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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4155(IT)I

 

ENTRE :

TARAS CHEBERIAK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appels entendus le 5 octobre 2000 et le 7 août 2001, à Regina (Saskatchewan), par

l'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :                  Me Lyle Bouvier

 

 


JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 et à l’encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1995 et 1997 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de février 2002.

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20020212

Dossier : 1999-4155(IT)I

 

ENTRE :

 

TARAS CHEBERIAK,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield, C.C.I.

 

[1]     Il s’agit d’appels interjetés à l’encontre d’une cotisation d’impôt établie pour l’année d’imposition 1996 et de nouvelles cotisations d’impôt établies pour les années d’imposition 1995 et 1997, par lesquelles le crédit d’impôt pour pension que l’appelant a demandé en vertu du paragraphe 118(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») a été refusé.

 

[2]     L’appelant demande à la Cour de décider si les paiements qu’il a reçus à même son fonds de revenu de retraite immobilisé (« FRRI »), qui est un fonds enregistré de revenu de retraite (« FERR ») aux fins de l’article 146.3 de la Loi, donnent droit à ce crédit même s’il les a reçus avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans. S’il est obligatoire en vertu de la Loi que le contribuable ait atteint l’âge de 65 ans pour demander le crédit pour pension, l’appelant invoque l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[1] en raison de la discrimination fondée sur l’âge et le fait qu’il n’est pas veuf, étant donné que les veufs et les veuves sont autorisés en vertu de la Loi à demander ce crédit à l’égard des paiements faits par ces régimes enregistrés, peu importe leur âge, lorsque les paiements sont reçus par suite du décès de leur conjoint.

 

LES FAITS

 

[3]     L’appelant est un fonctionnaire du gouvernement de la Saskatchewan à la retraite qui est né le 7 avril 1933, c’est-à-dire qu’il était âgé de moins de 65 ans au cours des années en cause. À titre de fonctionnaire, il avait participé à un régime de pension. À sa retraite, l’appelant avait la possibilité de transférer les fonds de son régime de retraite à une rente viagère, à un fonds de revenu viager ou à un FRRI. L’appelant a choisi de transférer les fonds à un FRRI (lequel était enregistré à titre de FERR) parce qu’il estimait que les conditions de paiement des rentes viagères étaient peu avantageuses. Au cours des années d’imposition 1995, 1996 et 1997, l’appelant a touché à même son FRRI des paiements totalisant respectivement 4 640 $, 38 317,06 $ et 32 600 $. Lorsqu’il a produit ses déclarations de revenus pour les années en question, l’appelant a demandé le crédit pour pension de 1 000 $ en vertu du paragraphe 118(3) de la Loi. L’intimée a refusé d’accorder ce crédit.

 

DISPOSITIONS CONCERNANT LE CRÉDIT POUR PENSION

 

[4]     Le paragraphe 118(3) de la Loi accorde à un particulier un crédit pour pension à l’égard de certains revenus de pension reçus au cours d’une année d’imposition. Voici le libellé de cette disposition :

 

(3) Crédit pour pension — Le montant déterminé selon la formule suivante est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

A × B

 

où :

 

A         représente le taux de base pour l'année;

B         le moins élevé de 1 000 $ et du montant suivant :

a)    si le particulier a atteint l'âge de 65 ans avant la fin de l'année, le revenu de pension qu'il a reçu au cours de l'année,

b) sinon, le revenu de pension admissible qu'il a reçu au cours de l'année.

 

[5]     Les expressions « revenu de pension » et « revenu de pension admissible » sont définies comme suit au paragraphe 118(7) de la Loi :

 

(7) Définitions – Sous réserve du paragraphe (8), les définitions qui suivent s'appliquent au paragraphe (3).

 

« revenu de pension » S'agissant du revenu de pension qu'un particulier a reçu au cours d'une année d'imposition, le total des montants suivants :

 

a)         les montants que le particulier inclut dans le calcul de son revenu pour l'année :

 

(i) à titre de versement de rente viagère prévue par un régime de retraite ou d'autres pensions, ou en provenant,

 

(ii) à titre de versement de rente dans le cadre d'un régime enregistré d'épargne-retraite, d'un régime modifié visé au paragraphe 146(12) ou d'une rente au titre de laquelle une somme est incluse dans le calcul du revenu du particulier par application de l'alinéa 56(1)d.2),

 

(iii) à titre de paiement prévu par un fonds enregistré de revenu de retraite, ou en provenant, ou prévu par un fonds modifié visé au paragraphe 146.3(11),

 

(iv) à titre de versement de rente d'un régime de participation différée aux bénéfices ou d'un régime dont l'enregistrement est révoqué visé au paragraphe 147(15),

 

(v) à titre de versement visé au sous-alinéa 147(2)k)(v),

 

(vi) à titre d'excédent d'un versement de rente inclus dans le calcul du revenu du particulier pour l'année par application de l'alinéa 56(1)d) sur la partie représentant le capital de ce versement visée à l'alinéa 60a);

 

b)       les montants inclus dans le calcul du revenu du particulier pour l'année par application de l'article 12.2 de la présente loi ou de l'alinéa 56(1)d.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952.

 

« revenu de pension admissible » S'agissant du revenu de pension admissible qu'un particulier a reçu au cours d'une année d'imposition, le total des montants suivants inclus dans le calcul de son revenu pour l'année :

 

a)         les montants visés au sous-alinéa a)(i) de la définition de « revenu de pension » au présent paragraphe;

 

b)         les montants visés aux sous-alinéas a)(ii) à (vi) et à l'alinéa b) de la définition de « revenu de pension » au présent paragraphe, reçus par le particulier par suite du décès de son conjoint.

 

[6]     L’expression « régime de pension » n’est pas définie dans la Loi.

 

OBSERVATIONS DES PARTIES

 

[7]     L’appelant soutient que son FRRI est une pension conformément à la loi intitulée Pension Benefits Act, 1992 (Loi de 1992 sur les prestations de retraite) de la Saskatchewan, S.S. 1992, ch. P-6.001, et que, par conséquent, il reçoit un paiement en vertu d’un régime de pension et est admissible au crédit indépendamment du fait qu’il n’avait pas atteint l’âge de 65 ans au cours des années en question. Il est indubitable que le paragraphe 118(3) de la Loi donne droit au crédit pour pension même lorsque le bénéficiaire du paiement n’a pas atteint l’âge de 65 ans avant la fin de l’année au cours de laquelle le paiement a été reçu, pourvu que le paiement en question constitue un « revenu de pension admissible ». L’expression « revenu de pension admissible » est définie de façon à couvrir explicitement un montant « à titre de versement de rente viagère prévue par un régime de retraite ou d’autres pensions, ou en provenant ». L’appelant soutient que les montants qu’il reçoit au titre de son FRRI constituent un « revenu de pension admissible » en raison de cette inclusion explicite. Il allègue que son FRRI est une pension et que les montants qu’il reçoit constituent une rente qui devrait être considérée comme une rente viagère aux fins de ces dispositions de la Loi[2].

 

[8]     L’intimée répond qu’un FRRI ne constitue pas une pension aux fins des dispositions concernées de la Loi et que, dans le cas contraire, les versements en cause effectués par un FRRI ne sont pas « à titre de versement de rente viagère ». Si l’un ou l’autre des arguments de l’intimée est bien fondé, l’appel sera rejeté, parce que l’appelant n’aura pas reçu un revenu de pension admissible au cours de l’une des années en cause. L’intimée fait également valoir que les FERR et les régimes de pension doivent être considérés comme des régimes qui s’excluent mutuellement aux fins des dispositions en cause de la Loi, de sorte que le FRRI de l’appelant, qui est un FERR, ne peut être considéré comme un régime de pension en vertu des dispositions en question.

 

[9]     Le paragraphe 31(1) du règlement appelé Pension Benefits Regulations, 1993 (Règlement de 1993 sur les prestations de retraite) de la Saskatchewan, ch. P‑6.001, Reg. 1, pris en application de la Pension Benefits Act, 1992 est ainsi libellé :

 

[TRADUCTION]

 

31(1)    Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

 

a)       « contrat » contrat relatif à un fonds de revenu de retraite immobilisé, sauf aux alinéas b) et d);

 

b)      « contrat de rente viagère » contrat par lequel une entreprise d’assurance garantit le paiement d’une pension qui n’est pas rachetable pour le titulaire du contrat et qui ne tient pas compte du sexe de la personne et du co-rentier, le cas échéant, lors de la détermination du montant de la pension;

 

c)      « contrat relatif à un compte de retraite immobilisé » compte de retraite immobilisé visé à l’article 29;

 

d)      « contrat relatif à un fonds de revenu de retraite immobilisé » contrat concernant un fonds de revenu de retraite immobilisé enregistré à titre de fonds de revenu de retraite en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada).

 

(2)        Pour l’application de la loi et du présent règlement, un contrat constitue une pension.

 

[10]    Selon l’intimée, les définitions qui précèdent indiquent que, même si un FRRI est une pension aux fins de la Pension Benefits Act et de son règlement, il doit être enregistré à titre de FERR en vertu de la Loi. L’avocat de l’intimée fait valoir que les paiements effectués par le FERR, qui sont expressément visés au sous-alinéa a)(iii) de la définition de « revenu de pension », ne peuvent être considérés comme des paiements visés au sous-alinéa a)(i) de cette même définition. Il ajoute que l’évolution législative des dispositions appuie également cette interprétation. Il expose comme suit son argument à ce sujet aux paragraphes 16 à 18 de son mémoire :

 

[TRADUCTION]

 

16.       L’article 110.2 (maintenant le paragraphe 118(3) de la Loi) a été ajouté en 1975 au moyen du projet de loi C-49, qui faisait partie d’un plan budgétaire plus large destiné principalement à protéger les économies de la population des effets de l’inflation. Un des principaux objectifs visés au cours de cette période était d’alléger le fardeau imposé aux personnes âgées par la poussée inflationniste. L’exemption de 1 000 $ a été mise à la disposition de toute personne qui touchait une pension privée ainsi que des personnes âgées de plus de 65 ans qui recevaient une rente d’un régime enregistré d’épargne-retraite ou encore un paiement d’un régime de participation différée aux bénéfices[3]. Lorsque le projet de loi C-49 a été déposé, il n’existait pas de dispositions légales concernant les fonds enregistrés de revenu de retraite. Cependant, lorsqu’il a adopté le projet de loi C-49, le législateur a fait une distinction entre les pensions privées et les régimes de placement administrés à titre individuel, comme les régimes enregistrés d’épargne-retraite et les régimes de participation différée aux bénéfices pour les personnes âgées de moins de 65 ans.

 

17.       Le projet de loi C-49 a fait l’objet d’un débat à la Chambre des communes le 18 novembre 1974, au cours de la première session de la 30e législature. Il appert clairement des débats de la Chambre des communes que le projet de loi C-49 visait à offrir un allégement fiscal aux personnes âgées de plus de 65 ans[4].

 

18.       Les dispositions légales concernant les FERR ont été présentées dans le projet de loi C-56 en 1978. Les modifications apportées à la Loi en 1978 modifiaient différents articles de façon à tenir compte du nouveau concept du FERR. La définition de l’expression « revenu de pension admissible », qui se trouvait à l’alinéa 110.2(3)b) (aujourd’hui le paragraphe 118(7)) de la Loi, a été élargie de manière à inclure les versements provenant d’un FERR, de sorte que l’exemption de 1 000 $ puisse être invoquée par une personne n’ayant pas atteint l’âge de 65 ans, pourvu qu’elle reçoive les versements en question par suite du décès de son conjoint. Le législateur s’est spécifiquement abstenu de rendre le crédit accessible aux personnes âgées de moins de 65 ans, sauf dans des cas très restreints.

 

[11]    L’avocat de l’intimée a également cité dans son mémoire un arrêt qui porte sur l’application du paragraphe 118(3) de la Loi aux paiements reçus au titre d’un FERR par un particulier âgé de moins de 65 ans. L’affaire Whalen c. Canada, C.C.I., no 93‑2748(IT)I, 2 juin 1994, [1995] 1 C.T.C. 2339, 95 D.T.C. 356, qui a été entendue conformément à la procédure informelle par le juge O’Connor le 9 mai 1994, portait sur le cas d’un employeur qui, après avoir licencié le contribuable, a versé dans le REÉR de celui-ci la pension à laquelle il avait droit. Le contribuable a ensuite converti le REÉR en FERR. Il a retiré de l’argent de son FERR et demandé le crédit pour pension de 1 000 $ dans les déclarations de revenus qu’il a produites pour les années en question. En rejetant l’appel de l’appelant, le juge O’Connor s’est exprimé comme suit :

 

La loi précise bien que les paiements prévus par un FERR ne donnent pas aux bénéficiaires âgés de moins de 65 ans le droit de recevoir le crédit d’impôt pour pension de 1 000 $. Il est vrai que si les paiements avaient été transmis directement du régime de pension de la Camco, le crédit serait accordé. Bien qu’on puisse retracer l’origine des sommes en question grâce aux documents qui existent à cet effet, cela ne suffit pas à modifier l’application de la Loi. Les paiements prévus par un FERR sont différents des paiements faits directement en vertu d’une pension. L’appelant contrôle ses placements dans un FERR et le montant des paiements qui lui sont faits. L’appelant a probablement agi prudemment du point de vue fiscal en effectuant un transfert libre d’impôt de sa pension de compagnie dans son REER et en le transférant ensuite libre d’impôt dans un FERR. Ayant agi de la sorte, il ne peut toutefois prétendre maintenant que les paiements provenant du FERR doivent être considérés de la même manière que des paiements faits directement en vertu du régime de pension de sa compagnie. L’appel est rejeté.

 

ANALYSE

 

[12]    Étant donné que l’appelant n’avait pas atteint l’âge de 65 ans avant la fin des années en question, les montants qu’il a reçus à même son FERR doivent constituer un revenu de pension admissible. Puisqu’il n’a pas reçu les montants par suite du décès de son conjoint, il n’aura touché un revenu de pension admissible au cours des années en cause que si les paiements versés à même son FERR étaient visés au sous-alinéa a)(i) de la définition de « revenu de pension », c’est-à-dire s’ils étaient des versements de rente viagère prévue par un régime de pension, ou en provenant.

 

[13]    J’examinerai d’abord la question de savoir s’il est nécessaire, pour interpréter correctement les dispositions en cause, d’exclure les paiements d’un FERR de la définition de « revenu de pension » énoncée au sous-alinéa a)(i). Au soutien de sa position, l’intimée invoque l’arrêt Whalen.

 

[14]    Je ne crois pas que l’arrêt Whalen appuie nécessairement cette position, bien qu’il existe d’autres décisions que l’avocat de l’intimée n’a pas mentionnées et qui sembleraient favorables à cette thèse. Il s’agit des arrêts Saucier c. La Reine, C.C.I., no 1999‑3807(IT)I, 12 juin 2000, résumé à 2000 D.T.C. 3615, et Kennedy c. La Reine, C.C.I., no 2000‑2785(IT)I, 21 juin 2001. Dans la première affaire, le juge Lamarre Proulx a refusé une demande de crédit fondée sur le paragraphe 118(3) à l’égard des paiements versés à même un REÉR à un rentier qui n’avait pas atteint l’âge de 65 ans. Elle a statué que les paiements en cause n’étaient ni des versements de rente viagère ni des montants reçus par suite du décès d’un conjoint, de sorte que le ministre avait à juste titre refusé le crédit d’impôt prévu au paragraphe 118(3) de la Loi. Je ne crois pas que cette décision permet nécessairement de dire qu’un versement d’un régime enregistré ne peut donner droit au crédit pour pension lorsqu’il s’agit d’un « versement de rente viagère » et lorsqu’il est prouvé que le paiement était « prévu par un régime de retraite ou d’autres pensions, ou en provenant ». Cela suppose également que le régime enregistré en question, comme un FERR en l’espèce, est un « régime de pension » qui peut détenir des rentes viagères et qui en détient effectivement. En tout état de cause, il a été conclu dans l’affaire Saucier que les paiements en question versés à même le REÉR n’étaient pas des versements de rente viagère. Par conséquent, ils ne constituaient pas un « revenu de pension » au sens de la définition énoncée au sous-alinéa a)(i). Cela signifie donc que les paiements examinés dans l’affaire Saucier ne constituaient pas un revenu de pension admissible, à moins qu’ils n’aient été reçus par suite du décès du conjoint du bénéficiaire. Étant donné que les paiements n’avaient pas été reçus par suite du décès du conjoint du bénéficiaire, et puisque celui-ci n’avait pas atteint l’âge de 65 ans avant la fin de l’année de réception, le paragraphe 118(3) s’appliquerait de façon à refuser le crédit.

 

[15]    Dans l’arrêt Kennedy, le juge Bowie a statué que les paiements provenant d’un FERR ne peuvent être considérés comme des paiements prévus par un régime de retraite ou d’autres pensions tout simplement parce que les sommes du FERR provenaient à l’origine d’un régime de pension[5]. Cela signifie que l’arrêt Kennedy ne permet pas de soutenir que les paiements versés à même un régime enregistré ne sont jamais des versements de rente viagère prévue par un régime de retraite ou d’autres pensions, ou en provenant[6].

 

[16]    De même, dans l’arrêt Whalen, que l’intimée a invoqué, le juge O’Connor n’a pas mentionné qu’aucun paiement versé à même un FERR ne peut être considéré comme un revenu de pension en vertu de la Loi. Il a plutôt déclaré expressément que les régimes enregistrés dont le rentier contrôle les placements ainsi que les montants qui doivent lui être versés ne constituent pas un revenu de pension visé au sous-alinéa a)(i) de la définition de ce terme. Ce raisonnement établit effectivement une distinction propre au régime examiné dans cette affaire; toutefois, il ne concerne pas la situation où des rentes viagères sont détenues dans le FERR. Dans cette mesure, le rentier a perdu une partie du contrôle des placements ainsi que des montants pouvant lui être versés à même le régime. De plus, si l’inflation a été un facteur pris en compte pour que les rentes viagères donnent droit au crédit pour pension indépendamment de l’âge (comme le laisse entendre le discours du budget que l’avocat de l’intimée a cité dans son mémoire[7]), j’estime que, lorsqu’une partie d’un FERR a été investie dans des rentes viagères, il y a des chances que le bénéficiaire ne soit pas davantage protégé des effets de l’inflation que s’il avait détenu la rente directement.

 

[17]    J’ai fait ces distinctions uniquement parce que l’appelant a affirmé, à juste titre à mon sens, que son FRRI est un « régime de pension », de sorte que les paiements qu’il a reçus sont visés par la définition de l’expression « revenu de pension » figurant au sous-alinéa a)(i). La Pension Benefits Act de la Saskatchewan et son règlement portent que, pour l’application de cette loi et de ce règlement, un FRRI est une pension. Par conséquent, en vertu de la loi de la Saskatchewan, un paiement effectué par un FRRI est un paiement effectué par un régime de pension. Le fait que le FRRI doive, en vertu de la loi de la Saskatchewan, être enregistré à titre de FERR sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas pertinent à la question de savoir s’il constitue ou non une pension selon la loi de la Saskatchewan. Par conséquent, il me semble évident qu’en vertu de la loi du ressort applicable, en l’occurrence la Saskatchewan, un FRRI est une pension aux fins de la définition de l’expression « revenu de pension » en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il semble donc indéniable que la Loi permettrait à l’appelant de demander le crédit pour pension, même s’il n’avait pas encore atteint l’âge de 65 ans à la fin des années en cause et qu’il ne recevait pas les paiements par suite du décès de son conjoint, pourvu que son FERR ait détenu des rentes viagères[8]. À mon avis, cela signifie qu’un paiement est un « versement de rente viagère » au sens de la Loi lorsque les fonds du régime de pension, c’est-à-dire le FERR, ont été investis dans des rentes viagères, du moins dans la mesure où il est raisonnable de conclure que le paiement reçu découle du revenu des rentes viagères détenues dans le FERR. En pareil cas, la politique des dispositions en cause se rapportant aux rendements fixes et à la perte du contrôle des placements semble s’appliquer autant à la décision d’investir dans des rentes à l’intérieur d’un régime qu’à une décision semblable prise en dehors d’un régime. À mon avis, le fait de dire que, lorsqu’une rente viagère est détenue dans un FERR, un paiement versé à même celui-ci pourrait être visé à la fois par les sous-alinéas a)(i) et (iii) de la définition de « revenu de pension » ne va à l’encontre d’aucune règle d’interprétation des lois. Par conséquent, ce paiement est visé tant à l’alinéa a) qu’à l’alinéa b) de la définition de « revenu de pension admissible ». Je ne suis pas disposé à admettre que le traitement prévu à l’alinéa b), plutôt que celui prévu à l’alinéa a), devrait être imposé aux personnes qui reçoivent des paiements à même un FERR dont les sommes ont été placées dans une rente viagère ou plusieurs[9].

 

[18]    L’appelant n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que les sommes de son FRRI avaient été investies dans une rente viagère. De plus, je ne puis souscrire à l’argument de l’appelant selon lequel les paiements qu’il a reçus de son FRRI constituent une « rente ». Même si tel est le cas, cela ne suffit pas. Les exigences de la Loi sont claires; pour avoir gain de cause, l’appelant doit démontrer, à tout le moins, que son FRRI détenait une « rente viagère » qui, en vertu de la loi de la Saskatchewan, est un contrat de rente conclu avec une entreprise d’assurance et défini par la loi. Apparemment, aucun contrat de cette nature n’était détenu dans le FRRI de l’appelant. En conséquence, l’appelant ne peut avoir gain de cause, en dépit du fait qu’il m’a persuadé que son FRRI était une pension en vertu de la loi de la Saskatchewan et que les paiements versés à même un FRRI ne sont pas nécessairement exclus à titre de source de revenu de pension admissible même lorsqu’ils ne sont pas reçus par suite du décès d’un conjoint.

 

[19]    En ce qui a trait à l’argument fondé sur la Charte que l’appelant a invoqué, je souligne que cet argument a été examiné dans l’arrêt Kennedy. Le juge Bowie a rejeté cet argument dans cet arrêt et je souscris à son raisonnement, par lequel il a adopté le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Law c. Canada, [1999] 1 R.C.S. 497[10]. Pour faire invalider une disposition légale qui établit une distinction entre des personnes (ou des groupes) en fonction de l’âge (ou de la situation de famille), il est nécessaire de prouver que la différence de traitement prive le demandeur d’un avantage d’une manière qui dénote une application stéréotypée de caractéristiques présumées de ce groupe ou de cette personne ou qui a pour effet de perpétuer ou de promouvoir l’opinion que l’individu ou le groupe touché est moins capable ou est moins digne de recevoir l’avantage ou d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain ou membre de la société canadienne que la personne ou le groupe qui a reçu l’avantage. Le juge Bowie a conclu que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu en question visent à améliorer, dans une faible mesure, le sort des personnes âgées de 65 ans ou plus et celui des personnes qui ont perdu un conjoint qui contribuait au revenu familial. Comme l’a fait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Law, le juge Bowie a conclu que ces dispositions légales ne portaient pas atteinte à la dignité humaine des personnes favorisées (ou des personnes qui ne reçoivent pas l’avantage). Je souscris aux conclusions du juge Bowie en ce qui a trait à ce moyen d’appel. En conséquence, je suis d’avis que l’argument fondé sur la Charte ne peut être retenu[11].

 

[20]    Les appels sont rejetés sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de février 2002.

 

 

« J. E. Hershfield »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur



[1]     Annexe B du Canada Act, 1982 (R.-U.), ch. 11.

[2]     L’appelant a également fait valoir qu’il est important de déterminer le type de régime d’où proviennent les montants du régime enregistré (c’est-à-dire un régime à prestations déterminées par opposition à un régime à cotisations déterminées). Il appert de l’arrêt Kennedy (voir le paragraphe 14 et la note au bas de page 5 des présents motifs) que le type de régime qui constituait la source première des fonds du plan qui effectue les versements n’est pas pertinent.

[3]     D’après le discours du budget que l’honorable John N. Turner, ministre des Finances et député d’Ottawa-Carleton, a prononcé le lundi 18 novembre 1974.

[4]     Débats de la Chambre des communes, 30e législature, première session, 1974-1975.

[5]     Il appert de l’arrêt Kennedy que le type de régime qui constituait la source première des fonds du régime qui effectue les versements n’est pas pertinent. Je souscris à cette conclusion, qui dispose de l’aspect de l’argument de l’appelant selon lequel il y a lieu d’examiner la nature du régime qu’il a subséquemment converti en FERR. De même, la nature des options qui s’offraient à lui et les raisons pour lesquelles il a choisi un FERR ne sont pas pertinentes.

[6]     Au paragraphe 5 du jugement qu’il a rendu dans l’affaire Kennedy, le juge Bowie précise que les paiements versés à même un FERR entrent dans le cadre de la définition de « revenu de pension admissible » uniquement s’ils ont été reçus par suite du décès du conjoint du bénéficiaire. Cependant, compte tenu du contexte de cette remarque, il y a probablement lieu de dire que le juge Bowie faisait allusion aux FERR qui n’avaient pas été investis dans des rentes viagères.

[7]     Dans son discours du budget, l’honorable John N. Turner (voir la note au bas de page 3 des présents motifs) mentionne explicitement que les mesures proposées visaient à protéger les personnes des effets de l’inflation. Même s’il poursuit son discours en parlant de la nécessité de protéger les personnes âgées, les dispositions législatives ne limitent pas ainsi l’avantage du crédit d’impôt à celles-ci en ce qui a trait aux versements d’une rente viagère prévue par un régime de pension.

[8]     Le paragraphe 146.3(1) définit les placements admissibles aux fins des FERR et le sous-alinéa (b.2) permet les placements dans des rentes.

[9]     Fait intéressant à souligner, un versement de « rente » « dans le cadre » d’un REÉR est expressément mentionné au sous-alinéa a)(ii) de la définition de « revenu de pension ». Or, ce paiement n’est pas mentionné de manière explicite au sous-alinéa a)(iii) de la définition, qui concerne « un paiement prévu » par un FEER, « ou en provenant ». Je ne saisis pas l'importance de ces différences, même si je constate que certains régimes enregistrés permettent différents types de rentes à titre de placements admissibles. Pour conclure qu’un FERR peut être visé par le sous-alinéa a)(i) de la définition de « revenu de pension », j’ai tenu compte du fait qu’un FERR peut investir dans des rentes viagères comme le prévoit cette même disposition. Cette possibilité n’existe peut-être pas dans le cas des autres régimes enregistrés.

[10]    Dans l’arrêt Law, la Cour suprême a examiné la validité d’une loi accordant des avantages fondés sur l’âge, c’est-à-dire un traitement différent selon l’âge.

[11]    Je souligne que les exigences de la Loi sur la Cour fédérale en ce qui a trait à l’avis d’un argument fondé sur la Charte n’ont pas été respectées en l’espèce. Si l’argument était fondé, l’appelant aurait eu la possibilité de donner cet avis.

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