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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-828(IT)I

 

ENTRE :

 

LES P. LAZARUK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Appel entendu le 11 janvier 2002 à Castlegar (Colombie-Britannique), par

 

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  l'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :                           Victor Caux

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1994 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2002.

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juillet 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020123

Dossier: 2001-828(IT)I

 

 

ENTRE :

 

LES P. LAZARUK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller, C.C.I.

 

[1]     Il y a trois questions à trancher dans l’appel interjeté par M. Lazaruk à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années d’imposition 1989 à 1994. La première consiste à déterminer si M. Lazaruk a le droit d’inclure dans les dons de bienfaisance aux fins du calcul du crédit d’impôt non remboursable des montants représentant des salaires impayés par un organisme de bienfaisance enregistré. La deuxième consiste à déterminer si M. Lazaruk a le droit de déduire des dépenses de 2 422 $, 1 723 $ et 2 475 $ relativement à son entreprise de rénovation pour les années d’imposition 1992, 1993 et 1994 respectivement. Dans le cas de la troisième question, il s’agit de déterminer si M. Lazaruk a exploité une entreprise d’élaboration de programmes d’études en 1992, 1993 et 1994 ouvrant droit à la déduction de pertes d’entreprise résultant de l’exploitation de cette prétendue entreprise.

 

[2]     M. Lazaruk s’intéresse vivement depuis de nombreuses années à l’enseignement des sciences, principalement comme enseignant dans une école secondaire. Cet intérêt a atteint en quelque sorte son apogée à la fin des années 1980 lorsque M. Lazaruk a fondé la Canadian Academy of Science Student Researches (« CASSR ») pendant le congé que lui avait accordé l’Université de Victoria. La CASSR était un organisme de bienfaisance enregistré ayant pour mandat d’élaborer des programmes d’études en sciences pour les étudiants du dernier cycle du secondaire désireux de participer à des projets de recherche. La CASSR a été constituée en organisme de bienfaisance en vue de faciliter la collecte de fonds. M. Lazaruk a indiqué que son organisme avait l’appui de la British Columbia Science Council et des ministères de l’Éducation et des Études supérieures de la Colombie‑Britannique. L’organisme de bienfaisance a eu une courte existence car il a cessé ses activités en juin 1989 et a été dissout en novembre 1989. M. Lazaruk a affirmé qu’il avait continué d’effectuer le travail lui‑même, mais qu’il avait conservé la raison sociale CASSR. Il a clairement dit qu’il avait toujours considéré que la CASSR et lui ne faisaient qu’un. Il croyait que l’organisme lui devait un montant approximatif de 44 000 $, dont il n’a toutefois jamais reçu le paiement. Ce montant représentait un salaire impayé. À la place, il a signé deux reçus d’impôt pour activités de bienfaisance représentant un montant total de 44 000 $. L’un des reçus, daté du 30 octobre 1989, se rapportait à un montant de 10 000 $ et l’autre, daté du 15 décembre 1990, se rapportait à un montant de 34 014 $. Il est intéressant de noter que les dates inscrites sur les reçus sont postérieures à la date à laquelle, selon M. Lazaruk, le CASSR aurait cessé ses activités à titre d’organisme de bienfaisance. M. Lazaruk n’a jamais déclaré le montant de 44 004 $ à titre de revenu tiré de la CASSR.

 

[3]     M. Lazaruk est demeuré très actif dans le milieu de l’enseignement des sciences pendant les années 1980 et une bonne partie des années 1990. Il a siégé à des comités de la Society for the Advancement of Young Scientists et de la Fondation sciences jeunesse, et il a présidé le comité expo‑sciences de la Fondation sciences jeunesse. Il a participé à de nombreuses foires scientifiques, à divers titres, a‑t‑il précisé, dont celui de concepteur de programmes d’études en sciences.

 

[4]     Dans le cadre de l’exploitation de cette entreprise, M. Lazaruk ne s’est pas limité à participer à ces foires scientifiques. Il a aussi établi des contacts avec des acheteurs éventuels de programmes d’études, en plus de produire les programmes. M. Lazaruk n’a pas mentionné dans son témoignage que des ventes avaient été réalisées, mais il a produit des copies de livrets intitulés « School Districts Administration Package », « Student Resources Package », « Curriculum Guides and Teacher Resources Management Package ». Dans toutes ces publications, il y a une note faisant état d’un droit d’auteur appartenant à CASSR, Les Lazaruk et L. P. C. Enterprises avec mention des années 1989 et 1991. On y trouve aussi l’adresse de l’Université de Victoria.

 

[5]     M. Lazaruk a affirmé dans le cadre de son témoignage qu’il n’avait vécu que quelques années à Victoria à la fin des années 1980 et que c’est uniquement pendant cette période qu’il avait été en mesure de consacrer tout son temps à ce projet. Bien qu’il ait indiqué que l’élaboration des documents produits en preuve s’était étalée sur un certain nombre d’années, son témoignage m’incite à conclure qu’une grande partie du travail a été effectuée sous les auspices de CASSR, à l’époque où c’était une société distincte. Deux projets pilotes ont été entrepris pendant la période où CASSR était encore un organisme de bienfaisance. De février 1990 à la fin des années 1990, M. Lazaruk a enseigné à temps plein, même si des problèmes de santé en 1995 l’ont contraint à réduire toutes ses activités.

 

[6]     Pour les années 1992, 1993 et 1994, M. Lazaruk a demandé la déduction de dépenses de 13 264 $, 13 237 $ et 20 316 $ respectivement relativement à l’élaboration de programmes d’études. Il a été prouvé qu’une partie de ces dépenses avait été remboursée à M. Lazaruk par la Fondation sciences jeunesse en raison de sa participation aux activités de l’organisme. Les frais d’automobile et les dépenses du bureau à domicile s’établissaient à 10 000 $ environ dans chacune des années en question. En outre, en 1994, M. Lazaruk a demandé la déduction d’un montant de 3 400 $ au titre du « remboursement des cotisations au régime de retraite ». Il a admis dans le cadre de son témoignage que cette dernière déduction n’était pas fondée.

 

[7]     En plus d’enseigner et de siéger à divers comités scientifiques provinciaux et nationaux, M. Lazaruk exploitait une entreprise de peinture durant la période estivale au cours des années en cause. Relativement à cette entreprise, il a demandé la déduction de frais de publicité, de matériel et de main‑d’œuvre de 1 052 $, 1 760 $ et 1 844 $ en 1992, 1993 et 1994 respectivement. Il n’a fourni aucune preuve à l’appui de ces demandes de déduction. Il n’a pas non plus fourni de preuve pour étayer sa demande de déduction de frais d’automobile.

 

[8]     En ce qui concerne en premier lieu la question des dons de bienfaisance, M. Lazaruk a admis qu’il n’avait pas procédé de la bonne manière. Il croyait qu’il n'était pas permis d’indiquer que la CASSR lui avait versé un salaire et qu’il avait immédiatement fait don du montant correspondant à l’organisme. Il est encore moins permis de demander la déduction d’un don de bienfaisance fictif sans inclure le salaire impayé dans le calcul de son revenu. Je crois que M. Lazaruk s’est rendu compte de son erreur. C’est à titre d’employé qu’il a consacré beaucoup de temps et d’énergie à la CASSR. Il n’a pas été rémunéré pour la totalité des services fournis. Il ne peut tout simplement pas rédiger un reçu d’impôt pour activités de bienfaisance à son nom au titre du salaire impayé. Il n’y a pas eu de paiement du salaire et, par conséquent, il n’a pas eu de versement d’un don de bienfaisance. Aucun argument n’a été soumis selon lequel il y avait eu un don de services, mais je vais me pencher sur cette question afin que M. Lazaruk comprenne bien le droit qui s’applique à cette demande de déduction. Dans l’affaire Slobodrian c. R., C.C.I., no 97‑812(IT)I, 15 mai 1998 (CarswellNat 808, [1998] 3 C.T.C. 2654), la juge Lamarre Proulx a analysé la question de manière assez détaillée, et voici le résumé qu’elle en fait :

 

26.       Compte tenu des circonstances de l'espèce, l'appelant a apporté ses connaissances, ses compétences et ses talents sous forme de services fournis à l'université. Ces services ont ajouté une valeur, et ont en fin de compte donné lieu à un travail susceptible d'approbation, lequel était un bien, mais les services eux-mêmes n'étaient pas susceptibles d'appropriation et ils ne devraient donc pas être considérés comme des biens. Cela étant, les services ne peuvent pas constituer l'objet d'un don.

 

 

[9]     Si M. Lazaruk avait été rémunéré pour son travail et qu’il avait volontairement remis l’argent au CASSR, il y aurait peut‑être eu don de biens, au sens où l’envisage la Loi. Il n’y a pas eu de don du genre, et, ainsi que la juge Lamarre Proulx l’a très clairement indiqué, des services ne peuvent pas constituer l’objet d’un don.

 

[10]    En ce qui concerne la question des frais de rénovation, M. Lazaruk n’a fourni aucune preuve permettant de démolir l'hypothèse du ministre.

 

[11]    Enfin, en ce qui concerne la question de savoir si M. Lazaruk a exploité une entreprise d’élaboration de programmes d’études en 1992, 1993 et 1994 ouvrant droit à la déduction de pertes d’entreprise, je me reporte à la question posée par le juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Kaye c. R., C.C.I., no 97‑2772(IT)I, 9 avril 1998, à la page 2 (98 DTC 1659, à la page 1660) que je considère comme une entrée en la matière appropriée aux fins de cette analyse, à savoir : existait‑t‑il une entreprise? Le juge fait ensuite observer ce qui suit :

 

[...]C'est une question plus générale qui, je crois, revêt plus de sens et qui, du moins en ce qui me concerne, mène à une série de questions et de réponses plus concluantes. Il ne fait pas de doute qu'elle englobe la question du caractère raisonnable de l'attente de profit du contribuable, mais elle va aussi plus loin. Comment peut-on dire qu'un entrepreneur faisant le forage de puits d'exploration a une attente raisonnable de profit et qu'il exploite une entreprise quand on connaît le très faible taux de succès de ce genre d'entreprise? Pourtant, personne ne conteste le fait que les compagnies du genre exploitent une entreprise. C'est le caractère commercial de l'entreprise, révélé par sa structure, qui en fait une entreprise. L'intention subjective de faire de l'argent entre certes en ligne de compte, mais ce n'est pas le facteur déterminant, bien que l'absence d'une telle intention puisse nuire à l'assertion qu'une activité est une entreprise.

 

 

[12]    L’affaire en l’instance présente de l’intérêt du fait que l’entreprise a d’abord été un organisme de bienfaisance dénué de toute attente raisonnable de profit. Pourtant, c’est durant cette période initiale que certains des signes extérieurs d’une entreprise sont visibles. Par exemple, c’est à cette époque qu’ont commencé les projets pilotes, que l’appelant a eu de nombreux contacts avec le ministère de l’Éducation et qu’il a consacré beaucoup de temps au projet. Cependant, les activités menées à bien sous les auspices d’un organisme de bienfaisance appelé CASSR n’en continuent pas moins de revêtir le caractère de travaux de recherche et d’étude préliminaires bien plus que celui d’une entreprise active. Affirmer ensuite, relativement aux années 1992 à 1994 en cause, pendant lesquelles M. Lazaruk travaillait à temps plein comme enseignant, administrateur et entrepreneur en peinture, que ces travaux préliminaires en étaient venus à constituer une entreprise à part entière ayant dorénavant une attente de profit nécessite un effort d’imagination. Après la dissolution de l’organisme de bienfaisance, il semble que les activités de M. Lazaruk se résument à des communications occasionnelles avec les ministres de l’Éducation, à la participation à des foires scientifiques, à plusieurs titres, a‑t‑il admis, et à la poursuite de l’élaboration des programmes d’études. Son témoignage sur ce dernier point a été incomplet, c’est le moins que l’on puisse dire. L’appelant n’a fourni aucune preuve de l’existence d’un plan, de projections financières ou d’une analyse de marché, de registres commerciaux, de comptes bancaires commerciaux, d’une dotation en capital suffisante ou de toute autre preuve permettant d’établir qu’il a exécuté ce projet de manière professionnelle et ordonnée. M. Lazaruk affichait un vif intérêt pour l’enseignement des sciences aux élèves du secondaire. C’était son travail et aussi sa passion. Il avait toutefois besoin d’un mélange de passion et d’organisation pour que ses espoirs de concevoir un programme d’enseignement des sciences commercialisable dépasse le stade du rêve. Je ne suis pas convaincu qu’il y avait une telle organisation en place. La période pendant laquelle il a été le plus actif coïncide avec celle de l’existence de l’organisme de bienfaisance. Par la suite, il n’a travaillé que de manière occasionnelle à l’élaboration de programmes d’études et ses efforts n’étaient certainement pas suffisants pour constituer une entreprise ayant une attente raisonnable de profit.

 

[13]    Avant de terminer, je souhaite formuler certaines observations au sujet d’un aspect de la preuve de M. Lazaruk qui ne se rapportait pas directement aux questions à trancher en l’espèce, mais qui a manifestement influé sur sa décision d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. M. Lazaruk a indiqué qu’un avis d’opposition qu’il avait déposé au bureau de Surrey (Colombie‑Britannique) avait été envoyé à la section du recouvrement à Victoria plutôt qu’à la section des appels. On l’a informé que c’était le fait d’une erreur informatique. À cause de cette erreur, M. Lazaruk a‑t‑il soutenu, sa propriété a été grevée d’une sûreté et ses prestations d’invalidité de longue durée ont été saisies. Il a été obligé de vendre sa résidence et il a ultérieurement été incapable d’obtenir un nouveau prêt hypothécaire. Il s’est dit triste et déçu de cette malencontreuse série d’événements et livré à lui‑même quant aux moyens à prendre pour stopper un appareil bureaucratique qui file à vive allure. À tout le moins, la Cour aura servi de tribune à M. Lazaruk pour exprimer ces sentiments. Si des erreurs sont inévitables dans un ministère qui s’occupe d’une question aussi vaste et compliquée que la perception des impôts, il est utile que le ministère réfléchisse aux conséquences désastreuses possibles pour un particulier des erreurs qui sont commises et qu’il prenne les dispositions nécessaires pour corriger ces erreurs sans tarder, en faisant preuve de compassion.

 


[14]    Pour les motifs exposés, les appels de M. Lazaruk relativement aux trois questions soulevées sont rejetés.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de janvier 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de juillet 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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