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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2000-1562(GST)G

 

ENTRE :

GREGORY ROBERTSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 20 novembre 2001 à Edmonton (Alberta), par

 

l'honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelant :                         Me Tim Hay

 

Avocat de l'intimée :                           Me John O'Callaghan

 

JUGEMENT

 

          L’appel des cotisations établies en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l’avis est daté du 18 juin 1999 et porte le numéro 10120200 pour la période de vérification allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, et de la cotisation de TPS datée du 22 juin 1999 pour la période de vérification allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, est rejeté avec frais, et les cotisations du ministre sont confirmées.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de janvier 2002.

 

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020124

Dossier: 2000-1562(GST)G

 

ENTRE :

GREGORY ROBERTSON,

 

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel est interjeté, en vertu de l’article 306 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, (ci-après la « LTA »), à l’encontre d’un avis de nouvelle cotisation daté du 18 juin 1999 et se rapportant aux années civiles 1996 et 1997 de l’appelant, ainsi qu’à l’encontre d’un avis de nouvelle cotisation daté du 22 juin 1999 et se rapportant à la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998 (collectivement appelées les « nouvelles cotisations »).

 

[2]     Les parties ont présenté un exposé conjoint partiel des faits et du droit, lequel prévoyait ce qui suit :

 


[TRADUCTION] 

 

1.   L’appelant est un particulier qui réside à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest (« T.N.-O. »). Durant toute la période pertinente, l’appelant exploitait une entreprise de taxidermie sous le nom de « Robertson’s Taxidermy ».

 

2.   Au sein de son entreprise de taxidermie, l’appelant prépare environ 300 animaux par année. Bien que plus de la moitié de ces animaux soient des caribous et des ours polaires, l’appelant a effectué des travaux sur presque toutes les espèces d’animaux indigènes aux Territoires du Nord-Ouest.

 

3.   Au sein de son entreprise de taxidermie, l’appelant obtient d’un chasseur un oiseau, une fourrure, du cuir, une peau, une tête, des bois, etc. (la « partie d’un animal de la faune »). L’appelant utilise certaines méthodes pour conserver la partie d’un animal de la faune et, si le client le demande, procède à la préparation de ladite partie en vue de son exposition comme montage grandeur nature, tapis, buste ou montage comportant les bois ou le crâne (la « partie préparée d’un animal de la faune »).

 

4.   Au sein de son entreprise de taxidermie, l’appelant utilise son talent, ses compétences et ses habiletés artistiques. L’appelant est un taxidermiste de renom ayant remporté des prix internationaux.

 

5.   Durant toute la période pertinente, le client type de l’appelant était un chasseur ne résidant pas dans les T.N.-O. (le « chasseur »).

 

6.   L’appelant effectuait ses travaux de taxidermie conformément aux spécifications du chasseur.

 

7.   Pour l’appelant, la haute saison comprend la période de mars à avril et celle d’août à septembre.

 

8.      En plus d’engager des dépenses pour se rendre dans les T.N.-O., les chasseurs non résidents doivent obligatoirement obtenir pour la chasse les services d’un pourvoyeur ou d’un guide titulaire d’un permis, en vertu de l’article 44 de la Loi sur la faune (Territoires du Nord-Ouest) (la « Loi sur la faune »). De plus, les chasseurs non résidents doivent engager les dépenses liées à l’obtention d’un permis et d’une licence ou d’une étiquette pour chasser une espèce animale particulière et, dans certains cas, pour exporter le « trophée ».

 

      Articles 8 et 44 de la Loi sur la faune                    Onglet 1

 

9.   Tant les résidents canadiens que les résidents non canadiens se rendent aux T.N.-O. pour la chasse et doivent se procurer un permis et une licence conformément à la Loi sur la faune. Le permis et la licence permettent au particulier (le « chasseur ») de chasser une espèce d’animaux fauniques située dans les Territoires du Nord-Ouest.

 

      Article 31 de la Loi sur la faune                             Onglet 2

 

10.    Pour les fins de la Loi sur la faune, l’expression « non-résident » désigne une personne qui ne réside pas dans les Territoires du Nord-Ouest. La définition comprend toute personne qui serait résidente du Canada pour les fins de la Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») mais qui n’est pas résidente des Territoires du Nord-Ouest. Dans la Loi sur la faune, les expressions « faune », « faunique », « gibier », « animal de la faune » ou « animaux fauniques » désignent notamment un animal vertébré qui se trouve naturellement dans les T.N.-O., ainsi que toute partie de ce vertébré.

 

         Paragraphe 1.3(1) de la Loi sur la faune                Onglet 3

 

11.    Une fois que le chasseur tue l’animal à l’égard duquel il a acheté un permis et une licence, il communique avec l’appelant. L’animal est ensuite soit envoyé à l’appelant, soit récupéré par celui-ci. En vertu du paragraphe 59(1) de la Loi sur la faune, l’animal ne doit pas quitter le Canada avant que soient effectués les travaux de taxidermie.

 

         Paragraphe 59(1) de la Loi sur la faune                 Onglet 4

 

12.    Avant d’effectuer les travaux de taxidermie, l’appelant demande habituellement un dépôt équivalant à 30 p. cent du coût total de la partie préparée d’un animal de la faune.

 

13.    Dès réception de l’animal et du dépôt, l’appelant écharne la peau de l’animal et fait habituellement tanner et préparer la peau par un tiers indépendant. Lorsqu’il a terminé son travail, le tanneur rend la tête et la peau tannées à l’appelant et lui facture les services rendus en plus de la TPS applicable. L’appelant peut également tanner la peau lui-même si l’animal est de petite taille.

 

14.    L’appelant crée ou achète les mannequins sur lesquels la tête et la peau sont montées. Les matériaux utilisés lors de la création du montage comprennent la fibre de verre et les argiles pour le façonnage, ainsi que de la colle pour la naturalisation. Des yeux de verre, des dents, etc. sont également utilisés dans le cadre des travaux de taxidermie.

 

15.    Le coût total des fournitures et matériaux de base représente environ de 15 à 25 p. cent du coût total de la partie préparée d’un animal de la faune engagé par le client. L’appelant fournit la totalité des fournitures. Le solde de la contrepartie de la partie préparée d’un animal de la faune reflète la main-d’œuvre nécessaire à la création et la fabrication de la partie préparée de l’animal de la faune.

 

16.    Les travaux de taxidermie prennent habituellement un jour dans le cas de la naturalisation d’une tête de caribou et trois ou quatre jours dans le cas de la naturalisation d’un ours polaire grandeur nature. Selon la taille de l’animal, la fourrure peut prendre plusieurs jours à sécher avant que les travaux ne puissent y être accomplis.

 

17.    Toute peau qui n’est pas utilisée dans le cadre des travaux de taxidermie est jetée au rebut; toutefois, si le chasseur veut les rognures provenant d’une peau d’ours polaire, l’appelant les lui fournit. Autrement, l’appelant peut vendre les rognures de la peau d’ours polaire à des pêcheurs en Colombie-Britannique. La TPS est perçue sur les ventes de rognures de peau d’ours polaire aux résidents canadiens.

 

18.    Une fois préparée la partie d’un animal de la faune, celle-ci est ensuite emballée dans une caisse à claire-voie. Tel que souligné ci-haut, certains clients de l’appelant sont des chasseurs américains non résidents. Lors d’une « vente à l’exportation », les services d’un transporteur américain sont retenus aux fins de l’envoi de la partie préparée de l’animal de la faune au client américain non résident.

 

19.    Avant d’envoyer le produit au client, l’appelant exige le paiement intégral du solde du prix de vente. S’il n’obtient pas  de tels fonds, l’appelant avise le client que le produit fini sera vendu aux enchères.

 

20.    En vertu du paragraphe 49(3) du Règlement sur l’exploitation commerciale de la faune, un taxidermiste peut vendre toute partie d’un animal de la faune qu’il a préparée après une période d’un an si la personne de qui a été obtenue la partie de l’animal n’a pas récupéré la partie préparée de l’animal. Dans un tel cas, l’appelant vend aux enchères la partie préparée de l’animal de la faune et perçoit le produit à son compte. Au cours des 10 dernières années, l’appelant a mis aux enchères trois parties préparées d’un animal de la faune.

 

         Paragraphe 49(3) du Règlement sur l’exploitation commerciale

         de la faune                                                            Onglet 5

 

21.    Afin que les parties non comestibles d’un animal mort puissent être exportées des T.N.-O., elles doivent satisfaire à la définition de « produit fabriqué » prévue dans la Loi sur la faune. Dans la Loi sur la faune, l’expression « produit fabriqué » désigne un animal de la faune

 

         a) soit préparé pour être utilisé comme article à vendre ou vêtement ou dans la fabrication de ceux‑ci;

 

         b)  soit conservé ou préparé au moyen du tannage ou de la taxidermie.

 

         De plus, en vertu de la Loi sur la faune, une personne qui ne réside pas dans les Territoires du Nord-Ouest peut exporter les parties non comestibles d’un produit fabriqué, à condition d’obtenir au préalable une licence d’exportation.

 

         Paragraphe 1.3(1) de la Loi sur la faune                Onglet 3

 

         Article 60 de la Loi sur la faune                             Onglet 4

 

22.    En ce qui concerne l’envoi, aux États-Unis, de parties préparées de certaines espèces animales, plus particulièrement les ours polaires, les loups, les lynx, les ours noirs et les grizzlis, une licence d’exportation doit être obtenue conformément aux dispositions de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. Avant que les parties préparées d’un animal de la faune ne quittent le Canada, une telle licence doit être obtenue et apposée sur l’animal. Une sanction pénale peut s’appliquer en cas de non-respect d’un tel processus.

 

         Articles 7 et 19 de la Loi sur les licences d’exportation et

         d’importation                                                        Onglet 6

 

23.    Au moyen de l’avis de nouvelle cotisation no 10120200 daté du 18 juin 1999, l’intimée a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour ses années civiles 1996 et 1997, au motif que les travaux de taxidermie décrits ci-haut constituaient la fourniture d’un service effectuée au profit d’un non-résident relativement à des biens meubles corporels situés au Canada, de sorte qu’ils étaient assujettis à la TPS. Pour 1996 et 1997, l’appelant s’est vu fixer une taxe nette de 6 580,49 $ et de 14 314,03 $ respectivement.

 

24.    Au moyen d’un avis de nouvelle cotisation daté du 22 juin 1999, l’intimée a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, au même motif que pour les nouvelles cotisations de 1996 et de 1997. Le montant total de la TPS nette fixée pour la période dans la nouvelle cotisation s’élevait à 16 002,71 $.

 

25.    L’appelant a déposé des avis d’opposition aux nouvelles cotisations le 25 août 1999.

 

26.    L’intimée a délivré un avis de décision à l’égard des nouvelles cotisations le 4 février 2000.

 

Également mentionnés :      Onglet 1 –     Codification administrative de la Loi sur la faune

                                                   L.R.T.N.-O. 1988, ch. W-4

                                                   au paragraphe 8(1) et à l’article 44.

 

                              Onglet 2 –     Codification administrative de la Loi sur la faune

                                                   L.R.T.N.-O. 1988, ch. W-4

                                                   à l’article 31.

 

                              Onglet 3 –     Codification administrative de la Loi sur la faune

                                                   L.R.T.N.-O. 1988, ch. W-4

                                                   Définitions de « produit fabriqué »,  non‑résident »

                                                   et « faune », « faunique », « gibier », « animal de la

                                                   faune » ou « animaux sauvages ».

 

                              Onglet 4 –     Codification administrative de la Loi sur la faune

                                                   L.R.T.N.-O. 1988, ch. W-4

                                                   Paragraphes 59(1) et 60(1).                 

 

                              Onglet 5 –     Codification administrative du Règlement sur

                                                   l’exploitation commerciale de la faune

                                                   R-069-97

                                                   Paragraphes 49(1) et 49(3).

 

            Onglet 6 –     Chapitre E-19 – Loi régissant l’exportation et

         l’importation notamment de marchandises de valeur stratégique. Article 7 et paragraphes 19(1) et 19(2).

 

[3]     Lors de ses observations préliminaires, l’avocat de l’appelant a produit les pièces A-1 et A-2 par consentement et a indiqué que la question visée par la présente affaire était celle de savoir si l’appelant avait fourni, au cours des années en cause, des fournitures détaxées, des services taxables ou une fourniture multiple de produits détaxés et de services taxables. Il a déclaré que la question n’avait pas été tranchée par un tribunal et que les faits particuliers de la présente affaire étaient importants. La Cour doit tenir compte du régime de taxidermie qui existe dans les Territoires du Nord-Ouest.

 

[4]     L’appelant a offert une vente détaxée de biens meubles corporels à des résidents américains et non, tel que l’a soutenu l’intimée, des services taxables. Le produit final est une nouvelle fourniture ou un nouveau bien fourni à des chasseurs américains et non un service taxable.

 

[5]     Lors de ses observations préliminaires, l’avocat de l’intimée a précisé qu’en l’espèce, les faits démontraient que des services taxables avaient été fournis en vertu de la common law et du droit législatif. Il a posé la question suivante : [TRADUCTION] « M. Robertson fournit-il un bien ou un service? ». Il a répondu que la partie d’un animal de la faune obtenue par l’appelant était un bien et que l’appelant y annexait quelque chose par le biais d’un service. L’appelant conclut des contrats de travail et de marchandises et n’offre pas une nouvelle fourniture (ou une nouvelle marchandise).

 

[6]     La question à poser est la suivante : « Quel est le montant exact de la taxe à percevoir? ». Le ministre a établi ses cotisations en se fondant sur le revenu déclaré au cours des années visées au taux applicable. L’appelant soutient maintenant que les montants devraient être réduits. Le ministre précise que les montants pourraient être plus élevés, bien qu’il ne fasse pas valoir que la Cour a le droit d’augmenter le montant de la taxe fixé dans les cotisations.

 

[7]     La pièce A-2 ne démontre pas que les montants que mentionnera l’appelant à titre de montants permettant de réduire le montant de la taxe ont été ajoutés au revenu.

 

[8]     Selon l’avocat, durant toute la période pertinente, l’appelant n’aurait pas effectué une fourniture de biens meubles corporels, à des non-résidents et à des fins d’exportation, constituant une « fourniture détaxée » aux termes de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la LTA. Il aurait plutôt fourni un service lié à un bien meuble corporel situé au Canada en vertu de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI, notamment des paragraphes 7a) et e).

 

[9]     Dans son témoignage oral, l’appelant a déclaré à la Cour qu’il avait 35 ans et qu’il résidait dans les Territoires du Nord-Ouest depuis 26 ans. Il a complété son secondaire. Par le passé, il a été commis aux postes pendant sept ans, a fourni des services de conciergerie pendant qu'il fréquentait l’école secondaire et a commencé à travailler à temps partiel en taxidermie en 1987 et 1988. En 1990, il a commencé à travailler à temps plein en taxidermie.

 

[10]    En ce qui concerne sa formation, il a déclaré être autodidacte ou avoir reçu une formation indirecte. Sa famille participait à des activités de chasse et de pêche depuis plusieurs années. Par ailleurs, il a suivi un cours par correspondance par l’entremise d’un ami. Le cours traite des notions élémentaires de la taxidermie.

 

[11]    Le reste de sa formation s’est faite par tâtonnement. Puisque l’appelant ne pouvait se permettre d’acheter des fournitures de taxidermie, il a dû en créer lui-même à plusieurs reprises. Le processus a été long. Le mannequin commercial est l’article le plus cher en taxidermie. L’appelant a créé son propre mannequin afin d’économiser des sous. Grâce à sa propre expérience, il a déterminé l’apparence réelle d’un animal vivant et tenté de créer un mannequin commercial à cette image. Il a précisé qu’il avait obtenu plusieurs prix pour son travail au fil des ans et en a fait la description à la Cour. Les prix ont notamment été attribués à l’égard des mammifères grandeur nature et des petits mammifères. Il voulait créer quelque chose d’apparence vivante, malgré l’immobilité de la création même. Une fois, il a remporté le premier prix de l’International Grand Master of the Art Competition.

 

[12]    Il a mentionné l’onglet 17 de la pièce A-1, lequel contient la liste de prix de 1999 en dollars américains. L’appelant et son père ont préparé la liste de prix. Aucune liste de prix n’a été fournie pour les années allant de 1996 à 1998, puisque l’appelant s’est débarrassé de telles listes. Pour des motifs commerciaux, il ne voulait pas qu’elles tombent entre les mains de ses clients.

 

[13]    Il a décrit les différentes catégories de son travail : le montage grandeur nature, soit l’animal complet; le buste, qui ne comprenait que les épaules et la tête; le tapis, soit un montage comportant la tête, les dents et la face; le crâne, qui ne comprenait que le crâne blanchi de l’ours. Il a également décrit l’onglet 16, à savoir la base et l’habitat inclus dans le montage.

 

[14]    Tous les frais étaient en devises américaines, afin d’éviter la confusion causée au fil des ans par les divers taux de change. Selon l’appelant, à l’heure actuelle, 90 p. cent des clients proviennent des États-Unis (« É.-U. »). En 1996, au cours de la période en cause, 40 p. cent des clients étaient américains. En 1997, 60 p. cent des clients provenaient des É.-U., tandis qu’en 1998, 65 p. cent des clients étaient américains. À l’extérieur du Canada, les clients non américains représentent un p. cent de la clientèle de l’appelant.

 

[15]    Ce dernier a décrit le processus que suit un chasseur américain pour capturer  un ours polaire et le ramener aux États-Unis. Tout d’abord, il doit réserver les services d’un chasseur titulaire d’un permis. Il se rend au Canada, achète un permis et une étiquette, obtient les services d’un chasseur accompagné d’un guide et, s’il y parvient, capture un ours polaire. L’animal est écorché sur le terrain et la peau est envoyée au taxidermiste ou lui est remise en mains propres.

 

[16]    Quant à la viande de l’animal, elle est conservée par le guide inuit qui la consomme ou est donnée aux chiens huskies. La viande de loup n’est pas comestible, mais la viande de caribou et de bœuf musqué ne doit pas être gaspillée. Quant aux plus petits animaux, tels que les lagopèdes ou les lapins, ils sont envoyés tout entiers au taxidermiste car il n’est pas nécessaire d’en consommer la viande et parce qu’ils sont assez délicats. Les ours polaires, les grizzlis, les loups, les caribous et les bœufs musqués sont les principales cibles des chasseurs américains.

 

[17]    Avant la chasse, le taxidermiste peut communiquer avec les chasseurs américains. Ces derniers peuvent lui écrire trois ou quatre mois avant la chasse et lui fournir des renseignements au sujet de leurs prix et de ce qu’ils fournissent. Ils veulent vérifier la situation avant de laisser leurs peaux au Canada. La chasse peut durer de quatre jours à deux semaines.

 

[18]    Il arrive souvent que le taxidermiste reçoive l’animal par fret d’un pourvoyeur ou par fret du chasseur même, qui le lui laisse. Un ours polaire adulte pèse entre 600 et 1 000 livres. La peau pèse entre 50 et 150 livres. Si l’article est envoyé en port dû par le pourvoyeur, le taxidermiste acquitte la facture et ajoute les frais à la facture du client. Le taxidermiste doit tout d’abord confirmer que l’animal a été tué conformément à la loi; pour ce faire, il doit avoir en main le permis et le numéro de l’étiquette. Le taxidermiste et le client ne signent aucun contrat écrit. Il s’agit d’un contrat verbal conclu par téléphone lorsque le client rentre chez lui. Le taxidermiste envoie une lettre indiquant qu’il a reçu l’animal et le client lui demande alors de procéder à la préparation du trophée.

 

[19]    Quant aux instructions et renseignements relatifs à la naturalisation, l’appelant a été renvoyé à la page 2 de l’onglet 17 de la pièce A-1. Il a déclaré que lui ou son père s’en occupait au moment de rencontrer le chasseur ou de lui parler au téléphone. Parfois, les clients peuvent mettre deux mois à décider de la manière de procéder, surtout à l’égard des ours polaires. L’appelant demande un dépôt; par la suite, il discute des détails des frais avec le client. L’appelant reçoit habituellement un dépôt de 30 p. cent.

 

[20]    Un ours polaire sous forme de trophée peut prendre de six à neuf mois à réaliser (y compris le temps nécessaire pour qu’il revienne de la tannerie). La préparation du montage peut en soi prendre trois ou quatre jours; le séchage prend trois ou quatre semaines; il doit ensuite être peint et l’habitat doit être construit.

 

[21]    On a demandé à l’appelant de décrire le procédé qu’il utilisait à l’égard de la naturalisation d’un ours polaire. Il a déclaré qu’il recevait la peau et enlevait la viande, la graisse et la chair. La peau est lavée deux ou trois fois, pour ensuite être salée. Le salage nécessite de 50 à 100 livres de sel. Un tel procédé permet de saler la peau et d’enlever l’humidité. Lorsque la peau est sèche, elle est parfaitement conservée. Par la suite, elle est envoyée à la tannerie, où elle peut rester pendant six mois. À son retour de la tannerie, la peau est trempée une autre fois. Un tel procédé permet de desserrer les fibres et d’étirer de nouveau la peau à sa taille naturelle. L’article est ensuite placé dans le congélateur.

 

[22]    L’appelant effectue des recherches auprès du fournisseur approprié pour obtenir le mannequin. Lorsqu’il reçoit le mannequin, il doit le modifier. La modification et le façonnage du mannequin prend de deux à quatre jours. Celui-ci doit être parfaitement ajusté à la peau. Les dents et yeux sont placés dans l’article. La peau est étirée sur le mannequin. Environ 20 livres de colle sont utilisées pour fixer la peau sur le mannequin et la mettre en place. La peau est ensuite cousue et le montage est nettoyé. Il prend deux ou trois semaines à sécher avant la réalisation du travail de finition.

 

[23]    Quant aux frais de tannage, ils sont payés par le taxidermiste et exigés du chasseur dans le prix du montage. Avant le tannage, le prix d’une peau d’ours polaire de bonne qualité serait 1 200 $ environ. Après le tannage, elle vaudrait 1 500 $ à 1 600 $ environ, sans la majoration. Quant au prix exigé par le taxidermiste, il était de 3 000 $ environ au cours des premières années. En 1997, il est passé à 3 700 $ US. Le même prix a été utilisé en 1998. Il est présentement de 4 200 $ environ et ne comprend pas la construction d’un habitat. D’autres frais peuvent être ajoutés. L’appelant ne sait pas précisément combien il demandait au cours des années en cause; cependant, le travail subit des modifications et améliorations constantes. La plupart des mannequins ont été conçus par l’appelant et son père dans l’atelier. On a renvoyé l’appelant à l’onglet 18 de la pièce A-1, où des sculptures d’argile étaient présentées. L’appelant les a créées. À partir de ces sculptures, l’appelant et son père construisent un moule en fibre de verre, pour ensuite créer le mannequin.

 

[24]    Quant aux mannequins d’ours polaire, l’appelant et son père les achètent avant de les adapter. Ils prennent toutes les mesures de la tête et créent un moulage en plastique de la tête comprenant la chair de l’animal, pour ensuite en faire un moule et le façonner d’après l’idée qu’ils se font de l’apparence souhaitable de la tête. Ils se servent d’un tel procédé à l’égard de presque tous les ours de taille normale. Bien qu’ils utilisent des mannequins commerciaux à l’égard des mouflons, ils les modifient. Le même procédé s’appliquait aux loups et bœufs musqués au cours des années en cause.

 

[25]    Entre 1996 et 1998, ils ont utilisé plus de mannequins commerciaux qu’aujourd’hui. Les yeux et les dents proviennent de fournisseurs, bien que l’appelant ait lui-même développé certaines dents. L’argile, la résine époxyde, les nez artificiels et les tiges de fil métallique sont les parties de base du trophée. Dans 99 p. cent des cas, le trophée est accompagné d’un habitat et d’une base.

 

[26]    L’habitat est composé principalement de mousse, de gravier, de bois flotté, de roches, de branches et parfois de roches artificielles. Ils utilisent parfois une base de neige qu’ils créent avec de la neige artificielle collée à la surface peinte. L’appelant a été renvoyé au paragraphe 15 de l’exposé conjoint partiel des faits et du droit et a déclaré que le coût total des fournitures et matériaux de base variait en fonction de la taille de l’animal. L’aspect le plus difficile de son travail consistait à donner de la vie, une expression et du mouvement à un article inanimé et à obtenir un équilibre entre la base, le montage et l’habitat.

 

[27]    Les bustes prennent moins de temps à réaliser. La tête est la partie la plus importante du montage. L’appelant a tenté de créer des faces réalistes. Un tapis est moins difficile à réaliser qu’un montage grandeur nature parce qu’il ne comprend que la tête. Le montage comportant le crâne est le plus facile et le montage grandeur nature le plus difficile à réaliser. En ce qui concerne le poids de l’article, la peau tannée pèserait environ de 40 à 50 livres. Un ours polaire naturalisé grandeur nature accompagné d’un habitat pourrait peser de 200 à 250 livres. Quant au volume, la peau seule pourrait être mise dans une boîte de trois pieds de longueur sur deux pieds de largeur sur deux pieds de hauteur, mais une fois apposée sur le montage, elle nécessiterait une boîte de 12 pieds de longueur sur six pieds et demi de largeur sur cinq pieds de hauteur. Outre les montages, l’appelant et son père vendaient également d’autres articles à des chasseurs américains, tels que des loups et des renards.

 

[28]    L’appelant a mentionné une facture type se trouvant à l’onglet 3 de la pièce A-2. La main-d’œuvre n’a pas été inscrite séparément des autres articles. La base et l’habitat sont inscrits séparément. Le tannage est inclus dans le prix du montage. Le fret et la mise en caisse sont indiqués séparément à moins que les parties ne s’entendent au préalable sur un tarif forfaitaire. On a demandé à l’appelant pourquoi les différents articles n’étaient pas tous inscrits séparément. Il a répondu qu’une telle pratique était inconnue au sein de l’industrie.

 

[29]    En ce qui concerne la comptabilité de l’entreprise de l’appelant, le frère de ce dernier, Randy Robertson, en savait davantage à ce sujet. Il a rempli les déclarations de TPS au cours des années en cause. Il a inscrit des revenus bruts de toutes sources de 214 945,91 $ en 1996, de 340 055,07 $ en 1997 et de 395 258,63 $ en 1998. En 1996, les ventes à des Canadiens se sont chiffrées à 119 922,11 $. Elles comprenaient les contrats du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. En 1996, les subventions et l’intérêt se sont élevés à 1 903,53 $; les subventions du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest se sont chiffrées à 18 986,25 $; les ventes à des Américains ont totalisé 88 250,19 $; les ventes, à des Américains, d’animaux n’ayant pas été tués par des Américains au Canada, se sont élevées à 11 871,12 $. Il a également mentionné les chiffres de 1997 et 1998 indiqués sous la cote A‑3.

 

[30]    Entre 1996 et 1998, 65 p. cent du revenu provenait des montages grandeur nature et des bustes. Les tapis, les montages comportant le crâne ou les bois et les oiseaux représentaient 35 p. cent du revenu. Quatre-vingt-dix p. cent des montages grandeur nature et des bustes sont destinés aux États-Unis.

 

[31]    L’appelant a été renvoyé à l’onglet 1 de la pièce A‑1, soit à sa formule d’inscription aux fins de la taxe sur les produits et services, qu’il a déclaré avoir complétée le 19 octobre 1990. Pendant les années en cause, il était d’avis que seules les ventes canadiennes étaient assujetties à la TPS. Les ventes au gouvernement n’étaient pas taxables. Son frère a effectué des recherches à cet égard et a consulté Revenu Canada. Le ministère a précisé que les ventes aux résidents des É.-U. étaient détaxées. L’appelant a fait l’objet d’une vérification en février et en mars 1999.

 

[32]    Il a été renvoyé à l’onglet 2 de la pièce A‑1, soit à la cotisation aux fins de la TPS, et a déclaré que Revenu Canada avait calculé sept p. cent du revenu brut et déduit ce qu’il avait versé à l’égard des ventes canadiennes. Les diverses procédures ayant mené au présent appel ont été suivies. Ils ont téléphoné à plusieurs taxidermistes au sujet de la taxe et ont conclu que leur produit était détaxé.

 

[33]    En contre-interrogatoire, l’appelant a précisé qu’il ne se trouvait pas dans le bureau du comptable lorsque celui-ci a communiqué avec Revenu Canada et qu’il n’était pas partie à la conversation. Il y a une liste d’attente d’environ cinq ans pour obtenir un permis de chasse à l’ours polaire. Moins de cent étiquettes sont disponibles. Il serait impossible d’acheter un ours polaire d’un Américain, puisque les Américains veulent toujours leurs trophées. Afin d’exporter l’ours, l’Américain doit le chasser lui-même.

 

[34]    La chasse coûte environ 25 000 $, mais si un ours est abattu, le coût total dépasse les 30 000 $ US. La chasse au caribou coûterait environ 4 200 $, rien que pour les frais du pourvoyeur liés à la chasse.

 

[35]    L’appelant et son père rencontrent habituellement leurs clients après la chasse. Cependant, la première communication avec les chasseurs s’effectue par téléphone avant la chasse. Quatre-vingt-dix-neuf p. cent de leurs montages comportaient une base. Il est interdit de vendre la viande dans les Territoires du Nord-Ouest et les Américains ne peuvent exporter la viande du Canada vers les É.-U. parce qu’il leur faudrait une licence d’importation coûtant plus de 1 000 $. La viande de caribou et de bœuf musqué est souvent conservée. Les peaux ne font jamais l’objet d’une substitution.

 

[36]    Le tanneur ne leur rend la peau qu’après six mois, même si le processus lui-même ne prend que deux ou trois semaines environ. Les tanneries croulent sous le poids des commandes. Certains clients veulent tout simplement que leurs peaux soient raclées et salées et qu’elles leur soient envoyées directement. L’appelant et son père tentent d’éviter une telle procédure parce que celle-ci retarde le travail des tanneurs. Ils font affaire avec des tanneries à Winnipeg, en Colombie-Britannique et à Edmonton. Ils majorent de 50 p. cent environ le prix de la partie du processus se rapportant au tannage, en raison du travail préparatoire qui doit être effectué. Lorsqu’ils achètent un mannequin des fournisseurs, ils doivent l’assembler parce que celui-ci est envoyé en pièces détachées. Ils doivent le modifier pour l’adapter à l’animal. Ils ont recours à un entrepreneur pour la construction des bases.

 

[37]    L’appelant a été renvoyé à l’onglet 3 de la pièce A‑2 et a déclaré qu’en regardant la facture, il était possible qu’on ne puisse dire si le coût du renard était inclus ou non dans l'habitat. Il savait que celui-là l’était, parce qu’il en connaissait les détails. Il a été renvoyé à une série de factures qui semblait indiquer que certaines factures faisaient défaut. Au meilleur de sa connaissance, elles étaient toutes là. Il savait que l’argent du gouvernement faisait partie de leurs revenus parce qu’il figurait dans leurs factures. Il a été renvoyé à l’onglet 2 de la pièce A-2, soit une facture se rapportant à la formation en cours d’emploi de Pierre Berubé au montant de 690 $. Il a admis qu’ils avaient reçu un tel montant lorsqu’on lui a demandé comment il savait que le montant faisait partie du revenu. Il a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Tout a été déposé ».

 

[38]    Les états financiers pour la période se terminant le 31 décembre 1996 ont été admis par consentement à la pièce R-1. En se servant des pièces A-1 et R-1, l’avocat a interrogé le témoin au sujet de la réception de sommes provenant du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à des fins de formation. On lui a mentionné que le montant ne semblait pas être inclus. Il a déclaré que son frère s’occupait de la question.

 

[39]    L’appelant et son père n’ont perçu aucune TPS à l’égard des travaux effectués pour le Prince of Wales Northern Heritage Centre et le Royal Saskatchewan Museum, parce que ceux-ci étaient des organismes gouvernementaux. Si un client leur disait ne pas être assujetti à la taxe, ils acceptaient habituellement la déclaration telle quelle, puisqu’il était question de ministères gouvernementaux.

 

[40]    L’appelant n’a pu fournir la répartition des subventions et de l’intérêt totaux au cours des années en cause. Il a été renvoyé à ses déclarations T1 générales se trouvant à l’onglet 20 de la pièce A-1. On lui a demandé si la déclaration indiquait qu’il avait reçu un intérêt de 378,48 $ à l’égard de l’entreprise mentionnée dans la pièce R-1. Il ne le savait pas.

 

[41]    Plusieurs yeux n’ont pas été vendus aux É.-U. et l’appelant n’a pas vendu les mannequins au détail. Lui et son père n’en ont jamais vendu aux États-Unis. Ils gardent parfois le nez et les dents, mais pas le crâne. Ils n’utilisent habituellement pas les dents, sauf dans le cas des castors. L’appelant n’a pas préparé les T4 pour les travailleurs formés en cours d’emploi. Son frère s’en est probablement chargé.

 

[42]    On a montré à l’appelant l’onglet 5 de la pièce A‑1, soit la facture numéro 665395 se rapportant à un certain Sharman Kollmeyer, un client américain ayant abattu un caribou. L’appelant a admis avoir perçu de la TPS auprès de ce client. On lui a également montré la pièce R-2, une analyse de la TPS perçue auprès de clients américains en 1996. On lui a mentionné l’écart de 1 294 $ indiqué à la page 4 de la pièce R-2. Il a déclaré ne pas savoir si la TPS perçue auprès de clients américains avait été versée ou non. Il ne s’occupe pas des déclarations de TPS. C’est son frère qui s’en occupe.

 

[43]    Pendant le réinterrogatoire, on a demandé à l’appelant s’il existait ou non une raison pour laquelle il n’aurait pas imposé de TPS à des clients américains. Il a déclaré n’avoir cru qu’une seule fois qu’une TPS de 3,5 p. cent devait être perçue auprès de tels clients. Cela se rapportait en quelque sorte au fait que les pourvoyeurs devaient percevoir la TPS et avaient le droit de le faire au taux de 3,5 p. cent. Par conséquent, l’appelant et son père ont tout simplement commencé à percevoir la TPS au taux de 3,5 p. cent. Or, l’appelant a ensuite déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Nous avons fait preuve de stupidité ». Il a précisé qu’en général, aucune TPS n’était imposée.

 

[44]    Il a renvoyé aux états financiers se trouvant sous la cote R-1 et a indiqué qu’il ne s’agissait que de projets d’états financiers préparés par son frère. Il a demandé à son frère d’utiliser les catégories de revenu indiquées sous cette cote. À son avis, le montant se rapportant à la formation en cours d’emploi figurait quelque part dans les états.

 

[45]    Randall Robertson était un teneur de livres et comptable habitant à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y habite depuis 26 ans. Il avait 32 ans. Il a complété son secondaire. En 1993, il était commis aux dossiers. Il est ensuite devenu caissier, commis à la paye, comptable adjoint et teneur de livres pour le compte de la franchise de Coca-Cola. Il s’est joint à l’entreprise de taxidermie de son frère en 1997 et 1998. Il était son teneur de livres et s’occupait des déclarations de TPS trimestrielles, des états financiers de fin d’année et des déclarations de revenus. Il a suivi par correspondance un cours sur l’impôt sur le revenu donné par le Collège de l’Athabaska. Il a obtenu sa seule formation en matière de TPS avant l’entrée en vigueur de la taxe en 1991. Il a suivi un cours d’une journée offert par Revenu Canada et identifiant essentiellement les articles qui seraient assujettis à la TPS.

 

[46]    On lui a demandé comment il avait calculé le revenu brut de son frère pour les années en cause. Il a déclaré qu’il obtenait les reçus à chaque trimestre et remplissait les déclarations de TPS. Il a examiné tous les dépôts et revenus. On lui a demandé s’il existait une différence entre les dépôts américains et canadiens. Il a précisé qu’ils notaient s’il s’agissait d’un dépôt canadien ou d’un dépôt américain. Il était parfois difficile de les distinguer.

 

[47]    Il a été renvoyé aux réponses aux engagements se trouvant sous la cote A‑3, notamment aux réponses à l’engagement no 4 se rapportant au revenu brut au cours des années en cause. Il a confirmé les montants énoncés dans la réponse. On lui a ensuite demandé d’identifier le montant obtenu de sources canadiennes en 1996. Il a précisé que le montant se chiffrait à 119 922,11 $. On lui a demandé comment il savait qu’il s’agissait du montant exact. Il a répondu que son frère lui avait donné toutes ses factures et qu’il avait dû les séparer pour les trois années en cause. Le montant a été inscrit dans sa déclaration de revenus. On lui a demandé comment il le savait. Il a déclaré qu’il était l’auteur de l’inscription.

 

[48]    Il a été renvoyé à un article se trouvant sous la cote R‑2 portant la rubrique [TRADUCTION] « revenu non imputé », au montant de 6 773,61 $. Il a déclaré qu’un tel montant était attribuable à la différence du taux de change. L’inscription était parfois faite en devises américaines alors qu’elle aurait dû l’être en devises canadiennes, et vice versa. Il y avait des erreurs de facture sur lesquelles ils ne pouvaient s’entendre. Il les a placées dans un compte de revenu général qui aurait pu refléter en partie les dépôts manqués.

 

[49]    Il a également mentionné un montant de 12 458,71 $ à titre de revenu non imputé en 1997. À cet égard, il a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Je lui ai dit (à l’appelant) que je ne pouvais pas faire concorder ces montants ». Il ne pouvait pas les faire correspondre l’un à l’autre. Quant à l’engagement no 3, on lui a demandé comment il savait que le montant de 1 903,53 $ était bien celui du revenu total découlant des subventions et de l’intérêt au cours de 1996. Il a répondu que l’intérêt provenait principalement de titres (fonds MacKenzie) et que le solde avait été placé dans un régime de revenu différé. Le revenu provenant du gouvernement a été calculé à partir de l’ensemble des factures. Il a identifié un chèque se trouvant sous la cote A-2 et représentant une telle facture. Il l’aurait inclus dans le revenu. Il savait que la TPS n’était jamais imposée au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à l’égard d’un tel travail.

 

[50]    On lui a demandé comment il en était arrivé aux montants indiqués dans l’engagement no 2. Il a répondu qu’ils avaient examiné toutes les factures. Il a été renvoyé à la série de factures se trouvant sous la cote A-2 où les numéros de facture ne se suivaient pas et où il semblait y avoir des factures manquantes. On lui a demandé pourquoi il y avait de tels espaces entre les factures. Il a répondu qu’elles provenaient simplement de livres de factures génériques et qu’elles ne se suivaient pas. On lui a ensuite demandé comment il savait s’il y avait des factures manquantes. Il a déclaré qu’il comparait les siennes à celles que son frère lui avait données et qu’il les examinait. Il a été renvoyé à l’onglet 2 de la pièce A-2 en ce qui concerne le montant de 690 $ inscrit comme montant relatif à la [TRADUCTION] « formation en cours d’emploi ». On lui a demandé où un tel article était inscrit à titre de revenu sous la cote R-1. Il a déclaré qu’il ne le savait pas. Il a préparé les états financiers pour l’appelant et a rempli l’état des activités aux fins de l’impôt sur le revenu. Il est possible que de tels documents n’aient pas été déposés. La plupart des renseignements ont été inclus dans sa déclaration de revenus. Il a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Il y a probablement d’autres documents plus finaux que ceux-ci. Or, ceux-ci ressemblent de près à la version finale ».

 

 

[51]    Lorsqu’on lui a demandé pourquoi l’appelant avait imposé ou omis d’imposer la TPS aux clients américains, il a précisé que son frère lui avait demandé d’appeler Revenu Canada. Il l’a fait et a posé des questions à cet égard à une femme qui y travaillait. Celle-ci a précisé qu’il n’y avait aucun problème, que toutes les exportations étaient détaxées et qu’il n’y avait aucune taxe à percevoir. Ensuite, il a indiqué qu’il avait vérifié les renseignements auprès de Hawkins (leur concurrent le plus sérieux), consulté leur brochure et appris qu’aucune TPS ne devait être perçue. Il a été renvoyé à la facture numéro 254137 se trouvant sous la cote R-2 et indiquant que la TPS avait été perçue. Il a déclaré ne pas savoir pourquoi elle l’avait été. On l’a également interrogé au sujet de la facture numéro 254141. Il a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] « Il semble qu’elle se soit chiffrée à 3,5 p. cent ». On lui a demandé pourquoi une telle taxe avait été exigée. Il a répondu que son père avait entendu quelque chose à cet égard par le biais des pourvoyeurs : [TRADUCTION] « Je savais que ce n’était pas exact ». Il a ajouté que les états se trouvant sous la cote R‑2 n’étaient pas exacts et qu’il existait une légère marge d’erreur. Il a ensuite précisé que l’erreur aurait pu être causée par la machine à additionner.

 

[52]    En contre-interrogatoire, il a encore une fois été renvoyé à l’onglet 2 de la pièce A-2 au sujet du montant de 690 $. Il a déclaré ne pouvoir dire où le montant était inclus à titre de revenu. On lui a demandé pourquoi le taux de 3,5 p. cent avait été choisi. Il a répondu qu’il ne le savait pas. On lui a ensuite demandé pourquoi l’appelant avait versé moins de TPS qu’il n’en avait perçu, de sorte qu’il y avait un écart de 1 294,90 $, tel qu’indiqué à la page 4 de la pièce R-2. Il a répondu qu’il en ignorait la cause. Aucun T5 n’a été inclus dans la déclaration.

 

[53]    Lorsqu’on l’a renvoyé aux factures, il a déclaré que la pièce R-1 contenait les factures mais qu’il pouvait y en avoir d’autres. Il ne savait pas où celles-ci se trouvaient; toutefois, le revenu inscrit dans la déclaration T1 de l’appelant correspond au revenu indiqué sur l’état financier pour 1996, soit le montant de  214 945,91 $. Dans l’état financier, les subventions ont été incluses sous la désignation « autres revenus » dans le montant de 1 525,05 $. En 1997, le montant de 2 121,20 $ inscrit à titre de subvention sous la désignation « autres revenus » pour le mois en cours est le solde des autres revenus, mais il ne savait pas de quoi il s’agissait. Aucun dépôt n’a été inclus dans les factures se trouvant à l’onglet 2 de la pièce A-2. Par conséquent, certaines factures pourraient être manquantes. Quelques factures ont été utilisées comme reçus. Voilà qui pourrait expliquer la  situation. Il ne possédait aucun renseignement au sujet des dépôts. Les états financiers ont été créés à chaque année.

 

[54]    L’intimée a appelé un certain Daniel Pintaric à la barre, un vérificateur de la TPS de la Division des appels de l’Agence des douanes et du revenu du Canada. En janvier, cela fera quatre ans qu’il travaille à l’Agence. Avant de se joindre à l’Agence, il a passé quatre mois au sein d’un cabinet d’experts-comptables. Avant cela, lui et son père étaient associés. La présente vérification aux fins de la TPS lui a été attribuée. Il travaillait au service des crédits et remboursements et tentait de découvrir ce qui avait donné droit aux remboursements. Il pouvait demander des documents et décider de la validité d’un remboursement. Dans la présente affaire, la TPS demandée à l’égard des dépenses dépassait la TPS perçue.

 

[55]    En l’espèce, après une première communication avec l’appelant, l’accent, mis auparavant sur la vérification des dépenses, a été replacé sur le montant de la TPS qui aurait dû être versé. On a décidé qu’il devrait y avoir vérification. Des documents ont été demandés dans le but de déterminer si des marchandises avaient été vendues ou des services fournis. Le vérificateur n’avait aucune facture à sa disposition. Il n’a utilisé que les déclarations de revenus T1. Il a décidé que l’appelant fournissait un service et qu’il aurait dû percevoir la TPS. La taxe a été imposée à l’appelant sur son revenu déclaré.

 

[56]    Le vérificateur a examiné les factures des clients canadiens et américains se trouvant sous la cote A‑1 et a remarqué que certaines incluaient la TPS et d’autres non. Il était difficile d’identifier le service ou bien fourni en ne regardant que le revenu.

 

[57]    Il a préparé la pièce R‑2 en se fondant sur son examen des factures. En ce qui concerne les clients canadiens, il y a eu plus de TPS versée que de TPS perçue. En ce qui a trait aux clients américains, les versements de la TPS étaient insuffisants. Les documents se trouvant à l’onglet 2 semblent être des factures se rapportant à des organismes gouvernementaux ou à des sommes reçues à des fins de formation. Il a préparé la pièce R-3, laquelle était fondée sur les factures de l’onglet 2. Contrairement au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le Prince of Wales Northern Heritage Centre et le Royal Saskatchewan Museum devaient payer la TPS parce qu’ils n’étaient pas des organismes gouvernementaux. Il ne savait rien au sujet de la main-d’œuvre ni de la façon dont elle était fournie. Il savait seulement que les gouvernements provinciaux ne payaient pas la TPS mais que les organismes du gouvernement fédéral en versaient.

 

[58]    En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il ne connaissait pas bien la taxidermie, du moins pas avant de prendre part à la présente affaire. Il a conclu qu’un non-résident apporterait l’article à l’appelant et voudrait que l’animal entier ou une partie de celui-ci soit naturalisé. Il n’a jamais tenu compte de la disponibilité restreinte du nombre d’étiquettes. Il devait décider s’il était question de marchandises ou de services. Il ne pensait pas que d’autres lois s’appliquaient.

 

[59]    On lui a demandé pourquoi l’appelant ne lui avait pas fourni de factures. Il a répondu que l’épouse de l’appelant lui avait dit qu’elles étaient détaxées. Il avait besoin de plus de renseignements et a parlé à M. Robertson au sujet des factures; il a cherché les documents dont il avait besoin afin d’établir les activités de l’appelant. M. Robertson lui a dit qu’il éprouvait de la difficulté à trouver toutes les factures, puisqu’elles se rapportaient aux quatre années précédentes. Il n’a imposé aucun délai à l’appelant quant à la fourniture des documents de base. L’appelant a ensuite retenu les services d’un avocat, de sorte que le témoin ne pouvait plus lui parler. Aucune TPS n’a été prélevée sur le montant de 8 160 $ obtenu du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en 1996, ni sur les montants de 1 539,50 $ en 1997 et de 12 744,78 $ en 1998.

 

[60]    L’avocat et le témoin ont discuté de la façon dont celui-ci décidait si un montant obtenu du Prince of Wales Northern Heritage Centre ou du Royal Saskatchewan Museum était taxable ou non. Le témoin a précisé qu’il fallait surtout savoir à qui les travaux étaient fournis et qui les payait. On ne pourrait échapper à la TPS en faisant payer par le gouvernement provincial des travaux qui ne lui sont pas fournis. L’appelant a facturé la TPS à un nombre très restreint de ses clients en 1996, 1997 et 1998.

 

[61]    Pendant le réinterrogatoire, le témoin a déclaré n’avoir vu aucune facture ou preuve démontrant que les montants exigés du gouvernement avaient été inclus dans le revenu au cours des années en cause.

 

Argument présenté pour le compte de l’appelant

 

[62]    L’appelant résidait depuis longtemps dans les Territoires du Nord-Ouest. Il passait sa vie à chasser et à pêcher. Il a appris l’art de la taxidermie de façon autodidacte, par voie de concours et par expérience. Il a remporté plusieurs prix. Les chasseurs réclament ses services à l’avance ou apportent des peaux à son lieu d’affaires pour qu’elles puissent être traitées. Certains contacts ont été faits par téléphone ou en personne. Une grande partie de ses revenus provenait de ses clients américains.

 

[63]    Son revenu provenait de ventes au détail destinées aux États-Unis. En cour, l’appelant a examiné ses factures. Il a pu en identifier une se rapportant au cas d’un Américain ayant tué un animal au Canada et ayant également obtenu un animal au Canada qu’il n’avait pas tué. Il n’est pas étrange que l’appelant ait pu se rappeler certains de ces détails.

 

[64]    L’appelant n’a conclu aucun contrat en bonne et due forme avec les chasseurs américains. Il y avait sans doute un appel téléphonique, quelques instructions relatives à la naturalisation et une facture. D’après son témoignage, rares étaient les cas où il n’était pas nécessaire de modifier le mannequin commercial. L’aspect le plus difficile du travail consistait à donner de la vie et du mouvement à quelque chose qui était mort et à obtenir un équilibre entre le montage et l’habitat. Quatre-vingt-dix p. cent du travail visait des montages grandeur nature destinés à des Américains. Les matériaux représentaient de 15 à 25 p. cent du coût total, le reste étant surtout attribuable à la main-d’œuvre.

 

[65]    Il a précisé qu’il fallait se demander s’il existait un bien détaxé ou un service taxable lié à un bien meuble corporel situé au Canada. La question vise essentiellement les animaux tués par des Américains et exportés par la suite. La présente affaire ne vise aucunement les marchandises exportées du Canada vers les É.-U. et fournies à des personnes qui ne sont pas des chasseurs. De telles marchandises ne sont pas taxables. Il ne devrait y avoir aucune taxe sur les services ou les marchandises vendus au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en 1996, 1997 et 1998. De tels marchandises ou services ne sont pas taxables.

 

[66]    Quant aux montants relatifs à la formation en cours d’emploi, eux non plus ne sont pas taxables. Lorsqu’on a demandé à l’appelant et au teneur de livres si de tels montants avaient été ajoutés au revenu, ils ont répondu que c’est ce qu’ils croyaient. Ils avaient déclaré un revenu dépassant les montants indiqués sur les factures. La Cour devrait tenir compte des témoignages de vive voix qu’elle a entendus au sujet des factures. Les factures auxquelles on a renvoyé représentaient la plupart des factures en cause. La Cour devrait réduire le montant sur lequel la taxe devrait être prélevée du montant qui a été versé par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

 

[67]    Toutefois, la question principale se rapporte aux exportations destinées aux chasseurs américains. Quel droit de propriété le chasseur possédait-t-il sur l’animal abattu? Ils ont convenu que l’animal mort appartenait au chasseur. L’appelant s’est interrogé sur l’utilisation du bien, la question de l’aliénation et celle de la destruction du bien. Il a renvoyé à la Codification administrative de la Loi sur la faune, précitée, laquelle prévoit un régime en vertu duquel le chasseur est le propriétaire possible de l’animal mort. Il peut perdre son titre. L’appelant a renvoyé au paragraphe 59(1) de la même Loi, lequel prévoit ce qui suit :

 

      Il est interdit d’exporter ou de recevoir en vue de l’exportation à l’extérieur des territoires un animal de la faune autre qu’un produit fabriqué, à moins que la cargaison ne soit accompagnée d’une licence d’exportation délivrée en vertu de la présente loi qui comporte une déclaration véridique des espèces et des quantités d’animaux exportés.

 

Le paragraphe 60(1) se lit comme suit :

 

      Une licence d’exportation de viande de gibier peut être délivrée aux personnes suivantes :

      a) la personne qui a tué légalement le gibier autrement qu’en vertu d’une étiquette commerciale;

      b) une personne qui est autorisée à faire le commerce de la viande de gibier.

 

L’avocat a posé la question suivante : [TRADUCTION] « Qu’arrive-t-il au bien lorsque le taxidermiste commence son travail? S’agit-il d’un nouveau bien ou d’une nouvelle vente aux É.-U., ou alors le titre demeure-t-il inchangé? Appartient-il au chasseur? Les matériaux sont-ils devenus des accessoires du bien original en vertu de la prestation d’un service ou de l’exécution d’un « contrat de fourniture de services »?

 

[68]    Il a cité certains textes faisant autorité à l’appui de sa position.

 

[69]    Il a soutenu que la définition d’une vente devrait être plus globale et non plus restrictive. En bout de ligne, y a-t-il vente d’un bien meuble corporel? Dans l’affirmative, il s’agit alors de la vente d’un bien. Il faut se reporter à la nature du contrat.

 

[70]    La nature du contrat doit être établie par la preuve de ce qui a été fait, parce que le taxidermiste n’avait pas expressément convenu de créer quelque chose de nouveau ou de fournir tout simplement un service. Il faut tenir compte de certains facteurs, tels que la valeur relative des matériaux du chasseur par rapport à celle des matériaux de l’appelant. Dans le cas d’un animal de grande taille, les matériaux du chasseur auraient coûté environ 1 200 $ ou 700 $ US. Le taxidermiste fournissait 25 p. cent des matériaux et 75 p. cent de la main d’œuvre. Comment le produit fini se comparait-il à l’article original? Au départ, il n’y avait qu’un animal mort. En bout de ligne, il y avait quelque chose de réel, d’apparence vivante et de réaliste. Le talent et les habiletés artistiques du taxidermiste sont incorporés dans l’article; leur valeur est très relative. L’avocat a fait valoir qu’au moment d’examiner la question de la valeur relative, il ne fallait pas prendre en compte la valeur de la chasse, laquelle se situait aux alentours de 25 000 $.

 

[71]    En ce qui concerne la question de la fourniture unique ou multiple, l’avocat a soutenu qu’en bout de ligne, il y avait une fourniture unique détaxée. Quatre-vingt-dix-neuf p. cent des montages grandeur nature sont expédiés avec une base et un habitat. L’avocat a renvoyé à diverses autorités administratives. Compte tenu de ces autorités, il a fait valoir qu’en bout de ligne, la TPS n’était pas exigible sur (1) les sommes obtenues du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; (2) le revenu de placement provenant du fonds MacKenzie, s’il était inclus dans le revenu; et (3) les ventes au détail d’animaux vendus aux É.-U. et naturalisés au Canada.

 

[72]    Quant à la question principale, la vente du trophée fini aux É.-U. constituait la vente d’un bien et non d’un service, de sorte que la règle de la fourniture unique devrait s’appliquer. Aucune taxe ne devrait être exigible sur la totalité du montant.

 

[73]    Subsidiairement, la Cour pourrait conclure que l’ours polaire complet et les bustes sont des fournitures et que les autres articles sont des services, en raison du nombre de matériaux inclus dans le produit fini et du talent artistique du taxidermiste. Certains seraient taxables et d’autres non.

 

[74]    Bien que l’affaire ne soit pas parfaitement claire, l’appel devrait être accueilli avec dépens. L’appelant a demandé à traiter des dépens une fois tranché le fond du litige.

 

Argument de l’intimée

 

[75]    Dans ses observations écrites et au cours de sa plaidoirie, l’avocat de l’intimée a indiqué que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Will‑Kare Paving and Contracting Ltd. c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 915 (2000 C.S.C. 36), pouvait être péremptoire et peut-être fatale à la cause de l’appelant. Elle est récente et péremptoire et soupèse les deux côtés de la question. Elle tranche la question de savoir si un contrat se rapporte à la fourniture de matériaux ou de services ou à la vente de marchandises. En l’espèce, il est évident que l’appelant fournissait un service au sein de son entreprise de taxidermie.

 

[76]    Les fournitures de services aux non-résidents peuvent être détaxées. Toutefois, l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la LTA prévoit des exceptions; il est évident qu’en l’espèce, les services fournis par l’appelant au sein de son entreprise de taxidermie sont visés par deux de ces exceptions : a) un service fourni à des particuliers qui se trouvaient au Canada au moment de communiquer avec l’appelant concernant la fourniture du service de taxidermie (paragraphe 7a)) et b) un service lié à un bien meuble corporel qui était situé au Canada au moment de l’exécution du service (paragraphe 7e)). Ce dernier paragraphe est au coeur du litige en l’espèce.

 

[77]    En conséquence, l’appelant a fourni un service de taxidermie qui n’est pas une fourniture détaxée. En vertu du paragraphe 221(1) de la LTA, la TPS doit être perçue à l’égard de la fourniture d’un tel service.

 

[78]    Quant aux montants obtenus du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, il est admis que la TPS ne serait pas habituellement exigible sur les fournitures effectuées aux organismes gouvernementaux qui les paient. Cependant, la preuve a démontré que les montants qui auraient été reçus n’ont pas été inclus dans le revenu brut à l’égard duquel la TPS a été fixée par voie de cotisation, mais plutôt dans le montant inscrit par l’appelant dans sa déclaration T1 générale pour 1996.

 

[79]    De plus, les factures se trouvant sous la cote A-2 démontrent que les montants ont été facturés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en 1996 à l’égard de la « formation en cours d’emploi » de Pierre Berubé et de Neville Jacklin. Dans leur témoignage, ni Gregory Robertson ni Randy Robertson n’ont pu dire que l’un ou l’autre des montants avait été inclus dans le revenu. Deux motifs expliquent sans doute pourquoi de tels montants n’ont pas été inclus dans le revenu : i) la formation en cours d’emploi n’est pas l’une des catégories mentionnées dans les états financiers et il est peu probable que de tels montants aient été inclus dans les autres catégories; ii) de tels montants étaient destinés aux travailleurs; par conséquent, il est possible que les chèques reçus au nom des travailleurs aient été endossés en leur faveur sans être déposés dans le compte de revenu général de l’appelant. (Il n’existe aucune preuve à l’appui d’un tel argument).

 

[80]    Si la Cour concluait que l’appelant fournissait un service à des chasseurs américains, elle ne devrait alors pas réduire les montants de revenu brut sur lesquels la TPS était exigible.

 

[81]    En ce qui concerne les montants versés au Prince of Wales Northern Heritage Centre et au Royal Saskatchewan Museum, l’appelant n’a pas prouvé que la TPS ne serait pas exigible sur de tels montants. À cet égard, la preuve présentée par l’appelant était insatisfaisante; on ne devrait accorder que peu d’importance à ses souvenirs se rapportant à quelque chose qui date de cinq ans.

 

[82]    Il y a évidemment des factures manquantes. Par conséquent, il pourrait y avoir des revenus manquants. Les renseignements fournis par l’appelant et son frère peuvent expliquer certaines factures manquantes. Cependant, il est également probable qu’il y a eu certaines factures se rapportant à des montants de revenu n’ayant pas été inclus.

 

[83]    Il manque le début de la série dont le premier numéro est le 441700. De plus, il existe des groupes de factures manquantes; parfois, une semaine s’écoulait sans qu’il n’y ait une seule facture. On a soutenu que la Cour ne devrait pas réduire le montant de revenu sur lequel la TPS était exigible.

 

[84]    La preuve présentée par l’appelant démontre clairement qu’il a demandé la TPS à une partie de ses clients américains, surtout en 1996. Il a expliqué qu’il n’avait demandé qu’un montant supplémentaire de 3,5 p. cent sans doute parce qu’il s’agissait du montant exigé par les pourvoyeurs. Il a également admis qu’il   exigeait parfois la pleine TPS de 7 p. cent. Il n’a pas versé toute la TPS perçue auprès de clients américains.

 

[85]    Animaux tués par des résidents et vendus à des non-résidents – Sous la cote A-3, en réponse à l’engagement no 2, l’appelant a fait valoir que certains montants représentaient des articles vendus directement à des non-résidents et devraient donc être détaxés en vertu de l’article 12 de la partie V de l’annexe VII de la LTA.

 

[86]    Dans son témoignage, il a déclaré que les montants indiqués sous la rubrique ci-haute (11 871,12 $ pour 1996) avaient été établis grâce à un examen des factures fondé sur ses propres souvenirs à cet égard. En regardant les factures, il concluait que le renard, le lynx ou le lièvre avait été vendu séparément à un non-résident. Pourtant, en contre-interrogatoire, il a admis que certains de ces montages ou plus petits articles auraient pu être incorporés dans l’habitat des espèces de plus grande taille. Dans de tels cas, il serait question de « fourniture unique » et la TPS serait exigible sur l’article complet.

 

[87]    L’avocat a réitéré son point de vue selon lequel certains services fournis à des non-résidents pouvaient être détaxés en vertu de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la LTA. Si la Cour concluait que l’appelant fournissait un service, elle ne serait alors pas fondée à réduire le montant de revenu brut sur lequel la TPS était exigible, puisque la fourniture du service en l’espèce est visée par l’exception prévue aux paragraphes 7a) et e) de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la LTA.

 

[88]    La question cruciale qui reste à trancher est celle de savoir si l’appelant, lors de l’exploitation de son entreprise de taxidermie se rapportant aux chasseurs, effectuait la fourniture d’un service lié à un bien meuble corporel. L’article 12 de la partie V de l’annexe VI de la LTA prévoit que la fourniture d’un bien meuble corporel est détaxée si le fournisseur transfère la possession du bien à un transporteur public ou expédie le bien à une destination à l’étranger. L’appelant se fonde sur cet article pour soutenir que la TPS n’était pas exigible sur ses activités de taxidermie au cours des années en cause.

 

[89]    Avant d’aborder la question cruciale, l’avocat s’est penché sur celle du droit de propriété sur la partie d’un animal de la faune. À son avis, en vertu de la common law, le chasseur obtient un permis, une licence et une étiquette délivrés en bonne et due forme pour chasser une espèce particulière d’animaux et tue les animaux précisés dans le permis, la licence ou l’étiquette. Le chasseur devient le propriétaire absolu de l’animal. L’avocat a renvoyé aux arrêts Fitzgerald v. Furbank, [1897] 2 C.H. 96 (C.A.) 102; "Polar Star" (The) v. Arsenault (1964), 43 D.L.R. (2d) 354 (C.S. Î.-P.-É.), confirmé dans Denker v. "Polar Star", 51 M.P.R. 152 (C.A. Î.-P.-É.); Pammant v. Tompson (1920), 200WN89 (C.A.); et R. v. Lancour & Bunn (1979), 13 B.C.L.R. 179, confirmé dans (1979), 18 B.C.L.R. 71.

 

[90]    Conformément aux paragraphes 49(1) et (2) du Règlement sur l’exploitation commerciale de la faune, l’appelant était tenu de conserver la partie de l’animal de la faune appartenant au chasseur séparément des autres parties d’animaux de la faune et de maintenir des renseignements précis permettant d’identifier la partie de l’animal de la faune appartenant au chasseur. Une telle exigence garantit que le chasseur conserve le droit de propriété à l’égard de la partie de l’animal de la faune qu’il a obtenu de la chasse, notamment lorsqu’il engage les services de personnes telles que l’appelant en vue de la préparation de la partie d’un animal de la faune qui sera exposée comme trophée. Le chasseur accorde une valeur au produit fini, puisque celui-ci met en vedette la partie de l’animal de la faune qu’il a tué. La partie d’un animal de la faune constitue le butin principal du chasseur. Par conséquent, dans une telle situation, le chasseur ne transfère pas le droit de propriété qu’il détient à l’égard de la partie de l’animal de la faune. L’appelant prend plutôt possession de la partie de l’animal en tant qu’« huissier ». Voir Crawford v. Kingston, [1952] O.R. 714 (C.A.).

 

[91] En vertu du paragraphe 49(3) du Règlement sur l’exploitation commerciale de la faune, le tanneur ou le taxidermiste peut, en vue de recouvrer ses frais et dépenses, vendre toute partie d’un animal de la faune après une période d’un an si la personne de qui a été obtenue la partie de l’animal ne l’a pas récupérée. Toutefois, cela ne signifie pas que le droit de propriété sur la partie de l’animal de la faune est transféré à l’appelant.

 

[92]    Selon l’avocat, dans l’arrêt récent Will‑Kare Paving, précité, la Cour suprême du Canada a examiné la jurisprudence canadienne en matière de fabrication et de transformation de marchandises destinées à la vente. Elle a reconnu deux courants jurisprudentiels divergents se rapportant à l’interprétation des activités équivalant à la fabrication et la transformation de marchandises destinées à la vente.

 

[93]    L’une des interprétations est exprimée dans la décision Crown Tire Service Ltd. c. La Reine, [1984] 2 C.F. 219 (1re inst.), dans laquelle ont été invoqués des principes issus de la common law et des lois en matière de vente de marchandises pour décider si un contrat visait la « fourniture d’ouvrage et de matériaux » ou la « vente de marchandises ». L’affaire Crown Tire se rapportait à la fixation de bandes de roulement fabriquées par la contribuable à des pneus que des clients venaient faire réparer. La Cour a conclu que les bandes de roulement étaient fournies en exécution d’un contrat de fourniture d’ouvrage et de matériaux et qu’une telle fourniture n’équivalait pas à la fabrication ou la transformation d’articles destinés à la vente. Selon la Cour, les clients conservaient leur droit de propriété tout au long du processus.

 

[94]    L’autre école de pensée se dissocie du point de vue exprimé dans la décision Crown Tire, précitée, et se refuse à appliquer les principes issus des lois et de la common law en matière de vente de marchandises pour déterminer si un contrat visait la « fourniture d’ouvrage ou de matériaux » ou la « vente de marchandises ». Elle préconise plutôt une interprétation littérale du mot «vente», de telle sorte que la prestation d’un service accessoire à la fourniture d’une marchandise fabriquée ou transformée n’empêche pas la transaction de constituer un contrat de vente. Dans de telles situations, les tribunaux ont décidé que la forme du contrat intervenu entre les parties n’était pas pertinente. Les tribunaux ont plutôt adopté un autre critère fondé sur la source du bénéfice du contribuable.

 

[95]    Dans l’arrêt Will-Kare Paving, précité, la Cour suprême du Canada a dit préférer les principes énoncés par le premier courant jurisprudentiel (Crown Tire, précité) et a tiré la conclusion suivante :

 

      Pour les années d'imposition considérées, environ 75 pour 100 de l'asphalte fabriqué à l'usine de Will-Kare était fourni dans le cadre des services d'asphaltage de Will-Kare. Ainsi, l'usine était utilisée principalement pour la fabrication ou la transformation de marchandises fournies en exécution de contrats de fourniture d'ouvrage et de matériaux, et non en exécution de contrats de vente. La propriété de l'asphalte est passée aux clients de Will-Kare comme accessoire fixe d'un bien réel.

 

En l’espèce, 100 p. cent des matériaux fabriqués ou achetés par l’appelant étaient fournis dans le cadre de ses services de taxidermie. L’appelant ne vendait pas séparément ses mannequins ou matériaux. Il apposait plutôt des matériaux qu’il avait fabriqués ou achetés sur la partie d’un animal de la faune appartenant à un chasseur non résident. En conséquence, l’arrêt Will‑Kare Paving sert de fondement à la proposition selon laquelle la propriété de tels matériaux est passée au client par « accession » et non en exécution d’un contrat de vente.

 

[96]    Les affaires suivantes appuient la proposition selon laquelle, lorsqu’une personne fournit un bien à une autre personne et que celle-ci y appose des matériaux, le contrat intervenu entre les parties vise la fourniture d’ouvrage et de matériaux et la propriété des matériaux apposés passe à la première personne par « accession » et non en exécution d’un contrat de vente : Rolls Royce (Canada) Ltd. c. La Reine, C.A.F., no A-1057-91, 22 décembre 1992 (93 DTC 5031); Sterling Engine Works Ltd. v. Red Deer Lumber Company, [1920] 2 W.W.R. 194 (C.A.); Scott Maritimes Pulp Limited v. B.F. Goodrich Canada Limited, 72 D.L.R. (3d) 680 (C.A. N.-É.); et Canada c. Hawboldt Hydraulics (Canada) Inc. (syndic)(C.A.), [1995] 1 C.F. 830 (94 DTC 6541).

 

[97]    Par ailleurs, l’appelant ne peut fournir quelque chose qui ne lui appartient pas. Le paragraphe 123(1) de la LTA définit le mot « fourniture » comme suit :

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

 

[98]    L’appelant ne peut dire qu’il fournit des biens en vertu d’une « vente », puisqu’il ne possède qu’une petite partie des matériaux qui constituent la partie préparée d’un animal de la faune. Tel que souligné ci-haut, l’appelant ne peut vendre une partie d’un animal de la faune. Il est bien connu en droit qu’une personne ne peut vendre un bien à moins qu’elle en soit le propriétaire ou qu’elle ait autrement le droit de le vendre. En conséquence, l’appelant ne peut effectuer la « fourniture » d’une partie d’un animal de la faune. Voir la définition des termes « contrat de service » et « vente » à l’article 1 de la Loi sur la vente d’objets, L.R.T.N.-O. 1988, ch. S-2 et au paragraphe 25(1) de la Loi sur la vente d’objets.

 

[99]    Par conséquent, dans le contexte de la Loi, lorsque l’appelant rend au chasseur la partie d’un animal de la faune, il ne fournit pas au chasseur un « bien » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi. La « fourniture » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi n’est pas celle d’un bien fourni par l’appelant au chasseur, mais vise plutôt la prestation d’un « service » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi.

 

[100]  Même si la Cour préférait le deuxième courant jurisprudentiel mentionné dans l’arrêt Will‑Kare Paving, précité, lequel se penche sur la source du bénéfice du contribuable, il est évident que le contrat intervenu entre l’appelant et les chasseurs non résidents viserait la prestation de services et non la vente de marchandises. Il en est ainsi puisque, dans l’exposé conjoint partiel des faits et du droit, il a été convenu de ce qui suit :

 

                        [TRADUCTION]

 

15.        Le coût total des fournitures et matériaux de base représente environ de 15 à 25 p. cent du coût total de la partie préparée d’un animal de la faune que paye le client. L’appelant fournit la totalité des fournitures. Le solde de la contrepartie de la partie préparée d’un animal de la faune reflète le coût de la main-d’œuvre nécessaire à la création et la fabrication de la partie préparée de l’animal de la faune.

 

[101]  En conséquence, il est évident que le bénéfice de l’appelant provient principalement du service qu’il fournit (de 75 à 85 p. cent du coût total du produit final représente la main-d’œuvre de l’appelant); ainsi, en vertu du deuxième courant jurisprudentiel, le contrat viserait la prestation de services.

 

[102]  L’avocat a également fait valoir que, même si la Cour acceptait l’ancienne jurisprudence de common law fondée sur le principe de la « teneur du contrat », le contrat en l’espèce visait la fourniture de services.

 

[103]  Un tel principe n’a pas été expressément examiné par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Will‑Kare Paving, précité. Il va sans dire que l’appelant est un taxidermiste extrêmement talentueux qui jouit d’une réputation enviable au sein de l’industrie. Il a remporté plusieurs prix prestigieux et continue à parfaire son métier. L’appelant a admis que sa réputation grandissante lui avait permis d’obtenir plus de travail au cours des dernières années (le revenu provenant de non-résidents est passé de 88 250,19 $ en 1996 à 261 475,31 $ en 1997). À n’en pas douter, les clients engagent l’appelant pour son talent, ses compétences et ses habiletés artistiques, et non pour les matériaux qui sont accessoires à la fourniture de son service. L’avocat a également renvoyé aux affaires suivantes, lesquelles traitent de la question : Robertson v. Graves, [1935] All E.R. Reports 935 (C.A.) aux pp. 940 et 941; Borek v. Hooper (1984), 18 O.R. (3d) 470 (C. dist. Ont.) à la p. 472; Industrial Forestry Service Limited c. M.R.N., C.C.I., no 90-3594(IT), 16 décembre 1991 (92 DTC 1060) et Stowe-Woodward Inc. c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-2494-89, 30 janvier 1992 (92 DTC 6149).

 

[104]  Il en résulte que le coût des matériaux apposés par l’appelant sur la partie d’un animal de la faune est négligeable par rapport au coût total des autres dépenses faisant partie du montant final. Un chasseur américain dépenserait environ 30 000 $ US pour se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest, abattre un ours et le faire naturaliser. D’après la preuve, le coût des fournitures et matériaux de base ne représenterait qu’environ 575 $ US du coût total d’un ours polaire grandeur nature. Ainsi, les fournitures et matériaux de base ne représentent que trois p. cent du coût total engagé par le chasseur.

 

[105]  Au regard de la preuve déposée devant la Cour, une peau d’ours polaire est certes un article très prisé. Toutefois, pour obtenir un ours polaire sous forme de « trophée », un chasseur américain doit engager les dépenses liées à l’abattage de l’ours. Par conséquent, compte tenu de tout ce qui précède, il est évident que la valeur d’un « trophée » provient surtout de la partie d’un animal de la faune et non des matériaux apposés sur la partie de l’animal dans le cadre des travaux de taxidermie. Ainsi, la teneur du contrat intervenu entre l’appelant et un chasseur non résident vise nettement la prestation de services et non la vente de marchandises.

 

[106]  L’avocat a cité d’autres facteurs à l’appui du point de vue selon lequel l’appelant offrait un service et non une fourniture à des chasseurs non résidents au sein de son entreprise de taxidermie. Il a renvoyé à la définition large du mot « service » prévue au paragraphe 123(1) de la LTA. Il a également mentionné les divers services fournis par le taxidermiste à l’égard des peaux, tels que l’écharnage, le salage, le trempage, le pointage et le découpage. Le taxidermiste peut aussi tanner la peau d’un animal de petite taille; dans les autres cas, il expédie l’animal à une tannerie.

 

[107]  L’avocat a fait mention d’autres juridictions où les taxidermistes étaient considérés comme des personnes fournissant un service, telles que les États du Kentucky et de la Virginie, aux États-Unis, ainsi que l’Afrique du Sud. L’avocat de l’intimée a également tenu à souligner qu’en vertu de la Loi sur la faune, précitée, un service devait être effectué avant qu’une partie d’un animal de la faune ne quitte les Territoires du Nord-Ouest. À son avis, cela signifie que le législateur voulait qu’une certaine activité commerciale ait lieu avant qu’une peau ne quitte les Territoires du Nord-Ouest. Tout en reconnaissant que la Cour n’était pas liée par la politique administrative du ministre se rapportant au paragraphe 7e) de la partie VII de l’annexe VI de la LTA, en vertu duquel un service est « lié » à un bien meuble corporel s’il est « effectué sur le bien meuble corporel », l’avocat a précisé que l’on devrait accorder un poids à cette politique au moment d’interpréter la loi. La prestation des services de taxidermie rehausse certainement la valeur du bien.

 

[108]  L’expression « bien meuble corporel » n’est pas définie dans la LTA, bien qu’au paragraphe 123(1), l’expression « bien meuble » désigne tout bien qui n’est pas immeuble. Il est évident que la définition de l’expression « bien meuble corporel » est très large et comprendrait sans aucun doute une partie d’un animal de la faune.

 

[109]  À n’en pas douter, l’appelant fournit ses services de taxidermie à Yellowknife, dans les T.N.-O., de sorte qu’il fournit « un service lié à un bien meuble corporel qui est situé au Canada au moment de l’exécution du service ». Il a été déclaré que les services du taxidermiste sont directement visés par le paragraphe 7e) de la partie V de l’annexe VI de la LTA. Par conséquent, n’est pas détaxée la fourniture, par l’appelant, de services de taxidermie aux chasseurs non résidents.

 

[110]  L’avocat de l’intimée a abordé la question des matériaux et fournitures dans le contexte de l’argument présenté par l’avocat de l’appelant, selon lequel il pouvait y avoir prestation d’un « service » tout comme prestation d’une « fourniture », le « service » étant taxable mais la « fourniture » ne l’étant pas. Toutefois, il était d’avis que la pratique de la taxidermie comprenait divers éléments qui étaient tous interdépendants et intimement liés : les fournitures et matériaux de base, tels que les yeux, les dents, la colle, la peinture et la résine époxyde qui sont indispensables au montage fini et, dans tous les sens du terme, étroitement liés au montage, aux bases et aux habitats finis commercialisés auprès du public, font partie intégrante du service de taxidermie. Il n’y a eu aucune preuve que l’appelant vendrait de tels habitats et bases à des non-résidents séparément d’un montage. En fait, l’appelant a témoigné qu’il avait refusé de vendre un mannequin à un taxidermiste aux États-Unis et qu’il ne vendait pas au détail des matériaux tels que les yeux, les dents et les griffes. Par conséquent, le processus complet de la préparation d’une partie d’un animal de la faune constituerait une fourniture unique.

 

[111]  De plus, si l’on s’en tient à la LTA, il y a des raisons impérieuses de considérer l’entière partie préparée d’un animal de la faune comme une fourniture unique. Le paragraphe 4b) de la partie V de l’annexe VI de la LTA prévoit que la fourniture d’un bien meuble corporel fourni avec un service peut être détaxée. Toutefois, elle doit satisfaire aux conditions énoncées au paragraphe 4a) de la partie V de l’annexe VI de la LTA, en ce sens que le bien meuble corporel doit être « habituellement situé à l’étranger […] importé provisoirement dans le seul but de permettre l’exécution du service et […] exporté dans les meilleurs délais une fois le service exécuté ».

 

[112]  D’après la preuve, la situation est tout autre en l’espèce. Par conséquent, les matériaux utilisés pour fournir les services de taxidermie ne sont pas détaxés. En l’espèce, les services ne sont pas détaxés en vertu du paragraphe 4b). Ils ne sont pas détaxés aux termes du paragraphe 7e) parce que le bien se trouvait au Canada lorsque les services de taxidermie ont été fournis.

 

[113]  Si la Cour concluait à l’existence de fournitures multiples, celles-ci seraient alors considérées comme une fourniture unique par application de l’article 138 de la LTA. Sous la rubrique « Fournitures accessoires », l’article 138 prévoit ce qui suit : «[p]our l’application de la présente partie [la partie IX de la LTA], le bien ou le service dont la livraison ou la prestation peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d’un autre bien ou service est réputé faire partie de cet autre bien ou service s’ils ont été fournis ensemble pour une contrepartie unique. »

 

[114]  L’appelant a fourni ses services de taxidermie pour une contrepartie unique et l’on peut raisonnablement conclure que les matériaux fournis dans le cadre des travaux de taxidermie étaient accessoires à la prestation des services. En conséquence, en vertu de l’article 138 de la Loi, le fait que l’appelant se soit servi de matériaux dans le cadre des travaux de taxidermie ne change rien au fait que les travaux de taxidermie constituaient la fourniture d’un service.

 

[115]  Pour conclure, l’avocat a fait valoir que l’appelant avait fourni son service à des particuliers qui se trouvaient au Canada au moment de communiquer avec l’appelant concernant la fourniture du service de taxidermie. L’appelant a également fourni un service lié à un bien meuble corporel qui était situé au Canada au moment de l’exécution du service.

 

[116]  En conséquence, en vertu de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la LTA, la prestation du service de taxidermie par l’appelant n’était pas une fourniture détaxée. Ainsi, en vertu de l’article 221 de la LTA, la TPS doit être perçue à l’égard de la fourniture d’un tel service.

 

[117]  L’appel devrait être rejeté, avec dépens.

 

Analyse et décision

 

[118]  Dans la présente affaire, il existe une question principale et plusieurs questions connexes. Elles ont toutes été définies par les deux avocats. En l’espèce, la question principale est celle de savoir si, compte tenu de la preuve ayant été présentée, l’appelant fournissait un service par l'entremise de son entreprise de taxidermie (un contrat de fourniture de services) ou si le contrat visait la vente de marchandises. L’avocat de l’appelant a indiqué que le taxidermiste avait essentiellement conclu un contrat de vente de marchandises, tandis que l’avocat de l’intimée a déclaré que le taxidermiste fournissait essentiellement ses services et était rémunéré à cet égard. En bout de ligne, il faudra choisir l’un ou l’autre des arguments avant de chercher à appliquer les diverses dispositions de la Loi qui ont déjà été mentionnées.

 

[119]  Puisque la fourniture de services aux non-résidents peut être détaxée en vertu de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la Loi, en autant que les services satisfassent aux conditions nécessaires, l’appelant pourrait obtenir gain de cause même si le contrat se rapportait à la fourniture de services plutôt qu’à la vente de marchandises, tel qu’il l’a proposé.

 

[120]  Par ailleurs, dans la présente affaire, la Cour doit trancher plusieurs questions connexes en raison de la preuve qui a été déposée. Elles comprennent notamment celles qui suivent :

 

(1)        Une taxe était-elle exigible sur les montants obtenus du Prince of Wales Northern Heritage Centre et du World Saskatchewan Museum?

(2)         Les montants établis par le ministre sur lesquels la TPS devrait être prélevée étaient-ils appropriés ou devraient-ils être réduits, compte tenu de la preuve présentée par l’appelant, son teneur de livres (qui était son frère) et le témoin appelé à la barre par l’intimée ayant établi la cotisation dans la présente affaire?

(3)         L’appelant a-t-il prouvé que certaines marchandises étaient vendues directement à des non-résidents et devraient donc être détaxées en vertu de l’article 12 de la partie V de l’annexe VII de la Loi, peu importe la décision concernant les questions principales? Si la Cour répondait à la question par l’affirmative, il faudrait alors décider du montant approprié sur lequel la taxe était exigible et déterminer si un tel montant est moins élevé que celui ayant été établi par le ministre.

(4)         Y avait-il fourniture unique ou fournitures multiples? S’il y avait fournitures multiples, quels montants, s’il en est, devraient être déduits des montants totaux utilisés par le ministre pour établir la taxe appropriée?

(5)         Si la Cour concluait à l’existence de fournitures multiples (fournitures de services et fourniture de matériaux), celles-ci seraient-elles considérées comme une fourniture unique par application de l’article 138 de la Loi?

 

[121]  En se fondant sur les observations présentées par les avocats, et en tenant compte comme il se doit de la common law et du droit législatif mentionnés, la Cour est convaincue qu’en l’espèce, le chasseur ne transférait pas à l’appelant son droit de propriété à l’égard d’une partie d’un animal de la faune. L’appelant prenait plutôt possession d’une partie d’un animal de la faune pour le compte du chasseur. À n’en pas douter, en vertu du paragraphe 49(3) du Règlement sur l’exploitation commerciale de la faune, précité, le titulaire d’un permis de tanneur ou de taxidermiste obtient un intérêt propriétal, semblable à un privilège, à l’égard d’une partie d’un animal de la faune; en vertu de cette disposition, l’appelant avait le droit de recouvrer ses frais en vendant toute partie d’un animal de la faune n’ayant pas été récupérée après une période d’un an. Même par application de la loi, cela ne veut pas dire que le taxidermiste ou le tanneur obtiendrait un droit de propriété à l’égard d’une partie d’un animal de la faune; il n’obtiendrait que le droit de la vendre afin de recouvrer ses frais. Par conséquent, en vertu de son intérêt propriétal, le taxidermiste ne pourrait tout au plus obtenir qu’une petite partie des matériaux qui constituent l’article fini. Lorsque l’appelant rend une partie d’un animal de la faune au chasseur,  sous sa forme finale, il ne fournit pas au chasseur un « bien » au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, du moins pas en ce qui concerne la partie du produit final qui est constituée de la partie de l’animal de la faune.

 

[122]  Tel que convenu dans l’exposé des faits, le coût total des fournitures et matériaux de base représentait environ de 15 à 25 p. cent du coût total de la partie préparée d’un animal de la faune engagé par le client. Le solde de la contrepartie reflétait la main-d’œuvre nécessaire à la création du produit fini.

 

[123]  Le paragraphe 36 de l’arrêt Will‑Kare Paving, précité, apporte certains éclaircissements sur la question :

 

      Pour les années d'imposition considérées, environ 75 pour 100 de l'asphalte fabriqué à l'usine de Will-Kare était fourni dans le cadre des services d'asphaltage de Will-Kare. Ainsi, l'usine était utilisée principalement pour la fabrication ou la transformation de marchandises fournies en exécution de contrats de fourniture d'ouvrage et de matériaux, et non en exécution de contrats de vente. La propriété de l'asphalte est passée aux clients de Will-Kare comme accessoire fixe d'un bien réel.

 

[124]  En l’espèce, la propriété de l’ensemble des fournitures et matériaux est passée aux chasseurs comme accessoire d’une partie d’un animal de la faune.

 

[125]  À la page 13 de l’arrêt Will‑Kare Paving, précité, il est énoncé ce qui suit :

 

      Il ressort de la jurisprudence canadienne deux interprétations divergentes des activités comportant fabrication et transformation de marchandises à vendre. Il peut être utile, sans examiner de façon approfondie la jurisprudence pertinente, d'exposer brièvement les affaires qui illustrent ces deux écoles de pensée.

 

      L'un des deux points de vue est exprimé dans Crown Tire Service Ltd., c. La Reine, [1984] 2 C.F. 219 (1re inst.), qui invoque des distinctions issues de la common law et du droit provincial en matière de vente de marchandises pour définir l'admissibilité aux stimulants fiscaux accordés pour la fabrication et la transformation. Seuls sont admissibles les biens en immobilisation utilisés pour fabriquer ou transformer des marchandises fournies en exécution de contrats comportant uniquement la vente de ces marchandises. Un bien utilisé pour fabriquer ou transformer des marchandises fournies dans le cadre de la prestation de services, c'est-à-dire en exécution d'un contrat de fourniture d'ouvrage et de matériaux, n'est pas considéré comme utilisé directement ou indirectement au Canada surtout pour la fabrication ou la transformation d'articles destinés à la vente et n'ouvre donc pas droit à la déduction pour amortissement accéléré ou au crédit d'impôt à l'investissement.

 

[126]  Les faits de la présente affaire ne sont pas du même type que ceux de l’affaire Crown Tire Service Ltd., précitée. Toutefois, l’analogie demeure valable.

 

[127]  Par ailleurs, une citation tirée de l’affaire Crown Tire s’avère utile en l’espèce. Elle renvoie à l’ouvrage Benjamin’s Sale of Goods (Londres, 1974), où l’on dit ce qui suit relativement à la distinction entre un contrat de vente de marchandises et un contrat de fourniture d’ouvrage et de matériaux :

 

[TRADUCTION]

 

Lorsqu’un bien, meuble ou immeuble, de l’employeur doit faire l’objet de travaux comportant l’utilisation ou l’adjonction de matériaux appartenant à la personne engagée à cet effet, il s’agira normalement d’un contrat de fourniture d’ouvrage et de matériaux, la propriété de ceux‑ci passant alors à l’employeur par accession et non pas en vertu d’un contrat de vente.

 

Là encore, bien que les faits soient différents, l’analogie avec la présente affaire demeure valable. La Cour est convaincue que le principe général mentionné dans Benjamin, précité, s’applique à la situation en l’espèce. Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute pour la Cour que les chasseurs ont conservé leur droit de propriété à l’égard de leur partie d’un animal mort tout au long du processus de taxidermie, de la même façon qu'on l'affirme dans l’arrêt Will‑Kare Paving, précité.

 

[128]  À la page 14 de l’arrêt Will‑Kare Paving, la Cour suprême a précisé ce qui suit :

 

      L'autre école de pensée se dissocie du point de vue exprimé dans Crown Tire et se refuse à appliquer les règles issues des lois et de la common law en matière de vente de marchandises pour déterminer à quels biens en immobilisation s'appliquent les stimulants fiscaux accordés pour la fabrication et la transformation. Elle préconise plutôt une interprétation littérale du mot « vente », de telle sorte que la prestation d'un service accessoire à la fourniture d'un article fabriqué ou transformé n'empêche pas le contribuable de bénéficier des stimulants. Le transfert de propriété contre valeur suffit. Voir Halliburton Services Ltd., c. La Reine, 85 D.T.C. 5336 (C.F. 1re inst.), conf. par 90 D.T.C. 6320 (C.A.F.), et La Reine c. Nowsco Well Service Ltd., 90 D.T.C. 6312 (C.A.F.).

 

[129]  Dans les affaires Halliburton et Nowsco, précitées, la forme du contrat a été jugée non pertinente et un autre critère fondé sur la source du bénéfice du contribuable a été proposé.

 

[130]  À la page 16, la Cour suprême a tiré la conclusion suivante :

 

      Les principes énoncés dans Crown Tire et Hawboldt Hydraulics, dans la mesure où ils privilégient la définition de la vente selon la common law et les lois pertinentes, offrent des paramètres préférables à l'interprétation plus générale de la vente préconisée dans Halliburton et Nowsco.

 

 

[131]  L’avocat de l’intimée a soutenu que, même si la Cour acceptait l’ancienne jurisprudence de common law fondée sur le principe de la « teneur du contrat », il n’en demeurait pas moins que la présente affaire visait la fourniture de services plutôt qu’un contrat de vente de marchandises. À cette fin, il a souligné le grand talent du taxidermiste en l’espèce et la réputation dont celui-ci jouissait au sein de l’industrie. Par conséquent, il était d’avis que les clients engageaient l’appelant pour son talent, ses compétences et ses habiletés artistiques, et non pour les matériaux qui étaient accessoires à la fourniture de son service.

 

[132]  Le coût des matériaux apposés par l’appelant sur la partie d’un animal de la faune était négligeable par rapport au coût total des autres dépenses engagées par le chasseur et faisant partie du montant final. La valeur d’un trophée provenait surtout de la partie d’un animal de la faune et non des matériaux apposés par l’appelant sur la partie dans le cadre des travaux de taxidermie. Par conséquent, l’avocat de l’intimée a soutenu que la teneur du contrat intervenu entre l’appelant et un chasseur non résident visait nettement la prestation de services et non la vente de marchandises.

 

[133]  La façon dont d’autres juridictions traitent les taxidermistes ne permet pas de trancher les questions en l’espèce; toutefois, il semblerait que la plupart des autres juridictions aient considéré les taxidermistes comme des personnes fournissant un service.

 

[134]  La politique administrative du ministre relative à l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la Loi prévoit qu’un service est « lié » à un bien meuble corporel s’il est « effectué sur le bien meuble corporel » ou s’il « rehausse la valeur du bien ». Là encore, une telle interprétation ne lie pas la Cour, bien qu’elle témoigne du traitement de la question par le ministre.

 

[135]  En se fondant sur les affaires mentionnées et la common law, et en tenant compte comme il se doit des solides arguments présentés, la Cour est convaincue que l’appelant a fourni un service à des particuliers qui se trouvaient au Canada au moment de communiquer avec l’appelant concernant la prestation des services de taxidermie et que le contrat ne visait pas la vente de marchandises tel que le soutenait l’avocat de l’appelant.

 

[136]  En outre, la Cour est convaincue que, conformément au paragraphe 7e) de la partie V de l’annexe VI de la Loi, l’appelant a fourni à une personne non résidente, au cours de la période pertinente, un service qui était « un service lié à un bien meuble corporel qui est situé au Canada au moment de l’exécution du service ». Par conséquent, en vertu de ce paragraphe, la fourniture d’un tel service ne peut être considérée comme une fourniture détaxée.

 

Questions connexes

 

[137]  En ce qui concerne la question de savoir si la TPS devrait ou non être exigible sur les fournitures effectuées au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, la Cour est convaincue que les fournitures effectuées à un tel organisme ne seraient pas habituellement assujetties à la TPS. Cependant, pour que la Cour réduise les montants à l’égard desquels le ministre a fixé la taxe conformément à la cotisation, la Cour devrait être convaincue que de tels montants ont été inclus dans le revenu brut à l’égard duquel la TPS a été fixée par voie de cotisation.

 

[138]  À cet égard, la preuve était à la fois insatisfaisante et insuffisante. Puisque l’appelant conteste le fondement de la cotisation, il lui incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation était fondée sur un montant inexact. La preuve présentée à cet égard par l’appelant lui-même et par son comptable était loin d’être irréprochable. On a renvoyé aux états financiers de l’appelant; toutefois, après un examen impartial de ces états fondé sur la preuve présentée par les deux témoins mentionnés ci-haut et le contre-interrogatoire de ces témoins, la Cour n’est pas convaincue que de tels montants ont été inclus dans le revenu brut à l’égard duquel la TPS a été fixée par voie de cotisation.

 

[139]  Il aurait dû être facile pour l’appelant et son comptable d’établir, par une preuve acceptable, les montants ayant été inclus dans le revenu brut au cours des années en cause. Cependant, ils n’ont pu le faire de façon satisfaisante; par conséquent, l’appelant ne s’est pas acquitté de son obligation à cet égard. La Cour n’est pas convaincue que les montants en cause établis par le ministre devraient être soustraits à la TPS.

 

[140]  Quant aux montants versés au « Prince of Wales Heritage Centre » et au « Royal Saskatchewan Museum », la preuve présentée par l’appelant ou tout autre témoin était insuffisante pour convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la TPS ne serait pas exigible sur ces montants. Là encore, il aurait dû être facile pour l’appelant et son comptable d’établir que de tels montants avaient été obtenus d’un organisme gouvernemental et n’étaient pas taxables. L’appelant n’a fourni aucune preuve satisfaisante permettant d’établir un tel fait; les témoignages de vive voix de l’appelant et de son comptable se sont avérés tout aussi insatisfaisants à cet égard.

 

[141]  En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le ministre se serait servi de montants inexacts au moment d’établir la cotisation relative à la TPS, la Cour n’est pas non plus convaincue que l’appelant en a fait la preuve selon la prépondérance des probabilités. À moins que la preuve du contraire ne soit établie selon la prépondérance des probabilités, le ministre a le droit de se fonder sur les présomptions, énoncées dans la réponse, selon lesquelles la cotisation était exacte. La preuve déposée par l’appelant et son comptable à cet égard était insatisfaisante. Aucune explication satisfaisante n’a été fournie quant aux problèmes se rapportant aux factures, dont certaines semblaient par ailleurs être manquantes. La Cour n’a entendu aucune preuve satisfaisante susceptible de lui faire remettre en question l’exactitude des chiffres sur lesquels s’est fondé le ministre pour établir la présente cotisation. Par conséquent, l’argument présenté par l’appelant à cet égard ne peut réussir.

 

[142]  La preuve présentée par l’appelant démontre clairement qu’il a facturé la TPS à une partie de ses clients américains, surtout en 1996. Les explications à cet égard étaient quasi absentes; on n’a fait que soulever l’hypothèse d’un lien avec le fait que les pourvoyeurs ne prélevaient que 3,5 p. cent, au lieu de 7 p. cent, parce qu’ils avaient droit à un remboursement. L’appelant a admis qu’il exigeait parfois des Américains la pleine TPS de 7 p. cent. De plus, en 1996, l’appelant a semblé percevoir plus de TPS qu’il n’en a versé pour cette année-là. Cela soulève encore une véritable question concernant l’exactitude des dossiers de l’appelant. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas là d’une preuve sur laquelle la Cour pourrait se fonder pour réduire les montants dont s’est servi le ministre pour établir la cotisation.

 

[143]  Quant à la question des ventes d’animaux tués par des résidents effectuées à des non-résidents, l’appelant soutient qu’elles devraient permettre de réduire les montants sur lesquels la TPS a été exigée, parce qu’elles ont été effectuées directement à des non-résidents et devraient être détaxées en vertu de l’article 12 de la partie V de l’annexe VII de la Loi. Or, la preuve à cet égard s’est avérée très insatisfaisante. Elle était surtout fondée sur les souvenirs de l’appelant. Celui-ci n’avait guère de documents susceptibles de convaincre la Cour de l’exactitude de ses souvenirs.

 

[144]  De plus, la Cour prend bonne note de l’argument présenté par l’avocat de l’intimée, selon lequel l’appelant avait admis en contre-interrogatoire que certains plus petits articles auraient pu être incorporés dans l’habitat des espèces de plus grande taille. Dans de tels cas, il y aurait « fourniture unique » et la TPS serait exigible sur l’article complet.

 

[145]  Quant à l’argument se rapportant aux fournitures multiples, compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée par les témoins, la Cour est convaincue que les services de taxidermie de l’appelant ont été fournis pour une contrepartie unique et qu’il serait plus raisonnable de conclure que les matériaux n’étaient qu’accessoires à la prestation du service principal. De tels matériaux comprenaient les yeux, les dents, la base, l’habitat, le mannequin, la colle et d’autres matériaux accessoires à la réalisation de l’article final. Tel que l’a fait valoir l’avocat de l’intimée, toutes les photographies présentées en preuve illustraient des animaux exposés sur une base ou dans un habitat. Il semble que les bases et habitats aient été commercialisés auprès du public en tant que parties intégrantes du service de taxidermie. Selon le témoignage de l’appelant même, le montage était envoyé au client sur une base ou dans un habitat dans 99 p. cent des cas. Il n’y a eu aucune preuve que de tels habitats ou bases étaient vendus séparément; par ailleurs, la preuve démontrait clairement que l’appelant avait refusé de vendre un mannequin à un taxidermiste aux États-Unis et qu’il ne vendait pas au détail des articles tels que les yeux, les dents ou les griffes.

 

[146]  La Cour est convaincue qu’il n’est que raisonnable de considérer la totalité de la partie préparée d’un animal de la faune comme une fourniture unique.

 

[147]  Les dispositions du paragraphe 4a) de la partie V de l’annexe VI de la Loi créent pour l’appelant un problème supplémentaire. Il y est énoncé trois exigences auxquelles doit satisfaire un bien meuble corporel fourni avec un service afin d’être détaxé. Un tel bien doit être « habituellement situé à l’étranger […] importé provisoirement dans le seul but de permettre l’exécution du service et […] exporté dans les meilleurs délais une fois le service exécuté ».

 

[148]  En l’espèce, les matériaux ne satisfont pas à de telles exigences.

 

[149]  En outre, l’appelant a un problème en raison des dispositions de l’article 138 de la LTA, lequel prévoit ce qui suit :

 

Pour l'application de la présente partie, le bien ou le service dont la livraison ou la prestation peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d'un autre bien ou service est réputé faire partie de cet autre bien ou service s'ils ont été fournis ensemble pour une contrepartie unique.

 

Tel que souligné ci-haut, il n’y a aucun doute que l’appelant a fourni ses services de taxidermie pour une contrepartie unique et que les matériaux fournis étaient accessoires à la prestation de ces services.

 

[150]  En conséquence, l’argument présenté par l’appelant ne peut réussir.

 

[151]  En bout de ligne, la Cour est convaincue que l’appelant a fourni un service à des particuliers qui se trouvaient au Canada au moment de communiquer avec l’appelant concernant la prestation du service. De plus, l’appelant a fourni un service lié à un bien meuble corporel qui était situé au Canada au moment de l’exécution du service. En conséquence, en vertu de l’article 7 de la partie V de l’annexe VI de la Loi, la prestation de services de taxidermie par l’appelant n’était pas une fourniture détaxée. Conformément au paragraphe 221(1) de la Loi, la TPS devait être perçue, à l’égard de la fourniture de tels services, sur les montants fixés par le ministre dans la cotisation qui fait l’objet du présent litige.

 


[152]  L'appel est donc rejeté, avec dépens, et les cotisations du ministre sont confirmées.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de janvier 2002.

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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