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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-829(GST)I

ENTRE :

LYUDMILA SHVARTSMAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 4 mars 2002, à Montréal (Québec), par

 

l'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions

 

Pour l'appelante :                                          L'appelante elle-même

 

Avocat de l'intimée :                                     Me Gérald Danis

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi »), dont l'avis est daté du 22 janvier 2001 et porte le numéro PACT‑031MC, pour la période allant du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1998 est accueilli, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le montant rajusté de la taxe nette due par l'appelante pour la période en cause doit être recalculé comme il est indiqué ci‑après.

 

          Les montants suivants indiqués dans les pièces A‑5, A‑6 et A‑8 seront exclus des fournitures taxables lors du calcul du montant rajusté de la taxe nette :

 

                   Pièce A‑5           6 000,00  CAD

                                               339,17  CAD

 

          Pièce A‑6              900,00  USD

                                                350,00  USD

                                             2 000,00  USD

 

Pièce A‑8              500,00  USD

 

          Les CTI seront recalculés pour prendre en compte la TPS payée à des sous‑traitants selon la pièce A‑12 et compte tenu du fait que 40 p. 100 (plutôt que 25 p. 100) des frais du domicile de l'appelante ont été engagés à des fins commerciales.

 

          À tous les autres égards, la cotisation demeurera inchangée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2002.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de février 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20020322

Dossier : 2001-829(GST)I

 

 

ENTRE :

 

LYUDMILA SHVARTSMAN,

appelante,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Lamarre, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation portant le numéro PACT‑031MC et datée du 22 janvier 2001 qui a été établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») et par laquelle l'appelante s'est vu fixer, en vertu des paragraphes 225(1), 228(2) et 280(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi »), 8 051,95 $ comme montant rajusté de la taxe nette, plus des intérêts de 759,39 $ et une pénalité de 1 143,75 $, pour la période allant du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1998.

 

[2]     Le montant rajusté de la taxe nette a été calculé sur la base des fournitures taxables effectuées par l'appelante dans le cadre de son entreprise, en tant qu'agente de brevet enregistrée, et sur la base des crédits de taxe sur les intrants accordés à l'appelante.

 

[3]     L'appelante n'est pas d'accord sur le montant rajusté de la taxe nette calculé par le ministre relativement aux points suivants.

 

A.      Calcul des fournitures taxables

 

[4]     Le ministre a déterminé le montant des fournitures taxables en examinant les dépôts bancaires que l'appelante avait faits dans ses comptes bancaires en dollars canadiens et en dollars américains. Il a exclu des fournitures taxables les montants qui se révélaient être des transferts d'un compte à un autre.

 

[5]     L'appelante soutient que certains montants indiqués dans les pièces A‑5, A‑6 et A‑8 comme retraits du compte en dollars américains et dépôts dans le compte en dollars canadiens — ou vice versa — effectués le même jour ont à tort été considérés comme n’étant pas des transferts et ont donc été inclus deux fois par le ministre comme fournitures taxables. Le ministre a refusé de considérer ces montants comme des transferts d'un compte à l’autre pour le motif que l'appelante n'avait pas, au moyen de bordereaux de dépôt et de retrait, prouvé qu'il s'agissait de transferts.

 

[6]     Je conclus qu'il ressort assez clairement des copies des carnets de banque déposées en preuve que les montants mentionnés par l'appelante représentaient des transferts d'un compte à un autre. L'abréviation anglaise « FOREX » figure à côté de ces montants, et je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'être un expert pour conclure que cela veut dire « foreign exchange » (opération de change). Je conclus donc que ces montants n'auraient pas dû être ajoutés deux fois dans le calcul des fournitures taxables. Les montants suivants seront donc exclus des fournitures taxables lors du calcul du montant rajusté de la taxe nette :

 

                   Pièce A‑5           6 000,00  CAD

                                               339,17  CAD

 

          Pièce A‑6              900,00  USD

                                                350,00  USD

                                             2 000,00  USD

 

Pièce A‑8              500,00  USD

 

B.      Montants de la taxe sur les produits et services (« TPS ») à percevoir sur les fournitures taxables

 

[7]     En déterminant le montant de la TPS à percevoir, le ministre était d'avis que l'appelante aurait dû percevoir la TPS sur des services que des professionnels étrangers fournissaient à sa demande et qu'elle faisait payer à ses clients. De l'avis de l'appelante, elle agissait simplement comme mandataire pour ses clients quand elle demandait à des associés étrangers de fournir des services concernant des brevets hors du Canada et des États‑Unis. L'appelante soutient donc que les services facturés par des professionnels non-résidents n'étaient pas assujettis à la TPS lorsqu'elle les faisait payer à ses clients.

 

[8]     En vertu de l'ancien article 178 de la Loi, « la somme que l'acquéreur d'un service rembourse au fournisseur pour les frais que celui‑ci a engagés lors de la fourniture, sauf dans la mesure où il engage ces frais à titre de mandataire de l'acquéreur [auquel cas la somme n'est pas taxable], est réputée faire partie de la contrepartie de la fourniture [et donc être taxable] ». L'article 178 de la Loi a été abrogé le 24 avril 1996, pour le motif qu'il était inutile, puisque le traitement qu'il prévoyait découlait déjà de la nature juridique de ces opérations (voir le Bulletin d'information technique B‑075 de Revenu Canada, « Modifications proposées à la TPS » (23 avril 1996)).

 

[9]     La question est donc de savoir si l'appelante a engagé les frais d'associés étrangers en tant que mandataire de ses clients ou pour son propre compte, dans le cadre du service fourni à ses clients. L'appelante invoque l'énoncé de politique P‑209 sur la TPS/TVH (« taxe sur les produits et services / taxe de vente harmonisée »), qui dit ceci :

 

            ÉNONCÉ DE POLITIQUE SUR LA TPS/TVH

P‑209 DÉBOURS D'AVOCATS

           

Date d'émission

Le 11 mars 1997

Version finale le 7 octobre 98

 

[...]

 

Date d'entrée en vigueur

 

            Le 1er janvier 1991 pour la TPS

            Le 1er avril 1997 pour la TVH

 

[...]

 

Question et décision

 

Dans le présent énoncé de politique, l'expression « débours d'avocat » se rapporte aux dépenses pouvant être engagées par un avocat pendant la prestation de services juridiques, puis être remboursées à l'avocat par un client particulier. [...]

 

Dans le présent énoncé de politique, les débours sont classés en deux catégories distinctes, selon qu'ils ont été « effectués à titre de mandataire » ou « non effectués à titre de mandataire ». L'expression « effectué à titre de mandataire » signifie que le débours est généralement effectué par l'avocat en sa qualité de mandataire d'un client donné. C'est pourquoi le remboursement subséquent par le client n'est pas assujetti à la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH).

 

L'expression « non effectué à titre de mandataire » signifie que l'avocat n'a pas effectué ce débours en sa qualité de mandataire du client en question. En pareils cas, le remboursement subséquent par le client est assujetti à la TPS/TVH (dans la mesure où la TPS/TVH est payable sur la contrepartie versée en échange du service rendu par l'avocat au client). Le classement de chaque débours est fondé sur l'application des facteurs permettant d'évaluer la probabilité de l'existence d'un mandat dans le cas d'une transaction précise. L'énoncé de politique P‑182, intitulé Détermination de la signification des mots « mandataire » et « mandat » a été utilisé comme document de référence aux fins de cette analyse.

 

[...]

 

Zone d'application — Propriété intellectuelle

 

La propriété intellectuelle désigne divers droits, notamment les brevets, les marques de commerce, les droits d'auteur, les droits afférents au design industriel, la protection des obtentions végétales, ainsi que les droits liés à la topographie de circuits intégrés. Cette zone d'application donne lieu à l'examen, à la préparation, à l'enregistrement et à l'application ou à la protection de ces droits.

 

Débours courants effectués à titre de mandataire :

 

[...]

 

Montants versés à des étrangers et débours connexes :

 

Pour accomplir certaines tâches relativement à une propriété intellectuelle, il se peut qu'un avocat doive faire appel aux services d'un avocat non résident (ou à un agent de brevet/marque de commerce non résident). En pareils cas, le client est mis au courant de la situation et approuve le choix du professionnel non résident. L'avocat canadien n'exerce aucun contrôle sur la procédure engagée par le non‑résident, mais il joue le rôle d'intermédiaire pour ce qui est de l'échange de renseignements avec le non‑résident. En règle générale, la personne non résidente établit une facture faisant état des services professionnels et des débours connexes. Même si c'est le client qui est tenu de payer la facture du non‑résident, c'est généralement l'avocat canadien qui la reçoit.

 

Il convient de signaler que, si l'avocat canadien utilise les services d'un professionnel non résident comme intrant dans le cadre de la fourniture d'un service au client, de telles dépenses ne sont pas considérées comme des débours effectués à titre de mandataire.

 

[10]    L'appelante est d'avis qu'elle n'a pas utilisé les services de professionnels non-résidents comme intrants dans le cadre de la fourniture d'un service à ses clients.

 

[11]    Sur la foi des décisions de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Glengarry Bingo Association c. La Reine, C.A.F., no A‑502‑95, 5 mars 1999, [1999] G.S.T.C. 15, et dans l'affaire Fonds mutuels C.I. Inc. c. Canada, [1999] 2 C.F. 613, [1999] G.S.T.C. 12, je ne conclus pas que l'appelante agissait comme mandataire pour ses clients lorsque, en fournissant ses services à ses clients, elle donnait du travail en sous‑traitance à des professionnels non‑résidents.

 

[12]    Les frais des professionnels non-résidents faisaient partie des services que l'appelante fournissait à ses clients. La preuve ne révèle pas que les clients de l'appelante couraient un risque relativement aux obligations que l'appelante avait envers les professionnels non-résidents dont elle retenait les services. La preuve ne révèle pas non plus que les clients de l'appelante jouaient un rôle quelconque pour ce qui était de retenir les services des professionnels non-résidents. En résumé, aucun élément de preuve n'indique que les clients de l'appelante avaient une responsabilité à l'égard des obligations de l'appelante concernant les services des professionnels non-résidents.

 

[13]    J'estime que l'appelante n'a pas démontré qu'elle se présentait comme un mandataire quand elle passait des contrats avec les professionnels non-résidents. La preuve révèle plutôt que l'appelante utilisait leurs services comme intrants dans le cadre de la fourniture d'un service à ses clients (pièce A‑9).

 

[14]    Pour ces motifs, je conclus que les frais des professionnels non-résidents n'étaient pas des débours engagés par l'appelante comme mandataire pour ses clients et que l'appelante aurait dû leur faire payer la TPS sur ces services. Je conclus donc que la cotisation doit demeurer inchangée sur ce point.

 

C.      Crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») pour la TPS payée à des sous‑traitants avant 1997

 

[15]    Aucun montant n'a été accordé à l'appelante comme CTI pour la TPS payée à des sous‑traitants avant 1997, pour le motif que l'appelante avait omis de fournir une documentation suffisante à l'appui de la TPS payée aux sous‑traitants. L'appelante a déposé comme pièce sous la cote A‑12 quelques factures montrant qu'elle avait payé la TPS à des sous‑traitants. J'accorderai donc des CTI seulement au titre de ces factures.

 

D.      CTI demandés au titre de frais payés pour l'utilisation du véhicule

 

[16]    Le ministre a déterminé que la voiture de l'appelante était utilisée à des fins commerciales dans une proportion de 25 p. 100 du temps. Il a donc accordé des CTI à l'appelante à l'égard de seulement 25 p. 100 des frais d'automobile.

 

[17]    L'appelante a dit que la voiture était conduite par son fils, qui l'aidait dans l'entreprise. Elle a dit qu'il payait l'essence avec sa carte de crédit à lui et qu'elle le remboursait ensuite. Elle admet que son fils étudiait le droit à Québec et qu'il utilisait bien souvent la voiture pour s’y rendre. Elle admet qu'elle ne versait pas un salaire à son fils. Je conclus que l'appelante n'a pas démontré que la voiture était utilisée à des fins commerciales plus de 25 p. 100 du temps. La cotisation demeurera donc inchangée sur ce point.

 

E.      CTI demandés au titre de dépenses concernant des lignes téléphoniques

 

[18]    L'appelante utilisait deux lignes téléphoniques à domicile. Le ministre a admis des CTI pour toutes les dépenses relatives à une ligne téléphonique. L'appelante dit qu'elle utilisait très rarement le téléphone à des fins personnelles. Elle admet toutefois que sa mère vit hors du Canada. Son fils étudiait à Québec pendant la semaine lors de la période en cause. Je conclus qu'il est raisonnable d'attribuer à l'entreprise les frais relatifs à une ligne téléphonique. La cotisation demeurera inchangée sur ce point.

 

F.      CTI au titre de dépenses relatives à l'ameublement de la salle d'accueil

 

[19]    L'appelante travaillait dans son appartement. Elle utilisait une pièce comme bureau. Elle dit qu'elle utilisait une autre pièce pour recevoir des clients. Cette dernière pièce était également utilisée par son fils quand celui‑ci était à Montréal.

 

[20]    L'appelante soutient donc qu'une proportion de 50 p. 100 du coût de son appartement se rapportait à son entreprise. Le ministre a admis une proportion de 25 p. 100.

 

[21]    Comme le fils de l'appelante était à Québec 40 p. 100 du temps (environ trois jours par semaine d'après le témoignage de l'appelante) et que l'appelante travaillait chez elle et y recevait des clients, je suis disposée à accorder des CTI à l'appelante au titre de 40 p. 100 des frais de son domicile (location, chauffage et électricité).

 

G.      CTI demandés au titre d'autres dépenses

 

[22]    L'appelante réclame un CTI à l'égard du coût d'un ordinateur acheté par son fils. Le ministre a toutefois refusé des CTI à l'égard de toutes les dépenses engagées par le fils de l'appelante, et l'appelante n'a pas démontré que le ministre avait tort à cet égard.

 

Conclusion

 

[23]    Pour tous ces motifs, l'appel est accueilli, et le montant rajusté de la taxe nette due par l'appelante pour la période en cause sera recalculé comme suit :

 

-    les fournitures taxables seront réduites des montants qui figurent dans les pièces A‑5, A‑6 et A‑8 et qui sont indiqués au paragraphe 6 des présents motifs;

 

-    les CTI seront recalculés pour prendre en compte la TPS payée à des sous‑traitants selon la pièce A‑12 et compte tenu du fait que 40 p. 100 (plutôt que 25 p. 100) des frais du domicile de l'appelante ont été engagés pour fins d'entreprise.

 

          À tous les autres égards, la cotisation demeurera inchangée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2002.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de février 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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