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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-4527(IT)I

ENTRE :

IVANA CAPPELLETTO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus le 14 juin 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions

 

Représentante de l'appelante :              Eva Y. Lee

Avocat de l'intimée :                           Me Victor Caux

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'encontre de nouvelles cotisations d'impôt établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés.

 

          L'appel de la nouvelle cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi pour l'année d'imposition 1998 est admis et la nouvelle cotisation déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante n'est en droit de déduire que des frais de transport de 2 500 $ au titre du « coût des marchandises vendues ». L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2002.

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020730

Dossier: 2001-4527(IT)I

ENTRE :

 

IVANA CAPPELLETTO,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur

 

[1]     Certains frais que l'appelante avait déduits pour ses années d'imposition 1996, 1997 et 1998 n'ont pas été admis par le ministre du Revenu national, pour le motif qu'il s'agissait de frais personnels ou de dépenses déraisonnables, en vertu de l'alinéa 18(1)a) et de l'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[2]     L'appelante exploitait une entreprise d'arts graphiques à partir d'un loft condominial de 686 pieds carrés qu'elle partageait avec un ami. Son ami était propriétaire de l'unité condominiale et payait 50 p. 100 des frais y afférents. La déduction de frais demandée par l'appelante à cet égard était erronément basée sur le fait que l'appelante payait 100 p. 100 des frais relatifs à l'unité condominiale.

 


[3]     Les parties ont convenu que les frais en litige se résumaient à ce qui suit :

 

 

1996

1997

1998

 

 

 

 

Assurance

           183 $

           750 $

           750 $

Coût des marchandises vendues

 

 

        5 000 $

Repas

           499 $

        1 955 $

        1 570 $

Utilisation commerciale de l'habitation

 

        2 362 $

 

        3 874 $

 

        4 471 $

Frais de véhicule à moteur

           724 $

        1 500 $

        3 005 $

DPA

 

        3 921 $

        2 907 $

Frais de déplacement

        1 426 $

        3 766 $

        1 708 $

Documents de référence

 

        4 893 $

        2 634 $

 

[4]     Avant d'effectuer une analyse des frais pris séparément, de brèves observations générales sur la distinction entre des dépenses d'entreprise et des frais personnels sont utiles[1]. Des frais ne sont déductibles que si le contribuable les engage pour gagner un revenu. Certains frais sont clairement d'une nature purement commerciale, de sorte que la question de la déductibilité ne se pose guère. Le coût des marchandises vendues en est un exemple. Des frais d'une nature purement personnelle — des frais de repas, par exemple, ainsi que les frais relatifs à l'utilisation personnelle d'une automobile et les frais relatifs à des déplacements personnels — ne sont pas déductibles. Il faut examiner minutieusement l'objet prédominant de la dépense. Dans la présente espèce, certaines dépenses qui ont été déduites entrent dans une zone grise. La plupart des dépenses engagées en vue de gagner un revenu peuvent apporter du plaisir, par exemple concernant les repas, l'utilisation du domicile, l'utilisation de la voiture et les déplacements. Ce qu'il faut examiner, c'est la question de savoir pourquoi l'entreprise a engagé la dépense. Certaines de ces dépenses peuvent être considérées comme des dépenses hybrides engagées en partie pour gagner un revenu et en partie pour consommation ou jouissance personnelle. Je dois déterminer le facteur dominant ou procéder à une juste répartition.

 

[5]     L'appelante a témoigné pour elle‑même, et un vérificateur, Robert Vance Gill, a témoigné pour l'intimée. Ce qui avait incité M. Vance à effectuer la vérification relative à l'appelante, c'était le fait que des dépenses importantes avaient été déduites d'un revenu qui était faible.

 

[6]     Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, l'appelante avait indiqué ce qui suit comme revenu (perte) provenant de l'entreprise :

 

                             1996                                        14 691 $

                             1997                                       (19 418 $)

                             1998                                        23 669 $

 

[7]     En établissant de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelante, le ministre a apporté les changements suivants :

 

                             1996   augmentation de             15 414 $

                             1997   augmentation de             19 387 $

                             1998   diminution de                   8 154 $

 

[8]     J'accorde énormément de poids à la déposition du vérificateur, qui était impressionnante. Le vérificateur a beaucoup d'expérience dans le domaine des vérifications relatives aux petites entreprises et a passé plus de 100 heures sur le présent dossier, en grande partie dans les locaux de l'appelante, à examiner des registres et à inspecter les lieux, ainsi que le matériel. De nombreuses questions ont été réglées avant l'audience, mais il en reste un bon nombre. Le temps consacré à la vérification est compréhensible.

 

[9]     Je traiterai des points litigieux en suivant l'ordre établi précédemment.

 

Assurance

 

[10]    J'accepte sans difficulté la répartition des primes payées que le ministre a effectuée pour déterminer les montants applicables à l'année civile. Il est clair qu'une erreur du vérificateur a profité à l'appelante.

 

Coût des marchandises vendues

 

[11]    L'appelante a inclus des frais de transport de 5 000 $ relatifs à l'expédition d'un meuble ancien, soit un gros bureau faisant partie du patrimoine familial, qui lui avait été légué. Le ministre ne nie pas que l'appelante utilise le bureau à des fins d'entreprise, mais il affirme que l'appelante aurait payé les frais de transport de toute façon. Pourquoi les contribuables devraient‑ils partager ces frais? Je conclus que ces frais entrent dans la catégorie des « frais hybrides » engagés en partie pour gagner un revenu et en partie pour des considérations purement personnelles et j'admets à cet égard un montant de 2 500 $.

 

Repas

 

[12]    L'appelante fait valoir qu'elle avait un client important à Coquitlam qu'elle rencontrait dans un restaurant situé à mi‑chemin, ainsi qu'au cours d'autres réunions d'affaires tenues au restaurant. Elle a présenté deux lettres à cet effet qui auraient été écrites par des clients. L'appelante avait la charge de la preuve. Elle a fait une déclaration générale, non corroborée, si ce n'est par les lettres, qui représentent évidemment du ouï‑dire. Le seul reçu de restaurant qui ait été présenté indiquait qu'il s'agissait de frais engagés à 21 heures, soit un moment peu vraisemblable pour une réunion d'affaires. La déduction de l'ensemble de ces frais est refusée.

 

Utilisation commerciale de l'habitation

 

[13]    L'appelante vivait avec J. Paul Manson — son mari maintenant —, dans un loft condominial de 686 pieds carrés. Elle a déduit environ 70 p. 100 du total des frais relatifs à l'appartement, malgré le fait que M. Manson avait payé 50 p. 100 de ces frais. Il s'agissait en fait de l'unité condominiale de M. Manson. J'accepte la position du ministre, pour les raisons données par le vérificateur, et j'admets 30 p. 100 des frais relatifs à l'appartement comme dépenses d'entreprise engagées par l'appelante.

 

Frais de véhicule à moteur

 

[14]    J'accepte la position du ministre énoncée dans la Réponse, à savoir :

 

[TRADUCTION]

r)          l'appelante ne tenait pas un registre des kilomètres qu'elle parcourait aux fins de l'entreprise;

 

s)         l'appelante a parcouru au plus 150 kilomètres par mois aux fins de l'entreprise;

 

t)          la juste valeur marchande du véhicule le 22 mai 1996 — date à laquelle l'appelante a changé l'utilisation du véhicule, qui est passée d'une utilisation strictement personnelle à une utilisation mixte, personnelle et commerciale — était de 4 500 $;

 

u)         le nombre total de kilomètres parcourus dans les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 a été de 3 703, de 3 640 et de 6 036 respectivement;

 

Déduction pour amortissement

 

[15]    J'accepte la position du ministre énoncée dans la Réponse, à savoir :

 

[TRADUCTION]

v)         la dépense en capital de 1 594 $ relative à la catégorie 10 pour l'année d'imposition 1997 se rapportait à du mobilier acquis pour fins personnelles;

 

w)        le bien personnel n'a jamais été utilisé dans l'entreprise;

 

Frais de déplacement

 

[16]    L'appelante, qui est d'origine italienne, avait passé à partir de 1982 environ 13 ans en Italie, où elle a obtenu une maîtrise et a travaillé pendant 11 ans. Elle soutient qu'il était important qu'elle aille en Italie pour se tenir au courant des couleurs et des styles. Au cours du contre‑interrogatoire, elle a admis que la plupart de ces renseignements pouvaient être obtenus en utilisant la technologie moderne. Un des voyages en Europe, dont le coût a été déduit par l'appelante comme dépense d'entreprise, avait été fait par l'appelante pour rendre visite à son père en Espagne à Noël. L'appelante a fait une déposition déroutante et contradictoire au sujet d'une propriété située en Italie. Elle avait déclaré à une banque qu'elle avait en Italie une propriété évaluée à 50 000 $CAN. À l'audience, elle a déclaré qu'il s'agissait d'une propriété familiale dont la valeur n'avoisinait même pas 50 000 $. Je crois qu'elle a expliqué qu'elle avait orné la vérité pour obtenir du financement. Les frais d'un voyage à Edmonton ont été déduits par l'appelante, alors qu'il s'agissait de frais relatifs à un billet établi au nom du père de l'appelante. Encore là, j'accepte la position du ministre, selon laquelle l'objet de ces voyages n'était pas de nature commerciale, sauf pour ce qui est de frais de 248,37 $ engagés en 1997. L'appelante n'a fourni aucun document justificatif, et je n'accepte pas son témoignage. Les échantillons qui ont été présentés n'étaient d'aucune utilité. J'ai trouvé difficile de distinguer entre la réalité et les embellissements apportés par l'appelante. En ce qui a trait à son automobile, l'appelante avait indiqué que son automobile valait 14 500 $ en 1996, alors qu'un concessionnaire d'automobiles l'avait estimée à 3 000 $, et je crois que l'appelante a vendu cette voiture 1 000 $ en 1997 ou en 1998. Le ministre a, bien équitablement, admis un montant de 4 500 $ comme représentant la juste valeur marchande en mai 1996.

 

Documents de référence

 

[17]    L'appelante a affirmé qu'elle avait acheté des revues sur le design pour 4 893 $ en 1997 et 2 634 $ en 1998. Elle a produit en preuve six ou sept revues. Celles‑ci étaient datées de 1996 ou de 1997. Leur coût total était d'environ 500 $CAN. J'accepte la position du ministre énoncée dans la Réponse, à savoir :

 

[TRADUCTION]

hh)       en 1997 et en 1998, l'appelante a acquis certains documents de référence et documents éducatifs pour 4 893 $ et 2 634 $ respectivement (les « documents de référence »);

 

ii)         l'objet des documents de référence était de fournir des idées de design aux fins de projets courants et futurs pour l'appelante et ses clients;

 

jj)         les documents de référence assuraient à l'entreprise un avantage durable et représentaient des dépenses en capital relatives à la catégorie 8;

 

kk)       les frais en sus du montant admis par le ministre étaient non pas des dépenses engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, mais des frais personnels ou de subsistance de l'appelante.

 

[18]    Les citations suivantes, invoquées par l'avocat du ministre, s'appliquent également à la présente espèce; dans l'affaire Zalzalah (L.) c. La Reine, C.F. 1re inst., no T‑2846‑89, 28 juin 1995 (95 DTC 5498), le juge Heald a déclaré :

 

Le demandeur reconnaît franchement qu'il n'a pas tenu de registres ou livres de comptes au cours des années d'imposition dont il s'agit. Cet aspect a également été soulevé au cours de l'instance introduite devant la Cour canadienne de l'impôt et Mme le juge Lamarre Proulx a déclaré que

 

Le Ministre ne peut et ne devrait pas autoriser des déductions qui ne peuvent être établies à l'aide de preuves documentaires. Cela entraînerait l'administration de la Loi de l'impôt sur le revenu dans le domaine de l'arbitraire.

 

Je suis d'accord avec cette façon de considérer les choses. De la même façon, dans l'affaire Holotnak c. La Reine, le juge Cullen a examiné le sens de l'article 230 et déclaré ce qui suit :

 

L'article 230 de la Loi impose aux contribuables de tenir les registres et livres de compte voulus. Le terme « voulu » n'est pas défini, mais il semblerait que ces livres de compte soient obligatoirement de nature à appuyer toute déduction du contribuable aux fins de l'impôt.

 

La preuve du fait que les dépenses ont été engagées afin de gagner un revenu doit être faite par le contribuable (Wellington Hotel Holdings Limited c. M.N.R., 73 DTC 5391). Plus précisément, en ce qui concerne les cotisations, il incombe au contribuable de prouver que les hypothèses et les cotisations du ministre sont erronées (le juge Strayer dans Schwarz c. La Reine, 87 DTC 5274, qui citait Johnston c. M.N.R., [1948] R.C.S. 486). L'affaire Schwarz (précitée) traitait aussi d'un cas où les achats du demandeur n'étaient étayés par aucune pièce justificative. Comme l'explique le juge Strayer, il incombe au contribuable de prouver que la nouvelle cotisation du ministre du Revenu national est incorrecte, car c'est lui qui est le mieux placé pour prouver ce qui s'est effectivement passé.

 

Les propos suivants, tenus par le juge McDonald dans l'affaire Njenga c. R., C.A.F., no A‑614‑95, 26 septembre 1996 (96 DTC 6593), s'appliquent également au présent appel :

 

Le système fiscal est fondé sur l'autocontrôle. Il est d'intérêt public que la charge de prouver le fondement des déductions et des réclamations repose sur le contribuable. Le juge de la Cour de l'impôt a statué que les personnes comme la requérante doivent être en mesure de produire toutes les informations et justifications permettant d'appuyer les réclamations qu'elles font. Nous sommes d'accord avec cette conclusion. Mme Njenga, à titre de contribuable, a la responsabilité de justifier ses affaires personnelles d'une manière raisonnable. Des reçus écrits par elle-même et des allégations sans preuve ne sont pas suffisants.

 


[19]    En conclusion, les appels pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés, et l'appel pour l'année d'imposition 1998 est admis en tenant compte du fait que l'appelante n'est en droit de déduire que des frais de transport de 2 500 $ au titre du « coût des marchandises vendues ». L'appelante n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2002.

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Un article de Vern Krishna, c.r., paru dans le numéro du 7 juin 2002 du périodique The Lawyers' Weekly, a été très utile.

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