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Date: 20010327

Dossier: 1999-2985-IT-I

ENTRE :

JEANNE NAPONSE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels interjetés par Jeanne Naponse à l'encontre des cotisations établies pour ses années d'imposition 1995 et 1996. Dans le calcul de son revenu pour ces années, l'appelante a exclu les montants de 21 504,76 $ et de 24 349,28 $, respectivement[1], en partant du principe qu'ils étaient exonérés de l'impôt en vertu des dispositions de l'alinéa 87b) de la Loi sur les Indiens[2] et de l'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").

[2]            L'appelante a produit des avis d'opposition et, au moyen de nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le " ministre ") a accordé une exclusion de 20 p. 100 du salaire total de l'appelante et a soustrait de son revenu pour les années 1995 et 1996 les montants de 11 683,41 $ et de 12 174,64 $, respectivement. Selon l'appelante, le ministre a commis une erreur en établissant ainsi une cotisation à son égard et a ajouté qu'en réalité elle avait droit d'exclure 100 p. 100 de son revenu en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens et de la Loi.

Contexte factuel

[3]            L'appelante est une Indienne inscrite qui vit sur la réserve no 6 de Whitefish Lake à Naughton (Ontario), depuis 1971. Elle a obtenu une maîtrise en enseignement supérieur de la Central Michigan State University et elle travaille comme professeure pour le Cambrian College of Applied Arts and Technology (le " collège Cambrian ") de Sudbury depuis plusieurs années. Le collège Cambrian, en tant que collège communautaire, est un établissement d'enseignement postsecondaire. Il est subventionné par l'État et est ouvert aux étudiants adultes et aux diplômés des écoles secondaires.

[4]            L'appelante a indiqué dans son témoignage qu'elle a été élue en tant que membre du conseil de la réserve de Whitefish Lake et qu'elle a par la suite exercé un mandat de chef. Pendant son mandat de chef, elle s'est intéressée à ce qu'elle a décrit comme la politique des Premières nations et a pris conscience des défis auxquels sont confrontées les réserves indiennes. Ces préoccupations étaient partagées par d'autres personnes, et un groupe d'Indiens de la région de Sudbury a formé un comité de travail pour se pencher sur les problèmes d'éducation autochtone. Le comité a présenté au président du collège Cambrian une proposition et, en 1986, le collège a mis sur pied le Wabnode Institute/School of Anishnaabe Studies (l'" institut Wabnode "). À l'origine, un seul programme particulier a été élaboré à titre de projet-pilote d'une durée de deux ans. Il a été considéré comme un succès et, en 1991 ou vers cette époque, le comité des affaires Anishnaabe a été créé. Le rôle de ce comité au nom du conseil des gouverneurs est d'offrir une orientation, un soutien et/ou des conseils suivis au collège Cambrian en ce qui concerne certains aspects de son mandat[3]. Le conseil des gouverneurs du collège, sur les recommandations du comité, nomme les membres du comité qui doit compter au moins deux membres du conseil des gouverneurs.

[5]            Il est admis que l'institut Wabnode était et continue d'être un département du collège Cambrian. Le financement de tous les programmes et services offerts au collège Cambrian était assuré par une subvention d'exploitation provenant du ministère provincial de l'Éducation et de la Formation. Le collège Cambrian obtenait un revenu supplémentaire grâce à l'inscription des étudiants, c'est-à-dire les frais de scolarité. L'appelante a fait remarquer que le collège Cambrian pouvait demander une subvention au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien chaque année, mais cette subvention ne lui était pas toujours accordée[4]. De même, un financement pour les services de soutien était offert aux étudiants des Premières nations fréquentant le collège Cambrian[5]. En ce qui concerne l'institut Wabnode, chaque année ses représentants devaient rencontrer les responsables du service des finances du collège Cambrian pour discuter des comptes budgétaires qui lui étaient destinés et s'entendre à ce sujet. Au cours des années d'imposition en litige, l'appelante en avait la responsabilité.

[6]            En 1995 et en 1996, l'institut Wabnode offrait neuf programmes autochtones particuliers[6]. La seule condition d'admission imposée pour ces programmes était que les étudiants devaient posséder un diplôme d'études secondaires de l'Ontario, l'équivalent ou être adultes. Les étudiants de ces programmes n'ont pas à être résidents d'une réserve ni à être des " Indiens " au sens où l'entend la Loi sur les Indiens. En réalité, un certain nombre d'étudiants à qui l'appelante a enseigné ne vivaient pas dans des réserves. Au cours des années d'imposition en litige, l'appelante donnait l'un des programmes, Soins éducatifs à la petite enfance autochtone (le " programme ")[7]. Elle a indiqué qu'il s'agissait d'un programme de deux ans menant à un diplôme, qui s'étendait sur cinq semestres; le programme comportait un stage obligatoire de six semaines pendant lequel les étudiants devaient compléter leur formation sur le terrain. La majorité des étudiants qui ont suivi ce cours ont fait leur stage dans une garderie située sur une réserve alors que les autres l'ont fait dans des garderies situées à l'extérieur d'une réserve. Pour obtenir leur diplôme, les étudiants devaient posséder les compétences et les connaissances nécessaires pour travailler dans un service de garde autorisé et ils avaient le droit de chercher un emploi dans un tel service en Ontario.

[7]            L'appelante affirme que pendant les années d'imposition en litige, elle remplissait les fonctions de superviseur des stages pratiques et qu'elle était le seul professeur responsable des stages pendant ces années. Parmi ses fonctions, elle communiquait avec les employeurs ou les garderies pour prendre des dispositions au nom des étudiants, elle mettait à jour le manuel de stages pratiques, elle notait les devoirs des étudiants et effectuait des visites sur place avec le superviseur et les étudiants afin de procéder aux évaluations. Elle déclare qu'on lui a attribué huit heures supplémentaires par semaine pour son travail à ce poste, mais reconnaît qu'elle n'y avait pas été nommée particulièrement et qu'elle n'était pas payée en tant que superviseur des stages pratiques membre du corps professoral en vertu de son contrat de travail[8].

Thèse de l'appelante

[8]            L'appelante a fait mention d'un certain nombre d'affaires liées à l'exonération de l'impôt découlant de l'interaction de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et de l'alinéa 81(1)a) de la Loi, mais se fonde principalement sur les affaires Williams c. Canada[9], Canada c. Folster[10], Canada c. Poker[11], Monias c. La Reine[12] et McNab c. La Reine[13]. Elle affirme que sa situation est semblable à celles des affaires McNab etPoker. D'abord, elle vit dans une réserve depuis son enfance, continue de le faire et est un membre actif de la communauté. L'emploi dans l'affaire Poker n'était pas exercé dans une réserve, cependant sa nature et son objet étaient étroitement liés à la réserve et la plupart des étudiants étaient indiens. Elle soutient que bien qu'elle fût employée à l'extérieur d'une réserve par le collège Cambrian, son travail était encore plus étroitement lié aux réserves que dans l'affaire Poker parce que les bénéficiaires de son travail étaient des étudiants indiens qui fréquentaient l'institut Wabnode ainsi que les organismes indiens qui employaient leurs diplômés. L'appelante a en outre avancé que, selon les faits, le principe des circonstances particulières s'applique parce que son emploi ainsi que son employeur contribuaient directement au bénéfice des réserves indiennes et à leur renforcement[14].

[9]            L'appelante prétend également que le poste qu'elle a occupé en 1995 et en 1996 n'était pas de nature commerciale puisqu'elle n'était pas en concurrence avec d'autres citoyens canadiens en ce qui concerne l'entreprise ou l'emploi lui-même. Elle soutient que seul un Indien qui connaît bien les traditions, les cultures et les valeurs de son peuple pouvait faire son travail. Elle allègue que le fait de former des personnes à travailler dans des réserves d'une manière compatible avec leurs traditions est intrinsèque aux réserves et aux Indiens en tant que tels et affirme que l'objet de l'institut Wabnode était d'aider directement les réserves en formant des personnes à y travailler.

Analyse

[10]          L'appelante est une Indienne au sens où l'entend la Loi sur les Indiens. Le ministre a inclus dans son revenu certains montants à titre de revenu d'emploi pour les années d'imposition 1995 et 1996. Elle soutient que ce revenu est exonéré d'impôt en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens et du paragraphe 81(1) de la Loi, lesquels prévoient :

87(1)        Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a)             le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b)             les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.

87(2)        Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.

81(1)        Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a)             une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu'un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada [...].

[11]          L'unique question dont la Cour est saisie est celle de savoir si l'appelante a droit à une exemption d'impôt sur son revenu d'emploi à titre de " biens meubles [...] situés sur une réserve " au sens de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens.

[12]          Dans l'affaire Williams c. Canada[15], le juge Gonthier, après avoir examiné la nature et l'objet de l'exemption fiscale (dont des renvois particuliers aux affaires Mitchell c. Bande indienne Peguis et Nowegijick c. La Reine[16]) a proposé la méthode suivante :

IV - Le critère approprié

                Puisque l'opération en vertu de laquelle un contribuable reçoit des prestations d'assurance-chômage ne constitue pas un bien matériel, la méthode par laquelle on pourrait en déterminer le situs ne saute pas aux yeux. Dans un sens, le problème est que l'opération n'a pas de situs. Toutefois, dans un autre sens, le problème est qu'elle en compte trop. Il y a le situs du débiteur, le situs du créancier, le situs du versement du paiement, le situs de l'emploi donnant droit au revenu en question et le situs de l'utilisation du paiement, et d'autres sans doute. Il faut ensuite déterminer quel est le lieu pertinent ou encore quelle est la combinaison de ces facteurs qui détermine le lieu de l'opération.

                Selon l'appelant, un tribunal se doit, dans chaque cas, de soupeser tous les " facteurs de rattachement " pertinents pour décider quel est le situs de la réception d'un revenu. Cette méthode aurait l'avantage d'être souple, mais elle devrait être utilisée avec soin afin d'éviter plusieurs possibilités d'embûche. Dans l'interprétation des exemptions fiscales, il est souhaitable de concevoir des critères dont l'application est prévisible de sorte que les contribuables concernés puissent planifier leurs affaires en conséquence. Cela est également important puisque les mêmes critères régissent l'exemption de saisie.

                De plus, il serait dangereux de soupeser les facteurs de rattachement de manière abstraite, indépendamment de l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens. Un facteur de rattachement n'est pertinent que dans la mesure où il identifie l'emplacement du bien en question aux fins de la Loi sur les Indiens. Dans des catégories particulières de cas, un facteur de rattachement peut donc avoir beaucoup plus de poids qu'un autre. On pourrait facilement perdre cette réalité de vue en soupesant les facteurs de rattachement cas par cas.

                Cependant, un critère trop rigide qui accorderait une force déterminante à un ou deux facteurs comporte ses propres possibilités d'embûche. Un tel critère donnerait ouverture à des manipulations et à des abus et, en étant axé sur trop peu de facteurs, il pourrait ne pas donner effet aux objectifs de l'exemption contenue dans la Loi sur les Indiens aussi facilement qu'un critère qui est axé indifféremment sur un trop grand nombre de facteurs.

                La méthode qui tient le mieux compte de ces préoccupations est celle qui analyse la situation sous le rapport des catégories de biens et des types d'imposition. Par exemple, la pertinence des facteurs de rattachement peut varier selon qu'il s'agit de prestations d'assurance-chômage, de revenu d'emploi ou de prestations de pension. Il faut d'abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents. On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d'identifier l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses : (1) l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens, (2) le genre de bien en cause et (3) la nature de l'imposition de ce bien. Il s'agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l'imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve.

                Cette méthode conserve la souplesse de la méthode cas par cas, mais à l'intérieur d'un cadre qui identifie correctement le poids à accorder à divers facteurs de rattachement. Il est évident que ce poids ne peut être déterminé avec précision. Cette méthode a cependant l'avantage de préserver la capacité de traiter de façon appropriée les cas qui, à l'avenir, présenteront des considérations jusque-là non évidentes.

[13]          Le bien en litige dans le présent appel est le revenu d'emploi. Les facteurs de rattachement susceptibles d'être pertinents sont, sans ordre particulier, la résidence de l'appelante, la résidence de l'employeur de l'appelante, l'endroit où le travail est exécuté, la nature des services rendus et les circonstances dans lesquelles ils le sont.

[14]          L'appelante a prétendu qu'il n'existait pas de différence importante entre sa cause et les affaires Folster, Poker et McNab. Dans ces affaires, les cours ont conclu que les circonstances relatives à l'emploi et le revenu qui en découlait visaient presque exclusivement la réserve. Ce n'est pas le cas en l'espèce. Le seul point en commun est le fait que chacun de ces appelants résidait pendant toute la période pertinente dans une réserve. D'un autre côté, dans les affaires Poker et McNab, le situs de l'employé et de l'employeur se trouvaient sur une réserve alors que, dans l'affaire Folster, l'employeur était voisin de la réserve. Dans cette affaire, la Cour a décidé qu'attribuer une grande importance à ce fait masquerait la véritable nature du revenu d'emploi. En ce qui concerne l'appelante, son employeur ne résidait pas, dans tous les sens de ce terme, dans la réserve. L'appelante soutenait également qu'une [TRADUCTION] " partie importante de [son] travail avait réellement lieu dans les réserves ". La preuve, toutefois, indique le contraire. Je remarque en particulier que lorsque les tâches d'enseignement étaient assignées chaque semestre, chaque membre du corps enseignant du collège Cambrian devait signer un formulaire type sur la charge de travail qui prescrit la charge de travail totale pour ce membre[17]. Les trois formulaires sur la charge de travail pour 1995 de l'appelante révèlent qu'elle a donné quatre cours pendant le premier semestre, trois pendant le deuxième et cinq pendant le troisième. Un seul formulaire sur la charge de travail a été déposé pour l'année d'imposition 1996. Il portait sur le semestre de janvier et février au cours duquel l'appelante a donné quatre cours. Tous les cours, à l'exception d'un seul, ont été donnés au collège Cambrian, département de l'institut Wabnode, au campus de Sudbury. La seule exception (et là encore seulement dans une certaine mesure) concernait le séminaire sur le stage pratique qui était, selon l'appelante, conçu de façon à préparer les étudiants aux stages. En outre, une partie importante de son travail dans la réserve consistait en la préparation de la documentation pour ses classes régulières qu'elle effectuait chez elle. Il est impossible de soutenir sérieusement qu'il s'agissait d'une fonction qu'elle devait remplir dans une réserve en vertu de son contrat.

[15]          Je ne peux pas non plus admettre l'affirmation de l'appelante selon laquelle son emploi ne se trouvait pas dans le domaine commercial. Pendant les années d'imposition en litige et pendant un certain nombre d'années auparavant, le collège Cambrian était son employeur. Pendant toute la période pertinente, elle faisait partie du Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l'Ontario, section locale 655, qui est une section locale générale de professeurs (corps professoral) et qui n'est pas particulier aux Autochtones. En tant que membre de cette section locale, elle profitait de toutes les conventions collectives, y compris des dispositions concernant la répartition de la charge de travail et le salaire. L'appelante ne suggère pas, et rien dans les lignes directrices sur le financement des programmes pour les étudiants autochtones ni dans le mandat du comité des affaires Anishnaabe[18] ne laisse entendre, même vaguement, que les postes d'enseignants à l'institut Wabnode étaient restreints d'une quelconque manière.

[16]          L'appelante soutenait également que la formation de personnes pour qu'elles travaillent dans des réserves d'une manière qui soit compatible avec la culture, les traditions et les valeurs indiennes est intrinsèque aux réserves et aux Indiens en tant qu'Indiens. Elle affirme que puisque l'objet de l'institut Wabnode était d'aider directement les réserves en formant des personnes à y travailler, il est nécessaire d'examiner le fait que son emploi visait à offrir des avantages aux Indiens des réserves. Dans le même ordre d'idées, l'appelante a allégué que les gouvernements fédéral et provincial sont responsables du fait que le collège Cambrian ne soit pas situé sur une réserve, et qu'afin de minimiser les lacunes des gouvernements respectifs dans la prestation des services d'enseignement, sa réserve ainsi que plusieurs autres utilisent les ressources disponibles en vue d'élaborer des programmes dont le seul objet est de profiter aux réserves en question. Plusieurs remarques en ce qui concerne ces arguments sont nécessaires. Premièrement, rien dans la preuve n'indique que les bénéficiaires de son emploi étaient exclusivement des Indiens. Deuxièmement, de nombreux étudiants inscrits aux programmes ne résidaient pas dans une réserve. Troisièmement, la formation préparait les étudiants à occuper un emploi pour le secteur commercial dans n'importe quel service de garde autorisé en Ontario et elle n'était pas limitée aux réserves.

[17]          Le juge Archambault qui a examiné une proposition semblable dans l'affaire Desnomie c. La Reine[19] a fait les remarques suivantes :

Le fait que la clientèle de l'employeur était composée d'étudiants autochtones qui venaient des réserves ne devrait pas avoir beaucoup d'importance. Ces étudiants autochtones vivaient en dehors de la réserve pendant au moins huit à dix mois, pendant qu'ils bénéficiaient des services qui leur étaient fournis par la MIEA. Il importe également de signaler que ce sont les biens meubles de M. Desnomie qui doivent être " situés sur une réserve " et non les biens meubles des étudiants autochtones. Autrement dit, l'" atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve " doit être déterminée par rapport à la personne dont le revenu est en cause et non par rapport aux différentes réserves qui bénéficient directement ou indirectement des services de cette personne.

La Cour d'appel fédérale[20] a également examiné l'argument fondé sur la nécessité soulevé dans l'affaire Desnomie c. La Reine, précité, quand le juge Rothstein a fait observer :

En pratique dans les faits, l'argument fondé sur la nécessité veut que la résidence de l'employeur et de l'employé, comme le lieu d'emploi, seraient dans la réserve si cela était possible et que, par conséquent, le revenu d'emploi devrait être considéré comme étant situé dans la réserve. Le problème avec cet argument est qu'il n'est pas lié à la question en litige dans les circonstances de la présente affaire, soit celle de savoir si le revenu d'emploi de l'appelant est un bien situé dans une réserve. Il s'agit de déterminer un lieu, un situs, en se fondant sur le lieu des opérations pertinentes effectuées. L'argument de l'appelant signifie que tant qu'un Indien travaille au profit d'un employeur indien et pour des Indiens venant de réserves, son revenu d'emploi devrait être exonéré d'impôt, indépendamment du lieu où lui-même, son employeur ou son emploi sont situés, ou l'endroit où il est payé. Il n'y a aucun doute quant au fait que le travail de l'appelant consiste à aider des Indiens venant des réserves quand ils en déménagent. Il n'y a aucun doute non plus quant au fait que son employeur est un organisme indien. Le problème est que ces éléments ne rattachent pas le revenu d'emploi de l'appelant à une réserve déterminée. Même s'il peut être soutenu que l'exonération de l'article 87 s'applique quand les biens d'un Indien sont situés dans une autre réserve que la sienne, dans la présente affaire, la nature de l'employeur et l'emploi ne permettent pas, à eux seuls, de déterminer une réserve donnée à laquelle les biens de l'appelant peuvent être rattachés. Par conséquent, ces éléments n'aident pas à déterminer le lieu de son revenu d'emploi.

Le fondement de la décision rendue dans l'affaire Desnomie s'applique étalement aux appels en l'instance.

[18]          Je conclus donc que le prélèvement d'impôt effectué par le ministre en l'espèce n'équivaut pas à l'effritement des droits de l'appelante d'Indienne à titre d'Indienne sur une réserve. En conséquence, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mars 2001.

" A. A. Sarchuk "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 9e jour d'octobre 2001.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-2985(IT)I

ENTRE :

JEANNE NAPONSE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 9 mai 2000 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions

Pour l'appelante :                       L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                 Me Kathryn Philpott

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mars 2001.

" A. A. Sarchuk "

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'octobre 2001.

Martine Brunet, réviseure




[1]               En 1995, le montant exclu représentait 40 p. 100 de son salaire net de 53 761,92 $, c'est-à-dire son revenu d'emploi de 58 417,04 $, moins des déductions de 4 655,12 $. En 1996, le montant exclu représentait 40 p. 100 de son revenu d'emploi total de 60 873,20 $.

[2]               L.R.C. ch. I-5.

[3]               Pièce A-2 - Mandat du comité, comité des affaires Anishnaabe.

[4]               Le témoignage de l'appelante n'est pas clair quant à la question de savoir qui du collège Cambrian ou de l'institut Wabnode est le bénéficiaire de cette subvention. L'appelante a également fait allusion à la possibilité que des étudiants aient obtenu une aide financière du gouvernement fédéral.

[5]               Pièce A-1 - " Lignes directrices des programmes et des services de financement pour les étudiants autochtones dans les collèges et les universités " 1996-1997 - ministère de l'Éducation et de la Formation.

[6]               Les programmes visés sont : les petites et moyennes entreprises autochtones, le bien-être et la guérison communautaire, le travailleur des services à l'enfance et à la famille autochtone, la gestion d'hôtels et de restaurants autochtones, la gestion des terres autochtones, la préparation de la nourriture autochtone et les soins éducatifs à la petite enfance autochtone.

[7]               En ce moment, l'appelante est doyenne de la Anishnaabe School of Studies.

[8]               L'appelante soutient qu'elle était en réalité payée pour ses heures additionnelles et affirme que c'était ainsi que le collège Cambrian l'indemnisait pour le travail supplémentaire sans contrevenir à la convention collective. Son témoignage quant à ce paiement et au montant qui s'y rapporte n'est pas particulièrement précis ou clair.

[9]               [1992] 1 R.C.S. 877.

[10]             [1997] 3 C.F. 269 ((1997) 148 DLR (4th) 314).

[11]             [1995] 1 C.F. 561.

[12]             C.C.I., no 96-51(IT)G, 20 juillet 1999 (99 DTC 1021).

[13]              C.C.I., no 91-2355(IT), 23 septembre 1992 ([1992] 4 C.N.L.R. 52).

[14]             Dans ce contexte, l'appelante a mentionné l'affaire Margaret Amos et Solomon Mark c. La Reine, C.A.F., no A-460-98, 18 mai 1999 (99 DTC 5333).

[15]             [1992] 1 R.C.S. 877, à la p. 891.

[16]             [1990] 2 R.C.S. 85 et [1983] 1 R.C.S. 29, respectivement.

[17]             Pièces A-3, A-4 - Formulaires types de la charge de travail pour 1995 et 1996.

[18]             Pièces A-1 et A-2.

[19]             C.C.I., no 92-2735(IT)G, 23 juin 1998, à la p. 13 (98 DTC 1744, à la p. 1749).

[20]             [2000] A.C.F. no 528 (Q.L.).

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