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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020306

Dossier: 96-1362(GST)I

 

ENTRE :

 

GARY W. DEBOER,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

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Représentante de l’appelant : Eva Jacqueline DeBoer

Avocat de l’intimée : Me Wayne R. Lonsdale

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MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience à

Sudbury (Ontario), le 21 mai 1998.)

 

Le juge Mogan

 

[1]     Le présent appel est interjeté en vertu de la partie de la Loi sur la taxe d’accise édictant les dispositions relatives à la taxe sur les produits et services. La question est de savoir si l’appelant a droit à un remboursement pour habitations neuves en application de l’article 256 de la Loi. L’appelant a demandé que la procédure informelle régisse son appel.

 

[2]     Les faits de l’espèce sont bien clairs et couvrent deux aspects. Tout d’abord, pour ce qui est de la maison elle‑même, l’appelant et son épouse, qui habitent à Sault Ste. Marie (Ontario), avaient décidé au début de 1991 de construire une maison neuve. Celle‑ci est située au 1356, Old Garden River Road, et l’appelant et son épouse ont fait fonction d’entrepreneur général. Ils avaient assez de connaissances pour entreprendre eux‑mêmes cette activité et ils ont sous‑traité l’exécution de travaux spécialisés concernant l’électricité et la plomberie, la toiture, la fondation en béton, etc.

 

[3]     La construction a commencé en avril 1991, et la maison a été habitable en août 1991, époque à laquelle l’appelant et son épouse y ont emménagé. Ils ont donc occupé la maison pour la première fois en août 1991. L’autre aspect factuel qui est clair est que l’appelant et sa conjointe étaient bel et bien au courant du remboursement pour habitations neuves. Ils en avaient entendu parler au cours de l’été 1991, mais, dans leur esprit, c’était simplement une espèce de proposition, rumeur ou idée.

 

[4]     Immédiatement après qu’ils eurent occupé pour la première fois la maison neuve, l’épouse de l’appelant a fait un certain nombre de démarches pour savoir ce qu’il en était du remboursement pour habitations neuves. Cherchant une ligne d’information sur la TPS dans les pages du bottin relatives aux gouvernements, elle a téléphoné à Bell Canada. Bell Canada n’a pu l’aider, mais lui a suggéré de téléphoner au bureau de Revenu Canada à Sudbury, ce qu’elle a fait, mais la personne qui a répondu au téléphone n’était pas au courant du remboursement pour habitations neuves et n’a pu lui fournir de renseignements utiles.

 

[5]     L'épouse de l'appelant a fait plusieurs demandes de renseignements avant qu'on lui dise de téléphoner à l’association locale des constructeurs d’habitations de Sault Ste. Marie. La personne employée par cette association a dit qu’elle ne savait rien au sujet du remboursement pour habitations neuves, de sorte que l’épouse de l’appelant n’a obtenu aucun renseignement utile. L’épouse de l’appelant a fait un certain nombre d’autres demandes de renseignements, mais, dans la dernière partie de 1991, elle n’arrivait pas à découvrir s’il y avait vraiment une disposition permettant un remboursement pour habitations neuves et, dans la mesure où il existait une telle disposition, personne n’était capable de lui dire comment s’y prendre pour demander le remboursement, c’est‑à‑dire s’il y avait un formulaire à remplir ou quelque autre méthode à suivre.

 

[6]     L’information que l’appelant et son épouse avaient était fondée à l’été 1991, c’est‑à‑dire qu’il existait un remboursement pour habitations neuves et que ce remboursement était prévu dans la mesure législative depuis l’édiction de celle‑ci, le 1er janvier 1991. Cette information était donc fondée, mais elle était imprécise en ce sens que l’appelant et son épouse ne savaient pas exactement sur quoi était basé le remboursement pour habitations neuves et ils n’avaient aucun formulaire pour demander le remboursement.

 

[7]     Trois ou quatre années ont passé et, en juin 1995, l’épouse de l’appelant a eu une conversation informelle avec une amie, Mme Maureen Birch, qui lui a dit qu’elle était en train de construire une maison, qu’elle était en voie de demander le remboursement pour habitations neuves, que ce remboursement était offert et qu’ils s’attendaient à l’obtenir. Cela a ravivé l’intérêt de l’appelant et de son épouse pour le remboursement pour habitations neuves et, encore une fois, ils ont fait un certain nombre de demandes de renseignements au bureau de Revenu Canada pour essayer de déterminer si ce remboursement était offert. Enfin, ils sont entrés en contact avec un dénommé St-Pierre, du bureau de Revenu Canada à Sault Ste. Marie, qui a pu confirmer que le remboursement pour habitations neuves existait bel et bien, qu’il était offert et qu’il y avait un certain formulaire de demande à présenter.

 

[8]     L’appelant et son épouse ont alors obtenu le formulaire et, à un moment donné dans la dernière partie de septembre ou au début d’octobre 1995, ils ont présenté la demande de remboursement pour habitations neuves. Une photocopie de cette demande a été déposée comme pièce sous la cote R‑1 et indique que la section de la taxe d’accise du bureau de district de Sault Ste. Marie a apposé son cachet « Reçu » le 13 octobre 1995. La demande a été examinée par Revenu Canada, qui, en novembre 1995, a rendu une décision dans le cadre de laquelle la demande et l’idée qu’un remboursement devrait être versé à l’appelant ont été rejetées. Cette décision a été portée en appel devant notre cour.

 

[9]     La seule personne qui ait témoigné pour l’appelant a été son épouse, Eva Deboer, qui a décrit les faits que j’ai déjà résumés : la construction effective de la maison, ainsi que les très nombreuses tentatives de Mme Deboer faites de bonne foi pour découvrir des renseignements précis quant à la disponibilité du remboursement pour habitations neuves et quant à savoir comment le demander. Il n’y a aucun doute sur la véracité du témoignage de Mme Deboer. Tout ce qu’elle a dit est crédible, et je n’ai eu aucun mal à croire tout ce qu’elle disait. Je crois notamment qu’à l’été 1991 ils pensaient bel et bien qu’un remboursement pour habitations neuves était disponible, mais qu'ils n'en avaient qu’une vague idée et qu’ils n’avaient pas de renseignements précis quant à la nature du remboursement et quant à savoir comment le demander. Le fait que je reconnaisse la crédibilité de la position de l’appelant ne signifie toutefois pas nécessairement que l’appelant a gain de cause, car je ne peux accorder une forme de redressement allant au‑delà de ce qui a été prévu par le législateur.

 

[10]    Le paragraphe 256(2) de la Loi sur la taxe d’accise, lequel paragraphe fait partie des dispositions sur la TPS, autorise le ministre du Revenu national à verser un remboursement à un particulier lorsque celui‑ci a construit une maison neuve ou a fait des rénovations majeures à une maison. Le paragraphe 256(3) limite toutefois les circonstances dans lesquelles le remboursement est versé. Ce paragraphe dit :

 

256(3)  Les remboursements prévus au présent article ne sont versés que si le particulier en fait la demande dans les deux ans suivant le premier en date des jours suivants :

 

a)         le jour qui tombe deux ans après le jour où l’immeuble est occupé pour la première fois de la manière prévue au sous-alinéa (2)d)(i);

 

a.1)      le jour du transfert de la propriété visé au sous-alinéa (2)d)(ii);

b)         le jour où la construction ou les rénovations majeures de l’immeuble sont achevées en grande partie.

 

Le paragraphe 256(3) prévoit trois points de départ possibles pour ce qui est de la période de deux ans. Le délai correspondant à ce qui est indiqué à l’alinéa a) représente globalement quatre années après le jour où la maison est occupée pour la première fois. Comme la maison en cause a été occupée pour la première fois en août 1991, le jour qui tombe quatre ans après cela serait un jour du mois d’août 1995. Ce jour était passé lorsque, à la fin de septembre ou au début d’octobre 1995, la demande a en fait été présentée. À mon avis, le premier en date des jours prévus serait le jour indiqué à l’alinéa b), à savoir le jour où la construction de la maison était achevée en grande partie. Mme Deboer a déclaré que la maison était achevée en grande partie en août 1991, puisque la maison était alors habitable et qu’ils y ont alors emménagé. Donc, il me semble que le premier en date des trois jours prévus au paragraphe 256(3) serait un jour du mois d’août 1991, époque à laquelle l’appelant et son épouse ont pour la première fois occupé la maison neuve.

 

[11]    En vertu de la loi, ils avaient deux ans après cela pour demander le remboursement pour habitations neuves. Ils n’avaient que deux ans après cela. S’ils ne faisaient pas la demande dans ce délai de deux ans, ils n’avaient pas droit au remboursement pour habitations neuves. Je n’ai pas compétence pour prolonger ce délai de deux ans, même dans des circonstances où je pense qu’il pourrait être juste de le faire. Les considérations d’équité pourraient jouer tout à fait en faveur de l’appelant en l’espèce, car l’avantage en cause était prévu dans la mesure législative. Ils savaient vaguement que cet avantage était offert, mais ils n’avaient pas de renseignements précis ou n’avaient pas le formulaire pour demander le remboursement.

 

[12]    Si j’étais autorisé à interpréter la mesure législative selon mon sens de la justice, j’accorderais une mesure de redressement à l’appelant en l’espèce, mais je ne suis pas autorisé à le faire, car, si l’on pouvait faire cela, le droit serait tout chamboulé. L’issue de chaque cause dépendrait du sens de la justice de chaque juge. Une abondante jurisprudence limite ce qu’un juge peut faire quand il interprète et applique la législation fiscale. Une vieille règle dit qu’il n’y a pas d’équité en matière de taxation. Un juge ne peut décider en se fondant sur son sens de la justice que la taxe ne s’appliquait pas en l’espèce. Un juge est tenu d’examiner la législation et de l’appliquer conformément au droit. Je vais rejeter le présent appel, car la demande de remboursement n’a pas été faite dans le délai de deux ans.

 

[13]    Concernant la question de la disponibilité de l’information provenant de Revenu Canada qui est la véritable source de l'action en justice de l’appelant, on ne m’a pas présenté de renseignements ou d’éléments de preuve en l’espèce. Tout comme des millions de Canadiens, je me souviens bien de l’édiction des dispositions législatives portant sur la TPS et de leur entrée en vigueur en 1991. Je me souviens notamment à quel point la nouvelle taxe était impopulaire, car c’était une taxe visible remplaçant une taxe invisible. Face à cette impopularité extrême, on a fait des efforts pour informer le public que certains avantages étaient offerts, dont le remboursement pour habitations neuves.

 

[14]    Dans les cinq ou six dernières années, notre cour a entendu un assez grand nombre d’affaires au sujet du remboursement pour habitations neuves. Ces causes ne se rapportaient pas toutes à la question de savoir si la demande avait été faite dans le délai de deux ans. Certaines des causes avaient trait à la question de savoir si la maison avait une valeur dépassant le seuil de 450 000 $. D’autres causes, dans lesquelles les demandes avaient été présentées à temps, se rapportaient à la question de savoir si la personne avait en fait droit au remboursement, s’il s’agissait d’une maison neuve ou si les rénovations étaient suffisamment importantes. Les causes réglées par notre cour en vertu de cette disposition législative particulière montrent selon moi que les gens étaient bel et bien au courant de cela. De l’information était disponible.

 

[15]    Il est regrettable que l’appelant et son épouse aient reçu des renseignements imprécis. Revenu Canada n’a peut‑être pas communiqué assez d’informations. Je ne suis pas en mesure de le déterminer, mais je sais que le remboursement était prévu dans la mesure législative dès le départ. C’était un des avantages qui étaient offerts, et bien des gens étaient au courant de cela. Comme je l’ai dit, dans les circonstances de l’espèce, je n’ai pas compétence pour utiliser mon sens de la justice et accorder une mesure de redressement à des personnes qui, ayant fait fonction d’entrepreneur général, n’avaient pas de contact direct avec des sources précises comme des constructeurs de maisons ou des agents immobiliers, qui auraient peut‑être pu les aider. L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mars 2002.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

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