Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020221

Dossier: 2001-2234(IT)I

 

ENTRE :

 

PATRICK JAMES,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

         

intimée.

____________________________________________________________________

 

Pour l'appelant : L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée : Me Jasmine Sidhu

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(rendus oralement à l'audience le

28 novembre 2001, à Vancouver (Colombie-Britannique))

 

Le juge Mogan

 

[1]     L'appelant est qualifié en technologie de l'information. En 1997 et en 1998, il vivait  à Calgary, mais il a reçu des offres de travailler ailleurs. En 1998, il a décidé d'accepter une offre de fournir des services à la direction générale de la distribution des alcools de la province de Colombie‑Britannique. Je ne suis pas certain quant à savoir si l'offre d'emploi est venue directement de cette direction générale ou si elle a été transmise par une société appelée Computer Task Group (« CTG »), située à Toronto.

 

[2]     D'après ce qu'il a dit lors de son témoignage — et ceci n'a pas été contesté —, l'appelant avait été tenu de constituer une société pour recevoir les honoraires relatifs aux services qu'il rendait à la direction générale de la distribution des alcools. Il a constitué Stellar Information Technology Management Inc. (« Stellar »), en vertu des lois de la Colombie‑Britannique. Il en était le seul actionnaire et administrateur. Pour accepter le travail, Stellar a conclu une convention en date du 6 juillet 1998 avec CTG. La première page de cette convention figure en annexe à la déclaration de revenu de l'appelant pour 1999, qui a été déposée comme pièce sous la cote R‑1.

 

[3]     Pour les neuf premiers mois pendant lesquels l'appelant a fourni des services à la direction générale de la distribution des alcools, c'est‑à‑dire de juillet 1998 à mars 1999, les paiements sont allés de la direction générale de la distribution des alcools à CTG; Stellar présentait des factures à CTG, puis CTG payait Stellar. C'est ainsi que les services de l'appelant étaient rémunérés. Je décrirai ci‑après comment l'appelant retirait l'argent de Stellar pour assurer sa subsistance.

 

[4]     Après avoir décidé d’accepter le poste, l'appelant a, en juillet 1998, déménagé de Calgary à Surrey (Colombie‑Britannique). Il a immédiatement cherché une maison pour sa famille et, vers septembre 1998, son épouse a déménagé à Surrey, et ils se sont installés. L'appelant a engagé des frais importants pour le déménagement de sa famille de Calgary à Surrey. D'après les actes de procédure, ces frais étaient de l’ordre de 19 700 $. Toujours d'après les actes de procédure, l'appelant a cherché à déduire ces frais dans le calcul de son revenu pour 1999, mais il me semble qu'il aurait peut‑être mieux valu qu'il les déduise pour 1998, année dans laquelle ils ont en fait été engagés pour le déménagement.

 

[5]     D'après l'avis d'appel, il semble que l'appelant ait interjeté appel pour l'année d'imposition 1998, bien qu'il ait en fait déduit les frais de déménagement dans le calcul de son revenu pour 1999 et que cette déduction pour 1999 n'ait pas été admise. Je présume que ce qu'il demande, c'est de pouvoir déduire ces frais pour 1998, année civile dans laquelle ces frais ont été engagés.

 

[6]     Pour ce qui est des éléments de preuve, l'appelant avait accepté un nouveau travail en Colombie‑Britannique, ce qui l'avait obligé à déménager de Calgary (Alberta) à Surrey (Colombie‑Britannique). Il a à cet égard engagé environ 19 000 $ de frais de déménagement en septembre 1998. Il s'est lancé dans son nouveau travail en juillet 1998 et a constitué Stellar pour recevoir de la direction générale de la distribution des alcools, directement ou indirectement, les honoraires relatifs au travail qu'il accomplissait. L'appelant soutient que sa demande est conforme à l'esprit de la Loi et que ses frais de déménagement devraient pouvoir être déduits parce que le gouvernement du Canada a pour politique de faire en sorte qu'il soit facile pour des gens de passer d'un endroit à un autre, que ce soit pour accepter un nouvel emploi ou pour exploiter une entreprise. Cette politique se reflète dans l'article 62 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), qui est l'article permettant de déduire des frais de déménagement dans le calcul du revenu.

 

[7]     La position de l'intimée est quelque peu technique et se fonde sur la manière dont l'appelant retirait des fonds de Stellar. En 1998, les honoraires versés par la direction générale de la distribution des alcools à CTG étaient ensuite versés à Stellar. Il n'y a aucun élément de preuve quant à savoir si une commission était versée à CTG; quoi qu'il en soit, l'argent passait de la direction générale de la distribution des alcools à CTG, société avec laquelle Stellar avait conclu la convention, puis Stellar recevait de CTG les honoraires. Conformément au conseil reçu par l'appelant en 1998, Stellar a déclaré un dividende de 57 500 $ payable à l'appelant en 1998. Stellar a en outre payé un dividende de 22 000 $ à l'appelant en 1999.

 

[8]     La position de Revenu Canada est que les frais de déménagement ne peuvent être déduits d'un revenu en dividendes, car il s'agit là d'un revenu provenant d'un bien et non d'un revenu tiré d'un emploi ou de l'exploitation d'une entreprise. À l'appui de cette position, Revenu Canada invoque le sous‑alinéa 62(1)c)(i) de la Loi, qui se lit comme suit :

 

62(1)    Un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les sommes qu'il a payées au titre des frais de déménagement engagés relativement à une réinstallation admissible dans la mesure où, à la fois :

 

            […]

 

c)         leur total ne dépasse pas le montant applicable suivant :

 

(i)         […] le revenu du contribuable pour l'année tiré de son emploi au nouveau lieu de travail ou de l'exploitation de l'entreprise au nouveau lieu de travail, selon le cas […]

 

Revenu Canada affirme que l'appelant a non pas un revenu provenant d'une entreprise ou d'un emploi, mais seulement des dividendes qu’il a reçus en tant qu'actionnaire de Stellar. Il n'a aucun arrangement en matière de partage de profits avec Stellar, qui gagne l'ensemble du revenu et verse un dividende à l’appelant. Donc, l'appelant n'ayant déclaré aucun revenu provenant d'une entreprise ou d'un emploi, il n'y avait aucun revenu duquel déduire les frais de déménagement au sens de l'article 62 de la Loi.

 

[9]     Introduit dans la Loi il y a plus de 25 ans, l'article 62 ne tenait pas compte de la conjoncture impitoyable des années 1990, au cours desquelles de nombreux employeurs potentiels évitaient leur rôle d'« employeur » en insistant pour que certaines personnes rendant des services constituent une société et présentent des factures par l'intermédiaire de cette société, de manière que les services soient rendus par un entrepreneur indépendant et non par un employé. Un tel arrangement permet à l'« employeur » d'éviter de payer certains avantages comme des pensions, des régimes de soins médicaux et d'autres avantages qui pourraient par ailleurs avoir été négociés comme payables aux employés du payeur. Cette tendance s'est assurément raffermie ces dernières années, bien après l’introduction de l'article 62 dans la Loi. Il était difficile à l'appelant de remplir certaines des conditions de l'article 62, car il s'était fait dire par le futur « employeur » (payeur) que, s'il voulait fournir les services et gagner les honoraires, il devait constituer une société et, par l’intermédiaire de celle‑ci, présenter des factures à CTG.

 

[10]    Puisqu'il était pris dans cette situation, l'appelant argue que la cotisation de Revenu Canada va à l'encontre de l'esprit de la Loi et qu'il se trouve être traité durement et peut‑être injustement. Son argument n'est pas dépourvu de fondement, mais il y avait d'autres façons de retirer des fonds de Stellar, grâce auxquelles les frais de déplacement seraient déductibles. Si, au lieu de retirer de l'argent de la société par voie de dividendes, l'appelant s'était simplement inscrit dans le livre de paye de Stellar et s'était versé un salaire qui aurait pu s'élever à environ 55 000 $ pour les six derniers mois de 1998, il aurait été un employé de Stellar, il aurait eu un revenu d'emploi, le revenu aurait été tiré de son emploi au nouveau lieu de travail, et il me semble que l’appelant aurait pu déduire les frais de déménagement du revenu provenant de l’emploi qu’il aurait exercé pour Stellar.

 

[11]    Malheureusement, je dois rejeter l'appel, car l'appelant était pris dans la situation de devoir utiliser la personne morale pour gagner les honoraires de consultation, alors qu'il avait payé personnellement les frais de déménagement. Ayant fait en sorte que les honoraires de consultation soient gagnés et s'accumulent au sein de Stellar, l’appelant n'a pas retiré d'argent de Stellar comme salarié de cette dernière. S'il avait été un salarié de Stellar, il aurait eu un revenu d'emploi, duquel des frais de déménagement sont déductibles. L’appelant retirait de l'argent de Stellar par voie de dividendes, ce qui, à mon avis, ne représente pas une source déductible relativement à l'article 62.

 

[12]    L'appelant argue que Revenu Canada est allé à l'encontre de l'esprit de la Loi. Son argument n'est pas dénué de fondement par rapport à ce que j'ai déjà appelé la conjoncture impitoyable des années 1990. Toutefois, l'appelant peut aussi être allé à l'encontre de l'esprit de la Loi en utilisant la voie des dividendes de Stellar pour assurer sa subsistance parce que les dividendes font l'objet d'un traitement fiscal favorable. Je parle évidemment du crédit d'impôt pour dividendes prévu aux articles 82 et 121 de la Loi. Donc, l'appelant ayant choisi de retirer de l'argent de Stellar par voie de dividendes, lesquels font l'objet d'un traitement fiscal favorable, il est peut‑être moins bien placé pour se plaindre d'une injustice quand Revenu Canada fait valoir qu'il a choisi la voie des dividendes et que des frais de déménagement ne peuvent être déduits de dividendes. Ayant suivi un conseil que je considère comme inadéquat à tout le moins, l'appelant se retrouve dans une situation où les frais de déménagement ne peuvent être déduits de son revenu en dividendes. Je dois rejeter l'appel pour 1998.

 

[13]    J'ajouterai une note. L'appelant doit avoir produit sa déclaration de revenu pour 1998 au printemps 1999, et une première cotisation a été établie à son égard probablement vers le mois de mai 1999. Il n'y a donc pas encore eu expiration de la « période normale de nouvelle cotisation », qui est de trois ans à partir de la date de la première cotisation établie à l’égard de l’appelant pour 1998. Par conséquent, je suggère à l'appelant de s'adresser à Revenu Canada pour demander si le ministère accepterait de l'appelant et de Stellar des déclarations de revenu modifiées pour 1998 et 1999 transformant en salaires les dividendes payés par Stellar à l'appelant. Si l'appelant pouvait faire cela et sacrifier quelque crédit d'impôt pour dividendes, il aurait un revenu d'emploi duquel les frais de déménagement pourraient être déduits. Si l'appelant entend présenter une telle demande à Revenu Canada, il devrait déposer des renonciations pour 1998 pour lui et Stellar.

 

[14]    À partir de la preuve limitée qui m'a été présentée, je ne peux déterminer si les déclarations de revenu modifiées qui sont suggérées ci‑devant seraient justes et équitables pour les deux parties. L'appel pour l'année d’imposition 1998 est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de février 2002.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de janvier 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.