait un passage du jugement McCool, précité, dans lequel le juge Estey déclarait ce qui suit : [TRADUCTION] « […] il s'agit de déterminer si cette relation existe effectivement afin de cerner la véritable nature et le véritable caractère de l'opération en cause. »

 


[46]    Le juge Christie a conclu en ces termes :

 

Ce que l'appelante a fait effectivement c'était de s'entendre avec l'organisme émettant les lettres de crédit pour que cet organisme ouvre aux fournisseurs japonais, dans les conditions prescrites et pour les sommes prévues, un crédit qui vaut engagement, auprès du fournisseur, de régler celui-ci pour les marchandises vendues à Dynacharge U.S. dès qu'il est satisfait à certaines conditions.  L'appelante s'était également engagée, envers l'organisme émettant des lettres de crédit, à lui régler les sommes qu'il paierait, plus les intérêts et les commissions.  Dynacharge U.S., enfin, s'était engagée à rembourser à l'appelante les dépenses que celle-ci aurait engagées dans le cadre des démarches nécessaires pour obtenir, au bénéfice des fournisseurs, les crédits permettant à Dynacharge U.S. d'exercer ses activités commerciales.  J'estime que les engagements pris par l'appelante en vue d'obtenir les crédits voulus, et l'avantage que ces crédits représentaient pour Dynacharge U.S., n'ont pas eu pour effet de créer entre les deux un contrat en vertu duquel l'appelante aurait transféré à Dynacharge U.S. des sommes d'argent, cette dernière s'engageant à les rembourser sans intérêt.

 

Comme je l’ai précédemment indiqué, ce n’est pas ce qui est arrivé entre Harvey et Provincial.

 

[47]    Enfin, l’appelante soutient que, pour qu’il y ait un prêt, il doit y avoir promesse de rembourser le montant. Je retiens cette observation. Cependant, je ne retiens pas l’observation selon laquelle la mention « aucune modalité de remboursement particulière », qui figurait dans les états financiers de Provincial, indique qu’il n’y avait aucune promesse de rembourser le montant. Je crois que la mention du remboursement équivaut à une promesse de rembourser le montant, mais que les modalités de remboursement n’ont pas été précisées. Il n’aurait pas été nécessaire d’indiquer que les modalités de remboursement n’avaient pas été précisées s’il n’y avait pas eu de promesse de rembourser le montant.

 

 

 

La dette de 2 200 000 $

 

[48]    L’appelante inverse les rôles avec le ministre du Revenu national en soutenant que, lorsque Provincial a acheté l’hôtel pour 4 000 000 $ en 1993, elle n’avait aucune attente raisonnable de profit (ARP) et que les intérêts sur la dette de 2 200 000 $ n’étaient pas déductibles puisqu’il n’y avait aucune source de revenu ainsi que l’exige le paragraphe 20(1). Bien que nous attendions que la Cour suprême du Canada nous indique, dans les jugements Stewart et Walls[24], la voie à suivre en ce qui concerne l’ARP, je conclus sans hésiter, compte tenu du droit actuel, que Provincial avait une ARP. J’accepte le fait que la juste valeur marchande de l’hôtel était de 18 000 000 $ en 1981, de 7 000 000 $ en 1987 et de 4 000 000 $ en 1993. Cette année-là, Provincial n’avait peut-être pas une ARP relativement à un bien valant 18 000 000 $ ou 7 000 000 $, mais il n’y a aucune preuve qu’elle n’avait aucune ARP relativement à un bien valant 4 000 000 $. En fait, je crois que le témoignage de M. Belzberg a révélé que Provincial avait réalisé des profits au cours des récentes années.

 

[49]    Je ne m’étendrai pas davantage sur cette question. Je retiens l’argument présenté par l’intimée à cet égard et exposé notamment aux pages 103, 104 et 105 de la transcription des observations finales.

 

[50]    L’intimée a invoqué la décision Pelechaty c. La Reine[25], dans laquelle le juge Hershfield concluait que l’application du critère de la source de revenu[26] revenait en fait à déterminer s’il y avait une véritable entreprise commerciale. Je suis persuadé que l’hôtel était exploité selon le modèle de l’entreprise privée et que le motif véritable de l’exploitation était la réalisation de profits. MM. Shoctor et Belzberg étaient des hommes d’affaires très compétents qui étaient décidés à exploiter l’hôtel à profit.

 

[51]    Il n’y avait aucun élément personnel pour ce qui est de la direction de l’entreprise de l’hôtel. M. Belzberg avait assumé la gestion de l’hôtel à contrecoeur, mais une fois sa décision prise, il avait investi son argent et exercé son grand talent d’homme d’affaires en vue de redresser la situation. Il avait nommé un nouveau gérant, procédé à des rénovations et conclu un contrat de franchise avec Holiday Inn. Aujourd’hui, l’hôtel est rentable.

 

[52]    On m’a informé que mon collègue, le juge Mogan, avait rejeté avant la présente audience la demande présentée par l’appelante en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant à l’intimée d’admettre certains documents. L’appelante a interjeté appel de l’ordonnance du juge Mogan, appel qui doit être entendu par la Cour d’appel fédérale le 24 avril 2002. Bien que j’accepte que le Westward Inn n’a pas réalisé de profit net de 1981 à 1993, comme je l’ai déjà indiqué, je conclus que l’hôtel avait une attente raisonnable de tirer un profit au cours de ces années.

 

[53]    L'appel est rejeté, avec frais.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'avril 2002.

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


Annexe A

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS ET DOCUMENTS

 

Les parties reconnaissent par les présentes, uniquement aux fins du présent appel et de tout appel subséquent ou de toute autre instance introduite relativement à la présente affaire, que les faits énoncés dans le présent exposé sont exacts. L'une ou l'autre partie peut produire d'autres éléments de preuve compatibles avec ces faits. Les parties reconnaissent en outre que les documents figurant aux présentes constituent des copies conformes des documents originaux, qu'ils ont été signés par les personnes qui disent les avoir signés et qu'ils ont été signés aux dates auxquelles ils ont censément été signés. L'une ou l'autre partie peut produire en preuve d'autres documents compatibles avec ces documents.

 

1.         L’appelante a été constituée le 31 janvier 1995 par suite de la fusion de Provincial Credit Corp. Ltd. (« Provincial »), de Citadel Mortgage Corporation Ltd. (« Citadel »), de 1751 Holdings Ltd. (« 1751 ») et de Cal-Con Financial Ltd. (« Cal-Con ») (la « fusion »).

 

Les parties (selon le statut qu’elles avaient durant la période pertinente, soit avant le 1er août 1993)

 

2.         Provincial :

 

            a)         a été constituée en société le 22 janvier 1959 en Alberta;

 

            b)         a émis des actions, lesquelles étaient toutes soit détenues par Joseph Shoctor, homme d’affaires d’Edmonton (M. Shoctor) ou par les membres de sa famille soit sous le contrôle de ceux-ci;

 

            c)         n’avait aucun lien de dépendance avec Samuel Belzberg (M. Belzberg) ou avec David Kline (M. Kline), tous deux hommes d’affaires de Vancouver.

 

3.         Citadel :

 

            a)         a été constituée en société sous l’appellation de Genevieve Mortgage Corporation (Alberta) le 30 juin 1977, puis a changé son nom pour celui de Citadel le 14 octobre 1977;

 

            b)         a émis des actions, lesquelles étaient toutes soit détenues par M. Shoctor ou par les membres de sa famille soit sous leur contrôle;

 

            c)         n’avait aucun lien de dépendance avec M. Belzberg ou avec M. Kline.

 


4.         Harvey Holdings Ltd. (« Harvey ») :

 

            a)         a été constituée en société en Alberta en 1959;

 

            b)         a émis des actions, lesquelles étaient toutes soit détenues par M. Shoctor ou par les membres de sa famille soit sous leur contrôle;

 

            c)         n’avait aucun lien de dépendance avec M. Belzberg ou avec M. Kline.

 

5.         Dans le présent exposé conjoint des faits, Provincial, Citadel et Harvey sont appelées les « trois compagnies » et sont avec M. Shoctor collectivement appelées le « Groupe Shoctor ».

 

6.         1751 :

 

            a)         a été constituée en société en Colombie-Britannique le 27 juillet 1988 ou vers cette date, et a été maintenue en Alberta, en qualité de société de cette province, le 17 janvier 1995;

 

            b)         détenait toutes les actions de Cal-Con;

 

            c)         a émis des actions, lesquelles étaient toutes détenues par M. Kline, lequel n’avait aucun lien de dépendance avec M. Belzberg.

 

7.         Cal-Con :

 

            a)         a été constituée en société en Colombie-Britannique le 27 juillet 1988 ou vers cette date sous l’appellation de 1749 B.C. Ltd. et a été maintenue en Alberta, en qualité de société de cette province, le 17 janvier 1995;

 

            b)         n’avait aucun lien de dépendance avec M. Belzberg.

 

8.         Saxony Motor Hotel Ltd. (« Saxony Ltd. ») et Desa Stores Ltd. (« Desa Ltd. ») ont été constituées en sociétés en Alberta.

 

Les biens

 

9.         Pendant toute la période pertinente, le Westward Inn était un hôtel et un bien situé à Calgary (Alberta).

 


10.       Immédiatement avant le 31 juillet 1993 :

 

            a)         Saxony Ltd. détenait le titre de la coentreprise Saxony Motor Hotel en qualité de simple fiduciaire pour le compte des coentrepreneurs, soit Harvey (45 %), Provincial (33 1/3 %) et Citadel (21 2/3 %);

 

            b)         la coentreprise Saxony Motor Hotel exploitait un parc-hôtel ainsi que des biens connexes à Edmonton (Alberta).

 

11.       Immédiatement avant le 31 juillet 1993 :

 

            a)         Desa Ltd. détenait le titre de la coentreprise Desa en qualité de simple fiduciaire pour le compte des coentrepreneurs, soit Harvey (35,3 %) et deux autres sociétés;

 

            b)         la coentreprise Desa exploitait un ensemble résidentiel à Edmonton (Alberta).

 

L’entente cadre de règlement et l’annulation de dette

 

12.       Le 9 décembre 1993 ou vers cette date, le Groupe Shoctor, M. Belzberg, 1751, Cal‑Con et d’autres personnes liées à M. Shoctor ont passé une série d’ententes ainsi que des documents connexes (appelés collectivement l’« entente cadre de règlement »). Leur entrée en vigueur avait été fixée soit au 31 juillet 1993, soit au 1er août 1993. L’entente cadre de règlement, y compris les annexes, figure à l’onglet 1 joint aux présentes. Aux fins de l’entente cadre de règlement, Cal‑Con et 1751 faisaient partie du Groupe Belzberg.

 

13.       En conformité avec l’entente cadre de règlement, les événements qui suivent ont eu lieu le 31 juillet 1993 :

 

            a)         Provincial a acquis de Harvey une participation de 45 p. 100 dans la coentreprise Saxony Motor Hotel;

 

            b)         Provincial a acquis de Harvey une participation de 35,3 p. 100 dans la coentreprise Desa;

 

            c)         Provincial a acheté le Westward Inn à M. Shoctor, le prix d’achat totalisant 3 918 000 $, soit la juste valeur marchande du Westward Inn à cette date.

 

14.       En conformité avec l’entente cadre de règlement, les événements qui suivent ont eu lieu le 1er août 1993 :

 

            a)         M. Belzberg a acquis de M. Shoctor toutes les actions de Provincial et de Citadel;

 

            b)         Provincial a pris en charge une partie de la dette que le Groupe Shoctor avait envers Cal-Con;

 

            c)         Harvey a cédé à Cal-Con une créance qu’elle avait sur Provincial;

 

            d)         M. Shoctor a cédé à Cal-Con une créance qu’il avait sur Provincial.

 

15.       Le 19 novembre 1993, M. Belzberg a acheté à M. Kline toutes les actions de 1751.

 

16.       Le 9 décembre 1993 et le 2 septembre 1994, le Groupe Shoctor et le Groupe Belzberg (tels qu’ils sont définis dans l’entente cadre de règlement) ont convenu de se donner mutuellement quittance pour ce qui est de toute réclamation qu’ils auraient pu avoir avant la passation de l’entente cadre de règlement, à l’exception des réclamations précisées dans les quittances, celles-ci figurant aux onglets 2 et 3 ci-joints. Conformément à l’entente cadre de règlement et aux quittances, M. Belzberg a fait remise d’une créance de plusieurs millions de dollars qu’il avait sur M. Shoctor.

 

17.       Aux termes de l’entente cadre de règlement, Provincial devait à Cal-Con, immédiatement après le 1er août 1993, la somme de 16 179 606 $ (la « dette totale »), soit les montants suivants :

 

Origine

Montant

Prise en charge par Provincial d’une partie de la dette du Groupe Shoctor envers Cal-Con

 

9 064 900 $

Dettes de Provincial envers Harvey cédées par celle-ci à Cal‑Con

 

4 053 372 $

Dette de Provincial envers Harvey, découlant de l’acquisition d’une participation de 35,3 p. 100 dans la coentreprise Desa, cédée par Harvey à Cal-Con

 

458 000 $

Dette de Provincial envers Harvey, découlant de l’acquisition d’une participation de 45 p. 100 dans Saxony Inn, cédée par Harvey à Cal-Con

 

231 847 $

Montant dû par Provincial à Harvey au titre de l’insuffisance de capital relativement au Saxony Motor Hotel et cédé par Harvey à Cal-Con

 

139 819 $

Dette de Provincial envers M. Shoctor, découlant de l’acquisition du Westward Inn, cédée par ce dernier à Cal-Con

 

2 231 668 $

 

Dette totale

16 179 606 $

 

18.       Dans ses états financiers des exercices se terminant les 31 janvier 1994 et 1995, Cal-Con n’a pas indiqué que Provincial avait payé des intérêts à l’égard d’une quelconque partie de la dette totale après le 1er août 1993.

 

19.       Immédiatement avant le 18 janvier 1995, Provincial devait à Cal-Con, au titre de la dette totale, au moins 16 000 000 $ (la « dette »).

 

20.       Cal-Con a fait grâce à Provincial de la dette (l’« annulation de dette ») aux termes d’une entente d’annulation de dette qui est datée du 18 janvier 1995 et qui entrait en vigueur à cette date. Cette entente figure à l’onglet 4 ci-joint.

 

21.       Suivant les lois albertaines, une société ne peut faire l’objet d’une fusion si elle est insolvable. Provincial aurait été insolvable en raison de la dette totale, et n’aurait donc pas pu être fusionnée n’eût été l’annulation de dette.

 

Les nouvelles cotisations

 

22.       D’après de nouvelles cotisations et un avis de détermination d’une perte établis relativement à l’année d’imposition 1993 de Provincial, à l’égard desquels cette société n’a ni produit une opposition ni formé un appel, le montant des pertes autres que des pertes en capital que Provincial pouvait reporter prospectivement s’élevait à 12 486 621 $ au début de l’année d’imposition 1995 de cette société (soit avant l’annulation de dette).

 

23.       Selon l’article 80 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), lorsqu’une « créance commerciale » émise par un « débiteur » est réglée, un montant égal au « montant remis » est en premier lieu appliqué en réduction des pertes autres que des pertes en capital du contribuable.

 

24.       Dans la déclaration de revenus qu’elle a produite pour son année d’imposition se terminant le 31 janvier 1995, Gibralt, en tant que successeur de Provincial par suite de la fusion, a réduit de 16 000 000 $ les pertes autres que des pertes en capital de Provincial qui étaient susceptibles d’être reportées prospectivement, en raison de l’annulation de dette; Gibralt a en outre reporté prospectivement des pertes autres que des pertes en capital de 428 890 $ (soit des pertes que Provincial avait subies dans son année d’imposition 1993), ramenant ainsi à zéro son revenu de 1995.

 

25.       Par avis daté du 20 novembre 1995, le ministre du Revenu national (« le ministre ») a établi à l’égard de l’année d’imposition 1995 de Gibralt une cotisation reflétant la déclaration de revenu de cette société telle qu’elle avait été produite.

 

26.       Par voie d’avis daté du 19 novembre 1998, le ministre a établi une nouvelle cotisation (la « première nouvelle cotisation ») à l’égard de l’année d’imposition de Gibralt se terminant le 31 janvier 1995, en se fondant sur le fait que cette société avait eu un revenu imposable de 428 890 $ puisqu’elle ne pouvait reporter prospectivement aucune perte autre qu’une perte en capital de Provincial de l’année d’imposition 1993. En établissant cette première nouvelle cotisation, le ministre a présumé que l’article 80 de la Loi s’appliquait à l’annulation de dette et a donc ramené à zéro les pertes autres que des pertes en capital de Provincial de 1993 qui étaient susceptibles d’être reportées prospectivement. Ces pertes s’élevaient antérieurement à 12 486 621 $.

 

27.       Gibralt s’est dûment opposée à la première nouvelle cotisation et a dûment produit un avis d’appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt plus de 90 jours après le dépôt de l’avis d’opposition.

 

28.       En réponse à une demande de Gibralt, le ministre a, par avis daté du 1er juin 2000, établi à l’égard de l’année d’imposition 1995 de cette société une nouvelle cotisation (la « deuxième nouvelle cotisation ») par laquelle il ramenait son revenu de 428 890 $ à 233 413 $, acceptant ainsi une déduction pour amortissement plus élevée. Cette deuxième nouvelle cotisation n’avait par ailleurs aucune incidence sur l’annulation de dette.

 

29.       L’avis d’appel a été dûment modifié en vue de faire état de la deuxième nouvelle cotisation mais ne comportait aucune autre modification.

 

La prise en charge de la dette de 9 064 900 $

 

30.       La dette de 9 064 090 $ (qui fait partie de la dette totale susmentionnée) résulte des événements ci-après décrits.

 

31.       Le 26 juin 1980 :

 

            a)         la Westward Inn Inc., une compagnie sans lien de dépendance avec M. Shoctor,  était propriétaire du Westward Inn;

 

            b)         M. Shoctor a exercé une option d’achat (l’ « option ») visant le Westward Inn. Le prix d’achat total s’élevait à 18 000 000 $. L’option devait être levée au plus tard le 30 juin 1981 et l’entente conclue au plus tard le 1er août 1981.

 

32.       M. Shoctor a levé l’option en qualité de simple fiduciaire des trois compagnies, chacune d’elles ayant un intérêt bénéficiaire indivis d’un tiers.

 

33.       Pour financer l’achat du Westward Inn de la manière indiquée au paragraphe qui suit, les trois compagnies ont, le 24 juillet 1981, emprunté solidairement 18 255 000 $ (la « dette de 1981 ») de la Banque Toronto-Dominion (la « Banque TD »). Une copie du billet émis par les trois compagnies en faveur de la Banque TD et du contrat hypothécaire conclu par les parties figurent à l’onglet 5 joint aux présentes.

 

34.       Le 31 juillet 1981 ou vers cette date, l’option était levée et chacune des trois compagnies acquérait un intérêt bénéficiaire d’un tiers dans le Westward Inn; le prix d’achat, qui totalisait 18 000 000 $, correspondait à la juste valeur marchande du bien à cette date.

 

35.       Les trois compagnies ont convenu entre elles que, le 5 août 1981, la part de la dette de 1981 devant être assumée par Provincial était de 6 085 000 $.

 

36.       Au mois de juillet 1986, les arriérés accumulés sur la dette de 1981 des trois compagnies étaient considérablement élevés. Le 1er juillet 1986, la Banque TD et le Groupe Shoctor ont convenu de réaménager la dette de 1981. Une copie de l’entente du 1er juillet 1986 figure à l’onglet 6 joint aux présentes.

 

37.       Aux termes d’une entente datée du 2 juillet 1986 (à laquelle des modifications ont été apportées le 28 avril 1987, avec effet rétroactif au 2 juillet 1986), M. Shoctor acceptait d’acheter la participation de chacune des trois compagnies dans le Westward Inn, le prix d’achat total s’élevant à 7 376 832 $ (dont 2 458 944 $ d’intérêts). Le prix d’achat correspondait à la juste valeur marchande du Westward Inn à cette date. Les modalités de paiement étaient les suivantes :

 

            a)         paiement d’un montant de 350 000 $ au moment de la passation de l’entente;

            b)         prise en charge des dettes du Westward Inn s’élevant à 719 701 $;

            c)         paiement du solde, soit 6 037 131 $, au plus tard le 30 novembre 1987, le taux d’intérêt applicable étant de 9 pour 100.

 

38.       En vendant ainsi sa participation dans le Westward Inn, Provincial subissait une perte de 3 015 174 $.

 

39.       Le 27 novembre 1987, M. Shoctor a emprunté 7 104 939,85 $ à la Banque TD (le « montant de 1987 ») en vue de payer le solde du prix d’achat mentionné à l’alinéa 37c), ainsi que les intérêts courus.

 

40.       Le 27 novembre 1987, M. Shoctor a payé le montant de 1987 aux trois compagnies. Aux termes d’une entente conclue ce même jour par le Groupe Shoctor et la Banque TD (dont une copie figure à l’onglet 7 ci-joint), les trois compagnies garantissaient solidairement le remboursement du montant de 1987 à la Banque TD, et chacune d’elles a imputé le tiers du montant de 1987 (soit 2 368 313 $) au remboursement de la dette de 1981 à la Banque TD.

 

41.       Le 11 mai 1988, les trois compagnies devaient solidairement à la Banque TD, au titre de la dette de 1981, les montants suivants :

 

            a)         8 468 866,10 $ au titre du principal;

            b)         12 525 914,48 $ d’intérêts.

 

42.       Le 11 mai 1988, les trois compagnies devaient solidairement à la Banque TD, à l’égard du Westward Inn, les montants suivants :

 

            a)         732 150,45 $ au titre de l’impôt foncier que la Banque TD avait payé en 1985;

            b)         201 334,76 $ d’intérêts sur le montant visé à l’alinéa a).

 

43.       De 1988 à 1993, M. Shoctor a tenté, en vain cependant, de vendre le Westward Inn en vue de s’acquitter de sa dette de 10 165 033 $ envers M. Belzberg. Des lettres que M. Shoctor a envoyées à M. Belzberg le 15 mars, le 9 août et le 28 novembre 1990, où il est question de la vente du Westward Inn qui ne s’est pas réalisée, figurent à l’onglet 8 joint aux présentes.

 

44.       Au début de 1988, les arriérés accumulés par le Groupe Shoctor sur la dette qu’il avait envers la Banque TD étaient considérablement élevés. À la demande de M. Shoctor (faite par lettre datée du 20 mai 1988, dont une copie figure à l’onglet 9 ci-joint), M. Belzberg a rédigé une lettre que M. Shoctor pourrait utiliser en vue de négocier avec la Banque TD. Ce dernier s’est effectivement servi de cette lettre (datée du 27 mai 1988, dont une copie figure à l’onglet 10 ci-joint) en vue de négocier un règlement avec la Banque TD. Le 30 juin 1988, celle-ci offrait à M. Shoctor de régler la totalité de la dette pour une somme de 10 millions de dollars (une copie de l’offre figure à l’onglet 11 ci-joint).

 

45.       La semaine du 11 au 17 octobre 1988, la Banque TD, M. Belzberg, 1751, Cal-Con et le Groupe Shoctor ont convenu de ce qui suit :

 

            a)         la Banque TD prêtait 10 165 033,53 $ à M. Belzberg;

 

            b)         M. Belzberg prêtait 10 165 033,53 $ au Groupe Shoctor aux termes d’une entente de prêt;

 

            c)         le Groupe Shoctor prêtait 10 148 033 $ à 1751, laquelle prêtait à son tour une somme identique à Cal-Con;

 

            d)         Cal-Con a affecté cette somme de 10 148 033 $ à l’acquisition de la créance de 32 611 334,17 $ que la Banque TD avait sur le Groupe Shoctor. Les divers éléments de cette créance de 32 611 334,17 $ sont indiqués dans l’entente d’acquisition de la créance.

 

            Figurent aux onglets 12 et 13 ci-joints l’entente de prêt datée du 11 octobre 1988, sans les annexes, et l’entente d’acquisition de la créance, datée du 17 octobre 1988, que la Banque TD et Cal-Con ont conclue.

 

46.       Au 31 juillet 1993, la dette du Groupe Shoctor envers Cal-Con s’élevait à 36 791 358 $, ainsi qu’il est indiqué dans l’annexe F de l’entente cadre de règlement (l’écart entre le principal de 32 611 334,17 acquis aux termes de l’entente d’acquisition de la créance et le principal de 32 896 856 $ figurant à l’annexe F est sans importance).

 

47.       Ainsi qu’il est indiqué dans l’annexe F, la dette de 36 791 358 $ du Groupe Shoctor envers Cal-Con a été répartie entre chacun des membres du groupe, la part de la dette de Provincial envers Cal-Con s’élevant à 9 064 000 $.

 

L’avance de 4 053 372 $

 

48.       Les montants payés par Harvey à Provincial ou au nom de celle-ci et cédés à Cal-Con, qui représentaient 4 053 372 $ de la dette totale et qui figuraient à la rubrique « avances » dans les états financiers de Provincial, résultent des événements ci-après décrits (l’intimée n’admet pas que ces montants constituaient, en fait ou en droit, des avances).

 

49.       Au 31 décembre 1990, Harvey avait versé 1 843 787 $ à Provincial ou au nom de celle-ci. On n’avait prévu à l’égard de ce montant aucune modalité de remboursement particulière, aucune garantie, ni aucun intérêt. Les états financiers de Provincial des années 1986 à 1995 figurent à l’onglet 14 ci-joint.

 

50.       En 1991, Harvey avait payé les montants suivants pour le compte de Provincial :

 

Payé à

Montant

Deloitte & Touche

2 943,57 $

Edmonton Motors

      882,38

M. Belzberg (remboursement partiel du prêt consenti au Groupe Shoctor le 11 octobre 1988)

 1 019 757,10

 

Total

1 023 582,90 $

 

51.       En 1992, Harvey avait payé les montants suivants pour le compte de Provincial (ou ces montants avaient été portés à son crédit) :

 

Payé à

Montant

M. Belzberg (remboursement partiel du prêt consenti au Groupe Shoctor le 11 octobre 1988)

1 138 852,05 $

Deloitte & Touche

    3 048,43

Citadel

  44 433,34

Provincial

   (3 500,00)

 

 

Total

1 182 833,70 $

 

52.       Au 31 juillet 1993, Harvey avait payé des montants additionnels totalisant 3 169,30 $ à Provincial ou au nom de celle-ci.

 

53.       Au 31 juillet 1993, Harvey avait payé en tout 4 053 372 $ à Provincial ou au nom de celle-ci.


La dette de 2 231 668 $ relative au Westward Inn

 

54.       Aux termes de l’entente cadre de règlement, Provincial a acheté le Westward Inn à M. Shoctor. Le prix d’achat de 3 918 000 $ devait être payé comme suit :

 

            a)         un montant de 1 686 332 $ était payé par Provincial, qui prenait en charge les dettes de M. Shoctor jusqu’à concurrence de ce montant;

 

            b)         le solde de 2 231 688 $ devait être payé aux termes d’un prêt à vue sans intérêts consenti à M. Shoctor par Provincial;

 

Le privilège fiscal

 

55.       Le 13 septembre 1993, la ville de Calgary avait enregistré un privilège grevant le Westward Inn à l’égard d’arriérés d’impôt foncier s’élevant à 1 157 877,91, ainsi qu’il est indiqué à l’onglet 15.

 

56.       Les représentants de Provincial et de la ville de Calgary ont, du 24 au 27 septembre 1993, eu d’autres discussions, comme il en est fait état aux onglets 16 et 17.

 

57.       Provincial a payé l’impôt foncier qu’elle devait à la ville de Calgary et refinancé le paiement en contractant un prêt auprès de l’Alberta Treasury Branches en septembre 1994.

 

Rendement financier du Westward Inn

 

58.       Ainsi que l’indiquent les états financiers du Westward Inn (Joseph H. Shoctor, propriétaire) (onglet 18) des exercices 1991 et 1992, la perte nette subie par M. Shoctor à l’égard du Westward Inn s’élevait à 407 394 $ pour la période de 12 mois se terminant le 31 décembre 1990, à 1 520 778 $ pour la période se terminant le 31 décembre 1991, à 851 505 $ pour la période se terminant le 31 décembre 1992 et à 319 399 $ pour la période de sept mois se terminant le 31 juillet 1993, tandis que son déficit cumulatif en tant que propriétaire du Westward Inn (soit du 2 juillet 1986 au 31 juillet 1993) s’élevait à 5 450 726 $.

 

59.       La sortie nette d’argent de Provincial à l’égard du Westward Inn, pour la période du 31 juillet 1993 au 31 janvier 2000, après la prise en considération de tout revenu net tiré du Westward Inn, est indiquée dans le tableau des dépenses, figurant à l’onglet 19 joint aux présentes.

 

60.       Dans la période de six mois allant du 1er août 1993 au 31 janvier 1994, Provincial a subi, aux fins de l’impôt sur le revenu, une perte de 455 265 $ en tant que propriétaire du Westward Inn.

 

61.       Dans son exercice se terminant le 31 janvier 1995, Provincial a subi, aux fins de l’impôt sur le revenu, une perte de 751 036 $ en tant que propriétaire du Westward Inn.

 

62.       Dans ses états financiers des années 1989 à 1993, Cal-Con a inclus des revenus en intérêts de 780 486 $, de 780 000 $, de 785 000 $, de 786 400 $ et de 762 699 $ respectivement.

 

63.       Aux termes d’une renonciation aux intérêts datée du 31 janvier 1994 et visant la période du 1er février 1994 au 31 janvier 1995 (onglet 20), Cal-Con renonçait aux intérêts que lui devait Provincial sur la dette de 16 179 606 $.

 

64.       Au cours de son exercice 1996, Gibralt est devenue franchisée du Quality Inn, substituant ce nom à celui de Westward Inn.

 

65.       Au cours de son exercice 1998, Gibralt est devenue franchisée du Holiday Inn, substituant ce nom à celui de Quality Inn.

 

Tentatives de M. Belzberg de vendre le Westward Inn

 

66.       Le 25 janvier 1993 ou vers cette date, M. Belzberg entamait avec Coopers & Lybrand des négociations en vue de la vente du Westward Inn. Une copie d’une lettre que Coopers faisait parvenir à Bel-Fran Investments Ltd., qui est une des compagnies de M. Belzberg, figure à l’onglet 21 ci-joint.

 

67.       Vers le mois de septembre 1993, M. Belzberg avait eu avec Midland Walwyn des discussions au sujet de la vente du Westward Inn. Une lettre datée du 24 septembre 1993 que Bel-Fran Investments Ltd. faisait parvenir à Midland figure à l’onglet 22 ci-joint.

 

68.       En 1993, Provincial (par l’entremise de M. Belzberg ou de l’une de ses compagnies) a reçu deux offres d’achat à l’égard du Westward Inn. Les offres ont toutes deux été rejetées. Des copies de celles-ci figurent à l’onglet 23 ci-joint.

 

69.       Le 16 décembre 1994 ou vers cette date, M. Belzberg avait discuté de la vente du Westward Inn avec des représentants de Colliers International. Une lettre que Bel-Fran avait envoyée à Colliers à ce sujet figure à l’onglet 24 ci-joint.

 


70.       À l’onglet 25, on trouve six schémas faisant état des opérations susmentionnées (les  chiffres étant approximatifs) qui ont été effectuées avant l’exécution de l’entente cadre de règlement.

 

Fait ce 7e jour de septembre 2001.

 

Gibralt Capital Corporation

 

Par :  « signature »

            Avocat de l’appelante

 

Sa Majesté la Reine

 

Par :   « signature »

            Avocate de l’intimée

 

 



[1]           Les montants ont été arrondis par souci de commodité.

[2]           L’appelante a été constituée le 31 janvier 1995 par suite de la fusion de Provincial Credit Corp. Ltd. (« Provincial »), de Citadel Mortgage Corporation Ltd. (« Citadel »), de 1751 Holdings Ltd. (« 1751 ») et de Cal-Con Financial Ltd. (« Cal-Con ») (la « fusion »).

[3]           J’ai tenté d’énoncer dans les présents motifs les faits les plus pertinents. Cependant, l’exposé conjoint des faits renferme davantage de détails.

[4]           Les trois sociétés sont Harvey Holdings Ltd., Provincial Credit Corp. Ltd. et Citadel Mortgage Corporation Ltd.

[5]           Les mentions de M. Shoctor et de M. Belzberg sont une simplification de la réalité puisqu’elles visent également leurs sociétés respectives. Les mentions de M. Belzberg valent mention de l’appelante.

[6]           Les parties ont convenu que les montants supplémentaires de 458 000 $ et de 231 847 $ n’étaient pas en litige. Il sera ci-après question d’un autre montant, de 139 819 $.

[7]           Voir les paragraphes 6 et 7, à la page 2 de l’exposé conjoint des faits joint aux présents motifs à l’annexe A.

[8]           Une des trois sociétés de M. Shoctor qui avaient initialement acheté le Westward Inn en 1981.

[9]           Les trois sociétés qui avaient initialement acheté le Westward Inn en 1981.

[10]          La décision portant sur ce montant découle de la même analyse que celle visant la dette de 2 200 000 $.

[11]          Emerson c. La Reine, C.A.F., no A-419-85, 7 mars 1986 (86 DTC 6184).

[12]          Date d’entrée en vigueur des modifications apportées à l’article 80.

[13]             La question de la présomption de non-rétroactivité des lois a été abordée dans les jugements Metropolitan Toronto and Region Conservation Authority v. Metropolitan Toronto, 47 D.L.R. (3d) 191 (H.C.), Latif c. La Commission canadienne des droits de la personne et R.G.L. Fairweather, [1980] 1 C.F. 687 (105 D.L.R. (3d) 609) (C.A.F.), et Ford c. Québec (procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, ainsi que dans l’arrêt Gustavson Drilling Ltd. c. M.R.N., [1977] 1 R.C.S. 271, où le principe général était ainsi énoncé à la page 279 :

 

Selon la règle générale, les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la Loi ne le décrète expressément ou n'exige implicitement une telle interprétation.

 

[14]          L’intimée ayant eu gain de cause pour les motifs exposés ci-après, il était inutile de traiter de cet argument.

[15]          [1997] 1 R.C.S. 358.

[16]          75 DTC 5451.

[17]          Observations écrites de l’appelante, au paragraphe 10.

[18]          [1990] 2 R.C.S. 410 ([1990] 5 W.W.R. 459, à la page 472).

[19]          Carma Developers Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 95-2100(IT)G, 2 mai 1996, à la page 10 (96 DTC 1798, à la page 1802).

[20]          C.C.I., no 98-2015(IT)G, 13 juin 2001 (2001 DTC 638).

[21]          C.C.I., no 88-1104(IT), 9 novembre 1989 (89 DTC 707).

[22]          Soit les registres comptables mentionnés dans les états financiers de la société mère de Provincial et de Harvey.

[23]          49 DTC 700, à la page 708.

[24]          Brian J. Stewart c. La Reine, C.A.F., no A-337-98, 18 février 2000 (2000 DTC 6163) et Jack Walls et Robert Buvyer c. La Reine, C.A.F., A-163-96, 23 novembre 1999 (2000 DTC 6025). Ces deux jugements de la Cour d’appel fédérale ont été portés en appel devant la Cour suprême du Canada, qui a entendu les pourvois en décembre 2001 mais qui n’a à ce jour toujours pas rendu jugement.

[25]          C.C.I., no 2000-990(IT)I, 19 janvier 2001 (2001 DTC 199).

[26]          Un des critères mentionnés dans l’arrêt Moldowan c. Sa Majesté la Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213).

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