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Date: 20010502

Dossier: 2000-3476-IT-I

ENTRE :

ROY PAWLUK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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                                Pour l'appelant :                                     L'appelant lui-même

                                Avocate de l'intimée :                           Me Margaret McCabe

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Motifsdu jugement

(Rendus oralement à l'audience à Edmonton (Alberta) le vendredi 2 mars 2001)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]            La Cour rend maintenant sa décision dans l'affaire Roy Pawluk et Sa Majesté La Reine, 2000-3476(IT)I. L'unique question dont est saisie la Cour est celle de savoir si l'appelant, au cours des années d'imposition 1997 et 1998, avait le droit de déduire les pertes agricoles restreintes ou limitées de 2 469,49 $ et de 2 374,75 $ qu'il a déclarées pour ces années respectives.

[2]            Roy Pawluk a témoigné dans le cadre du présent appel. Il a acheté cette terre de 160 acres. Elle n'était pas défrichée et elle était située sur ce qu'il a appelé la lisière nord de la culture agricole. La terre au sud possédait un certain potentiel agricole, mais celle du nord n'en avait pas du tout. Il avait l'intention d'y vivre et d'y exploiter une ferme.

[3]            Il a labouré et préparé la terre. Il n'y a aucun doute quant au fait qu'il ait consacré beaucoup d'efforts et une somme considérable à tenter de préparer la ferme de façon à pouvoir l'exploiter comme une entreprise et en tirer un revenu. Toutes les dépenses ont été consignées, mais elles n'ont pas toutes été déclarées. Il ne considérait pas qu'il s'agissait d'un passe-temps ou d'une ferme à plein temps, mais que cela se trouvait à mi-chemin entre les deux. En d'autres termes, elle se situait dans la catégorie des pertes agricoles restreintes.

[4]            Il prévoyait des bénéfices en 1997, mais, en raison de sa maladie et du décès de son voisin, qui devait devenir son associé ou, du moins, qui devait l'aider à exercer les activités, il n'en a pas réalisé. Lorsque le voisin est devenu malade, il a reçu de l'aide des enfants de celui-ci.

[5]            Un employé de Revenu Canadalui a déclaré qu'il avait choisi de continuer, de conserver la ferme, mais qu'il aurait peut-être dû s'en défaire. Il ne souhaitait pas faire cela. Il a déclaré que Revenu Canada, en rendant sa décision initiale de rejeter les pertes agricoles restreintes, n'avait pas tenu compte de tous les faits comme ils avaient été présentés. Il a ensuite affirmé qu'il avait été encouragé par un employé de Revenu Canada du bureau d'Edmonton à poursuivre son appel en fonction des arguments qu'il a avancés aujourd'hui.

[6]            Stanley Robert Clark a indiqué dans son témoignage qu'il était un agriculteur et un opérateur d'équipement. Il vivait dans le secteur où la ferme était située. Au nord, la terre était broussailleuse et elle ne convenait de toute évidence pas à une exploitation agricole. Au sud, elle commençait à s'éclaircir, mais, même là, la terre était marginale. Il connaissait bien les 160 acres de terre en question. Il a indiqué qu'une partie du travail que l'appelant avait effectué pour tenter de faire démarrer son entreprise agricole était de couper les arbustes et d'installer des services publics. Il l'a vu y travailler durant les fins de semaine et les congés. Il a apporté d'importantes améliorations au lot. Il a installé des clôtures et des chemins, et un pré de fauche a été semé. Tout cela a été accompli à des fins d'exploitation agricole.

[7]            Son père est décédé au mois de janvier 1997. Celui-ci avait eu l'intention d'aider l'appelant à exploiter la ferme. Si son père avait pu le faire, il croit que les choses se seraient mieux déroulées. Son père était sur le point de prendre sa retraite. Il aurait pu consacrer beaucoup de temps avec l'appelant à exploiter la ferme et à tenter de la rendre viable. Il s'occupait de l'endroit lorsque l'appelant était malade.

[8]            Il s'agit là fondamentalement de la preuve, outre les hypothèses figurant dans la réponse à l'avis d'appel (la " réponse "). Toutes les hypothèses du ministre qui y sont contenues ont été admises, sauf le sous-paragraphe 10f), selon lequel l'activité ne visait ni cultures ni bétail en 1997 ou en 1998. L'appelant a maintenu qu'il y avait un pré de fauche en 1997, mais il a plus tard indiqué dans son témoignage qu'il avait été moissonné et que l'on en avait donné le produit aux voisins pour le travail qu'ils avaient accompli pour lui. Il n'a pas souscrit au sous-paragraphe 10i), qui précisait que l'activité n'avait pas fourni à l'appelant de source de revenu en 1997 et en 1998. Lorsque la Cour lui a demandé s'il avait eu un revenu pour ces années, il a répondu par la négative.

Argument de l'intimée

[9]            Dans son argumentation, l'avocate de l'intimée a déclaré qu'en l'espèce, il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit. Elle a mentionné plusieurs affaires, soit R. c. Donnelly, [1998] 1 C.F. 513 (1997 CarswellNat 1562), qui n'est pas la plus récente et Hilts c. Le ministre du Revenu national, [1991] A.C.I. no 22, qui est une décision de la Cour canadienne de l'impôt datée du 10 janvier 1991 quelque peu semblable au présent appel, même si les circonstances de cette affaire étaient beaucoup plus prometteuses qu'en l'espèce. Le juge Taylor a également rendu une décision dans l'affaire Salerno v. M.N.R., 84 DTC 1639. Ces trois affaires ont été jugées en défaveur de l'appelant contribuable. L'affaire Donnelly, précitée, était un appel interjeté à l'encontre d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt portant sur une activité agricole et équestre pour laquelle la Cour canadienne de l'impôt avait à l'origine admis l'appel et que la Cour d'appel avait par la suite infirmée. Toutes ces affaires établissaient fondamentalement les principes concernés dans une affaire comme celle-ci.

[10]          Le principe fondamental mentionné par le ministre dans la réponse est bien fondé. Les articles 3, 4 et 9, le paragraphe 248(1) et l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") sont tous pertinents. En les examinant de concert avec les faits en l'espèce, la Cour doit être convaincue par l'appelant, selon la balance des probabilités, qu'au cours des années en litige, soit 1997 et 1998, il y avait une attente raisonnable de profit à l'égard de l'activité. Selon la preuve, l'avocate a soutenu qu'il n'y avait pas de chance de profit et qu'il n'y avait pas de source de revenu. Aucun revenu n'était tiré du bien, de la prétendue entreprise, alors comment pouvait-il y avoir une source de revenu? Il n'y avait pas de revenu. Il n'était pas possible de faire de l'argent avec la ferme en 1997 et en 1998, même selon le témoignage de l'appelant lui-même.

[11]          Elle le rassure en lui indiquant qu'elle est consciente du travail qu'il a accompli et de ce qu'il tentait de faire, mais tout ce travail n'a mené à rien pour ce qui est de l'exploitation d'une entreprise parce qu'il n'a jamais atteint l'étape de la possibilité d'une attente raisonnable de profit. Selon elle - et sa position est bien fondée - il s'agit d'une affaire concernant une perte agricole restreinte. Toutefois, une situation de perte agricole restreinte n'est pas possible, à moins que l'on ne démontre qu'il y a une attente raisonnable de profit. Même en cas de perte agricole restreinte, ce fardeau existe. Il faut pouvoir démontrer qu'il y avait une source de revenu, qu'il y avait une attente raisonnable de profit à l'égard de l'exploitation de l'entreprise. Elle déclare que ce n'est pas le cas en l'espèce. Il n'y avait pas de chance de profit. L'appel devrait être rejeté.

Argument de l'appelant

[12]          L'appelant, quant à lui, a déclaré que les affaires qu'a mentionnées l'avocate de l'intimée concernaient des activités qui existaient déjà et qui fonctionnaient, qu'elles étaient de moindre importance et plus restreintes. On pourrait s'attendre, dans un cas de cette nature, à un profit raisonnable, mais ce n'est pas le cas en l'espèce. Cette terre de 160 acres était rentable : on pouvait s'attendre à réaliser un profit. Il a établi une comparaison avec la colonisation. Il était sur le point de réaliser un profit et il a indiqué, en levant les doigts et en montrant un faible espace entre deux de ses doigts à quel point il était près d'en réaliser un. Il n'a pu produire de chiffres pour soutenir sa prétention.

[13]          Il s'agit d'une affaire où l'appelant déclare fondamentalement " j'aurais réalisé un profit n'eût été de ". C'est l'une de ces affaires où " n'eût été de... ". N'eût été du décès de son ami et voisin, qui devait l'aider, et n'eût été de sa maladie, il aurait réalisé un profit en 1997 et en 1998. Le ministère n'a tenu compte ni de sa santé, ni de l'aide de son voisin, ni du profit anticipé qu'il avait. Il entre dans le cadre de l'article 31 et devrait avoir droit à une perte agricole restreinte.

Analyse et décision

[14]          Il est commun de dire que, dans une affaire de cette nature, aussi difficile qu'elle puisse paraître pour certaines personnes, compte tenu des affaires mentionnées dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213) et dans d'autres, pour l'obtention d'une déduction à titre de perte agricole restreinte ainsi que de perte agricole complète, il doit y avoir une attente raisonnable de profit. Les affaires en question traitent d'une attente raisonnable de profit pendant les années en litige. Pour que la Cour puisse trancher la question, elle doit examiner l'historique de l'activité, ce qui s'est produit auparavant et ce qui pourrait se produire dans l'avenir. Aucune preuve n'a été déposée quant à ce qui s'est produit après 1997 et 1998.

[15]          Les faits ainsi qu'ils ont été présentés dans la réponse et reconnus par l'appelant démontrent qu'il y a eu une activité de 1991 à 1998. Certains éléments indiquent qu'elle se poursuit, ou du moins qu'elle existe toujours, mais aucune perte n'a apparemment été déclarée après 1998. Le ministre, selon le témoignage de l'appelant, a admis des pertes agricoles de 1991 à 1996. Ce n'est qu'en 1997 et en 1998, soit les années en litige, que le ministre a cessé d'admettre ces pertes agricoles.

[16]          Il ne peut y avoir de doute, selon la présente cour, quant au fait que le ministre a réellement fait une exception lorsqu'il a permis la déduction des pertes de 1991 à 1996. On doit conclure que le ministre a considéré qu'il s'agissait d'années de démarrage raisonnables. La Cour accepte l'argument de l'appelant selon lequel on ne peut pas simplement acheter une ferme, si elle est nouvelle, et automatiquement réaliser un profit au cours de l'année suivante. Il faut accumuler des biens immobilisés, créer le stock et obtenir de l'équipement. Voilà ce à quoi sont destinés les frais de démarrage. Toutefois, arrive un moment où une personne doit se demander s'il y aura enfin un profit. Le ministre se demande habituellement à quel moment il y aura un profit. C'est normalement ce qu'il fait avant d'établir une nouvelle cotisation et de rejeter les pertes.

[17]          En l'espèce, la Cour aurait pu remettre en question la décision du ministre si celui-ci n'avait admis aucun frais de démarrage, s'il n'avait pas donné à l'appelant l'occasion de réaliser un profit, si celui-ci avait pu démontrer qu'il avait eu un plan, un modèle selon lequel, dans un avenir raisonnablement prévisible, l'activité produirait un profit. Toutefois, il faut quand même examiner les deux années en litige, 1997 et 1998, et la Cour doit se demander si, au cours de ces années, compte tenu de tous les facteurs lui ayant été présentés, il y avait une attente raisonnable de profit. La Cour doit conclure avec assurance qu'il n'y avait aucune preuve déposée devant elle en vertu de laquelle elle pouvait juger que l'appelant avait une chance de réaliser un profit en 1997 et en 1998. La preuve révèle clairement qu'au cours de ces années, il n'y avait ni bétail, ni cultures ni possibilités pour l'appelant de réaliser un profit

[18]          L'appelant a déclaré qu'il était " sur le point de réaliser un profit ". Cependant, encore une fois, aucune preuve n'a été déposée devant la Cour selon laquelle en 1997 et en 1998, il y avait eu une attente raisonnable de profit, et c'est ce que l'appelant doit établir. Selon la preuve déposée devant cette cour, cette dernière ne voit pas comment il aurait pu le faire. La preuve indique également que les pertes qu'il a déclarées n'étaient pas des pertes complètes. Il a lui-même indiqué qu'il n'avait pas déclaré toutes les dépenses ni toutes les pertes qu'il avait subies. Cela indique davantage qu'il s'agissait d'un projet à partir duquel il était très difficile de réaliser un profit. La Cour ne peut voir aucun fondement raisonnable en 1997 et en 1998, peu importe à quel point elle étire la preuve, en fonction duquel elle peut conclure qu'il y aurait eu une attente raisonnable de profit.

[19]          Tout en gardant à l'esprit tout le travail que l'appelant a accompli, cette cour doit conclure, à regret, qu'il n'y avait aucune attente raisonnable de profit.

[20]          Cette cour tient compte de tous les faits qui lui ont été présentés et, malgré l'argument de l'appelant selon lequel il s'agit d'une affaire où " n'eût été de... " (n'eût été de sa maladie, il aurait pu réaliser un profit), la Cour ne peut conclure que, même s'il n'y avait pas eu de maladie, il y aurait eu un profit. Rien dans la preuve déposée ne permet à la Cour de tirer une telle conclusion.

[21]          En tout état de cause, les faits en l'espèce déterminent qu'il n'y avait aucun élément à partir duquel l'appelant, pendant ces années, pouvait raisonnablement s'attendre à réaliser un profit.

[22]          Les appels sont rejetés, et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2001.

" T. E. Margeson "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 21e jour de décembre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Mario Lagacé, réviseur

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