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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-591(GST)I

 

ENTRE :

 

ROBERT D. PARTRIDGE,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus le 8 août 2001 à Kingston (Ontario), par

l'honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :  L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :  Me Rosemary Fincham

 

 

JUGEMENT

 

  L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999 est accueilli, sans frais, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de manière à supprimer la pénalité imposée en vertu de l'article 275 de cette loi.

 

  L'appelant n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 2001.

 

 

« Gerald Rip »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de novembre 2002.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

 

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-590(IT)I

 

ENTRE :

 

ROBERT D. PARTRIDGE,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus le 8 août 2001 à Kingston (Ontario), par

 

l'honorable juge Gerald J. Rip

 

Pour l'appelant :  L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :  Me Rosemary Fincham

 

 

JUGEMENT

 

  Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 2001.

 

 

« Gerald Rip »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de novembre 2002.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20010824

Dossier: 2001-590(IT)I

2001-591(GST)I

 

ENTRE :

 

ROBERT PARTRIDGE,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip, C.C.I.

 

[1]  L'appelant en l'espèce est un contribuable qui se consacrait entièrement à l'agriculture et qui s'est vu refuser le droit de déduire des dépenses dans le calcul de son revenu pour 1997 et 1998 aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (« LIR ») et d'obtenir des crédits de taxe sur les intrants en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (« LTA ») pour la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999, pour le motif qu'il n'exploite pas une entreprise agricole aux fins de la LIR et que son activité agricole n'est pas une activité commerciale aux fins de la LTA. L'appelant a fait valoir lui‑même sa cause, sans représentant.

 

[2]  Lorsque, en 1979 ou à peu près, M. Robert Partridge a pris sa retraite des Forces armées canadiennes, il a acheté une ferme de 100 acres dans les Cantons de l'Est du Québec et a alors consacré tout son temps à l'agriculture. Par la suite, cette ferme a été vendue. L'appelant a, en 1984, acheté une ferme laitière de 365 acres à Delta (Ontario). Il avait fait carrière dans les Forces armées canadiennes pendant 30 ans. Il a témoigné que, à partir de 1979, il n'avait pris aucun congé, occupé qu'il était toujours à répondre aux besoins de ses fermes. En 1995, en raison de son âge et dans une certaine mesure pour cause de maladie, il a mis en vente la ferme de Delta et a acheté une ferme plus petite, à savoir une ferme de 67 acres, à Portland (Ontario). La ferme de Delta a été vendue en 1997.

 

[3]  La nouvelle ferme  celle de Portland  n'avait pas été exploitée depuis 10 ans et devait faire l'objet d'un travail « considérable » avant de pouvoir être utilisée à des fins agricoles. Il fallait débroussailler pour faire des pâturages et il fallait réparer des bâtiments et installer une clôture. De plus, un droit de passage divisait la terre, ce qui en réduisait l'utilisation comme ferme.

 

[4]  La ferme de Portland est une ferme mixte où l'on élève des vaches, des moutons, des chèvres et des bovins de boucherie. Depuis 1995, M. Partridge a déclaré les pertes agricoles suivantes provenant de la ferme de Portland :

 

 

Année

d'imposition

 

Revenu

d'agriculture

brut

Revenu

d'agriculture

rajusté*

Dépenses

agricoles

totales

Pertes

agricoles

déclarées

1995

  22 758 $

  9 553 $

  52 191 $

  (29 433) $

1996

  20 093

  9 605

  44 930

  (24 837)

1997

  15 906

  8 003

  39 815

  (23 909)

1998

  12 446

  5 388

  46 156

  (33 710)

1999

  12 633

  6 634

  38 776

  (26 142)

2000

  11 599

  5 599

  35 1261

  (23 527)

 

*  Net de rajustements facultatifs pour inventaire, de remboursements de taxe et de remboursements d'impôt.

 

1  Cela n'inclut pas des frais juridiques afférents à une défense à l'encontre du droit de passage.

 

[5]  Durant toute la période pertinente, les revenus de M. Partridge provenaient de pensions et de placements. En 1997, son revenu de pensions, n'incluant pas la Sécurité de la vieillesse et le Régime de pensions du Canada, a été de 35 519 $ et son revenu de placements a été de 14 226 $; en 1998, ces revenus ont été de 36 183 $ et de 16 396 $ respectivement. Il semble également que, avant 1995, les pertes agricoles de M. Partridge dépassaient ses autres revenus. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a présumé que l'appelant avait également subi des pertes agricoles au cours de la période allant de 1987 à 1994 inclusivement. M. Partridge a reconnu les pertes subies pour toutes les années allant jusqu'à l'an 2000. Il a dit que, s'il n'avait pas indiqué une déduction pour amortissement, il aurait tiré un bénéfice de l'agriculture pour 1984, 1987, 1988, 1989 et 1993. Il a en outre dit qu'il pourrait aujourd'hui établir un plan financier de manière à réaliser un profit d'ici trois ou quatre ans, car la fraction non amortie du coût en capital du bien agricole diminuait constamment.

 

[6]  M. Partridge a témoigné qu'il a fait des efforts pour que sa ferme soit rentable : il a acheté du matériel et de l'outillage d'occasion afin de réduire les coûts; il n'a pas retenu les services d’un spécialiste, préférant tenir lui‑même ses livres et remplir lui‑même ses déclarations de revenu, et il rend compte de ses frais avec diligence; il n'a jamais demandé d'aide ou de subvention gouvernementale. Il a dit qu'aucune petite ferme mixte au Canada n'est rentable; sans une subvention ou sans un quota, un petit agriculteur ne peut réaliser un bénéfice.

 

[7]  Le vendeur de la ferme de Delta avait un quota de lait, mais pas M. Partridge. Ce dernier n'avait pas non plus de quota d'œufs. À l'époque de l'achat de la ferme de Delta, il ne se rendait pas compte que le quota n'était pas transférable avec la ferme.

 

[8]  Une fois déménagé de Delta à Portland, ce qui représente une distance d’environ 20 kilomètres, M. Partridge a continué à faire de l'agriculture, mais plus modérément, en raison de son âge et de sa santé. Par exemple, au cours de la période à laquelle se rapportent les appels, il a eu 12 à 15 bovins, 15 moutons, 4 chèvres, 2 chevreuils et 20 poulets. Au moment du procès, un des deux chevreuils était encore en vie et l'autre était dans le congélateur de M. Partridge. Les poulets (et les œufs) étaient destinés à la consommation personnelle, car M. Partridge n'avait aucun quota. En 1997, M. Partridge a vendu 3 chèvres pour la somme de 200 $. (Il avait vendu 7 chèvres cette année‑là et entendait accroître ce nombre dans les années subséquentes.)

 

[9]  M. Partridge vit à la ferme de Portland avec son épouse. Nombre des dépenses non admises par l'Agence des douanes et du revenu du Canada se rapportaient à des réparations ou immobilisations relatives à la maison, à savoir des dépenses que M. Partridge avait déclarées comme dépenses d'agriculture. M. Partridge estime qu'une maison de ferme est un actif faisant partie intégrante d'une entreprise agricole et que tous les frais relatifs à la maison sont des dépenses d'agriculture. Il avait en outre omis de tenir compte de la règle de la demi‑année lors de l'acquisition du bien en immobilisation en 1995. Ces erreurs ne sont pertinentes que si je conclus qu'il exploitait une entreprise agricole durant les années considérées dans les présents appels.

 

[10]  En ce qui concerne la cotisation établie en vertu de la LTA, M. Partridge aura droit à des crédits de taxe sur les intrants si j'admets son appel contre les cotisations d'impôt sur le revenu. En établissant une cotisation à l'égard de M. Partridge en vertu de la LTA, le ministre a imposé une pénalité aux termes de l'article 275 de cette loi. Le ministre n'a pas fait référence à la disposition relative à la pénalité dans sa réponse à l'avis d'appel. Le ministre a la charge d'établir les faits à l'appui de la pénalité. L'appel relatif à la pénalité sera donc accueilli.

 

[11]  M. Partridge a dit qu'il exploitait la ferme non pas pour réaliser un profit, mais pour apporter une contribution à la communauté. Il a dit que les fermes devaient lui assurer un « gagne‑pain », lui procurer un « moyen de subsistance et non un profit » et lui permettre de consommer les produits qu'il cultivait. Et, durant les années considérées en l'espèce, lui et son épouse consommaient bel et bien des légumes et de la viande provenant de la ferme.

 

[12]  M. Partridge a fait remarquer que, contrairement aux contribuables dans les affaires citées par l'avocate de l'intimée [1] , il n’accomplit aucun travail à part celui qu'il exécute à la ferme. Il n'a aucun autre revenu d'entreprise ou d'emploi. Il concluait donc que ces causes n'étaient pas pertinentes.

 

[13]  M. Partridge s'appuyait beaucoup sur la description que le juge Dickson (titre qu'il portait alors) a donnée d'un agriculteur de la première catégorie dans l'affaire Moldowan [2]  :

 

(1) le contribuable qui peut raisonnablement s’attendre à tirer de l’agriculture la plus grande partie de son revenu ou à ce que ce soit le centre de son travail habituel. Ce contribuable, dont l'agriculture est le gagne-pain, est exempté de la limite imposée par le par. 13(1) pour les années où il subit des pertes provenant de son exploitation agricole;

 

[14]  Si j'ai bien compris, M. Partridge fait principalement valoir que l'agriculture était « le centre de son travail habituel » et qu'il est donc un agriculteur de la première catégorie, quoique l'agriculture ne lui rapporte pas de revenu net.

 

[15]  Les termes « le centre de son travail habituel » et « ses habitudes et sa façon coutumière de travailler » qui sont utilisés par le juge Dickson dans l'affaire Moldowan doivent désigner le centre de l'activité économique habituelle d'une personne ou la façon coutumière d'une personne d'exercer une activité économique, c'est‑à‑dire de travailler pour s’assurer d’un gagne‑pain. Le mot anglais « livelihood » (gagne‑pain) est défini dans The Canadian Oxford Dictionary comme désignant un moyen de gagner sa vie ou une profession. Il ne désigne pas des efforts pour assurer seulement sa subsistance, comme l'envisage l'appelant, ou une activité qui génère un certain revenu mais pas un bénéfice et à laquelle le contribuable consacre pourtant toute son énergie mentale et physique.

 

[16]  En fait, dans les affaires Tonn [3] et Mastri [4] , la Cour d'appel fédérale a pris en considération l'élément personnel de dépenses dans l'examen de la question de savoir si les dépenses avaient été engagées pour tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Dans le présent appel, comme l’appelant l'a dit à plusieurs reprises, son activité agricole visait non pas nécessairement à réaliser un profit, mais à mettre du pain sur la table. À ce que je comprends, la réalisation d'un bénéfice représentait une intention secondaire.

 

[17]  Néanmoins, si une personne exploite une entreprise agricole, des dépenses sont déductibles dans le calcul du revenu. Pour qu'il y ait une entreprise, il faut un élément de commerce ou une activité commerciale. L'activité  l'agriculture en l'espèce  doit d'un point de vue commercial s'apparenter à tout le moins à une entreprise.

 

[18]  Pour avoir gain de cause, M. Partridge doit me convaincre que son revenu provient principalement de l'agriculture ou d’une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source et non de ses pensions ou de ses placements. Comme le disait le juge Dickson dans l'affaire Moldowan [5]  :

 

Déterminer si une source de revenu est la principale «source» de revenu d’un contribuable suppose un test à la fois relatif et objectif. Ce n’est incontestablement pas une simple question de proportion. Celui qui a exploité une ferme toute sa vie ne cesse pas d’en tirer sa principale source de revenu du simple fait qu’il a inopinément gagné à la loterie. Ce qui distingue la principale «source» de revenu du contribuable, c’est l’expectative raisonnable de revenu en provenance des diverses sources, ainsi que ses habitudes et sa façon coutumière de travailler. On peut analyser ces éléments, notamment à l’égard de chaque source de revenu, en examinant le temps consacré à celle-ci, les capitaux engagés et la rentabilité présente et future. Un changement dans les habitudes ou la façon de travailler d’un contribuable ou dans ses expectatives raisonnables peut indiquer une modification de la principale source de revenu, mais cela demeure une question de fait dans chaque cas.

 

[19]  Dans l'affaire Canada c. Donnelly [6] , le juge d'appel Robertson a expliqué ceci :

 

8  Pour déterminer si l’agriculture est la principale source de revenu d’un contribuable, il faut établir une comparaison favorable entre cette source de revenu et l’autre source de revenu du contribuable sous l’angle des capitaux investis, du temps consacré à chacune et de la rentabilité présente et future. Il s’agit d’un critère à la fois relatif et objectif. Ce n’est pas une simple question de proportion. Ces trois facteurs doivent être soupesés et aucun d’eux n’est décisif. Malgré tout, il ne saurait y avoir de doute que le facteur de la rentabilité est le principal obstacle auquel se heurtent les contribuables qui cherchent à convaincre les tribunaux que l’agriculture est leur principale source de revenu. Il en est ainsi parce que les contribuables ont la charge de prouver que le revenu net qu’ils pourraient raisonnablement s’attendre de tirer de l’agriculture est considérable par rapport à leur autre source de revenu : il s’agit invariablement d’un revenu d’emploi ou de profession libérale. Si la règle de droit était différente, la Cour de l’impôt n’aurait aucun moyen d’établir une comparaison entre les montants relatifs censés être tirés de l’agriculture et de l’autre source de revenu, ainsi que le prévoit l’article 31 de la Loi. […]

 

[20]  Malheureusement, je ne peux convenir avec M. Partridge que ce dernier exploitait une entreprise agricole. L'agriculture représentait une préoccupation chez lui. C'était sa vie. Toutefois, pendant la période où il exerçait une activité agricole à Portland, jamais il n'a exploité une entreprise agricole. Il ne s'attendait pas à tirer de la ferme la plus grande partie de son revenu, quoique l'agriculture ait été le centre de son travail habituel.

 

[21]  Les appels sont rejetés, sauf pour ce qui est de la suppression de pénalités.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 2001.

 

 

« Gerald Rip »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de novembre 2002.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 



[1]   Exemples : Moldowan c. Sa Majesté La Reine, [1978] 1 R.C.S 480 (77 DTC 5213), Tonn c. Canada (C.A.), [1996] 2 C.F. 73 (96 DTC 6001), Mastri c. Canada (Procureur général) (C.A.), [1998] 1 C.F. 66 (97 DTC 5420), Canada c. Donnelly (C.A.), [1998] 1 C.F. 513 (1997 CarswellNat 1562), Spence c. R., no 1999‑3465 (GST)I, 4 avril 2000 (2000 CarswellNat 612).

[2]   Affaire précitée, à la page 487 (DTC : à la page 5216).

[3]   Affaire précitée, à la page 97 (DTC : aux pages 6009 et 6010).

[4]   Affaire précitée, aux pages 76 et 77 (DTC : à la page 5424).

[5]   Affaire précitée, à la page 486 (DTC : aux pages 5215 et 5216).

[6]   Affaire précitée, au par. 8.

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