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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2001-1952(IT)I

ENTRE :

MURRAY G. JOHNSTON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu et jugement rendu oralement le 14 février 2002

à Winnipeg (Manitoba), par

l’honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions

 

Pour l’appelant :                       l’appelant lui‑même

 

Avocate de l'intimée :                Me Jodi McFetridge

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2002.

 

 

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date: 20020321

Dossier: 2001-1952(IT)I

 

 

ENTRE :

MURRAY G. JOHNSTON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Révisés à partir de la transcription des motifs rendus oralement à l’audience à Winnipeg (Manitoba) le 14 février 2002.)

 

 

Le juge Hershfield, C.C.I.

 

[1]     J’entends rejeter l’appel en l'instance. J’exposerai oralement mes motifs à l’audience aujourd’hui. Il me faudra une trentaine de minutes pour passer en revue les faits à verser au dossier et pour exposer les raisons pour lesquelles l’appel est rejeté.

 

[2]     L’appelant interjette appel d’une nouvelle cotisation se rapportant à l’année d’imposition 1999, dans laquelle les frais d'intérêt de 3 675 $ dont il avait demandé la déduction en vertu de l’alinéa 62(3)g) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ont été rejetés.

 

[3]     Le paragraphe 62(3) donne la définition de « frais de déménagement » applicables à une personne qui déménage pour occuper un emploi, en l’occurrence, de Toronto à Winnipeg. Cette disposition permet de déduire l'intérêt payé relativement à une ancienne résidence. L’alinéa 62(3)g) prévoit ce qui suit :

 

62(3)  Frais de déménagement. Pour l’application du paragraphe (1), sont comprises dans les frais de déménagement toutes dépenses engagées au titre :

 

[...]

 

g)   des intérêts, impôts fonciers, primes d’assurance et coûts du chauffage et des services publics relativement à l’ancienne résidence, jusqu’à concurrence de 5 000 $ ou, s’il est moins élevé, du total des dépenses de cette nature engagées par le contribuable pour la période, à la fois :

 

(i)  tout au long de laquelle l’ancienne résidence n’est ni ordinairement occupée par le contribuable ou par une autre personne qui y résidait habituellement avec lui immédiatement avant le déménagement, ni louée par le contribuable à une autre personne.

 

(ii) au cours de laquelle des efforts sérieux sont faits en vue de vendre l’ancienne résidence;

 

[...]

 

il est toutefois entendu que le terme ne vise pas les frais (autres que les frais visés à l’alinéa f)) engagés par le contribuable  pour l’acquisition de sa nouvelle résidence.

 

[4]     Tout d’abord, en ce qui concerne les sous‑alinéas (i) et (ii), je suis convaincu que les dispositions en ont été respectées. Les frais d’intérêt dont l’appelant a demandé la déduction se rapportaient à la période tout au long de laquelle l’ancienne résidence n'était ni ordinairement occupée par le contribuable ou par une autre personne qui y résidait habituellement avec lui immédiatement avant le déménagement, ni louée par le contribuable à une autre personne, et des efforts sérieux ont été faits en vue de vendre l’ancienne résidence. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’il n’a pas été satisfait à ces exigences que les dépenses ont été refusées. La question à trancher est de savoir si la disposition commençant par les mots « il est toutefois entendu que », qui se trouve à la fin de l’alinéa 62(3)g), s’applique et que, par conséquent, la demande de déduction des frais d'intérêt doit être rejetée.

 

[5]     Le montant de 3 675 $ résulte d’intérêts totalisant 4 873 $ composés de frais s'élevant à 4 129 $ et à 744 $ payés sur un emprunt garanti et un emprunt non garanti respectivement, que l’appelant a obtenus dans le cadre de son déménagement de Toronto à Winnipeg.  Sur 4 873 $ l’appelant n'a demandé à déduire que 3 675 $ car il avait utilisé le solde de la limite de 5 000 $ au titre d’autres dépenses admises en vertu de l'article qui ne sont pas en litige. C’est seulement une partie du montant de 4 873 $ dont il a demandé la déduction à l’intérieur de la limite de 5 000 $ qui est en cause en l’espèce.

 

[6]     La plupart des faits de l’affaire ne sont pas contestés. À vrai dire, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits, ou un exposé des faits admis en partie, auquel j’entends me reporter, non pas en totalité, mais, pour les fins du jugement prononcé oralement à l’audience, en partie seulement, en choisissant les faits que je juge les plus importants :

 

           -       En août 1999, l’appelant vivait à Toronto dans une résidence libre de toute hypothèque, qui était son ancienne résidence;

 

           -       Le 21 août, l’appelant a obtenu un emploi à Winnipeg;

 

           -       Le 23 août, ou aux environs de cette date, l’appelant a mis l’ancienne résidence sur le marché, c.‑à‑d. qu’il l’a mise en vente;

 

           -       Le 29 août, l’appelant et sa famille se sont rendus à Winnipeg en avion et ont élu domicile dans une résidence temporaire à Winnipeg;

 

           -       Le 30 août, l’appelant a commencé à travailler à Winnipeg;

 

           -       Une nouvelle résidence a été achetée à Winnipeg et le titre de propriété en a été acquis le 16 septembre;

 

           -       L’appelant et sa famille ont emménagé dans la nouvelle résidence de Winnipeg le 17 septembre. Bien que cela ne soit pas précisé dans l’exposé conjoint des faits, le prix d’achat de la maison, selon le témoignage de l’appelant, était de 340 000 $. Les dépôts et les montants versés à l’achat totalisant ce montant ont été financés par emprunts bancaires.

 

           -       Le 6 octobre, l’appelant a vendu son ancienne résidence à Toronto 412 000 $;

 

           -       La vente de l’ancienne résidence à Toronto a été conclue le 12 novembre et le produit de cette vente est devenu disponible le 16 novembre. Bien que cela ne soit pas mentionné dans l’exposé conjoint des faits, le produit de la vente a été utilisé pour rembourser la totalité des emprunts, selon le témoignage de l’appelant;

 

           -       Les frais d’intérêt ont été engagés durant la période comprise entre le moment où l’ancienne résidence est devenue vacante et le moment où l’appelant a reçu le produit de la vente.

 

[7]     La preuve documentaire révèle que l’appelant a contracté deux emprunts auprès de La Banque Toronto‑Dominion à Winnipeg : l’un de 290 000 $, pour lequel il a donné la résidence de Toronto en garantie, et l’autre de 50 000 $, qui était en fait une marge de crédit non garantie.

 

[8]     L’emprunt de 290 000 $ n’est pas assorti d’un accord de sûreté, à proprement dit, à faire valoir sur la propriété; il est juste attesté par un billet à ordre payable sur demande. Or, il ressort clairement de la correspondance annexée à l’exposé conjoint des faits que la banque s’attendait à ce que l’appelant applique la valeur nette de la résidence au remboursement de l’emprunt. Le procureur de l’appelant avait reçu instruction de remettre à la banque le produit de la vente de l’ancienne résidence une fois qu’il aurait l’argent en mains. C’est un accord de sûreté assez général car il n’accorde, en définitive, aucune protection à la banque. À titre d’exemple, les documents fournis n'indiquent pas qu’il existe quelque  garantie que ce procureur particulier devait intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans la vente de l’ancienne résidence. Quoi qu’il en soit, c’est une transaction entre la banque et un particulier et leur relation est peut-être suffisamment bonne pour que de simples directives au procureur soit considérées comme une garantie acceptable du prêt.

 

[9]     Il n’y a aucun lien, si l’on peut dire, entre la marge de crédit non garantie de 50 000 $  et l’ancienne résidence.

 

[10]    L’appelant a utilisé les fonds empruntés à trois occasions : la première fois, le 27 août, lorsqu’il a versé un dépôt de 20 000 $ au vendeur de la propriété de Winnipeg, et la banque a honoré le chèque le jour même, retirant les fonds du compte de prêt à vue. Ensuite, relativement à ce prêt à vue, l’appelant a versé un montant additionnel de 30 000 $ au vendeur de la résidence de Winnipeg le 14 septembre. Enfin, le 14 septembre aussi, un montant de 290 000 $ a été payé au vendeur de la résidence de Winnipeg. Les fonds provenaient d’un emprunt attesté par le billet à ordre et garanti par l’ancienne résidence. On en arrive à un montant total de 340 000 $ réparti comme suit : un montant de 50 000 $ provenant de la marge de crédit non garantie payé en deux versements de 20 000 $ et 30 000 $ respectivement, et un versement de 290 000 $ relativement au prétendu emprunt garanti.

 

[11]    Les emprunts ont été remboursés avec le produit de la vente de la résidence. Les documents se rapportant au solde des comptes de prêt qui ont été soumis avec l’exposé conjoint des faits ne laissent subsister aucun doute à ce sujet.

 

[12]    Ainsi que je l’ai déjà précisé, il est satisfait à toutes les exigences de l’alinéa g) du paragraphe 62(3), sauf peut‑être à la condition énoncée dans le paragraphe qui se trouve à la fin de cet alinéa et sur laquelle j’ai attiré l’attention. Encore une fois, cette condition est énoncée comme suit :

 

[...] il est toutefois entendu que le terme ne vise pas les frais (autres que les frais visés à l’alinéa f)) engagés par le contribuable pour l’acquisition de sa nouvelle résidence.

 

[13]    L’appelant soutient que, s’il satisfait aux critères énoncés à l’alinéa g) et qu’on conclut, notamment, que les intérêts ont été payés « relativement à l’ancienne résidence », cela devrait dès lors suffire et que, dans les faits, on ne devrait pas lui accorder la déduction prévue dans une partie de l’alinéa pour la lui refuser ensuite dans une autre.

 

[14]    À vrai dire, l’application de cette disposition cause un dilemme, car je conviens avec l’appelant que l’emprunt est considéré à juste titre, aux fins de l’alinéa g), comme ayant été contracté « relativement à » [« in respect of »] son ancienne résidence dans la mesure du moins où il existe un lien entre les intérêts payés et l’ancienne résidence.

 

[15]    J’irais jusqu’à dire, en l’espèce, que l’entente de sûreté générale constitue elle aussi un « lien », en m’appuyant pour cela sur une définition, si l’on veut, des mots « quant à » [« in respect of »] que la Cour suprême du Canada a énoncée il y a quelques années dans l’arrêt R. c. Nowegijick [1983] 1 R.C.S. 29 (83 DTC 5041), à la page 39 (DTC : p. 5045).

 

[16]    Dans cet arrêt, le juge Dickson (tel était alors son titre) a défini le sens des mots « quant à » [« in respect of »] dans un contexte législatif. Il a dit qu’il fallait leur donner la portée la plus large possible. Les mots signifient entres autres « par rapport à ». Il a ajouté que « parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement [cette expression] qui est la plus large » (l’italique est de moi).

 

[17]    Si l’on attribue une portée aussi large aux mots « relativement à » [« in respect of »], cela veut dire que les emprunts en cause en l’espèce ont été contractés relativement aux deux résidences, l’ancienne et la nouvelle.

 

[18]    Le contribuable a soutenu, et je souscris à ses propos, qu’il avait emprunté les fonds, du moins en ce qui concerne l’emprunt garanti, pour avoir accès au montant correspondant à la valeur réelle de son ancienne résidence. Les intérêts payés constituent donc le coût payé pour avoir accès à cette valeur nette, pour ce qui est de l’emprunt garanti à tout le moins. Existe‑t‑il un lien suffisant entre la valeur réelle de l’ancienne résidence et les intérêts payés aux fins de l’alinéa g)? J’en suis absolument certain. Il faut attribuer aux mots le sens le plus large. Or, il existe un lien entre les deux résidences.

 

[19]    Par ailleurs, il faut attribuer à ces mots le même sens large lorsqu’on examine le paragraphe qui se trouve à la fin de l’alinéa, qui exclut les intérêts engagés pour [« in respect of »] l’acquisition de la nouvelle résidence. Il est indéniable que ces frais ont aussi été engagés relativement à [« in respect of »] la nouvelle résidence ou en rapport avec celle‑ci. L’argent emprunté a servi à acheter la nouvelle résidence. On a témoigné que les chèques remis au vendeur de la nouvelle résidence étaient couverts par les fonds provenant des emprunts. Il existe donc un lien indiscutable avec la nouvelle résidence. Il n’y a eu aucun événement, aucun dépôt ni aucun retrait intermédiaires. J’accepte que le caractère fongible des fonds ne permette pas de remonter à la source avec exactitude, mais il n'existe vraisemblablement pas de meilleure thèse sur la source. Il existe un lien indéniable entre les fonds empruntés et l’acquisition de la nouvelle résidence.

 

[20]    Par conséquent, la question à trancher en définitive est de savoir ce qui doit l’emporter : les événements liés, ou les questions liées?

 

[21]    J’entends me pencher sur les arguments de l’appelant, qui étaient bien présentés et ne manquaient pas d'intérêt, mais qui n’ont pas su me convaincre en définitive. Selon l’appelant, il n’est pas question de « liens » dans cette disposition et l’intimée ne peut tout simplement pas invoquer l’existence de liens quand le libellé de la Loi est muet sur cette question. Cependant, comme je l’ai déjà dit, les mots « relativement à » [« in respect of »] signifient en réalité qu’il est nécessaire de déterminer s’il existe des « liens » avec chacune des résidences. Le droit ne laisse subsister aucun doute à ce sujet, selon moi.

 

[22]    Les autres arguments que l’appelant a invoqués de manière convaincante et raisonnable se rapportent à la question du moment choisi et de la discrimination.

 

[23]    Aux dires de l’appelant, on doit ou on devrait se garder d'interpréter ces dispositions en accordant une trop grande importance au moment choisi, alors que c’est une notion dont il n’est même pas question dans les dispositions en cause surtout dans les cas où une telle interprétation aurait un effet discriminatoire.

 

[24]    La question du moment choisi et de la discrimination est liée au fait que l’appelant ne peut au bout du compte déduire les frais d’intérêt engagés pour avoir accès à son avoir propre simplement parce qu’il a emprunté les fonds juste après le déménagement. Il se trouve à être victime de discrimination par rapport aux personnes qui ont eu accès à leur avoir propre avant ou qui ont utilisé l’avoir propre auquel ils avaient par ailleurs accès à d’autres fins.

 

[25]    L’appelant a tout à fait raison. S’il avait choisi un autre moment et si la situation avait été différente, on peut penser qu’il aurait été autorisé à déduire les frais d’intérêt. L’appelant soutient qu’il est discriminatoire de défavoriser les personnes qui se trouvent dans des situations analogues à la sienne et que la Cour ne devrait pas permettre qu’il en soit ainsi parce que cela va à l’encontre de l’objet même de la disposition, qui est de favoriser la mobilité pour faciliter le déménagement au nouveau lieu de travail.

 

[26]    Je comprends le point de vue de l’appelant et j’ai tenu compte de ses arguments, mais je ne peux lui accorder gain de cause.

 

[27]    Le fait qu’un propriétaire ayant eu accès à son avoir propre avant un déménagement puisse déduire ses frais d’intérêt n’est pas une raison convaincante pour admettre les dépenses d'un propriétaire qui a eu accès à son avoir propre après le déménagement. Nous nous sommes penchés sur une situation hypothétique durant l’audience. Si l’appelant avait contracté un emprunt en donnant son avoir propre en garantie avant le déménagement, non pas quelques jours avant car cela limite quelque peu l’objet de notre propos, mais, disons, plusieurs mois ou une année avant, et que le produit avait été utilisé pour faire un voyage ou pour acheter des obligations, il serait alors possible d’affirmer, après l’achat de la nouvelle résidence, qu’il n’existe aucun lien entre les deux résidences. Dans cette situation hypothétique, l’emprunteur n’a pas utilisé quelque partie de la valeur nette de son ancienne résidence pour acheter la nouvelle résidence. Le seul lien qui existe est celui qu’il y a avec l’ancienne résidence, et l’emprunt, contracté avant le déménagement, a ajouté une contrainte au déménagement. Or, la Loi atténue cette contrainte.

 

[28]    Dans l’affaire dont je suis saisi, l’appelant voulait ou devait utiliser la valeur nette de son ancienne résidence pour financer l’achat de la nouvelle résidence. En procédant de la sorte, il a établi un lien entre le prêt sur la valeur nette de l'ancienne résidence et la nouvelle résidence. L’emprunt contracté dans un cas comme celui‑ci n’a pas créé une contrainte ayant rendu le déménagement plus difficile. L’emprunt a facilité le déménagement «[étant] toutefois entendu », aux termes du paragraphe (3), que les frais engagés pour l’acquisition de la nouvelle résidence sont exclus — même si l’admission de tels frais faciliterait la mobilité.

 

[29]    J’ai fait observer, relativement à la situation hypothétique décrite précédemment, que si, avant le déménagement, un emprunt était contracté, même si un déménagement était envisagé, et que l’argent était utilisé pour acheter des obligations, celles‑ci pourraient ensuite être encaissées quand viendrait le moment d’acheter la nouvelle résidence et, dans ce cas‑là, le lien existant entre l’emprunt et l’acquisition de la nouvelle résidence serait vraisemblablement rompu parce qu’il y a eu un événement intermédiaire. On ne peut tenir compte du fait que ce genre de planification permettrait vraisemblablement d’éviter le problème auquel l’appelant est confronté en l’espèce. Dans l’affaire dont je suis saisi, il n’y a pas eu d'événement intermédiaire.

 

[30]    Dans ce contexte, je pourrais établir un parallèle avec la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada dans l’affaire La Reine c. Singleton, [2001] 2 R.C.S. 1056 (2001 DTC 5533). En résumé, cette affaire concernait un contribuable qui voulait acquérir une maison mais qui n’avait pas les fonds nécessaires, même si le capital‑actions qu’il détenait dans sa société de commerce était suffisant pour acheter la nouvelle résidence. Il a retiré le capital‑actions qu'il détenait dans la société pour acheter la maison. Il s’est ensuite rendu à la banque pour emprunter les fonds nécessaires pour satisfaire aux exigences de la société en capital‑actions ou, si l’on veut, pour remplacer le montant qu’il venait tout juste de retirer. Étant donné que le montant emprunté dans les faits était utilisé aux fins de la société et employé dans celle‑ci, le contribuable a obtenu gain de cause et les frais d’intérêt ont été admis.

 

[31]    Dans cette affaire, qui portait sur une disposition différente de la Loi autorisant la déduction d'intérêts et qui visait à déterminer dans quel but les frais d'intérêt avaient été engagés, Revenu Canada a affirmé que les frais n’étaient pas déductibles car il était manifeste que l'effet économique véritable, l’objet de la transaction, pour ainsi dire, le but de toute l’opération était d’emprunter des fonds pour acheter la maison et que les frais d'intérêt ainsi engagés n’étaient pas déductibles.

 

[32]    La Cour suprême a essentiellement dit qu’il fallait se garder d’examiner l’effet économique global et se pencher plutôt sur les transactions à proprement dit. La Cour a déclaré que les fonds avaient été empruntés dans les faits pour renflouer le compte de capital et que l’intérêt était dès lors déductible. On ne pouvait tenir compte du fait que l’emprunt a permis de financer l’achat d’une maison. Les contribuables peuvent organiser leurs affaires de manière à respecter le libellé de la Loi. Ceux qui ne le font pas y perdent au change. Il n’y a rien de discriminatoire là‑dedans. Certains contribuables n’utilisent pas leur avoir propre d’une manière qui les avantage sur le plan fiscal. C’est ce qui est arrivé à l’appelant en l’espèce. Le fait qu’il aurait pu organiser ses affaires en fonction d’un déménagement éventuel ne lui est d’aucun secours. Je suis obligé de tenir compte des faits tels qu’ils existent. Cela m’amène dès lors à conclure que les emprunts étaient directement liés à l’achat de la nouvelle résidence à Winnipeg.

 

[33]    En l’espèce, le contribuable a organisé ses affaires de telle manière qu'il est visé à coup sûr par la disposition commençant par les mots « il est toutefois entendu », qui exclut certaines dépenses, dont celles qui seraient par ailleurs admises en vertu de l’alinéa g).

 

[34]    Pour ces motifs, et en dépit du fait que le contribuable soutiendra que la décision n’est pas juste, qu’il aurait pu réorganiser ses affaires différemment, et que, dans d’autres circonstances, des personnes différentes seraient traitées différemment, je rejette les appels. L’appelant n’a pas le droit de déduire les intérêts liés à l’acquisition d’une nouvelle résidence et l’existence d'un tel lien a été établie de manière incontestable en l’espèce.

 

[35]    L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2002.

 

 

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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