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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-756(IT)I

ENTRE :

DAVID SOBERANO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appels entendus le 9 août 2001 et

le 21 janvier 2002 à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge Gordon Teskey

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                          George A. Ormsby

 

Avocate de l'intimée :                                   Me Tamara Sugunasiri

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

 


Signé à Toronto  (Ontario), ce 25e jour de janvier 2002.

 

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020125

Dossier: 2001-756(IT)I

 

 

ENTRE :

DAVID SOBERANO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Teskey

 

[1]     Dans son avis d'appel portant sur la nouvelle cotisation établie à son égard pour les années 1994, 1995 et 1996, l'appelant a choisi la procédure informelle.

 

Questions en litige

 

[2]     Les questions en litige dans ces appels sont les suivantes :

 

(i)      les cotisations pour les années 1994 et 1995 sont-elles prescrites?

 

(ii)      les dons de bienfaisance à la congrégation Sépharade Or Hamaarav (la « congrégation ») ou au Abarbanel S. Learning Centre (le « Learning Centre ») dont l’appelant demande la déduction ont‑ils été versés en totalité ainsi qu’en témoignent les divers reçus?

 

 

(iii)     s’il est répondu par l’affirmative à la question (ii) qui précède, les reçus satisfont‑ils aux dispositions de l’article 3501 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »)?

 

(iv)     les pénalités imposées par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en conformité avec les dispositions du paragraphe 163(2) ont‑elles été établies à bon droit?

 

[3]     Il a été convenu que les éléments de preuve produits dans le cadre de l’audience s’appliqueraient également à l’appel d’Anna Soberano (2001‑754(IT)I) (« Anna ») et qu’un jugement rendu relativement à l’appel de David Soberano vaudrait pour l’appel d’Anna Soberano, sauf pour ce qui est des pénalités, qui ont fait l’objet de plaidoyers distincts et sur lesquelles je me pencherai en l’espèce.

 

 

Question (i)

 

[4]     Ni l’appelant ni Anna n’ont prétendu dans leurs avis d’appel que les cotisations établies pour les années 1994 à 1995 étaient prescrites.

 

[5]     La question a été soulevée pour la première fois par le représentant de l’appelant dans sa réplique, de toute évidence après que tous les éléments de preuve eurent été produits et que l’appelant et l’intimée eurent présenté leurs plaidoiries.

 

[6]     Le paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») est ainsi libellé :

 

(4)        Cotisation et nouvelle cotisation – Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

 

a)         le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i)         soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii)        soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

[...]

 

[7]     Je suis convaincu que la disposition reproduite au paragraphe précédent n’impose aucun délai de prescription au ministre pour établir une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable qui fait une présentation erronée par négligence, inattention ou omission volontaire ou qui commet quelque fraude en produisant sa déclaration de revenu.

 

[8]     Si cette question avait été soulevée dans l’avis d’appel ou à l’ouverture de l’audience, j’aurais fait observer que l’intimée avait la charge d’établir que les contribuables sont visés par les dispositions du sous‑alinéa 152(4)a)(i).

 

[9]     Vu que je dispose de la totalité des éléments de preuve pour les motifs que j’exposerai plus loin en l’espèce, je conclus que l’intimé a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait lieu d’annuler le délai de prescription. Étant donné que j’ai acquis cette conviction, il appartient à l’appelant d’établir que les cotisations n’étaient pas fondées.

 

[10]    Quoi qu’il en soit, il appartenait à l’appelant, en ce qui concerne l’appel se rapportant à l’année 1996, d’établir que la cotisation n’était pas fondée.

 

[11]    La fraude s’entend d’une présentation erronée des faits qui est faite sciemment ou sans croire en sa véracité, ou par négligence, ou encore sans se soucier de la véracité des faits.

 

[12]    Aux paragraphes 4, 5, 6, 7, 8 et 9 de la réponse à l’avis d’appel, l’intimée a soumis à la Cour les autres questions à trancher, qui sont reproduites ci‑après :

 

         


[TRADUCTION]

 

4.         Dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996, l’appelant a demandé la déduction de crédits d’impôt non remboursables relativement à des dons de bienfaisance  de 2 938,60 $, de 3 463,98 $ et de 3 642 $ respectivement.

 

5.         Le ministre a établi des cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996 au moyen d’avis de cotisation postés le 8 juin 1995, le 10 juin 1996 et le 18 août 1997 respectivement.

 

6.         En établissant les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996 au moyen d’avis de nouvelle cotisation simultanés postés le 16 février 2000, le ministre a refusé la déduction des crédits d’impôt non remboursables demandée par l’appelant en ce qui concerne les dons de bienfaisance de 2 174 $, de 3 463 $ et de 3 000 $ respectivement, et a imposé une pénalité en conformité avec le paragraphe 163(2) de la Loi relativement à ces montants.

 

7.         Pour établir cette nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         dans ses déclarations de revenu pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996, l’appelant a demandé la déduction de crédits d’impôt non remboursables relativement aux prétendus dons de bienfaisance suivants :

 

                                                            1994                1995                1996

Congrégation Sépharade

Or Hamaarav                         5 000 $              5 000 $        3 000 $

 

Congrégation Sépharade

           Magen David                             764 $                       —                —

 

Canadian Friends of Aish

           Hatorah                                           —                      —           304 $

 

Dons divers                                                 —                      —           338 $

 

Total                                                  5 764 $              5 000 $        3 642 $

 

Montant total dont la déduction

est demandée (20 % du

revenu net de 1994 et de 1995)     2 938,60 $         3 463,98 $        3 642 $

 

Report 2 825,40 $                         1 536,02 $               Néant  

 

b)         l’appelant n’a pas fait de dons de bienfaisance à la congrégation Sépharade Or Hamaarav dans les années d’imposition 1994, 1995 et 1996;

 

c)         les reçus produits par l’appelant pour étayer sa demande de déduction des dons de bienfaisance à la congrégation Sépharade Or Hamaarav dans les années d’imposition 1994, 1995 et 1996 sont faux;

 

d)         l'appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi, a fait des faux énoncés ou des omissions dans les déclarations de revenu qu'il a produites pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé, de sorte que l'impôt qui aurait été payable selon les cotisations établies en fonction des renseignements fournis dans les déclarations de revenu de l'appelant produites pour ces années-là était inférieur à l'impôt effectivement payable, la différence étant de 630,46 $, de 980,55 $ et de 870 $ respectivement pour chacune des années.

 

B. QUESTIONS EN LITIGE

 

8.         Les questions à trancher sont les suivantes:

 

(i)         l’appelant a‑t‑il droit à des crédits d’impôt non remboursables pour les années d’imposition 1994, 1995 et 1996 relativement aux dons de bienfaisance dont la déduction a été refusée?

 

(ii)        la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi a‑t‑elle été établie à bon droit relativement aux années d’imposition 1994, 1995 et 1996 de l’appelant?

 


C. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET REDRESSEMENT DEMANDÉ

 

9.         Il invoque les paragraphes 118.1(1), 118.1(2), 118.1(3), 152(4), 163(2) et 248(1) de la Loi dans sa forme modifiée pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996.

 

[13]    L’appelant soutient que chaque don de bienfaisance dont il a demandé la déduction pour son compte et pour le compte d’Anna a été versé au complet à la date indiquée sur les reçus. L’appel serait accueilli si j’arrivais à cette conclusion.

 

Preuve produite à l'audience

 

[14]    L'appelant a témoigné pour lui-même et a appelé comme témoins le rabbin Leon Edery (« Leon ») et son épouse Anna.

 

[15]    L’intimée a appelé Jacob Abecassis (« Jacob ») et a soumis un exposé conjoint des faits soumis dans le cadre du procès criminel de Regina vs Jacob Abecassis et auquel, sur consentement, la cote R-7 a été attribuée. Le représentant de l’appelant a été invité à contre‑interroger Jacob, mais il a décliné l’offre. Dans le cadre de la plaidoirie, il a admis que les faits exposés dans la pièce R‑7 doivent être considérés comme les faits de l’espèce. L’intimée a aussi appelé Felisa Storer (« Felisa »), qui était l’épouse de Leon.

 

[16]    D’entrée de jeu, il était manifeste que la crédibilité de l’appelant, d’Anna, de Leon et de Felisa allait être mise en cause.

 

La preuve de l’appelant

 

[17]    L’appelant est né le 28 janvier 1963. Il a dit qu’il avait rencontré Leon à l’occasion de sa bar‑mitsvah à l’âge de 13 ans, soit en 1976. À l’époque, il n’habitait pas dans le district de Leon. Il a épousé Anna un peu avant 1989.

 

[18]    Il semblerait qu’en 1994, parce qu’Anna avait de la difficulté à concevoir, la mère de l’appelant a conseillé au couple de s’adresser à Leon pour obtenir de l’aide spirituelle.

 

[19]    En 1994, l’appelant et son épouse ont rencontré Leon; c’est la première et seule fois qu’Anna a vu Leon et c’est la première fois que l’appelant revoyait le rabbin depuis sa bar‑mitsvah.

 

[20]    À la question : « Donc, comment avez‑vous déterminé dans les faits quel montant vous alliez verser à la synagogue pour l’aide que vous aviez obtenue? », l’appelant a répondu ce qui suit : « Bien, nous avons commencé à discuter du montant. Il avait quelques idées à ce sujet et nous trouvions que cela représentait beaucoup d’argent, voyez‑vous. J’en avais discuté avec mon épouse, puis avec Leon, puis de nouveau avec mon épouse, et ainsi de suite, quand nous étions sur place. Et nous nous sommes entendus sur un montant que nous allions nous efforcer de lui verser pour l’année, vous savez, dans le courant de l’année. Et essentiellement nous avons pris un engagement avec lui, ou envers lui, en vue de commencer à soutenir ses œuvres eu égard au fait qu’il s’était beaucoup dépensé pour la collectivité et pour nous. À cette époque‑là, nous n’avions toujours pas d’enfants, et nous estimions que c’était la chose à faire. »

 

[21]    L’appelant a affirmé que l’argent des dons provenait du revenu de 800 $ par mois qu’il tirait de la location du logement aménagé au sous‑sol de la maison qu’il habitait au 27, boulevard Artreeva, North York, et qui lui a toujours été payé comptant.

 

[22]    Dans la déclaration de revenu T1 de l’appelant pour l’année 1994, l’état des loyers de biens immeubles se rapportant au 110 Bernard ne fait pas état de l’existence d’un copropriétaire. Le nom d’Anna ne figure pas à titre de copropriétaire et le logement aménagé au sous‑sol du 27 Artreeva n’est pas mentionné.

 

[23]    À la page T7B de la déclaration de l’appelant, il est indiqué à la ligne 15 que le revenu tiré d’un emploi et d’un travail indépendant en 1995 est de 21 000 $.

 

[24]    Cette déclaration ne renferme aucun état financier se rapportant à une entreprise individuelle ou à une société de personnes. Rien n’indique si le montant de 21 000 $ représente un salaire tiré d’une entreprise constituée en société ou des dividendes, le chiffre n’étant accompagné d’aucune explication ni de quelque preuve que ce soit. Les éléments de preuve produits révèlent qu’une bonne partie des frais de subsistance personnels étaient pris en charge par l’entreprise fantôme, peu importe la manière dont elle était exploitée.

 

[25]    À la page « T1 DON » de la déclaration de revenu de David pour l’année 1994, il est indiqué que deux dons de bienfaisance ont été faits, l’un de 5 000 $ à la congrégation et l’autre de 764 $ à la congrégation Sépharade Magen David. Un seul reçu est annexé à la déclaration T1, soit celui délivré par la congrégation Sépharade Magen David au nom de M. et Mme David Soberano le 5 septembre 1994 faisant état d’un don total de 764 $. Ce don n’est pas contesté.

 

Les déclarations de revenu T1 de l’appelant et d’Anna pour 1995

 

[26]    Sur la première page de la déclaration de revenu T1 de l’appelant, il est fait état d’un revenu brut de location de 26 400 $ et d’une perte locative nette de 0,08 $, et à nouveau, d’un revenu net d’entreprise de 21 000 $. Dans l’état des loyers de biens immeubles T776, seul l’immeuble situé au 110 Bernard est indiqué, et aucune mention n’est faite de la copropriétaire Anna.

 

[27]    Dans l’état des résultats des activités d’une entreprise, il est simplement écrit que le produit brut des ventes s’élève à 21 000 $. Aucune dépense ni aucun coût des ventes ne sont indiqués et il est précisé que la quote‑part de l’appelant dans la société était de 100 %. Cinq dons distincts de 1 000 $ chacun totalisant 5 000 $ ont été faits à la congrégation, mais aucun reçu n’est annexé à la déclaration.

 

[28]    La déclaration de revenu T1 d’Anna pour 1995 fait état d’un revenu brut de location de 9 600 $ et d’une perte de 1 022,90 $ à la ligne 126, d’un revenu brut d’entreprise de 20 000 $ à la ligne 162 et d’un revenu net d’entreprise de 20 000 $ à la ligne 135. À la rubrique relative aux frais médicaux et aux dons de bienfaisance, il est indiqué que six dons de 500 $ totalisant 3 000 $ auraient été faits à la congrégation. Aucun reçu n’est annexé à la déclaration de revenu. Dans l’état des loyers des biens immeubles, Anna prétend être l’unique propriétaire du 27 boulevard Artreeva et une note annexée indique que le revenu de location se rapporte à un logement aménagé au sous‑sol. Elle a demandé la déduction de la moitié des dépenses seulement à titre personnel, ce qui explique la perte de 1 022,90 $.

 

[29]    Dans l’« État des résultats des activités d’une entreprise », il est indiqué que le produit brut des ventes est de 20 000 $, mais aucune explication n’est fournie et aucune dépense n’est indiquée; il est précisé que la quote‑part de la contribuable dans la société est de 100 %.

 

Les déclarations de revenu T1 de l’appelant et d’Anna pour 1996

 

[30]    À la page 1 de la déclaration de revenu T1 de l’appelant pour l’année 1996, il est fait état, à la ligne 121, d’un revenu de placement de 167,77 $, d’un revenu net de location de 1 127,27 $, d’un revenu brut d’entreprise de  114 000 $ et d’un revenu net d’entreprise de 17 844 $. L’appelant indique ce qui suit à la page servant à dresser la liste des dons de bienfaisance :

 

DONS DE BIENFAISANCE POUR 1996                    T1-DON

Nom de l’organisme

Montant payé

 

 

Congrégation Sépharade Or Hamaarav

1 000

Congrégation Sépharade Or Hamaarav

1 000

 

 

 

 

 

 

Congrégation Sépharade Or Hamaarav

1 000

Canadian Friends of Aish Hatorah

54

Agudath Israel Of Toronto

36

Ner Israel Joseph Tannenbaum

100

Congrégation Anshe Castilla

26

Chabad Lubavitch

26

Bikur Cholm Womens Volunteer Group

100

Canadian Friends of Aish Hatorah

250

Jewish Society For Family Sanctity

50

 

 

 

 

 

 

Report des dons des cinq (5) années antérieures selon l’annexe

 

Total des dons de bienfaisance (A)

3 642

 

Aucun reçu n’est annexé à la déclaration et je précise à nouveau que seuls les trois dons de 1 000 $ dont la déduction est demandée sont contestés devant la Cour.

 

[31]    Dans la page servant à dresser la liste des immeubles locatifs figurent les immeubles situés au 27 Artreeva et au 110 Bernard. En ce qui concerne le 27 Artreeva, il est indiqué que l’appelant et Anna en sont les copropriétaires, que les dépenses totales s’élèvent à 20 612 $, que la partie personnelle est de 40 % seulement, alors que l’année précédente, les dépenses avaient été réparties également entre les deux époux. Les dépenses relatives à un logement aménagé dans un sous-sol ne devraient en aucun cas représenter plus de 25 à 30 % des dépenses totales. La moitié de la perte est attribuée à Anna. En ce qui concerne le 110 Bernard, il y a un bénéfice de 3 311 07 $, dont la moitié est attribuée à Anna.

 

[32]    Pour la première fois, l’état des résultats des activités d’une entreprise indique un montant brut de ventes, des achats et des frais donnant lieu à un revenu net de 34 316 $. L’appelant y fait état d’une quote‑part à une société de personnes et s’attribue ainsi 52 % du revenu, soit 17 844,63 $, et en attribue 48 % à Anna, soit 16 471,69 $.

 

[33]    Dans la déclaration de revenu T1 d’Anna pour 1996, les chiffres inscrits à la page 1 sont identiques à ceux de l’appelant; il est précisé qu’elle est copropriétaire des immeubles locatifs et le revenu brut de l’entreprise ainsi que les dépenses sont les mêmes. Anna fait état de quatre dons de bienfaisance de 1 000 $ chacun au Learning Centre. Aucun reçu pour fins d’impôt n’a été annexé à la déclaration.

 

[34]    Il a été convenu que l’appelant et Anna avaient un revenu disponible, une fois pris en compte la totalité des prétendus dons, le REER et les autres montants dont ils ont demandé la déduction dans leurs déclarations de revenu, d’environ 13 100 $ en 1994, de quelque 14 300 $ en 1995 et de 14 000 $ à peu près en 1996.

 

[35]    À l’onglet 5 de la pièce A‑1 se trouve un reçu de 5 000 $ daté du 30 septembre 1994 que la congrégation a établi. Je reviendrai plus loin sur la validité de la date. Je détermine que la signature apparaissant sur ce prétendu reçu n’est pas celle de Leon.

 

[36]    Tous les reçus contestés ont été produits en preuve sous diverses cotes.

 

[37]    En 1997 et 1998, l’appelant a fait des dons de bienfaisance minimes à divers organismes par rapport aux dons en litige en l’espèce.

 

[38]    L’appelant a affirmé qu’il avait obtenu chacun des reçus au moment même où il avait fait le don et que tous les dons avaient été effectués en argent.

 

[39]    Le dernier don qui aurait été fait à l’un ou l’autre des deux organismes de bienfaisance a été effectué le 1er novembre 1996.

 

[40]    Ce n’est qu’en octobre 1998 que l’appelant a été informé par Revenu Canada qu’il y avait un problème concernant les deux organismes de bienfaisance et les dons qui leur auraient été versés.

 

[41]    L’appelant a affirmé qu’il avait vérifié chacun des reçus pour s’assurer qu’ils indiquaient le bon montant et la bonne date, c’est‑à‑dire la date à laquelle il a fait les divers dons en argent qui sont contestés en l’espèce.

 

[42]    L’appelant a déclaré que le don à la congrégation Sépharade de 1994 avait été fait par chèque et que le reçu lui avait été expédié par la poste. Ce don n’est pas contesté en l’espèce.

 

[43]    Aux questions qui lui ont été adressées afin de savoir sur quel compte bancaire le chèque avait été tiré, l’appelant a fait les trois réponses évasives suivantes :

 

(1)     Je ne m’en souviens pas.

(2)     C’est possible.

(3)     Je ne sais pas si j’ai changé de banque en fait, non.

 

[44]    L’appelant a d’abord affirmé sous serment qu’il avait versé 5 000 $ en argent à Felisa. Par la suite, il a affirmé sous serment dans le cadre de son témoignage qu’il avait remis l’argent à Leon et que son épouse avait préparé le reçu; lorsqu’il a été interrogé à ce sujet, il a dit qu’il savait qu’il avait remis l’argent à Leon. Il contredisait ainsi son témoignage antérieur; il a ultérieurement modifié son témoignage et un peu plus tard encore il a affirmé à nouveau qu’il avait remis l’argent à Felisa, laquelle avait alors préparé le reçu et l’avait fait signer par Leon.

 

[45]    Interrogé au sujet de l’enveloppe qui contenait prétendument le montant de 5 000 $, il a répondu ce qui suit : « Je ne suis pas certain parce que je n’arrive pas à me rappeler quelle grandeur d’enveloppe j’ai utilisée il y a sept ans de même que l’endroit où je l’ai gardée, et voilà qu’aujourd’hui elle me pose cette question. »

 

[46]    L’argent provenait prétendument de la location du logement aménagé au sous‑sol de leur résidence, dont le loyer aurait toujours été payé en argent.

 

[47]    On a demandé à l’appelant s’il avait déposé cet argent à la banque et il a fait la réponse suivante : « C’est possible, je ne m’en souviens pas, il se peut qu’une partie ait été déposée. »

 

[48]    Aucun relevé bancaire n’a été produit et les locataires de la propriété située sur la rue Bernard avaient payé leur loyer au moyen de chèques postdatés.

 

[49]    À la question de savoir s’il possédait une carte de crédit, l’appelant a répondu : « Je ne m’en souviens pas, mais j’en avais probablement une pour la société. Je devais certainement en avoir une pour la société. »

 

[50]    À la question suivante : « Vous n’aviez pas de carte de crédit personnelle? », il a répondu: « Oui, j’en avais probablement une, oui. »

 

[51]    Hormis les dons qui sont en litige en l’espèce, les autres dons minimes ont tous été faits à des organismes de bienfaisance juifs qui sont très actifs dans la collectivité de l’appelant.

 

[52]    L’appelant a affirmé qu’il croyait que l’argent provenait en grande partie du loyer payé en argent par les locataires du sous‑sol. Au sujet des  « dépenses du ménage », il a indiqué ce qui suit : « Eh bien, les loyers servaient à payer une partie des dépenses et il restait un peu d’argent et il y avait les autres loyers. » À la question suivante : « Par conséquent, ce revenu de location était‑il utilisé pour payer les dépenses du ménage et autres? », il a répondu : « Oh oui. »

 

[53]    L’appelant a prétendu qu’en 1996 il était l’unique propriétaire d’une société à responsabilité limitée. Pourtant, ni lui ni Anna n’ont reçu de T4 de cette société. Il m’est impossible de trancher la question de savoir s’il existait une société, une société à propriétaire unique ou une société de personnes.

 

[54]    Leon a d’abord affirmé sous serment que l’appelant lui avait remis l’argent personnellement. Puis, dans le cadre de son témoignage, il a déclaré que son épouse recevait parfois l’argent mais que, s’ils étaient tous deux disponibles, c’est lui qui recevait l’argent.

 

[55]    Leon a affirmé qu’il avait signé une série de reçus en blanc qu’il avait dans certains cas antidatés de douze mois. Il a admis qu’ils inscrivaient la date que la personne qui faisait le don leur demandait d’indiquer.

 

[56]    On a montré à Leon le reçu daté du 30 septembre 1994 et on lui a demandé pourquoi il était si différent des autres. Leon a répondu : « C’est une bonne question M. le juge; je ne peux y répondre. » Je suis convaincu que Leon n’a pas signé le reçu daté du 30 septembre 1994.

 

[57]    L’appelant et Anna n’étaient pas des témoins crédibles. Aux questions qui ne lui semblaient pas mettre en péril la thèse de l’appelant, Anna répondait immédiatement. Lorsque les questions portaient directement sur des aspects de l’appel en cause, elle hésitait ou affirmait que sa mémoire lui faisait défaut, ou encore, elle évitait de répondre.

 

[58]    Elle a confirmé que tous les dons de bienfaisance faits par l’appelant au nom de l’un ou l’autre des époux avaient fait l’objet de discussions et que tous deux s’étaient mis d’accord sur le montant à verser.

 

[59]    Elle a prétendu que les locataires du logement du sous‑sol, qui payaient censément leur loyer mensuel de 800 $ en argent, leur remettaient des billets de vingt dollars principalement. Elle a aussi admis qu’une partie de l’argent était utilisée pour payer les dépenses du ménage.

 

[60]    Anna a confirmé que le ménage avait deux véhicules à moteur et que tous les frais s’y rapportant étaient pris en charge par l’entreprise, laquelle payait aussi tous les achats effectués au moyen de la carte de crédit.

 

[61]    À la question de savoir pourquoi l’argent du loyer n’était pas déposé à la banque, elle a répondu : « le montant n’était pas assez élevé pour que ça vaille la peine de le déposer. »

 

[62]    Anna a déclaré que le loyer du logement du sous‑sol était perçu par elle ou par l’appelant. Je conclus que, durant toutes les périodes pertinentes, elle était au courant de l’existence de cet argent et qu’elle en connaissait le montant approximatif. Elle a admis que l’appelant rendait visite à Leon et qu’il rapportait des reçus à la maison. En conséquence, elle savait que les reçus ne portaient pas la bonne date et que les montants inscrits dépassaient de beaucoup l’argent remis. Elle a aussi confirmé que les factures ne s’accumulaient pas et qu’elles étaient payées assez rapidement.

 

[63]    Pour chaque facture à acquitter, Anna préparait un chèque à tirer sur le compte commercial et le faisait signer par l’appelant.

 

[64]    Le logement du sous‑sol était occupé par un couple marié. L’époux était menuisier et travaillait pour quelqu’un d’autre (c’‑à‑d. qu’il ne travaillait pas à son compte) et l’épouse était enseignante. Je conclus qu’ils recevaient tous deux des chèques de paie.

 

[65]    Felisa a été appelée à la barre des témoins. Sur son passeport, il est indiqué qu’elle se trouvait en Argentine pendant les périodes suivantes : d’août à décembre 1994; du 3 novembre au 11 décembre 1995; et du 12 janvier 1996 jusqu’au mois de décembre 1996. Par conséquent, les dates inscrites sur les reçus préparés durant ces périodes ne sont pas exactes.

 

[66]    Felisa a confirmé qu’elle préparait elle‑même tous les reçus. Elle a aussi confirmé avoir demandé  « s’ils désiraient que j’inscrive une date particulière ». « Je leur demandais quelle date ils voulaient que j’inscrive sur le reçu. »

 

[67]    Leon a été accusé sous 48 chefs d’avoir établi de faux reçus de dons de bienfaisance au nom de la congrégation Sépharade Or Hamaarav et du Abarbanel S. Learning Centre. Il a été reconnu coupable de la totalité des accusations portées contre lui.

 

[68]    Au paragraphe 3 de la dernière page de ses motifs écrits de décision, Madame la juge Shami a déclaré ce qui suit :

 

          [TRADUCTION]

 

3.         Les caractéristiques de cette combine concernent ceux qui traitaient directement avec le défendeur comme ceux qui « achetaient » les reçus de l’intermédiaire. Dans tous les cas, la preuve établit sans l’ombre d’un doute que le défendeur établissait de faux reçus. Je fonde ma conclusion sur le témoignage, ainsi que je l’ai indiqué précédemment, de même que sur la volumineuse documentation qui a été soumise, dans les cas où elle est pertinente.

 

[69]    La pièce R‑7 confirme qu’il y avait un « programme de dons » en place dans la collectivité selon lequel la personne qui faisait un don recevait un reçu attestant d’un don cinq fois supérieur au montant versé, et que les deux organismes de bienfaisance étaient dirigés par le rabbin Leon Edery. La pièce indique que des bienfaiteurs fortunés faisaient des dons à ces organismes et n’exigeaient pas de reçus en retour parce qu’ils souhaitaient demeurer anonymes. C’est ainsi que l’organisme pouvait établir des reçus pour des montants élevés, contre honoraires.

 

Analyse

 

[70]    Grâce au passeport de Felisa, la Cour dispose d’une preuve documentaire permettant d’établir qu’elle était à l’extérieur du pays lorsque les dons et reçus suivants ont prétendument était faits :

 

-        le 30 septembre 1994, don de 5 000 $

-        le 24 novembre 1995, don de 1 000 $

-        le 26 juin 1996, don de 1 000 $

-        le 15 juillet 1996, don de 1 000 $

-        le 25 septembre 1996, don de 1 000 $

-        le 7 octobre 1996, don de 1 000 $

-        le 11 novembre 1996, don de 1 000 $

 

[71]    Compte tenu de cette preuve documentaire et du témoignage de Felisa et de Leon, je suis convaincu que la date qui était inscrite sur les reçus était celle que la personne faisant le don demandait d’indiquer. Je ne puis accepter le fait que les dates inscrites étaient les bonnes dates.

 

[72]    L’appelant et Anna affirment que les locataires du logement du sous‑sol payaient toujours leur loyer en argent. Je rejette cette prétention d’emblée. Tous les enseignants de l’Ontario sont payés par chèque ou par dépôt direct dans un compte bancaire. Le menuisier qui travaillait pour quelqu’un d’autre est presque certainement payé par chèque.

 

[73]    Bien entendu, des dons minimes ont été versés une ou plusieurs fois aux deux organismes de charité pendant les années en cause, mais je ne peux en déterminer le montant.

 

[74]    Les déclarations de revenu de David pour les années 1994 et 1995 soulèvent de nombreux doutes et, lorsqu’on examine l’ensemble des déclarations de revenu, il est manifeste que les époux s’attribuaient arbitrairement un pourcentage du revenu et qu’ils imputaient à l’entreprise une grande partie de leurs dépenses personnelles. Dans ces deux déclarations de revenu, l’appelant a sciemment omis de fournir des renseignements pertinents d’une part et il a sciemment fourni des renseignements erronés d’autre part.

 

[75]    J’en arrive donc à la conclusion que tous les reçus en cause en l’espèce sont faux, que le montant total indiqué n’a jamais été versé et que les dates indiquées ne sont pas les bonnes.

 

[76]    L’appelant et Anna ont rencontré le rabbin Leon et ils ont pris part sciemment au programme de dons. Ils ont discuté des dons entre eux et ils étaient tous deux au courant des montants versés.

 

[77]    Compte tenu de la conclusion de fait selon laquelle ils ont tous deux pris part à cette combine frauduleuse, le délai de prescription de trois ans ne s’applique pas à l’appelant ni à Anna et le ministre s’est déchargé du fardeau de prouver le bien‑fondé des pénalités établies; en conséquence, les deux appels sont rejetés.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 25e jour de janvier 2002.

 

 

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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