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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

 

1999-642(IT)G

ENTRE :

LING YIP,

appelante,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Appels entendus les 7 et 8 janvier 2002 à Vancouver (Colombie‑Britannique), par

 

l’honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Représentante de l’appelante :             Scarlet R. McGladery

 

Avocate de l’intimée :                         Me Linda Bell

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1993 et 1994 sont rejetés selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de janvier 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2004.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020115

Dossier: 1999-642(IT)G

 

 

 

ENTRE :

 

LING YIP,

appelante,

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     Ces appels, interjetés sous le régime de la procédure générale, ont été entendus à Vancouver (Colombie‑Britannique), les 7 et 8 janvier 2002. L’appelante a témoigné et elle a fait témoigner son époux, Chak Kung, et Me Richard Uhrle, un avocat spécialiste de l’immigration. L’appelante a aussi déposé la déclaration sous serment de sa belle‑mère, Bilan Huang, assermentée à Hong Kong le 31 décembre 2001. L’intimée a appelé à témoigner le vérificateur chargé du dossier, Chester Law, et deux agentes d’appel, Flora Lee et Shirley Walker.

 

[2]     Les paragraphes 6 et 7 de la réponse à l’avis d’appel, reproduits ci‑après, donnent un aperçu des questions en litige :

 

                   [TRADUCTION]

 

6.                  En établissant la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante, le ministre s’est fondé notamment sur les hypothèses suivantes :

 

a)                  l’appelante et son époux, M. Kung, ont déclaré le revenu total suivant pour les années d’imposition 1989 à 1995 :

 

 

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

 

 

 

 

 

 

 

 

Ling Yip

1 203 $

   552 $

8 222 $

10 204 $

15 786 $

12 468 $

5 245 $

 

 

 

 

 

 

 

 

M. Kung

6 440 $

10 610$

6 120 $

2 870 $

 1 510 $

 3 586 $

7 532 $

 

b)                  la police de Vancouver Ouest a arrêté l’appelante et deux autres suspects pour le vol de vêtements dans des boutiques de vêtements pour dames au centre commercial Park Royal; après avoir saisi une grande quantité de vêtements volés et des sommes d’argent considérables (32 286,98 $), la police a, au début de l’année 1995, accusé l’appelante et les deux autres suspects de vol de moins de 5 000 $, en vertu du Code criminel. L’appelante a plaidé coupable relativement à cette infraction en 1996;

 

c)                  des demandes péremptoires ont été signifiées à l’appelante afin qu’elle fournisse des états de son actif et de son passif et des états de ses dépenses personnelles; après vérification des états fournis par l’appelante et son époux, le ministre a déterminé que des revenus de 26 997 $ et de 89 460 $ (ce montant a été subséquemment ramené à 84 133 $ dans une nouvelle cotisation) n’avaient pas été inclus dans le calcul de son revenu pour les années 1993 et 1994 respectivement;

 

d)                  se fondant sur les chiffres fournis par l’appelante et son époux dans leur état de l’actif et du passif pour 1991, 1992, 1993 et 1994 et leur état du coût estimatif de la vie pour 1991, 1992, 1993 et 1995, le ministre a dressé un premier état de la valeur nette faisant état d’une augmentation de 27 414 $ en 1992, de 29 131 $ en 1993 et de 96 237 $ en 1994; ce premier état de la valeur nette est joint aux présentes sous la cote « A »;

 

e)                  par suite des observations formulées par le comptable de l’appelante, le ministre a établi un état révisé de la valeur nette (joint aux présentes sous la cote  « B »), daté du 6 mars 1998, dans lequel il fait état de revenus non déclarés pour 1993 et 1994 de 28 437 $ et de 84 133 $ respectivement;

 

f)                    le premier avis de nouvelle cotisation ayant été établi le 27 mars 1997 et faisant état d’un montant de « revenu d’entreprise supplémentaire sur la base de la valeur nette » de 26 967 $, le ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation pour l’année 1993 pour tenir compte de l’augmentation du revenu non déclaré dans les états subséquents de la valeur nette (pièces « A » et « B ») car l’écart était négligeable;

 

g)                  s’appuyant sur une vérification des renseignements financiers fournis par l’appelante et son époux, l’appelante n’a pas déclaré un « revenu d’entreprise », établi sur la base de la valeur nette, de 26 967 $ pour l’année d’imposition 1993, et de 84 311 $ [sic] pour l’année d’imposition 1994;

 

h)                  l’appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, omis d’inclure les montants de 26 967 $ et de 84 133 $ dans ses déclarations de revenu pour les années d’imposition 1993 et 1994, de sorte que l’impôt qu’elle aurait dû payer pour ces années en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, si elle avait inclus les montants en question dans le calcul de son revenu imposable qu'elle a déclaré pour ces années, était plus élevé que l’impôt qu’elle aurait dû payer en vertu de la Loi si l’impôt payable par elle pour ces années avait été établi en fonction des renseignements fournis dans ses déclarations de revenu pour les années en question.

 

B.                 QUESTIONS À TRANCHER

 

7.                  Les questions à trancher sont les suivantes :

 

a)                  le ministre a‑t‑il inclus à juste titre le montant de 26 967 $ dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1993?

 

b)                  le ministre a‑t‑il inclus à juste titre le montant de 84 133 $ dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1994?

 

c)                  les pénalités imposées conformément au paragraphe 163(2) ont‑elles été imposées à juste titre compte tenu des circonstances équivalant à faute lourde?

 

[3]     Les hypothèses énoncées aux alinéas 6 a) à e) inclusivement n’ont pas été réfutées par la preuve. Le litige entre les parties porte sur la source de l’augmentation de la valeur nette de l’appelante. Cette dernière affirme que l’augmentation est principalement attribuable aux dons qu’elle a reçus de sa belle‑mère, qui habite en Chine continentale, ainsi qu’à la vente, en 1994, d’un condominium situé rue Cambridge, à Vancouver, qui lui a rapporté un petit montant. Selon les hypothèses énoncées dans la réponse, l’augmentation est le fait d’un « revenu d’entreprise », qui n’a jamais été déclaré.

 

[4]     Dans leurs explications, l’appelante et M. Kung ont fait la chronologie des événements suivante. L’appelante et M. Kung ont demandé le statut de réfugié après être tous deux entrés au Canada illégalement. L’époux de l’appelante, qui est né en Chine continentale, est venu au Canada en 1985 muni d’un faux passeport de Hong Kong. Il a obtenu la citoyenneté canadienne pour des raisons humanitaires en 1989. Depuis, il a occupé plusieurs emplois ici et là à Vancouver. Ces quatre dernières années, il a travaillé comme chauffeur de camion, livrant à des clients des conteneurs qui sont déchargés de navires amarrés au port de Vancouver. Son épouse, l’appelante, Mme Yip, est elle aussi née en Chine continentale; elle est venue au Canada illégalement et sa demande de statut de réfugié a été rejetée. Elle a rencontré M. Kung en 1987 et, après l’avoir épousé en 1989, elle est devenue citoyenne canadienne. Mme Yip est née en 1964; elle et M. Kung paraissent avoir à peu près le même âge. Ils ont deux enfants, Eric, qui est âgé de 11 ans et demi, et Amanda, qui a 8 ans et demi. Mme Yip a occupé un certain nombre d’emplois de couturière dans l’industrie du vêtement et elle a aussi été caissière de 1986 à 1994. En 1987, elle a été blessée dans un accident d’automobile et elle a reçu des dommages‑intérêts totalisant 64 000 $ environ; les deux derniers versements, l’un de 45 000 $ et l’autre de 14 000 $, ont été effectués en février 1992 et en juin 1992 respectivement.

 

[5]     Au mois de décembre 1990, M. Kung est allé en Chine pour rendre visite à sa mère, qui était malade. Il y est resté à peu près quatre jours.

 

[6]     Au mois de février 1991, Mme Yip a acheté l’unité no 312 d’un condominium situé au 2222, rue Cambridge, à Vancouver, qu’elle a payée 105 000 $; elle a versé entre 30 000 $ et 37 000 $ en argent comptant et a obtenu un prêt hypothécaire de la London Life pour le solde. La famille a emménagé dans le condominium.

 

[7]     Au mois de mars 1991, M. Kung a amené Eric en Chine pour qu’il rende visite à Mme Huang. Ils y sont demeurés jusqu’au mois de septembre 1991. Mme Huang a fait don à M. Kung d’un montant représentant entre 20 000 $ et 30 000 $ CAN, qu’il a ramené au Canada en dollars canadiens, obtenus à Hong Kong. Il a témoigné que cet argent n’avait pas été déposé à la banque. La résidence de sa mère en Chine continentale se trouve à environ deux heures de train de Hong Kong. La sœur de M. Kung et son époux y vivent et y travaillent.

 

[8]     Au mois de janvier 1993, M. Kung, Mme Yip et Eric ont de nouveau rendu visite à la mère de M. Kung. Ils affirment qu’ils ont alors appris que Mme Huang avait vendu sa maison à son gendre de Hong Kong et qu’elle a fait don à M. Kung de 450 000 yuans, l’équivalent d'environ 90 000 $ CAN. Selon leur témoignage, Mme Yip est revenue au Canada avec environ 20 000 $ CAN dans ses bagages; M. Kung et Eric sont revenus un peu plus tard avec environ 60 000 $  CAN. L’appelante et son époux ont témoigné que les yuans avaient été échangés contre des dollars canadiens à Hong Kong et que l’argent n’a jamais été déposé dans une banque ni n’a été transféré par ce moyen.

 

[9]     Au mois d’octobre 1994, Mme Yip a vendu le condominium de la rue Cambridge, ce qui lui a rapporté un montant net en argent de 72 000 $.

 

[10]    Au mois de novembre 1994, Mme Yip a acheté le 3656, rue Napier, à titre de résidence familiale, qu’elle a payée 346 000 $ et pour laquelle elle a fait un versement initial en argent de 15 000 $; elle a aussi versé la somme de 152 262,51 $ en argent comptant en remboursement d’un prêt hypothécaire de 185 000 $ consenti par la London Life. C’est la provenance de l’argent comptant ayant servi à cette opération (167 262,51 $) qui pose une difficulté en l’espèce.

 

[11]    La somme de 167 262,51 $ peut être ventilée de la façon suivante :

 

         

          Total                                        167 262,51 $

 

          Produit en argent comptant de

la vente du condo sur

Cambridge                             – 72 000,00 $

 

          Solde net (1994)                        95 262,51 $

 

[12]    L’appelante et M. Kung ont expliqué que les fonds qui ont fait l’objet de la cotisation provenaient essentiellement de dons que M. Kung avait reçus de Mme Huang et qu’il avait ensuite remis à Mme Yip. Ils ont produit la déclaration assermentée de Mme Huang pour corroborer leurs témoignages. Cependant, le document qui a été préparé, rédigé et traduit renferme des contradictions importantes. Ces contradictions sont d’autant plus importantes et suscitent d’autant plus d’interrogations que les documents écrits ont été préparés notamment aux fins de l’appel en l’instance et que Mme Huang ne pouvait être contre‑interrogée à leur sujet. Ces contradictions sont les suivantes :

 

1.                 Le comptable de l’appelante, M. Seto, n’a jamais fait état des prétendus dons de Mme Huang dans les premiers états du revenu et des éléments d’actif du couple qu’il a établis.

 

2.                 Dans un certificat déposé et daté du 1er septembre 1995, Mme Huang a déclaré qu’elle avait fait don à M. Kung de 450 000 yuans en 1991.

 

3.                 L’accord conclu entre Mme Huang et son gendre et sa fille en date du 20 janvier 1992 stipule que Mme Huang fait don de 450 000 yuans à titre d’« allocation d’entretien ». Il n’est pas possible d’accorder une « allocation » à un fils. En outre, la maison n’avait pas encore été vendue quand cet accord a été signé. Il indiquait plutôt que Mme Huang était censée léguer la maison par testament à son gendre et à sa fille.

 

4.                 En contradiction avec ce qui précède, le paragraphe 11 de la déclaration assermentée de Mme Huang datée du 31 décembre 2001, déposée sous la cote A‑2, indique qu’elle a fait don de 450 000 yuans à M. Kung entre les mois de janvier et de juin 1993.

 

[13]    Par conséquent, la déclaration assermentée de Mme Huang n’est pas crédible et ne confirme ni le témoignage de l’appelante ni celui de M. Kung. En outre, il est invraisemblable que M. Kung et l’appelante échangeaient des yuans contre des dollars de Hong Kong, qu’ils échangeaient ensuite à Hong Kong contre des dollars canadiens (comme ils ont prétendu l’avoir fait dans leur témoignage) et qu’ils ne transféraient pas des sommes aussi importantes au Canada au moyen d’un virement bancaire. Il est également invraisemblable qu’ils n'auraient pas déposé ces prétendus « dons» dans une banque à leur retour au Canada, tant pour en assurer la sécurité que pour en tirer un revenu d’intérêt. M. Kung et Mme Yip avaient tous deux des comptes bancaires au Canada.

 

[14]    La représentante de l’appelante a fait valoir qu'à partir du moment où l’appelante a expliqué la provenance des fonds en question, il incombait à l’intimée d’établir l’existence de l’« entreprise » de laquelle ces fonds étaient tirés. Cependant, la Cour ne croit pas M. Kung et Mme Yip en l’absence d’une confirmation acceptable de leurs récits. Or, cette confirmation n’existe pas. Par conséquent, les appels des cotisations d’impôt sont rejetés.

 

[15]    En ce qui concerne les pénalités imposées, l’appelante a témoigné qu’elle a remis tous les renseignements sur son revenu au comptable qui avait préparé ses déclarations de revenu. L’hypothèse selon laquelle l’appelante a gagné un revenu d’entreprise au cours des années en question n'a pas été réfutée par la preuve. Donc, la Cour conclut que l’appelante a « sciemment » omis de déclarer les revenus ayant fait l’objet des cotisations, en contravention du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle a délibérément fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenu de 1993 et 1994, ou y a participé. Dans les deux années en cause, les montants qui n’ont pas été déclarés étaient très élevés eu égard au revenu que l’appelante a déclaré. Pour ces motifs, les pénalités imposées sont maintenues.

 

[16]    Les appels sont rejetés en entier. L’intimée a droit aux dépens dans cette affaire.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de janvier 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

         J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2004.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

 

 

 

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