Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-1869(IT)I

 

ENTRE :

 

JERRY EUGENE SHEPHERD,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 11 février 2002, à Edmonton (Alberta) par

 

l'honorable juge Gordon Teskey

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :                          Me Brooke Sittler

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est rejeté en conformité avec les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 28e jour de février 2002.

 

 

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020228

Dossier: 2001-1869(IT)I

 

ENTRE :

 

JERRY EUGENE SHEPHERD,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Teskey

 

[1]     Dans son avis d'appel portant sur la nouvelle cotisation établie à son égard pour 1997, l'appelant a choisi la procédure informelle.

 

[2]     La seule question que la Cour doit trancher est de savoir si l’appelant a droit à une déduction relativement à la résidence d’un membre du clergé en vertu de l’alinéa 8(1)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[3]     À la lecture de cette disposition, on constate qu’elle renferme deux critères, l’un fondé sur le statut et l’autre sur la fonction. Cette disposition est libellée comme suit:

 

(8)(1)   Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

 

[...]

 

c)         Résidence des membres du clergé — lorsque le contribuable est membre du clergé ou d'un ordre religieux ou ministre régulier d'une confession religieuse, et qu'il dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d'une congrégation, ou s'occupe exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse, un montant égal :

 

[...]

 

[4]     Dans l’appel en l’instance, l’intimée admet que l’appelant satisfait au critère fondé sur le statut.

 

Les faits

 

[5]     L’établissement situé à Edmonton porte l’appellation officielle de North American Baptist College and Edmonton Baptist Seminary (le « collège »). Les professeurs sont embauchés pour enseigner soit au collège, soit au séminaire, mais jamais aux deux endroits.

 

[6]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a admis que la fonction principale de l’appelant au Edmonton Baptist Seminary (le « E.B.S. ») est l’enseignement, ainsi que l’appelant l’a indiqué dans son avis d’appel.

 

[7]     Le ministre a aussi admis ce qui suit :

 

a)       le E.B.S. a été crée aux fins de la formation de ministres du culte pour la North American Baptist Conference (la « Conference »);

 

b)      l’appelant est un ministre du culte de la Conference;

 

c)       l’appelant est un professeur agréé et il enseigne l’interprétation de la Bible et la doctrine biblique au E.B.S.

 

[8]     Le ministre a soutenu que, pour établir une cotisation à l’égard de l’appelant, il s’était appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

·        le collège est un ministère d’enseignement de la Conference, dont il reçoit son financement;

 

·        le but principal du collège est de former des hommes et des femmes qui pourront exercer des ministères à vocation pastorale et d’autres ministères chrétiens à vocation éducative;

 

·        la principale fonction de l’appelant au collège est l’enseignement;

 

·        à aucun moment durant l’année d’imposition 1997, l’appelante n’a desservi un diocèse, une paroisse ou une congrégation;

 

·        à aucun moment durant l’année d’imposition 1997, l’appelant ne s’est occupé exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse.

 

[9]     En plus de témoigner pour son compte, l’appelant a appelé deux personnes à témoigner en sa faveur, à savoir Ronald David Berg, qui est lui aussi ministre baptiste et membre du corps professoral du collège, et James Stephen Leveiett, titulaire d'un doctorat, qui est également vice‑président des études au E.B.S.

 

[10] L’appelant, titulaire d'un doctorat en théologie, est professeur agréé au E.B.S. où il enseigne l’Ancien Testament.

 

[11]    L’appelant est président du comité de la vie étudiante. Le E.B.S. met à la disposition du corps professoral un manuel fournissant des précisions sur le comité de la vie étudiante et les responsabilités du président, à savoir :

 

·        organiser et administrer des activités visant à favoriser la croissance spirituelle des membres de la communauté du E.B.S., ce qui suppose notamment :

 

-         planifier et mettre en œuvre un programme de services de pastorale pour l’année en cours;

-         planifier et mettre en œuvre le programme du jour de la prière chaque semestre;

-         organiser la communauté du séminaire en groupes de prière;

-         désigner des animateurs pour superviser les activités des groupes de prière;

-         examiner les activités visant à favoriser la croissance spirituelle et recommander des changements au corps professoral;

 

[12]    Les membres du corps professoral sont tous en charge d’un groupe de prière particulier auquel ils prodiguent conseils et encouragements spirituels et fournissent des prières à réciter.

 

[13]    La charge d’enseignement de l’appelant est de 12 heures un semestre et neuf heures le semestre suivant, c’est‑à‑dire qu’il donne quatre cours de trois heures le premier semestre et trois cours de trois heures le second.

 

[14]    L'appelant donne un cours d’introduction à l’Ancien Testament, un autre d’interprétation de la Bible, du Livre d’Isaïe, du Livre d’Ézéchiel, du Livre des Psaumes, du Livre de la Sagesse, et un dernier cours portant sur la connaissance de l'hébreu.

 

[15]    Pour chaque heure d’enseignement dispensée chaque semaine, l’appelant consacre environ une heure à la préparation des cours et à la notation des travaux des étudiants.

 

[16]    L’appelant ne considère pas que ses activités de président du comité de la vie étudiante constituent sa fonction principale au séminaire.

 

[17]    En plus de jouer le rôle de conseiller spirituel auprès de ses étudiants, l’appelant fournit également des conseils et un encadrement relativement à d’autres aspects du mieux‑être des étudiants sur les plans personnel, physique, intellectuel, social, professionnel et financier, notamment.

 

[18]    Les membres du corps professoral du E.B.S. sont censés prononcer des sermons le dimanche dans les églises locales durant toute l’année. Ils sont payés par les diverses congrégations et ils ont le droit de conserver les montants qui leur sont versés. Les diverses églises invitent chacun des professeurs à venir prêcher à leurs fidèles. En 1997, l’appelant a présidé 31 services religieux, à titre d'officiant, dans diverses églises en plus de donner des classes de religion le dimanche à l'Église à laquelle il appartient, mais dont il n’est pas le pasteur.

 

[19]    À la question de savoir si le fait de prononcer une série de sermons sur un sujet particulier serait considéré comme de l’enseignement, l’appelant a répondu par la négative. Il a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Dans le contexte de l’enseignement, c’est en quelque sorte la règle du donnant donnant qui s’applique. Or, dans le contexte de la prédication, je dirais essentiellement qu’une certaine valeur d’autorité est attribuée aux propos tenus par le ministre du culte, qui sont plus ou moins utiles, davantage dignes de foi et qui constituent davantage des règles à suivre pour les membres de la congrégation. »

 

[20]    L’appelant a convenu que les sermons qu’il prononçait dans les diverses églises s’inscrivaient dans le cadre de ses activités comme prédicateur plutôt que comme enseignant.

 

[21]    Les personnes qui étudient au E.B.S. sont inscrites à divers programmes, mais surtout au programme de maîtrise en théologie.

 

[22]    Il existe un plan de cours pour chaque cours offert au E.B.S.

 

[23]    Une partie des cours que l’appelant enseigne sont des cours obligatoires et les autres des cours facultatifs. Le nombre d'étudiants auxquels il enseigne varie de trois à quarante.

 

[24]    L’appelant ne considère pas qu’il s’occupe exclusivement et à temps plein de services administratifs.

 

[25]    Le révérend Ronald David Berg, ministre de la North American Baptist Conference dans la région, confirme que les membres du corps professoral du E.B.S. ont tous le statut de membre du clergé au sein de la Conference. Ils sont autorisés à célébrer des mariages et des funérailles et leur nom figure dans le livre des membres du clergé de la Conference. Le révérend Berg a également affirmé qu’un professeur pouvait quitter le E.B.S. pour devenir pasteur à temps plein quand bon lui plaisait, sans prendre quelque mesure que ce soit, et que les enseignants sont tous reconnus comme des membres du North American Baptist Clergy.

 

[26]    James Stephen Leveiett, titulaire d’un doctorat en théologie, est le vice‑président des études au E.B.S. Quand il compare les fonctions dont il s’acquitte depuis plus de vingt ans comme pasteur baptiste aux tâches qu’il accomplit depuis quelque dix‑huit mois à titre de vice‑président du E.B.S., les membres du corps professoral, affirme‑t‑il, apportent aussi un soutien spirituel aux étudiants. Il a également déclaré que « d’une certaine manière, les étudiants sont des membres à part entière de notre institution et ils constituent en fait notre congrégation. »

 

Analyse

 

[27]    L’appelant et ses témoins peuvent dire que les étudiants forment une congrégation et que l’enseignement dispensé revêt aussi le caractère de soutien spirituel. Or, la question à trancher en l’espèce est la suivante : les tâches et actions proprement dites de l’appelant cadrent‑elles avec les dispositions de l’alinéa 8(1)e) de la Loi?

 

[28]    Cette question a été tranchée par le juge en chef adjoint Bowman, tel est désormais son titre, de la Cour, dans l'affaire Bissell c. La Reine, C.C.I., no‑95‑3194 (IT)G, 26 février 1999 (99 DTC 721). La question soulevée dans cette affaire était exactement la même. M. Bissell était un ministre du culte en titre qui enseignait la théologie dans un collège qu’on pouvait manifestement qualifier de confessionnel, exactement comme en l’espèce. La question à trancher était de savoir si cette activité : « équiva[lait] à desservir une congrégation » aux termes de l’alinéa 8(1)c) de la Loi. Le juge Bowman a fait observer ce qui suit aux paragraphes 41 à 43 :

 

[41]      Nul ne peut nier que le fait de desservir une congrégation comporte fréquemment de l’enseignement. Il s’agit là d’un volet important du rôle d’un ministre du culte. Parmi les nombreuses appellations données à Jésus-Christ, mentionnons celle de « Grand Professeur ». Néanmoins, même si desservir une congrégation peut comprendre l’enseignement, l’inverse n’est pas vrai.

 

[42]      Il importe de mettre les activités du révérend Bissell en perspective. Il a enseigné la religion à des personnes ayant pour but de devenir ministres du culte. Il les a sans doute également conseillées et a probablement prié avec elles. Il a également prêché à l’occasion à des groupes de fidèles au niveau local. Les avocats des appelants m’ont mentionné certaines affaires dans lesquelles les tribunaux ont admis que le fait de desservir une congrégation peut inclure des ministères spécialisés. Je souscris à cet énoncé à titre d’affirmation générale, mais à mon sens, il ne va pas assez loin pour aider la cause du révérend Bissell. Selon moi, on ne peut affirmer que l’enseignement dispensé à des étudiants dans un collège à caractère confessionnel équivaut à desservir une congrégation au sens où j’ai utilisé l’expression dans d’autres affaires, comme Miller et McGorman ou Baker.

 

[43]      Tel que je l'ai indiqué précédemment, l’enseignement peut bien constituer – et constitue souvent – un élément faisant partie de l'activité consistant à desservir une congrégation, mais l'enseignement n’équivaut pas, en soi, à desservir une congrégation selon aucune acception généralement admise de ce terme que je connais. Je ne crois pas non plus qu’il soit possible d’affirmer qu’un groupe d’étudiants est une « congrégation » au sens d’un regroupement de personnes auxquelles un ministre du culte donne des conseils, des connaissances et de l’inspiration en matière spirituelle. Bien que, pour les motifs exprimés dans les affaires Kraft et autres, je ne souscrive pas à l'interprétation donnée au mot congrégation dans l'affaire McRae, je ne suis pas d’avis que ce terme englobe un groupe d’étudiants au niveau collégial rassemblés pour recevoir un enseignement collégial.

 

[29]    Les juges d’une cour ne sont pas nécessairement tenus d’appliquer les jugements rendus par la même cour, lesquels revêtent toutefois un caractère on ne peut plus persuasif.

 

[30]    Il est important tant pour le ministre que pour les contribuables canadiens que les juges soient aussi conséquents que chacun des juges de la Cour peut l’être dans ses motifs.

 

[31]    Je souscris à la décision rendue dans l’affaire Bissell (précitée).

 

[32]    En l’espèce, l’appelant a soutenu qu’il avait été « sollicité » pour occuper le poste de professeur agréé au collège. C’est juste une façon polie de dire que le collège l’avait officiellement invité à poser sa candidature et qu’elle avait accepté sa demande.

 

[33]    Dans la version du New Shorter Oxford Dictionary publiée en 1993, le terme « parish » (paroisse) est défini de la façon suivante : [TRADUCTION] « un territoire sur lequel se trouve une église à laquelle est rattaché un prêtre ou un prédicateur qui s’acquitte de responsabilités spirituelles à l’égard des personnes qui vivent sur ce territoire ».

 

[34]    Une « Congregation » (congrégation) est également définie comme :  [TRADUCTION] « un groupe de personnes qui sont rassemblées pour prier ou pour entendre un prédicateur » ou « le groupe de personnes qui fréquentent une église particulière de façon régulière ».

 

[35]    Je crois que c’est dans ce contexte que les termes « paroisse » et « congrégation » sont utilisés à l’alinéa 8(1)c) de la Loi.

 

[36]    Le collège n’est pas juste une paroisse ou une église et les étudiants ne sont pas rassemblés pour prier mais pour acquérir des connaissances religieuses et ils ne forment pas une congrégation pour l’application de l’alinéa 8(1)e) de la Loi.

 

[37]    Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 28e jour de février 2002.

 

 

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

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