Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date: 20001219

Dossier: 1999-3908(IT)I

 

ENTRE :

 

JEAN-GUY GERVAIS,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés oralement à l'audience

le 13 juillet 2000, à Sherbrooke (Québec),

et modifiés par la suite pour plus de clarté)

 

Le juge Pierre Archambault, C.C.I.

 

[1]  Monsieur Jean‑Guy Gervais conteste des cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard des années d'imposition 1995 et 1996. Le ministre a inclus dans le revenu de monsieur Gervais des montants à titre d'avantage imposable résultant de l'usage d'une voiture fournie à monsieur Gervais par une société (2634) dont il détenait la majorité des actions. Les montants de l'avantage sont de 10 702 $ pour l'année 1995 et de 5 351 $ pour l'année 1996.

 

[2]  Au paragraphe 5 de sa Réponse à l'avis d'appel, le ministre énonce les faits sur lesquels il s'est fondé pour établir ses cotisations. Voici ces faits :

 

a)  l'appelant est un médecin;

 

b)  l'appelant, pendant les années en litige, était l'actionnaire majoritaire de la société «2634-3376 Québec inc.» dont les exercices financiers se terminaient le 28 février 1995, le 29 février 1996 et le 28 février 1997;

 

c)  pendant les années en litige, la société «2634-3376 Québec inc.» avait comme principale activité l'achat, la réparation et la vente d'automobiles de luxe usagées;

 

d)  la société «2634-3376 Québec inc.» détenait, entre autres, pendant la période en litige le véhicule suivant :

 

  Véhicule    Coût    Période

 

  i)  Mercedes 1994  37 919 $  28/12/94 jusqu'au 21/06/96;

 

e)  le ministre a considéré [que] le véhicule mentionné à l'alinéa d) a été mis à la disposition de l'appelant par la société, en sa qualité d'actionnaire, durant les années en litige;

 

f)  l'avantage imposable annuel, à l'égard de chacune des années en litige, découlant de l'usage d'un véhicule de la société «2634-3376 Québec inc.» par l'appelant, en sa qualité d'actionnaire et/ou une ou des personnes qui lui sont liées a été respectivement établi à des sommes de 10 702 $ et de 5 351 $.

 

Au début de l'audience, monsieur Gervais a admis les alinéas 5 a), b) et c).

 

Faits

 

[3]  La preuve a révélé que monsieur Gervais était intéressé à faire l'acquisition d'une voiture Mercedes pour son usage personnel et que, pour diminuer le montant de la taxe de vente du Québec (TVQ) à payer, il a fait l'acquisition de cette voiture par l'intermédiaire de 2634. Le prix d'achat de la Mercedes s'élevait à 25 000 $, plus 1 750 $ de TPS, pour un prix total de 26 750 $, et la somme nécessaire pour payer ce montant a été avancée par monsieur Gervais à 2634 en déposant dans le compte de cette société une somme de 27 000 $ [1] le 15 août 1994, soit la date d'acquisition de la voiture par 2634.

 

[4]  Comme la Mercedes était accidentée, des travaux de réparation ont dû être effectués par un garage. Les frais de réparation se sont élevés à une somme de 12 519 $ (11 700 $ + 819 $ de TPS) qui a été payée par 2634 une fois les travaux terminés le 22 décembre 1994. Procédant comme il l'avait fait pour le remboursement du prix d'achat de la voiture, monsieur Gervais a remboursé les frais de réparation à 2634 le 3 janvier 1995 en déposant dans le compte bancaire de celle‑ci une somme de 17 000 $ [2] . Le montant excédentaire, soit 4 481 $, constituait une avance de monsieur Gervais en faveur de sa société.

 

[5]  Par contrat daté du 28 décembre 1994, 2634 a cédé à monsieur Gervais la Mercedes pour une somme de 36 700 $, représentant le total du coût initial d'achat de 25 000 $ plus le coût des travaux de réparation de 11 700 $. En échange, monsieur Gervais a cédé à 2634 ses deux voitures, une Acura et une Saab. Selon monsieur Gervais, cette façon de procéder permettait de calculer le montant de TVQ sur la différence entre le prix de la Mercedes et le prix total des deux autres voitures. Toutefois, on n'a pas procédé immédiatement à la modification de l'immatriculation des voitures puisque 2634 devait d'abord trouver des acheteurs pour l'Acura et la Saab.

 

[6]  Monsieur Gervais a indiqué lors de son témoignage qu'il avait acquitté personnellement toutes les dépenses engagées à partir du 28 décembre 1994 pour l'entretien de la Mercedes.

 

[7]  Monsieur Gingras, le garagiste qui avait effectué les travaux de réparation, était intéressé à acheter l'Acura, mais il n'avait pas l'argent nécessaire pour payer en entier le prix de la voiture, soit environ 9 500 $. Il l'a achetée en juillet 1995 mais l'immatriculation à son nom n'a été faite qu'en juin 1996, lorsque le prix de l'Acura a été entièrement acquitté [3] .

 

[8]  Ce n'est qu'en juin 1996 que la Mercedes a été immatriculée au nom de monsieur Gervais. Il n'est donc pas surprenant que le ministre ait établi, en vertu de l'article 15 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi), un avantage fiscal pour l'utilisation de la Mercedes pour une période de 18 mois allant de la date de l'achat de la voiture jusqu'à la date de l'immatriculation au nom de monsieur Gervais en juin 1996.

 

Analyse

 

[9]  Pour inclure dans le revenu de monsieur Gervais l'avantage résultant de l'usage de la Mercedes fournie par 2634, le ministre a tenu pour acquis le fait que cette voiture appartenait véritablement à 2634. À l'appui de cette conclusion du ministre, il y avait le contrat d'achat fait au nom de 2634 et le fait que le prix d'achat de la voiture et le coût des réparations majeures avaient été payés par 2634. Les sommes versées par monsieur Gervais apparaissaient dans les registres comptables de 2634 comme des avances : une avance de 27 000 $ au 15 août 1994, et une autre de 17 000 $ au 3 janvier 1995.

 

[10]  Par contre, la preuve que j'ai entendue révèle plutôt que 2634 a été utilisée comme prête-nom pour obtenir une diminution de la TVQ. Le fait qu'il a assumé personnellement toutes les dépenses qui ont été engagées pour la Mercedes confirme les prétentions de monsieur Gervais que la Mercedes était véritablement la sienne. Il y a aussi le contrat du 28 décembre 1994 qui officialise cette situation.

 

[11]  Dans ces circonstances, il est difficile de conclure qu'un avantage a été conféré par 2634 à monsieur Gervais à titre d'actionnaire, puisque c'est monsieur Gervais qui a financé, avec son propre argent, l'achat de la voiture et tous les frais de réparations majeures et d'entretien de la voiture. Aucun avantage fiscal ne doit être ajouté au revenu de monsieur Gervais en vertu de l'article 15.

 

[12]  Par contre, il est important que monsieur Gervais donne suite à son engagement de faire modifier les registres comptables de 2634 de façon à refléter de façon adéquate le fait que les sommes de 27 000 $ et de 12 519 $ ont été payés à 2634 à titre de remboursement de dépenses plutôt que comme des avances. Sans cette modification, les registres comptables de 2634 pourraient indiquer un montant d'avances plus élevé que celui que 2634 doit en réalité à monsieur Gervais. Si 2634 devait rembourser à monsieur Gervais une somme supérieure à ce qu'elle lui doit, cette somme pourrait constituer une appropriation de fonds de la société par monsieur Gervais et être imposable comme revenu de celui‑ci.

 

[13]  Pour tous ces motifs, l'appel de monsieur Gervais est accueilli et les cotisations pour les années 1995 et 1996 sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que les sommes de 10 702 $ et de 5 351 $ doivent être déduites du revenu de monsieur Gervais, le tout sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de décembre 2000.

 

 

 

 

 

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :  1999-3908(IT)I

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  JEAN-GUY GERVAIS

  et Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Sherbrooke (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :  13 juillet 2000

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :  L'honorable juge Pierre Archambault

 

 

DATE DU JUGEMENT :  24 juillet 2000

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant(e) :  L'appelant lui-même

 

Pour l’intimé(e) :  Me Anne-Marie Desgens

 

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant:

 

  Nom : 

 

  Étude : 

 

 

Pour l’intimé(e) :  Morris Rosenberg

  Sous-procureur général du Canada

  Ottawa, Canada



[1]   L'excédent, soit 250 $, devait servir à couvrir les frais de transport.

[2]   Dans ses états financiers, le comptable de 2634 a considéré comme des avances les sommes de 27 000 $ et de 17 000 $ versées par monsieur Gervais à 2634.

[3]   Pendant qu'elle avait l'usage de l'Acura, toujours immatriculée au nom de monsieur Gervais, madame Gingras a eu un accident et cette voiture a subi pour environ 6 000 $ de dommages. C'est la société d'assurances de monsieur Gervais qui a payé les travaux de réparation effectués par monsieur Gingras.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.