Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

1999-1113(IT)G

ENTRE :

THOMAS F. CHEEK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus le 31 juillet et le 1re août 2001 à Toronto (Ontario) par

 

l'honorable juge M. A. Mogan

 

Comparutions

 

Avocats de l'appelant :              Mes Clifford L. Rand et David Muha

 

Avocat de l'intimée :                  Me David E. Spiro

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996 sont admis avec dépens et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant est exonéré de l'impôt sur le revenu au Canada en vertu de l'article XVI de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, au motif qu’il n’est pas un artiste de la radio.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2002.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020131

Dossier: 1999-1113(IT)G

 

 

ENTRE :

THOMAS F. CHEEK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Mogan

 

[1]     L'appelant a interjeté appel des cotisations d'impôt établies à son égard pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996. Dans chacune de ces années, il était un résident des États‑Unis d’Amérique et il n’était pas un résident du Canada. Il est toutefois venu fréquemment au Canada pour faire la description radiophonique de toutes les parties jouées à domicile par les Blue Jays de Toronto, une équipe de la Ligue américaine de baseball. Au sein de la communauté sportive de Toronto, l’appelant est souvent appelé la « voix des Blue Jays », mais ce n’est pas ainsi qu’il se qualifie lui‑même.

 

[2]     L’appelant a produit des déclarations de revenu au Canada pour chacune des années visées par l’appel. Il y a inclus les montants qu’il a tirés, au Canada, de la description radiophonique des parties jouées à domicile par les Blue Jays, mais il en a ensuite demandé la déduction en vertu du sous‑alinéa 110(1)f)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu, tenant pour acquis qu’ils étaient exonérés de l’impôt au Canada en vertu d’une disposition de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique. Dans des avis de cotisation qu’il a établis à l’égard de l’appelant, le ministre du Revenu national a rejeté la demande de déduction des montants faite en vertu de l’alinéa 110(1)f) dans chacune des années 1993, 1994, 1995 et 1996. L’appelant a interjeté appel de ces cotisations, faisant valoir que le revenu qu’il avait tiré, au Canada, de la radiodiffusion des parties jouées à domicile par les Blue Jays, était exonéré de l’impôt au Canada en raison des articles XIV et XVI de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique, que j’appellerai ci‑après la « Convention ». Le litige, en l’espèce, porte principalement sur l’interprétation de l’article XVI de la Convention.

 

[3]     Le revenu gagné au Canada par un particulier non résident peut être imposable si ce particulier est employé au Canada ou s’il y exploite une entreprise. Le paragraphe 2(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu est libellé dans les termes suivants :

 

2(3)      Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu par la présente loi, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l'année, déterminé conformément à la section D, par la personne non imposable en vertu du paragraphe (1) pour une année d'imposition et qui, à un moment donné de l'année ou d'une année antérieure, a :

 

a)         soit été employée au Canada;

b)         soit exploité une entreprise au Canada;

c)         soit disposé d'un bien canadien imposable.

 

Conformément à cette disposition, l’appelant a inclus dans son revenu les montants qu’il estimait avoir tirés de la vente, au Canada, de ses services de journalisme et de promotion relativement aux Blue Jays de Toronto. Il a ensuite déduit ces montants en vertu du sous‑alinéa 110(1)f)(i), dont voici le libellé :

 

110(1)  Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

 

            a)         [...]

 

f)          toute prestation d'assistance sociale [...] ou toute somme dans la mesure où

 

(i)         une somme exonérée de l'impôt sur le revenu au Canada par l'effet d'une disposition de quelque convention ou accord fiscal avec un autre pays qui a force de loi au Canada,

 

[4]     Dans les actes de procédure, l’intimée a admis que, durant les périodes pertinentes, l’appelant n’avait pas été un résident du Canada, mais un résident des États‑Unis. Par conséquent, l’assujettissement de l’appelant à l’impôt sur le revenu au Canada est déterminé par la Convention car, lorsqu’il y a incompatibilité entre les dispositions de la Convention et celles de la Loi de l’impôt sur le revenu, ce sont celles de la Convention qui l’emportent, dans la mesure de l’incompatibilité. Voir les Lois du Canada 1984, volume 1, chapitre 20, paragraphe 3(2). Les articles pertinents de la Convention, les articles XIV et XVI, sont reproduits ci‑après :

 

Article  XIV — Professions indépendantes

 

Les revenus qu'une personne physique qui est un résident d'un État contractant tire d'une profession indépendante sont imposables dans cet État. Ces revenus sont aussi imposables dans l'autre État contractant si la personne physique dispose, ou a disposé, de façon habituelle d'une base fixe dans cet autre État mais uniquement dans la mesure où les revenus sont imputables à la base fixe.

 

 

Article  XVI — Artistes et sportifs

 

Nonobstant les dispositions des articles XIV (Professions indépendantes) et XV (Professions dépendantes), les revenus qu'un résident d'un État contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l'autre État contractant en tant qu'artiste du spectacle, tel qu'un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu'un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre État sauf si le montant des recettes brutes, y compris les dépenses qu'on lui rembourse ou qui sont encourues en son nom, que cet artiste du spectacle ou ce sportif tire de telles activités n'excède pas quinze mille dollars ($15,000) en monnaie de cet autre État au cours de l'année civile considérée.

 

[5]     L’appelant soutient que le revenu qu’il tire de la description radiophonique des parties de baseball n’est imposable qu’aux É.‑U. en vertu de l’article XIV au motif qu’il n’a « disposé, de façon habituelle d’[aucune] base fixe » au Canada pendant les périodes pertinentes. Pour établir les cotisations initiales visées par l’appel, le ministre du Revenu national s’est fondé sur deux postulats. Premièrement, le revenu que l’appelant avait gagné au Canada était imposable au Canada en vertu de l’article XIV parce qu’il était attribuable à une base fixe au Canada (c.‑à‑d. le SkyDome, à Toronto), dont l’appelant disposait de façon habituelle. Deuxièmement, le revenu de l’appelant était imposable au Canada en vertu de l’article XVI parce qu’il avait gagné le revenu en question au Canada « en tant qu’artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision ».

 

[6]     Six semaines avant le début du procès, l’avocat de l’intimée a informé la Cour et l’avocat de la partie adverse que l’intimée n’invoquerait pas l’article XIV de la Convention. C’est pour cette raison qu’au procès les parties se sont limitées à présenter des arguments sur l’application de l’article XVI. Si l’intimée obtient gain de cause sous le régime de l’article XVI, il faudra trancher la question subsidiaire de savoir quel est le montant du revenu que l’appelant tire des services qu’il fournit au Canada. En résumé, la question principale est de savoir si l’appelant est un « artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision » au sens de l’article XVI de la Convention.

 

Preuve

 

[7]     Au procès, l’appelant a fourni des précisions sur sa longue expérience d’animateur radio et sur les services qu’il fournit eu égard à la radiodiffusion des parties des Blue Jays. L’appelant est né à Pensacola, en Floride, en 1939. Il s’est enrôlé dans la U.S. Air Force en 1956 à l’âge de 17 ans. Pendant les trois années subséquentes, il s’est spécialisé dans le domaine des communications – il a été affecté à la Strategic Air Command. Il utilisait un téléimprimeur pour envoyer et recevoir des messages. Après son renvoi de la U.S.A.F., il a travaillé pour une firme d’ingénierie —  en 1959 et 1960 —  dans la partie nord de l’État de New York. En 1961 et 1962, il a fréquenté le Cambridge School of Broadcasting à Boston. Son diplôme en poche, il a postulé des emplois dans de petites stations radio.

 

[8]     En 1962, l’appelant a été engagé pour l’été à titre de présentateur de nouvelles de relève à la station WEAV de Plattsburg, N.Y. Il y a fait la lecture des nouvelles, y compris celles du sport, en plus de diffuser de la musique, de 9 h à midi et de 15 h à 18 h. À la fin de son emploi d’été, c’est‑à‑dire à l’automne de 1962, il a été engagé par la station WJOY de Burlington, au Vermont, pour faire la lecture des nouvelles, y compris celles du sport, et pour vendre de la publicité à la radio. Il a dit de cet emploi qu’il était axé davantage sur la vente que sur la présentation de nouvelles. Cependant, c’est quand il occupait ce poste qu’il a commencé à passer ses soirées dans les gymnases et les stades des environs de Burlington pour assister aux parties de basketball et de hockey.

 

[9]     En 1964, il a accepté un emploi dans une station radio de Rutland, au Vermont, où il a occupé, sans supervision aucune, le créneau de 6 h à 9 h. Son travail consistait à faire la lecture des nouvelles, y compris celles du sport, à donner la météo et l’heure, à faire jouer de la musique, et aussi à présenter des commentaires personnels. Le téléimprimeur était relié à la United Press International (« UPI »), un service de presse. L’appelant a indiqué qu’une partie de son travail consistait à « déchirer et à lire » les nouvelles. Il déchirait, sur le téléimprimeur, les informations qui parvenaient de UPI et il en faisait la lecture directement aux auditeurs, sans avoir parcouru le texte au préalable. C’est à Rutland qu’il a commencé à faire la couverture des parties disputées par les équipes sportives des écoles secondaires et du collège de l’endroit. Il se rendait sur les lieux, branchait le matériel nécessaire et faisait la description de la partie.

 

[10]    En 1965, l’appelant est retourné à WJOY, à Burlington, cette fois‑ci à titre de directeur des sports et commentateur, directeur de la programmation,  présentateur attitré et courtier en publicité. À divers moments, il a aussi animé l’émission du matin et celle correspondant à l'heure de pointe du soir. En 1968, il s’est joint au groupe de télévision, devenu le canal 22, à Burlington, mais cet emploi n’a duré que huit mois. En 1969, il a commencé à travailler pour WCAX à Burlington, devenue par la suite WBVT. Il y est resté jusqu’en 1976 à titre de directeur des ventes, puis à titre de directeur des sports. Lorsqu’il a mis fin à sa carrière de vendeur, il est retourné à son métier préféré : la description radiophonique d’événements sportifs locaux. Durant son séjour à Rutland, il avait eu l’occasion de faire la description de certaines parties locales des Red Sox de Boston. Par la suite (vers 1973) — alors qu’il travaillait toujours à WBVT —, il a commencé à faire la description de certaines des parties que les Expos de Montréal disputaient à domicile.

 

[11]    La chance a véritablement souri à l’appelant (il travaillait toujours pour WBVT) quand on lui a demandé de décrire à la radio les parties des Expos de Montréal, qui étaient télévisées. Il était le présentateur sur appel pour 20 à 40 parties disputées à domicile par saison. Pour se pratiquer, il enregistrait sa description à l’aide d’un magnétophone, puis il faisait jouer l’enregistrement et en faisait la critique dans son auto sur le chemin qui le ramenait de Montréal à Burlington, où il habitait. Aux alentours de 1976, l’appelant a entendu dire qu’une équipe de baseball des ligues majeures allait s’installer à Toronto. À la fin de la saison de baseball 1976, il a participé à une entrevue pour discuter de la possibilité de décrire les parties des Blue Jays à la radio et il a décroché le poste.

 

[12]    À cette époque‑là, l’appelant et son épouse, ainsi que leurs enfants (un fils de 10 ans, une fille de 7 ans et un autre fils âgé de 5 ans), vivaient à Burlington, au Vermont. À l’hiver de 1976‑1977, après avoir accepté l’offre de décrire les parties des Blue Jays, lui et son épouse ont vendu leur maison de Burlington, au Vermont, et en ont acheté une autre à Burlington (Ontario). Ils ont déménagé au Canada. Il se rappelle qu’il est arrivé au Canada au mois de février 1977 et qu’il a tout juste eu le temps d’emménager dans la nouvelle maison avant de partir pour la Floride, où se tenait le camp d’entraînement des Blue Jays. L’appelant et son épouse ont vécu en Ontario à titre d’immigrants ayant obtenu le droit d’établissement de 1977 à 1992, et leurs trois enfants ont fréquenté des écoles de l’Ontario. En 1992, les trois enfants, âgés alors de 25, 22 et 20 ans, ont quitté (ou avaient déjà quitté) la maison pour se rendre aux États‑Unis poursuivre leurs études postsecondaires ou occuper un emploi. L’appelant et son épouse en sont arrivés à la conclusion qu’ils n’avaient plus de raisons de demeurer au Canada toute l’année.

 

[13]    L’appelant est né en Floride où, en 1992, vivait sa mère, une personne du troisième âge. C’est donc sans difficulté que l’appelant et son épouse ont pris, en 1992, la décision de vendre leur maison en Ontario et d’en acheter une en Floride, près de Dunedin, où les Blue Jays tenaient leur camp d’entraînement. La même année, ils ont fait transporter en Floride leur ménage qui se trouvait en Ontario. L’appelant a alors cessé d’être un résident du Canada. La première année visée par l’appel est l’année 1993 et c’est la première année où, depuis qu’il avait commencé à faire la description des parties des Blue Jays à la radio, l’appelant n’a à aucun moment été un résident du Canada.

 

[14]    La tâche de l’appelant consiste à décrire à la radio toutes les parties des Blue Jays : à domicile comme à l’étranger, en saison régulière, au cours des séries éliminatoires et pendant l’avant‑saison — pendant le camp d’entraînement. Si je me souviens bien, l’appelant a témoigné qu’il avait pris part à la radiodiffusion de toutes les parties disputées par les Blue Jays depuis que l’équipe est devenue membre de la Ligue américaine en 1977. On peut dire de l’appelant que c’est un homme d’endurance. L’appelant a décrit l’une de ses journées de travail normales lorsque les Blue Jays jouent en soirée, c’est‑à‑dire à 19 h. Il se lève tôt et s’installe devant son ordinateur pour consulter le site Web des Blue Jays et celui de l’équipe à laquelle ils sont opposés ce jour‑là afin d’y recueillir toute information récente concernant les changements apportés à l’alignement des joueurs et de savoir si un joueur régulier est absent de l’alignement en raison d’une blessure, si un nouveau joueur est rappelé d’une équipe‑école, etc. Il lui arrive d’imprimer des renseignements qu’il considère particulièrement utiles. Il parcourt les cahiers des sports des quotidiens sur l’Internet pour voir si des événements importants se sont produits au cours des parties disputées la veille.

 

[15]    Il arrive au stade vers 16 h et y rencontre l’ingénieur pour sélectionner les séquences radio de parties précédentes qui pourraient revêtir de l’importance ce jour‑là. Le jour d’une partie, le gérant des Blue Jays tient normalement un point de presse à 16 h 30 à l’intention des médias et l’appelant y assiste toujours. Il se rend ensuite au vestiaire des deux équipes, dans l’abri des joueurs, à la cage d’exercice au bâton, et s’entretient avec un certain nombre de joueurs. Il prend un souper très léger et se rend à la cabine de radiodiffusion à 18 h 30 pour animer l’émission d’avant‑match. L’appelant travaille avec Jerry Howarth. Ils font la description commentée de la partie à tour de rôle et travaillent ensemble depuis environ 20 ans. On a indiqué à l’appelant, lors du contre‑interrogatoire, qu’on disait de lui qu’il était « la voix des Blue Jays », mais il a déclaré qu’il ne s’était jamais présenté ou considéré comme tel. Il reste cependant que l’appelant a participé à la radiodiffusion de toutes les parties que les Blue Jays ont disputées depuis que l’équipe est devenue membre de la Ligne américaine en 1977.

 

[16]    Une partie de baseball type dure environ trois heures. Par conséquent, si une partie disputée en soirée commence à 19 h, l’appelant entre dans la cabine à 18 h 30 et quitte les ondes vers 22 h ou peu de temps après. D’après l’appelant, au cours d’une partie de baseball d’une durée moyenne de trois heures, il n’y a que 16 à 18 minutes au cours desquelles il se passe vraiment quelque chose sur le terrain : (i) le lanceur qui est au monticule effectue un lancer; (ii) un joueur tente de voler un but; ou (iii) un joueur frappe la balle, de sorte que cette balle, le joueur qui l’a frappée, tout autre joueur se trouvant sur les buts ainsi que les joueurs de l’équipe qui sont sur le terrain, sont alors en mouvement. Comme il y a peu de moments où il se passe quelque chose sur le terrain, la description d’une partie de baseball à la radio suppose de nombreux temps morts.

 

[17]    Pour le commentateur professionnel de parties de baseball, le défi consiste à soutenir l’attention et l’intérêt des auditeurs durant les temps morts, lorsqu’il ne se passe rien sur le terrain. Pour ce faire, l’appelant et son partenaire font appel à leurs connaissances du jeu et de ses règles, des statistiques passées et actuelles, de l’histoire des équipes, de la vie des joueurs, gérants d’équipe, entraîneurs et autres personnages importants ayant un lien avec le baseball, ainsi qu’à leur expérience. L’appelant a déclaré que, en saison régulière, il consacre chaque jour cinq ou six heures, hors ondes, à effectuer des recherches et à recueillir des renseignements d’actualité ou à saveur historique sur le sport en question et ceux qui y prennent part, de façon à disposer d’informations intéressantes pour meubler les temps morts pendant la radiodiffusion des parties.

 

[18]    L’appelant est beaucoup aidé dans ses recherches quotidiennes par la somme de documents publiés par le baseball majeur. La pièce A‑1 renferme huit pages d’un document intitulé [TRADUCTION] « Information à l’intention des médias », publié par les Blue Jays chaque jour où une partie est prévue au calendrier. Toutes les autres équipes publient le même genre d’information le jour d’un match. Donc, en prévision d’un match donné, l’appelant passera en revue un document du genre de celui qui est produit sous la cote A‑1, ainsi que le document semblable qui est publié par l’équipe qui affrontera les Blue Jays ce jour‑là. De même, chaque équipe publie un « Guide officiel» pour la saison (comme les documents produits sous les cotes A‑3 et A‑4), fournissant une quantité impressionnante de renseignements sur l’équipe. Et, enfin, en saison régulière, le baseball majeur publie quotidiennement des statistiques à jour sur la totalité des équipes et des joueurs. Une partie de ces renseignements ont été produits sous la cote A‑5. L’appelant lui‑même conserve un sommaire de chaque partie de façon à savoir ce qui s’est produit dans chaque manche. La pièce A‑8 est le sommaire d’une partie ayant opposé les Blue Jays aux Indians de Cleveland.

 

[19]    Pour appuyer leur thèse respective, les parties ont fait entendre des témoins experts. Je suis arrivé à la conclusion que ces témoignages n’étaient pas très utiles, mais je reviendrai plus loin dans les présents motifs sur le témoignage de l’expert de l’intimée.

 

Analyse

 

[20]    Pour trancher la question principale, il me faut interpréter l’article XVI de la Convention et l’appliquer aux faits. Je reproduis à nouveau l’article XVI, mais seulement le passage qui est le plus pertinent aux fins de l’appel :

 

[...] les revenus qu'un résident d'un État contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l'autre État contractant en tant qu'artiste du spectacle, tel qu'un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu'un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre État, [...]

 

L’appelant, en tant que résident des É.‑U., est un « résident d’un État contractant ». De plus, ses activités, à Toronto, de commentateur de toutes les parties disputées à domicile par les Blue Jays, sont des « activités personnelles exercées dans l’autre État contractant ». La question fondamentale est de savoir si l’appelant a gagné un revenu au Canada « en tant qu’artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision ».

 

[21]    Il ne fait aucun doute que les sports professionnels constituent en eux‑mêmes des sports de divertissement. Une ligue professionnelle donnée (baseball, hockey ou football) dresse un calendrier de manière que toutes les équipes de la ligue jouent un nombre égal de parties. Les amateurs achètent des billets pour obtenir le droit d’assister à une partie, de la voir et d’être diverti par le jeu des équipes. Pour ceux et celles qui ne peuvent assister à une partie, un commanditaire (dans la plupart des cas, une société qui fabrique un produit, comme une bière ou de l’essence) paie pour obtenir le droit de décrire à la radio ou de diffuser à la télévision le déroulement de la partie. La présentation de la partie dans un stade ou un aréna, ou encore à la radio ou à la télévision, est‑elle si indissociable du spectacle que toutes les personnes qui y sont liées sont des « artistes du spectacle »?

 

[22]    L’amateur de baseball qui allume son poste de radio pour écouter la description d’une partie des Blue Jays est diverti, mais quel est l’artiste qui le divertit?  Est‑ce que ce sont les joueurs qui sont sur le terrain ou le commentateur, comme l’appelant, qui décrit le jeu et dont l’objectif est de soutenir l’attention des auditeurs? Ou sont‑ils tous des artistes du spectacle? Si l’appelant offre un divertissement du fait des connaissances et des qualités auxquelles il fait appel pour soutenir l’attention des auditeurs, est‑il, pour reprendre le libellé de l’article XVI, un « artiste du spectacle, tel qu’un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision »? L’appelant peut‑il divertir les auditeurs à la radio sans être « un artiste de la radio » au sens de l’article XVI?

 

[23]    Dans les actes de procédure, l’appelant soutient qu’il est un journaliste d’émission sportive. L’intimée soutient pour sa part que l’appelant a gagné un revenu au Canada en tant qu’artiste du spectacle, plus particulièrement en tant qu’artiste de la radio.

 

[24]    À mon avis, il existe quatre façons, pour un véritable amateur de baseball (probablement un homme!), de suivre son équipe favorite. Il peut soit assister à la partie, ou, s’il ne peut y assister, la regarder à la télévision, dans lequel cas il voit ce que la caméra lui montre. S’il ne peut regarder la partie à la télévision, il peut écouter la description qu’en fait le commentateur à la radio, ou, en dernier recours, s’il ne peut en écouter la description faite à la radio, lire le cahier des sports d’un quotidien quelque temps après la fin de la partie pour savoir si son équipe favorite a gagné ou perdu, écouter un commentateur sportif à la radio ou à la télévision ou consulter l’Internet.

 

[25]    Il existe une énorme différence entre les trois premières façons — suivre son équipe favorite (assister à la partie, la regarder à la télévision ou en écouter la description à la radio) et la quatrième façon —prendre connaissance des résultats après coup. Les trois premières offrent vraiment une qualité de divertissement, car le véritable amateur de baseball peut suivre la partie en direct. Il prend part à l’anticipation et à la tension créées par chaque lancer et à l’excitation qui résulte de toute action subséquente lorsque, par exemple, un coup sûr ou un coup de circuit est frappé, un joueur est retiré sur trois prises ou un double jeu est réussi. Cette qualité de divertissement manque à l’amateur qui prend connaissance du résultat une fois la partie terminée, car il est dans la même position que celui ou celle qui lit le journal ou écoute les nouvelles pour s’informer d’un événement passé.

 

[26]    Le titre de journaliste d’émission sportive que l’appelant s’attribue est donc quelque peu trompeur puisque le volet « émission » de son travail (la description d’un match en direct) se trouve à l’associer au volet divertissement du baseball professionnel alors que d’autres journalistes d’émissions sportives peuvent, lors d’une émission du matin à la radio ou à la télévision, faire des reportages accompagnés de commentaires sur les parties disputées la veille. Bien que les activités de présentation de l’appelant l’associent au volet divertissement du baseball professionnel, je ne suis pas convaincu qu’il est un « artiste du spectacle, tel qu’un artiste [...] de la radio » au sens de l’article XVI de la Convention. Pour les motifs qui suivent, je vais admettre les appels.

 

[27]    Après examen de la structure de l’article XVI, j’en arrive à la conclusion que le mot « artiste » est un substantif et que les termes qui s’y sont rattachés, comme « théâtre, radio, télévision et cinéma » sont des épithètes. Par conséquent, l’appelant ne sera visé par l’article XVI que s’il est un « artiste de la radio » puisque les autres épithètes ne s’appliquent pas dans son cas. À mon sens, le fait que les rédacteurs de la Convention ont utilisé le terme « artiste» alors qu’ils auraient pu utiliser un autre terme n’est pas sans intérêt. Les avocats des deux parties ont fourni des définitions du terme « artiste » tirées de dictionnaires bien connus :

         

[TRADUCTION]

 

a)         artiste, particul. un acteur, un chanteur, un danseur ou un autre artiste de spectacle.

 

Random House Webster's Unabridged Dictionary (Deuxième édition, Random House, New York, 1999);

 

b)         artiste professionnel, particul. un chanteur ou un danseur.

 

Concise Oxford Dictionary (neuvième édition, Clarendon Press, Oxford, 1995)

 

c)         professionnel des arts du spectacle; personne qui accomplit son travail avec une très grande habileté; souvent drôle ou facétieux;

 

Webster's New World Dictionary (Second College Edition, Simon and Schuster, New York, 1980)

 

d)         artiste de spectacle qui interprète une œuvre présentant un attrait esthétique, tel un chanteur, un danseur professionnel; aussi, celui qui exerce sa profession avec art, comme un artiste de la cuisine, de la coiffure, etc.

 

Oxford English Dictionary (2e éd. 1989)

 

[28]    Tous les dictionnaires susmentionnés établissent un lien entre « artiste » et arts du spectacle, comme dans le cas d’un chanteur ou d’un danseur. Les arts du spectacle incluraient également l’art dramatique, que ce soit sur la scène (au théâtre) ou au grand écran (au cinéma). Il n’y a aucune preuve que l’appelant est un chanteur ou un danseur ou encore un acteur. En fait, j’en arriverais à la conclusion, compte tenu de son témoignage et de sa biographie, qu’il ne s’exécute dans aucun de ces domaines. Il est, de par sa formation, son expérience et sa réputation, un animateur d’émissions radiophoniques. Au cours de l’interrogatoire principal, l’appelant a déclaré qu’il décrivait à la radio ce qui se passait sur le terrain. Lors du contre‑interrogatoire, il a déclaré qu’il se voit comme un journaliste et que, lorsqu’il ne se passe rien sur le terrain, il n’a aucun reportage à présenter.

 

[29]    Je crois que l’appelant est avant tout un journaliste. Il décrit en direct, à la radio, le déroulement d’une partie de baseball. Il ne peut changer lui‑même ou demander à quelqu’un de changer ce qui se déroule sur le terrain. Seuls les joueurs décident du déroulement de la partie. L’appelant décrit principalement les faits et gestes des joueurs, au moment même où ils se produisent. Pour ce qui est du spectacle, ce sont les joueurs qui l’offrent. Les amateurs achètent des billets pour voir des joueurs hautement qualifiés disputer une partie de baseball. D’autres amateurs regardent les parties à la télévision pour la même raison. D’autres encore en écoutent la description à la radio pour savoir comment la performance de ces mêmes joueurs hautement qualifiés influe sur le déroulement d’une partie. Ce sont les joueurs qui « offrent un spectacle » en tant qu’athlètes professionnels.

 

[30]    En ce qui concerne les définitions lexicographiques du terme « artiste », un artiste de la radio est une personne qui, par son exécution habile et créative (par exemple, en chantant, en jouant sur scène ou au cinéma ou en menant une entrevue), peut inciter un auditoire à l’écouter. Pendant l’âge d’or de la radio (c.‑à‑d. avant l’avènement de la télévision), Jack Benny, Fred Allen, Bing Crosby et Ma Perkins étaient des artistes de la radio. Plus récemment, Peter Gzowski était un artiste de la radio parce que, grâce à ses qualités exceptionnelles d’interviewer, il réussissait à mettre ses interlocuteurs en valeur (des personnalités publiques comme des personnes très réservées) et rendre ainsi leurs réalisations individuelles intéressantes pour les Canadiens. Les auditeurs de la radio écoutaient des gens comme Jack Benny, Bing Crosby et Peter Gzowski pour le seul plaisir de les entendre se produire; non pas pour les entendre décrire la représentation donnée par quelqu’un d’autre. C’est dans un but particulier que les rédacteurs de la Convention ont utilisé le terme « artiste » de préférence à tout autre terme, et en relation avec des termes comme « théâtre », « cinéma », « radio » et « télévision » qui, tous, peuvent constituer des formes d’expression des arts du spectacle.

 

[31]    Dans l’arrêt Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802 (95 DTC 5389), la Cour suprême du Canada a été appelée à interpréter l’article IV de la Convention. Les faits dans cette affaire ne sont pas pertinents, mais la Cour suprême a fait des observations utiles sur l’interprétation des traités fiscaux internationaux. Le juge Iacobucci, qui a rendu le jugement de la Cour, a déclaré ceci à la page 814 (DTC : à la page 5393) :

 

L'interprétation d'un traité vise d'abord et avant tout à trouver le sens des termes en question. Il convient donc de considérer le langage utilisé ainsi que l'intention des parties. [...]

 

Puis, à la page 822 (DTC : à la page 5396) :

 

L'analyse de l'intention des rédacteurs d'une convention fiscale est très importante pour déterminer le champ d'application de ce traité. Comme le fait remarquer le juge Addy dans Succession N. Gladden c. La Reine, [1985] 1 C.T.C. 163 (C.F. 1re inst.), aux pp. 166 et 167 :

 

Contrairement à une loi fiscale ordinaire un traité ou une convention en matière d'impôt doit être interprété de façon libérale, de manière à appliquer les véritables intentions des parties. Il faut éviter une interprétation littérale ou légaliste lorsque l'objet fondamental du traité pourrait être rejeté ou contrecarré dans la mesure où le point particulier à l'étude est visé.

 

[...] Une position semblable sous-tend la jurisprudence américaine. Dans Bacardi Corp. of America c. Domenech, 311 U.S. 150 (1940), la Cour suprême des États-Unis conclut, à la p. 163, qu'un traité devrait généralement être [Traduction] "interprét[é] [. . .] libéralement de manière à réaliser l'objectif qui le sous-tend" [...]

 

et, finalement, aux pages 827 et 828 (DTC : à la page 5398) :

 

Je passe maintenant à une autre série de documents extrinsèques, à d'autres conventions fiscales internationales et à leurs modèles généraux, pour illustrer et clarifier les intentions des parties à la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts (1980). Suivant les art. 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (R.T. Can. 1980 no 37), on peut recourir à ce genre de documents extrinsèques pour interpréter des documents internationaux comme les conventions fiscales; voir également Hunter Douglas Ltd. c. La Reine, 79 D.T.C. 5340 (C.F. 1re inst.), aux pp. 5344 et 5345, et Thiel c. Federal Commissioner of Taxation, 90 A.T.C. 4717 (H.C. Aust.), à la p. 4722.

 

Le Modèle de convention de double imposition concernant le revenu et la fortune de l'OCDE (1963, adopté de nouveau en 1977) est fort convaincant pour ce qui est de délimiter les paramètres de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts (1980) : Arnold et Edgar, dir., Materials on Canadian Income Tax (9e éd. 1990), à la p. 208. Comme l'a signalé la Cour d'appel, ce modèle, reconnu mondialement comme un document de référence fondamental aux fins de la négociation, de l'application et de l'interprétation de conventions fiscales bilatérales ou multilatérales, a servi de base à la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts (1980).

 

[32]    Suivant la voie tracée par la Cour suprême du Canada, les avocats ont produit à mon intention le Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, mis à jour au mois d’avril 2000. Plus particulièrement, l’article 17 du Modèle de convention dit ceci :

 

Article 17

 

ARTISTES ET SPORTIFS

 

1.         Nonobstant les dispositions des articles 7 et 15, les revenus qu’un résident d’un État contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l’autre État contractant en tant qu’artiste du spectacle, tel qu’un artiste de  théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu’un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre État.

 

[33]    Le commentaire de l’OCDE sur l’article 17 du Modèle de convention de l’OCDE renferme le passage suivant :

         

[TRADUCTION]

 

3.         Le paragraphe 1 renvoie aux artistes et aux sportifs. On ne peut donner de définition exacte du terme « artiste », mais le paragraphe 1 fournit des exemples de personnes qui seraient ainsi considérées. Ces exemples ne constituent pas une liste exhaustive. D’une part, le terme « artiste » inclut clairement l’acteur de théâtre, l’acteur de cinéma et l’acteur (y compris, par exemple, un ancien sportif) dans une annonce publicitaire. L’article peut s’appliquer aussi au revenu tiré d’activités de nature politique, sociale, religieuse ou charitable, lorsqu’il y a un volet divertissement. D’autre part, le terme en question ne s’applique pas au conférencier invité ou au personnel de soutien ou administratif (p. ex. le cadreur au cinéma, le directeur, le réalisateur de film, le chorégraphe, le personnel technique, l’équipe de tournée d’un groupe de la chanson pop, etc.). Entre ces deux catégories se trouve une zone grise qui rend nécessaire de tenir compte de l’ensemble des activités de la personne concernée.

 

[34]    L’avocat de l’intimée s’appuie sur le passage reproduit ci‑dessus pour faire valoir que tout résident des États‑Unis dont l’activité principale, au Canada, est de présenter des reportages à la radio, est un artiste de la radio. Il est évident que l’appelant n’est pas un homme « d’arrière‑scène », comme un directeur ou un ingénieur du son. En outre, la description radiophonique de parties de baseball ne constitue pas une partie négligeable de ce qu’il fait pour gagner un revenu au Canada. Je crains que, si je ne tiens pas compte du contenu de ce que l’appelant décrit à la radio, je ne respecterai pas le choix du terme « artiste » à l’article XVI.

 

[35]    Si j’acceptais l’argument de l’intimée, tous les présentateurs de nouvelles à la télévision, comme Lloyd Robertson ou Peter Mansbridge au Canada aujourd’hui, seraient des artistes de la télévision. Je considère chacun de ces présentateurs éminents comme des journalistes extrêmement compétents, mais, à mon avis, ils ne sont pas des artistes de la télévision. Il est possible que Peter Gzowski, en tant que personnalité de la radio, se soit situé dans la zone grise qui sépare le journalisme et les arts du spectacle, mais, à mon sens, il était un artiste de la radio en raison de la créativité avec laquelle il utilisait ses qualités d’interviewer pour façonner le programme. Pour le présentateur de nouvelles à la télévision, ce sont les événements de l’heure qui façonnent le programme. Un artiste doit avoir un talent créateur.

 

[36]    Je ne trouve pas que les témoins experts aient fourni des renseignements utiles, mais je ferai quelques observations au sujet du témoignage de Tom Hedrick, qui a été appelé en tant que témoin expert pour le compte de l’intimée. Le rapport que M. Hedrick (27 juin 2001) a soumis à l’avocat de l’intimée a été produit sous la cote R‑6. Bien que le curriculum vitæ de M. Hedrick, qui se trouve aux pages 23 et 24 de la pièce R‑6, se passe d’explications, il convient de préciser que M. Hedrick a derrière lui une longue carrière de commentateur — à la radio — de parties de football :  sept ans pour les Chiefs de Kansas City, trois Super Bowls pour CBS et neuf Cotton Bowls. M. Hedrick a été appelé à exprimer son opinion sur la question du rôle d’un commentateur de parties de baseball majeur.

 

[37]    De l’avis de M. Hedrick, le meilleur annonceur radio d’une équipe des ligues majeures possède trois qualités essentielles. Premièrement, il est capable de décrire le jeu avec précision. Deuxièmement, il est capable de « meubler les périodes d’inactivité », car le baseball est un sport dont le rythme est lent. Il doit être capable d’occuper les temps morts en relatant des histoires et des anecdotes, en fournissant des statistiques et en présentant des commentaires sur la stratégie utilisée. Il doit divertir ses auditeurs et soutenir leur intérêt, surtout lorsque l’équipe locale (c.‑à‑d. les Blue Jays) est en train de perdre. Et, troisièmement, il est capable de mettre en valeur l’équipe locale en suscitant l’intérêt des auditeurs pour le jeu et en les convainquant de se rendre au stade local (c.‑à‑d. au SkyDome) pour admirer un joueur en particulier.

 

[38]    Je n’ai aucune raison de contester l’opinion de M. Hedrick, mais sa réponse à la question en cause confirme, selon moi, le titre que l’appelant s’attribue. L’appelant se considère comme un journaliste d’émissions sportives. Aucune analogie n’est parfaite, mais je crois que, par rapport au journaliste de la presse écrite, l’appelant se situe à mi‑chemin entre un journaliste et un chroniqueur, si l’on se reporte aux deux premières qualités essentielles mentionnées par M. Hedrick. Le journaliste politique décrit avec exactitude ce qui se produit à l’hôtel de ville, à l’assemblée législative ou sur la colline parlementaire, au même titre que l’appelant décrit avec précision le jeu qui se déroule sur le terrain. En outre, à l’instar du chroniqueur politique —, dont les articles sont publiés dans la page d’opinions — qui se sert de ses connaissances, de son expérience et de ses contacts quotidiens avec les politiciens pour exprimer ses opinions sur les machinations politiques du jour, l’appelant se sert de ses connaissances, de son expérience et de ses contacts quotidiens avec les joueurs et les gérants pour meubler les temps morts lorsqu’il ne se passe rien sur le terrain. Je vois l’appelant comme un journaliste et non comme un artiste du spectacle.

 

[39]    Les titres utilisés dans un document peuvent être utiles lorsque vient le moment d’interpréter ce document. L’article XVI est intitulé « Artistes et sportifs » et l’article 17 du Modèle de convention de l’OCDE est intitulé « Artistes et sportifs ». L’appelant ne travaille pas comme sportif lorsqu’il vient au Canada faire la description, à la radio, des parties que les Blue Jays disputent à domicile. Il est évident que les sportifs donnent une « représentation » dans le sport qu’ils ont choisi et que leur représentation est, en soi, un divertissement. Les amateurs de baseball qui allument leur poste de radio pour écouter la description d’une partie donnée des Blue Jays veulent savoir comment se déroule la représentation des athlètes des Blue Jays sur le terrain. L’appelant peut réussir à soutenir l’attention et l’intérêt de l’amateur par les commentaires qu’il présente durant les temps morts, mais il n’est pas la raison pour laquelle l’amateur allume son poste de radio.

 


[40]    L’appelant n’est pas un artiste de la radio. Il est un journaliste de la radio chevronné qui maîtrise très bien son métier. Les appels sont admis, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2002.

 

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

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