Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date: 20020314

Dossier: 1999-4687(IT)I

ENTRE :

DON J. WILKINSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

____________________________________________________________________

 

Pour l'appelant :  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :  Lyle Bouvier

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Sarchuk

 

[1]  Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1997, l’appelant a déduit des dépenses d’emploi s'élevant à 5 221,61 $. Dans la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant pour cette année d’imposition, le ministre du Revenu national (le ministre) a réduit de 915,49 $ le montant dont l’appelant avait demandé la déduction au titre des dépenses d’emploi et a calculé des intérêts de 22,57 $. Plus particulièrement, les dépenses dont la déduction a été refusée sont les suivantes :


 

Description

Déduites

Admises

Refusées

 

Repas

4 580,00 $

3 778,50 $

801,50 $

Convertisseur continu‑alternatif

113,99 

0

113,99

Autres

527,62

  527,62

0

 

Total

5 221,61 $

4 306,12 $

915,49 $

 

[2]  Il est un fait établi que, durant l’année d’imposition 1997, l’appelant travaillait comme chauffeur de camion pour Heyl Truck Line Inc. Dans le cadre de son emploi, l’appelant a travaillé pendant 229 jours durant l’année d’imposition 1997 à l’extérieur de la municipalité où se trouvait l’établissement de l’employeur. Une partie des voyages ont été effectués aux États‑Unis. Les frais de repas de 4 580 $ dont l’appelant a demandé la déduction ont été établis de la façon suivante :

 

  229 jours x 40 $ par jour x 50 % = 4 580 $

 

Le ministre a admis le montant de 3 778,50 $, auquel il est arrivé de la façon suivante :

 

229 jours x 33 $ par jour x 50 % = 3 778,50 $

 

La seule hypothèse plaidée par le ministre relativement à ce qui précède était que [TRADUCTION] « les frais de repas en excédent du montant admis n’étaient pas raisonnables dans les circonstances ».

 

[3]  La dépense de 113,99 $ dont l’appelant a demandé la déduction se rapportait à l’achat d’un convertisseur continu‑alternatif, lequel n’est pas déductible, aux dires du ministre, car c’est une dépense de la nature d’une immobilisation [1] .

 


(Rendus oralement à l'audience à

Winnipeg (Manitoba), le 18 août 2000.)

 

  [TRADUCTION]

 

M. LE JUGE :  Je veux demander à l’avocat sur quoi le ministre s’appuie pour établir le montant à 33 $ par jour, mis à part le fait qu’il figure dans un guide d’information?

 

Me BOUVIER :  La méthode simplifiée appliquée par le ministre n’est pas fondée sur quoi que ce soit.

 

M. LE JUGE :  Si ce n’est en plaidant que c’est une hypothèse qui est raisonnable?

 

Me BOUVIER :  C’est bien ça.

 

M. LE JUGE :  Et le ministre dit maintenant « Je ne sais pas si c’est une hypothèse raisonnable »?

 

Me BOUVIER :  Non, M. le juge. Chaque année, lorsque sont préparés les renseignements qui seront diffusés au public, le ministre du Revenu national prépare des guides à distribuer avec les déclarations de revenu.

 

M. LE JUGE :  De toute évidence, ces guides ne sont pas distribués aux fonctionnaires.

 

Me BOUVIER :  Non.

 

M. LE JUGE :  Vous allez me dire maintenant pourquoi il est raisonnable d’accorder 48 $ par jour aux fonctionnaires pour les repas alors qu’une personne qui est obligée de se rendre aux États‑Unis et d’y prendre des repas est limitée à 33 $ (en argent canadien). Est‑ce raisonnable, Me Bouvier?

 

Me BOUVIER :  Je ne peux pas.  Je ne peux pas me présenter devant la Cour et dire qu’un montant est raisonnable et que l’autre ne l’est pas. 

Tout ce que je peux dire c’est que le ministre fait valoir, en l’espèce, que les dépenses d’emploi sont précisées dans le guide des dépenses d’emploi et que le montant jugé raisonnable par le ministre cette année‑là était de 11 $ par repas ou de 33 $ par jour tout au plus.

Je ne suis pas en mesure de fournir d’explications —

 

M. LE JUGE :  Et vous ne niez pas que j’ai le droit de ne pas partager ce point de vue?

 

Me BOUVIER :  Non, je ne nierai pas que vous avez le droit de ne pas partager ce point de vue, bien entendu.

 

M. LE JUGE :  Bien franchement, je n’arrive pas à comprendre qu’un montant de 33 $ puisse être considéré comme suffisant quand une personne a voyagé (aux États‑Unis en l’espèce) et a engagé des frais, ainsi qu’on l’a fort judicieusement fait remarquer, elle est pénalisée et il me semble qu’il devrait en être tenu compte.

On parle d’un montant de 33 $ par jour, aux États‑Unis  je ne crois pas que le ministre pourrait se nourrir avec ce montant.

 

Me BOUVIER :  Non, et je ne peux pas dire grand‑chose. Tout je ce que je peux dire c’est que le guide sur les dépenses d’emploi est publié et que, pour une raison qui m’est inconnue, c’est un montant de 33 $ qui a été retenu pour cette année d’imposition‑là et c’est le montant dont tous les chauffeurs de camion du Canada ont demandé la déduction, 33 $ par jour.

 

M. LE JUGE :  Eh bien, ils vont peut‑être commencer à demander la déduction d'un montant plus élevé après la présente affaire.

 

Me BOUVIER :  Qui sait, ils vont peut‑être commencer à demander la déduction d’un montant plus élevé à l’issue de l’affaire en cause.

Il n’a pas, le gouvernement ou le ministre du Revenu national, n’a pas inclus une disposition réglementaire à la fin de la Loi de l’impôt sur le revenu disant, vous savez, que « le montant prescrit est de 33 $ par jour », il n’a pas fait ça.

Il a juste inscrit ce montant dans un guide sur les dépenses d’emploi.

Maintenant, il m’est tout à fait impossible de soutenir que —

 

M. LE JUGE :  En toute équité, vu que la vaste majorité des voyages de l’appelant ont été effectués aux États‑Unis, je trouve tout simplement que 33 $ par jour n’est pas ce que je qualifierais un tant soit peu de raisonnable dans les circonstances.

Je vais admettre l’appel, ainsi que vous l’avez probablement deviné à mes propos.

 

Me BOUVIER :  Oui. Bien, je crois qu’il n’est pas nécessaire d’en dire plus.

 

M. LE JUGE :  Je me suis penché sur une question semblable dans le cadre d'un appel entendu récemment, où le ministre avait admis un taux de kilométrage de 0,08 $ [2] alors qu’il versait un taux de 0,35 $, ou un autre montant, à ses propres employés, pour effectuer le même voyage aux mêmes fins.

Je ne comprends tout simplement pas que ce genre d’aberration puisse se produire.

 

Me BOUVIER :  Malheureusement, c’est moi qui ai été chargé de défendre cette affaire devant vous.

 

M. LE JUGE :  Oui, c’est vous, en effet.

Très bien, l’appel est admis.

 

Me BOUVIER :  En ce qui concerne le convertisseur continu‑alternatif.

 

M. LE JUGE :  Ah oui, je dois entendre votre plaidoirie au sujet du convertisseur continu‑alternatif.

 

Me BOUVIER :  Il y a un montant de 113 $ pour l’achat d’un convertisseur continu‑alternatif.

 

M. LE JUGE :  Où est‑il indiqué que c’est une dépense admissible?

 

Me BOUVIER :   Ce n’est pas une dépense admissible en vertu du paragraphe 8(1).

 

M. LE JUGE :  Je veux que vous‑même, ou votre épouse, m’indiquiez quelle disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu autorise un employé à déduire un convertisseur continu‑alternatif.

 

M. WILKINSON :  Il est écrit dans la lettre du ministre, je ne suis pas sûr si c’est dans la Loi, qu’un employé qui se rend au travail n’est pas tenu de payer de sa poche les frais engagés pour acheter des articles dont il a besoin pour se rendre au travail.

 

M. LE JUGE :  De quelle disposition s’agit‑il?

Montrez‑là à l’avocat.

 

Mme WILKINSON:  Il en a une copie.

 

M. WILKINSON :  Il en a déjà une copie, M. le juge.

 

M. LE JUGE :  À quoi renvoie‑t‑elle, Me Bouvier?

 

Me BOUVIER :  En fait, c’est une lettre de l'honorable Paul Martin à M. Don Wilkinson lui expliquant pourquoi il ne devrait pas avoir droit à plus de 33 $ par jour.

 

M. WILKINSON :  M. Martin, dans sa lettre, dit que —

 

M. LE JUGE :  Montrez‑la moi au lieu de m’en faire un résumé.

Je ne vois rien jusqu’ici. À quoi faites‑vous référence en particulier?

 

M. WILKINSON :  « Dans le secteur privé, les frais de déplacement et les autres dépenses d’entreprise engagées dans le cadre de leur [...] »

 

Mme WILKINSON :  C’est à la page 2.

 

M. LE JUGE :  Pas tous en même temps s’il‑vous‑plaît. Que lisez‑vous maintenant?

 

M. WILKINSON :  Je lis la lettre de Paul Martin.

 

M. LE JUGE :  Celle‑ci?

 

M. WILKINSON :  Oui.

 

Mme WILKINSON :  Page 2.

 

M. WILKINSON :  Page 2.

 

M. LE JUGE :  Paragraphe?

 

M. WILKINSON :  Paragraphe 5.

 

M. LE JUGE :  Oui?

 

M. WILKINSON :  [TRADUCTION] « Dans le secteur privé, les frais de déplacement et les autres dépenses d’entreprise engagées dans le cadre de leur travail ne sont pas censées être inclus dans le calcul du revenu personnel imposable. La rémunération et les avantages offerts aux membres tiennent compte [...] »

 

M. LE JUGE :  Je n’ai qu’une seule observation à faire à M. Martin et c’est celle‑ci : dans quelle disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu est‑il précisé que les convertisseurs continu‑alternatif sont déductibles?

C’est juste une — il me déplaît de dire les choses brutalement, mais je vais le faire, c’est une lettre de politicien, qui n’a aucun rapport avec la Loi de l’impôt sur le revenu.  Je lui accorderai le —

 

M. WILKINSON :  Il semble que --

 

M. LE JUGE :  Je lui accorderai l’importance qu’elle mérite.

 

M. WILKINSON :  C’est là que nous avons un problème quand nous remplissons notre déclaration de revenu, à cause de toutes ces politiques, celle‑ci et puis celle‑là et —

 

M. LE JUGE :  Maître, rappelez‑moi votre thèse au sujet du convertisseur continu‑alternatif.

 

Me BOUVIER :  La Loi de l’impôt sur le revenu ne renferme aucune disposition permettant à un employé de déduire un convertisseur continu‑alternatif, pour dire les choses simplement.

 

M. LE JUGE :  Les déductions auxquelles ont droit les employés se trouvent à quel article, est‑ce l’article 8?

 

Me BOUVIER :  À l’article 8.

 

M. LE JUGE :  Et à l’article 6 et elles sont énumérées en détail et si elles ne sont pas répertoriées dans cette disposition, elles ne sont pas déductibles, c’est aussi simple que ça. Je m’exprime peut‑être un peu brutalement, mais, ainsi que vous m’avez entendu le dire au précédent témoin, à moins qu’il existe une disposition particulière qui accorde une déduction pour une catégorie d’articles, peu importe de quoi il s’agit, vous n’avez pas le droit de déduire cet article de votre revenu, c’est aussi simple que ça.

Vous obtenez gain de cause sur la question des repas, mais votre appel est rejeté pour ce qui est du convertisseur continu‑alternatif.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2002.

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1]   Les trois paragraphes qui précèdent ne font pas partie des motifs rendus oralement à la fin de l’audience.

[2]   L’appel se rapportait à des frais médicaux dont la déduction avait été demandée en vertu de l’article 118.4 de la Loi.

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