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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2000-1798(IT)I

ENTRE :

ELWIRA SOKOLOWSKA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appels entendus le 13 décembre 2001 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions

 

Représentante de l'appelante :                       Maria Sokolowska

 

Avocat de l'intimée :                                     Me Ernest Wheeler

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1999 sont rejetés.

 

Les appels interjetés contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l’appelante peut reporter prospectivement aux années d’imposition 1996, 1997 et 1998 des pertes
déductibles au titre de placements d’entreprise d'années antérieures de 11 215 $, 12 701 $ et 24 586 $, respectivement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de janvier 2002.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de juin 2003.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020122

Dossier : 2000-1798(IT)I

 

 

 

 

ENTRE :

ELWIRA SOKOLOWSKA,

appelante,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Lamarre, C.C.I.

 

[1]     Il s'agit d'appels, selon la procédure informelle, de cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998 et 1999.

 

[2]     Dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 1995, l’appelante a demandé la déduction d’une perte au titre de placements d’entreprise de 268 897 $ relativement à huit placements hypothécaires détenus « en fiducie » pour elle‑même et pour son père, Henry Sokolowski, par Kiminco Acceptance Co. Ltd. (« Kiminco »), un membre du groupe de sociétés Glen Coulter. Les huit placements hypothécaires ont été effectués en 1987 et en 1988 et sont désignés de la manière suivante au paragraphe 13 de la réponse à l’avis d’appel :

 

[TRADUCTION]

 

Numéro du compte ou de l'hypothèque

 

Emprunteur final

Montant brut du placement

6658

Mid-Canada Construction Ltd.

 

300 000 $

7492

Janre Estate

Development Corp.

 

120 000 $

7425

Armour

 19 000 $

 

7495

Re/Max Gateway Realty

 

 23 000 $

7586

Nesrallah

 

 53 000 $

8338

G. Capello

 31 000 $

 

6464

Dumont

 16 000 $

 

8111

Danilov, Frechette

 20 000 $

 

 

[3]     Les pertes dont la déduction est demandée résultent de la faillite de Kiminco le 17 juillet 1989.

 

[4]     Au moyen d’un avis de nouvelle cotisation daté du 6 mai 1999, le ministre a ramené à 13 072 $ la perte de 268 897 $ au titre d'un placement d'entreprise dont l’appelante avait demandé la déduction pour l’année d’imposition 1995 au titre des placements administrés par Kiminco. Cette modification a été apportée pour les motifs exposés ci‑après.

 

[5]     En ce qui concerne le prêt hypothécaire consenti à Mid‑Canada Construction Ltd., le cabinet Peat Marwick Thorne Inc. (« Peat Marwick »), le séquestre de Kiminco, a recouvré, en 1989, un montant de 16 143 $ relativement au placement initial de 300 000 $, de sorte que la perte s’établissait à 283,856 $. Au cours de la même année, soit en 1989, l’appelante a demandé la déduction de cette perte et le ministre a admis les deux tiers du montant de 283 856 $ (= 189 237 $) à titre de perte en capital. Cette année‑là, l’appelante a pu déduire 50 % de cette perte en capital à titre de perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (« PDTPE »). La part de 50 % de l’appelante de la perte en capital s’élevait à 94 619 $. L’autre part de 50 % a été attribuée au père de l’appelante au motif que Henry Sokolowski et Elwira Sokolowska avaient effectué conjointement le placement hypothécaire en question par l’entremise de Kiminco, selon les documents fournis par l’appelante à cette époque.

 

[6]     En ce qui concerne le prêt hypothécaire consenti à Janre Estate Development Corp., Peat Marwick, encore une fois en sa qualité de séquestre, avait recouvré — en 1989 également — un montant de 6 457 $ relativement au placement initial de 120 000 $, de sorte que la perte s’établissait à 113 542 $. Le ministre a admis la déduction des deux tiers du montant de 113 542 $ (= 75 695 $) à titre de perte en capital en 1989. L’appelante a eu le droit de déduire 50 % de cette perte (37 847 $) à titre de PDTPE cette même année. Le solde a été attribué à Henry Sokolowski, compte tenu des documents que l’appelante et son père avaient fournis à l’époque.

 

[7]     Étant donné que la déduction des pertes subies par l’appelante et Henry Sokolowski relativement à ces deux placements hypothécaires (Mid‑Canada Construction et Janre Estate Development Corp.) avait déjà été admise en 1989, le ministre n’a admis aucun montant relativement à ces pertes en 1995.

 

[8]     Aucune autre perte n’a été admise en 1989 relativement aux six autres placements hypothécaires parce que l’appelante n’avait fourni aucun renseignement à cet égard à l’époque. Cependant, compte tenu des documents supplémentaires fournis par l’appelante, le ministre a admis la déduction d’une perte au titre d’un placement d’entreprise de 13 072 $ pour l’année d’imposition 1995 de l’appelante relativement aux six autres placements hypothécaires, ainsi qu’il est indiqué ci‑dessous (voir le paragraphe 33 de la réponse à l’avis d’appel) :

 

[TRADUCTION]

 

Hypothèque

Placement

Recouvré par Peat

Perte nette

Déduction admise dans le cas de Henry Sokolowski

 

Déduction admise dans le cas de l’appelante

7425

Armour

 

19 000 $

16 429 $

 2 571 $

1 285 $

 1 285 $

7495

Re/Max

 

23 000 $

21 636 $

 1 364 $

   682 $

   682 $

7586

Nesrallah

 

53 000 $

46 137 $

 6 863 $

3 431 $

 3 431 $

8338

Capello

 

31 000 $

25 768 $

 5 232 $

2 616 $

 2 616 $

6464

Dumont

 

16 000 $

14 253 $

 1 747 $

 0 $

 1 747 $

8111

Danilov/

Frechette

 

20 000 $

16 689 $

 3 311 $

 0 $

 3 311 $

Totaux

 

 

21 087 $

8 014 $

13 072 $

 

[9]     Comme le montre le tableau qui précède ainsi que l’« analyse des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise » préparée par Tiffany Golding, agente des appels à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« Agence ») (pièce R‑1, onglet 1), la totalité des pertes relatives à « 6464 Dumont » et à « 8111 Danilov, Frechette » a été attribuée à l’appelante pour l’année 1995, étant donné que ces placements avaient été effectués en son seul nom (pièce R‑1, onglets 14 et 15). La perte au titre des autres placements a été répartie également entre l’appelante et Henry Sokolowski pour l’année 1995, étant donné que les documents relatifs aux placements hypothécaires indiquent qu’ils ont été effectués aux noms d’Elwira Sokolowska et d’Henry Sokolowski (voir la pièce R‑1, onglets 10 à 13 inclusivement). Dans le cas de l’appelante, la perte en capital totale admise à titre de PDTPE pour l’année 1995 était de 13 072 $.

 

[10]    La moitié des gains en capital imposables résultant des montants recouvrés par le séquestre, Peat Marwick, relativement aux prêts hypothécaires consentis à Mid‑Canada Construction Ltd. et Janre Estate Development Corp. en 1995 a également été attribuée à l’appelante. Cette répartition entre l’appelante et son père a été effectuée dans la même proportion que celle des gains en capital imposables semblables se rapportant aux années 1990, 1991 et 1992 (ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 22 de la réponse à l’avis d’appel).

 

[11]    En fait, dans un jugement rendu le 16 avril 1997 (Sokolowska c. La Reine, no 95-377(IT)I, 98 D.T.C. 3438, [1997] A.C.I. no 321 (Q.L.)) relativement aux années d’imposition 1990, 1991 et 1992 de l’appelante, le juge Bonner de notre cour a statué que la participation de l’appelante dans les deux placements hypothécaires mentionnés au paragraphe qui précède était de 50 % et que le solde de la propriété bénéficiaire de ces placements hypothécaires appartenait à Henry Sokolowski.

 

[12]    Outre la cotisation se rapportant à l’année d’imposition 1995 de l’appelante, le ministre a établi des avis de nouvelle cotisation datés du 6 mai 1999 par lesquels il refusait la déduction de pertes autres que des pertes en capital des années antérieures qui ont été reportées prospectivement aux années d’imposition 1996, 1997 et 1998 et qui s’établissaient à 11 215 $, 12 701 $ et 24 586 $ respectivement.

 

[13]    Au moyen d’une lettre datée du 19 février 2001, l’avocat de l’intimée a informé l’appelante et la Cour que le ministre acquiescerait à un jugement autorisant le report prospectif aux années d’imposition 1996, 1997 et 1998 de ces mêmes montants de PDTPE, à savoir : 11 215 $ pour l’année d’imposition 1996, 12 701 $ pour l’année d’imposition 1997 et 24 586 $ pour l’année d’imposition 1998.

 

[14]    La question à trancher relativement à l’année d’imposition 1999 porte également sur les montants des PDTPE qui peuvent être appliqués à cette année. Le ministre soutient que le solde non appliqué des PDTPE, le cas échéant, résultant des pertes subies par l’appelante relativement aux placements administrés par Kiminco est devenu une « perte en capital nette » avant son année d’imposition 1999.

 

[15]    Je retiens du témoignage de la mère de l’appelante, Maria Sokolowska, qui seule a témoigné à l’audience, que l’unique question en litige est qu’elle est en désaccord avec le fait que la moitié des PDTPE a été attribuée à sa fille, l’appelante, relativement au prêt hypothécaire consenti à Janre Estate Development Corp. (voir la pièce R‑1, onglet 7, et la pièce A‑1). Bien qu’elle ait soutenu devant le juge Bonner, qui a entendu les appels de l’appelante pour les années d’imposition 1990, 1991 et 1992, que Henry Sokolowski était le seul propriétaire bénéficiaire de ce placement hypothécaire, elle prétend maintenant que l’appelante était la seule propriétaire bénéficiaire et qu’elle devrait avoir le droit de déduire la totalité de la perte subie relativement au prêt hypothécaire consenti à Janre Estate Development Corp. pour l’année 1995 et les années d’imposition subséquentes.

 

[16]    Cependant, cette nouvelle prétention ne concorde pas avec le document daté du 30 juin 1992 que l’appelante a fourni à l’Agence (pièce R-1, onglet 3) et qui indique qu'Elwira Sokolowska et Henry Sokolowski ont investi conjointement dans le prêt hypothécaire consenti à Janre Estate Development Corp. En outre, le document fourni par le séquestre, Peat Marwick, indique aussi que l'appelante et son père ont investi conjointement dans le prêt hypothécaire consenti à Janre Estate Development Corp. (pièce R‑1, onglet 6). L’appelante n’a pas attiré mon attention sur quelque document que ce soit précisant qu’elle était la seule propriétaire bénéficiaire de ce placement hypothécaire.

 

[17]    De plus, je conviens avec l’avocat de l’intimée que la question des parts respectives de la propriété bénéficiaire attribuables à Henry Sokolowski et à Elwira Sokolowska relativement aux deux principaux placements hypothécaires effectués en 1989 (Mid-Canada Construction Ltd. et Janre Estate Development Corp.) est frappée de préclusion. Cette question a déjà été tranchée dans la décision du juge Bonner de notre cour. Il s’agissait à ce moment de déterminer les parts respectives des frais financiers et des gains en capital se rapportant aux mêmes placements effectués en 1989 qui devaient être attribuées aux années d’imposition 1990, 1991 et 1992. Le juge Bonner a déterminé que l’appelante détenait une participation de 50 % dans ces placements hypothécaires. L’appelante souhaite maintenant faire reporter prospectivement à l’année d’imposition 1995 (et aux années subséquentes) la totalité des pertes résultant des placements hypothécaires dans lesquels le juge Bonner a statué qu’elle possédait une participation de 50 %. Cette question constitue à mon sens une chose jugée entre les parties (voir Wierbicki c. La Reine, C.A.F., no A‑147‑99, 30 mars 2000, 2000 D.T.C. 6243), et l’appelante ne peut pas demander la déduction de plus de 50 % de la perte reportée relativement au prêt hypothécaire consenti à Janre Estate Development Corp. pour les années d’imposition 1995 et subséquentes. En outre, le solde non appliqué des PDTPE résultant des pertes subies par l’appelante en 1989 relativement aux placements administrés par Kiminco (dont le montant s’établissait à 74 774 $ le 31 décembre 1996, selon la pièce R‑1, onglet 2) est devenu une « perte autre qu'une perte en capital » après le 31 décembre 1996. En conséquence, l’appelante ne peut demander, après 1996, la déduction d’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise relativement aux pertes résultant des placements administrés par Kiminco. Ces pertes sont devenues à cette date des pertes en capital nettes et elles ne peuvent désormais être imputées qu’à des gains en capital (voir les alinéas 111(1)a) et b) et le paragraphe 111(8) de la Loi, qui sont reproduits en partie ci‑après) :

 

ARTICLE 111 : Pertes déductibles.

 

111(1) Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

 

111(1)a) Pertes autres que des pertes en capital – ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 7 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition qui suivent l'année;

 

111(1)b) Pertes en capital nettes – les pertes en capital nettes que le contribuable subit pour les années d'imposition qui précèdent et pour les trois années d'imposition qui suivent l'année;

 

 

111(8) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

« perte autre qu'une perte en capital » S'agissant de la perte autre qu'une perte en capital subie par un contribuable pour une année d'imposition, le montant calculé selon la formule suivante :

 

(A + B) – (D + D.1 + D.2)

 

où :

 

A        représente le montant calculé selon la formule suivante :

 

E – F

où :

 

E           représente le total des sommes représentant chacune la perte que le contribuable a subie pour l'année relativement à une charge, un emploi, une entreprise ou un bien, sa perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour l'année, une somme déduite en application de l'alinéa (1)b) ou de l'article 110.6 dans le calcul de son revenu imposable pour l'année ou une somme déductible en application des alinéas 110(1)d), d.1), d.2), d.3), f), j) ou k), de l'article 112 ou des paragraphes 113(1) ou 138(6) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année,

 

F           la fraction calculée selon l'alinéa 3c) à l'égard du contribuable pour l'année;

 

[...]

 

« perte en capital nette » S'agissant de la perte en capital nette subie par un contribuable pour une année d'imposition, le résultat du calcul suivant :

 

A – B + C – D

           où :

 

A          représente le montant éventuel calculé selon le sous-alinéa 3b)(ii) à l'égard du contribuable pour l'année;

 

B           le moins élevé du total calculé selon le sous-alinéa 3b)(i) à l'égard du contribuable pour l'année ou de l'élément A déterminé à l'égard du contribuable pour l'année;

 

C          le moins élevé des montants suivants :

 

a) le montant des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise du contribuable pour sa septième année d'imposition précédente,

 

b) l'excédent éventuel de la perte autre qu'une perte en capital du contribuable pour sa septième année d'imposition précédente sur le total des montants à l'égard de cette perte que le contribuable a déduits dans le calcul de son revenu imposable ou demandés en vertu des alinéas 186(1)c) ou d) pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,

 

[...]

 

[18]    Finalement, il ressort des observations de l’intimée et des paragraphes 47 et 49 de la réponse à l’avis d’appel que l’intimée admet que l’appelante avait suffisamment de PDTPE non expirées pour demander la déduction des montants de 11 215 $ en 1996, de 12 701 $ en 1997 et de 24 586 $ en 1998. Je crois comprendre qu’il ne restait plus de PDTPE à appliquer à l’année d’imposition 1999. Même si aucune explication n’a été fournie à l’audience concernant les montants supplémentaires de PDTPE qui ont été admis, je crois comprendre que l’admission de ces déductions a été faite à l’avantage plutôt qu’au détriment de l’appelante. Je crois que l’appelante ne conteste pas cela.

 

[19]    En conséquence, les appels relatifs aux années d’imposition 1995 et 1999 sont rejetés et les appels relatifs aux années d’imposition 1996, 1997 et 1998 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l’appelante peut reporter prospectivement aux années d’imposition 1996, 1997 et 1998 des pertes déductibles au titre de placements d’entreprise d'années antérieures de 11 215 $, 12 701 $ et 24 586 $, respectivement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de janvier 2002.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de juin 2003.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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