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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20020919

Dossier: 2001-4326(IT)I

 

ENTRE :

 

MICHAEL T. KING,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

__________________________________________________________________

 

                   Pour l’appelant :                       L’appelant lui-même

 

                   Avocat de l’intimée :                 Me Cecil Woon

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Prononcés oralement à l’audience à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick),

le mercredi 8 mai 2002.)

 

Le juge Margeson, C.C.I.

 

[1]     L’affaire devant maintenant être tranchée par la Cour est  Michael T. King c. Sa Majesté la Reine, 2001‑4326(IT)I. Il s'agit d'un appel régi par la procédure informelle, interjeté en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     Deux questions ont été soumises à la Cour, soit celles de savoir : 1) si, durant les années d’imposition en cause — 1997, 1998 et 1999 —, l’appelant avait une attente raisonnable de profit (« ARP ») relativement à son entreprise de pose et réparation de couvertures et 2), dans l’affirmative, si l’appelant avait droit à des déductions supérieures aux montants de 1 475,37 $ pour 1997, de 4 019,57 $ pour 1998 et de 4 630,51 $ pour 1999, montants dont le ministre disait qu’ils pouvaient être considérés comme se rapportant à l’exploitation d’une entreprise, s’il était conclu qu’une entreprise était effectivement exploitée durant ces années‑là.

 

[3]     La position du ministre était qu’il n’y avait pas d’ARP dans les années en cause, de sorte que la déduction d'aucune des dépenses ne peut être admise.

 

[4]     Le ministre soutenait subsidiairement que, s’il y avait une entreprise, les dépenses ne pouvaient être déduites parce qu’il s’agissait de frais personnels ou de subsistance.

 

[5]     La Cour félicite M. King pour la façon dont il a plaidé sa cause. M. King a fait preuve d’une assez bonne connaissance de la question de l’ARP. Il s’est débrouillé aussi bien qu'on pouvait s'y attendre dans les circonstances — certainement aussi bien qu'auraient pu le faire bien des représentants s’ils avaient plaidé la cause à sa place. L’appelant a fait preuve d’une grande connaissance de certaines des causes qui ont été citées. La Cour a été très impressionnée par la maîtrise qu’il semblait avoir de ces causes.

 

[6]     D’autre part, l’avocat de l’intimée a également été très juste et exhaustif en présentant ses arguments dans la présente espèce. Je remercie le témoin appelé par l’intimée.

 

[7]     Malheureusement, les relations entre l’appelant et la vérificatrice et peut‑être aussi entre l’appelant et l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« ADRC ») n’étaient pas tout ce qu’elles auraient pu être, mais la façon dont l’appelant a été traité ne fait pas grandement problème à la Cour. Certaines des difficultés qu'il a eues étaient en partie la faute de l’appelant lui-même.

 

[8]     L’appelant a dit que, lorsqu’il était adolescent, son père l’avait beaucoup influencé pour ce qui est du métier de couvreur. À cette époque, l’appelant a travaillé pour des entrepreneurs de bâtiment, a fait pas mal de travail relié au métier de couvreur et a appris ce métier. Cela l’a aidé à payer ses études et il a passé deux ans à l’Université du Nouveau‑Brunswick, sur le campus de Saint‑Jean.

 

[9]     En 1982, il est entré à l’école de police et, durant la période considérée en l’espèce, il était policier à temps plein. Pendant ses jours de congé, il travaillait comme couvreur.

 

[10]    En 1986, l’horaire qu’il avait comme policier faisait qu’il travaillait quatre jours et qu’il avait ensuite quatre jours de congé; avec un tel horaire, il avait conclu qu’il pourrait diriger une entreprise et il a donc alors lancé l'entreprise de pose et réparation de couvertures dont il s'agit en l'espèce.

 

[11]    Ultérieurement, il a fait enregistrer cette entreprise sous le nom de Ready Roofing. Il a discuté du financement et de la publicité avec son comptable agréé. Il est allé rencontrer un professeur qui lui avait enseigné à l’Université du Nouveau‑Brunswick, sur le campus de Saint‑Jean, et ce professeur lui a conseillé de ne pas trop consacrer de temps et d’argent aux actifs et à la publicité. Le professeur disait que le bouche à oreille était le meilleur genre de publicité qu'il aurait.

 

[12]    L’appelant a obtenu une ligne téléphonique d’affaires et, par suite de cela, il a pu avoir une ligne de publicité dans les pages jaunes et une ligne dans les pages blanches. Il a fait de la publicité dans le journal et il faisait d’autres annonces aussi, dont certaines ont été déposées auprès de la Cour comme pièces, notamment une annonce faisant de la publicité pour Ready Roofing, soit le genre d’annonces qu’on laisse aux portes, qui a été déposée sous la cote A‑1. Il se rendait à divers endroits et mettait ces annonces sur les portes. Les annonces indiquaient le nom de l’entreprise, donnaient une description des services qu'elle offrait — remplacement de couvertures, pose de couvertures neuves, réparation de bordures de toits, réparation de bardage et travaux relatifs aux soffites — et invitaient les gens à téléphoner pour avoir gratuitement une estimation. L’appelant avait en outre du papier à en‑tête au nom de Ready Roofing. Il avait également deux sortes de cartes professionnelles, comme l’indique la pièce A‑1.

 

[13]    L’appelant a ouvert un compte d’entrepreneur et a ensuite obtenu un camion. Il a acheté des échelles, des échafaudages, un compresseur, une machine pour enlever les bardeaux et des cloueuses. Il a reçu des demandes de renseignements grâce à ses annonces. Il commençait à se faire une clientèle, d’après lui.

 

[14]    Le 1er juin 1998, il aidait un ami à construire une terrasse en bois, mais, le lendemain, il a été hospitalisé. Il avait un cancer du rein. Il est resté à l’hôpital pendant une longue période et, au fil des ans, il a beaucoup souffert physiquement et mentalement. Il était hypothéqué physiquement et mentalement, d’après son témoignage.

 

[15]    L’appelant a produit la pièce A‑2, soit un rapport médical. Le rapport médical lui‑même fait état de certains des problèmes de santé de l’appelant. Ce dernier, qui était un patient du Dr Phillips depuis 1985, a dit qu’il avait eu plusieurs problèmes médicaux remontant à juillet 1988, y compris les problèmes suivants : hypernéphrome nécessitant l’ablation d’un rein; paralysie postopératoire du nerf cubital; oesophagite peptique chronique et ulcère duodénal; gastroscopie en juin 1988; et saignement gastro-intestinal en 1990. Il a subi d’autres opérations en 1993. On a diagnostiqué chez lui une myocardiopathie dilatée et une possible myocardite dans les années allant de 1996 à 1999, ainsi qu’un saignement gastro‑intestinal en l’an 2000. En août 2000, il a eu un accident de bicyclette occasionnant une commotion cérébrale et une blessure à l’épaule et, en mars 2001, il a eu un accident de voiture qui lui a causé une blessure au bas du dos.

 

[16]    L’appelant a eu énormément de problèmes médicaux tout au long de la période d’exploitation de son entreprise, soit de 1987 à 1999. Les années considérées par la Cour dans la présente espèce sont 1997, 1998 et 1999.

 

[17]    En 1991, l’appelant a décidé d’être plus dynamique quant à la façon dont il dirigeait son entreprise. Il voulait faire prendre de l’expansion à l'entreprise, accroître sa clientèle commerciale, faire des annonces sur une plus grande échelle, mettre des annonces dans les pages jaunes et essayer d’obtenir plus de contrats. Il a bel et bien obtenu plus de contrats, et ses pertes ont diminué en 1990 et en 1991. Elles sont passées de 53 083,90 $ à 31 033,91 $, mais ont augmenté en 1992 et en 1993. Elles ont diminué en 1994, augmenté encore en 1995 et en 1996, diminué un peu en 1997 et augmenté en 1998 et en 1999. Il y a eu essentiellement une période continue de pertes d’une durée d’environ 12 ans et une période pendant laquelle le revenu brut n’a guère changé, sauf en 1991 et notamment en 1992, 1993, 1994 et 1995. Exception faite de ces années‑là, le revenu brut a très peu changé, et il n’y a pas eu de changement important quant au revenu net, quel qu’ait été le montant du revenu brut ou le nombre de clients de l’appelant.

 

[18]    En 1992 et en 1993, grâce à la publicité que l’appelant a faite dans les pages jaunes, son chiffre d’affaires a augmenté. En 1992, il y a eu un revenu de 53 600 $ par suite de la construction d’une maison, mais il y a quand même eu une perte de 6 003 $.

 

[19]    En 1993, le revenu a été de 15 077 $, mais il avait été de 18 747 $ en 1991. En 1992, l’appelant avait décidé qu’une nouvelle approche était nécessaire et c’est à cette époque qu’il a obtenu le contrat pour la construction de la maison. Cela n’a pas été rentable parce que ce projet demandait trop de son temps, au détriment de son entreprise de pose et réparation de couvertures. Par conséquent, il n'a pas continué dans la construction de maisons.

 

[20]    L’appelant s’est inscrit aux fins de la taxe de vente harmonisée en 1993, quoiqu’il n’ait pas été obligé de le faire. Il croyait à tort que, une fois qu'on était inscrit, on ne pouvait faire annuler son inscription, alors que le document de l’ADRC déposé comme pièce auprès de la Cour semblait indiquer qu’il était possible de faire radier son inscription après s’être inscrit et qu’une personne qui était déjà un inscrit pouvait faire annuler son inscription. Dans le cas d’une nouvelle entreprise ou d’une petite entreprise, il n’était pas nécessaire de faire une déclaration. L’appelant pensait que, une fois inscrit, il devait rester inscrit. Telle était sa position.

 

[21]    D’après lui, il était moins concurrentiel sur le marché parce qu’il devait s’occuper de la taxe de vente harmonisée. Il devait faire face à la concurrence venant de l’économie souterraine. Il faisait des estimations en incluant dans le prix la taxe de vente harmonisée, puis des clients potentiels se faisaient proposer des prix moindres par des entrepreneurs de l’économie souterraine, et il perdait le contrat. Il estimait que, avant qu'il y ait la taxe de vente harmonisée, il était en mesure d’être concurrentiel.

 

[22]    Il était en concurrence avec des travailleurs non inscrits qui se faisaient payer en liquide. Les conditions économiques se détérioraient. Beaucoup de gens se dirigeaient vers l’industrie de la construction parce qu’il n’y avait pas d’autre travail, ce qui se répercutait sur le résultat net de l'appelant.

 

[23]    Les clients n’aimaient pas la taxe sur les produits et services (« TPS »), et l’économie souterraine nuisait à l’appelant. Il y avait eu des discussions avec des fonctionnaires de l’ADRC concernant l’effet de l’économie souterraine et l'importance de cet effet. L’appelant a déposé un document qui semblerait indiquer que l’ADRC estimait que c’était un problème majeur. C’était une des considérations dont une personne envisageant de se lancer en affaires devait tenir compte à cette époque. Après deux ans environ, l’appelant était au courant de cela, et c’était quelque chose dont lui ou qui que ce soit d’autre devait tenir compte.

 

[24]    En 1999, soit la dernière des années considérées en l’espèce, l’appelant a décidé d’opérer des changements. Cela faisait 10 à 12 ans qu’il exploitait son entreprise, et c'était des années pour lesquelles la déduction des pertes a été admise. L’appelant a déterminé qu’il fallait qu’il apporte des changements. Il voulait obtenir du travail d’entrepreneurs de bâtiment qui étaient des inscrits aux fins de la TPS, de manière qu’il n’ait pas à s’occuper ni à se soucier de cette taxe. Sa conclusion était qu’il n’aurait pas à se charger de la TPS, et il croyait qu’il serait plus concurrentiel.

 

[25]    Il faisait affaire avec un gros entrepreneur. Il prévoyait de la croissance. En 1999, il a obtenu 14 contrats de McQueen Construction et il a eu quatre autres contrats. L’année 1999 est l’année pour laquelle l’appelant a eu un revenu brut de 14 293 $ et une perte nette de 6 063 $. En 1998, l’appelant avait obtenu seulement deux contrats et a eu un revenu brut de 5 550 $ et une perte nette de 5 541 $.

 

[26]    Sa position était qu’il pouvait voir des avantages à long terme et qu’il obtiendrait de nombreux autres contrats. Les dépenses étaient relativement stables, ce qui signifiait que, s’il obtenait plus de travail, il gagnerait plus d’argent et réaliserait donc un profit plus élevé. Les dépenses étaient relativement égales. Toutefois, en 1999, l’appelant a eu encore des problèmes de santé et a décidé d’abandonner l’entreprise.

 

[27]    Lors du contre‑interrogatoire, l’appelant a dit qu’il était agent de police de 1997 à 1999. Il était policier depuis 1982. Son horaire de travail lui permettait de lancer et exploiter l’entreprise de pose et réparation de couvertures, mais ce n’est pas la raison pour laquelle il a fondé cette entreprise.

 

[28]    L’appelant a fait deux années d’études à l’Université du Nouveau‑Brunswick, sur le campus de Saint‑Jean. Il a suivi des cours en administration des affaires en 1979‑1980 et en 1980‑1981. Il avait en outre suivi des cours en traitement de la gestion, en mathématiques, en comptabilité, en statistique et dans d’autres disciplines. Il considérait que cela lui serait utile dans l’exploitation d’une entreprise.

 

[29]    Il avait précédemment travaillé comme couvreur pour Rupert’s Carpentry. Cette entreprise faisait la pose et la réparation de couvertures en plus de la construction de fondations et de maisons. L’appelant a commencé à travailler dans le domaine quand il avait 15 ans. C’était principalement comme employé qu’il faisait alors du travail de couvreur. Il a reçu de l'instruction à l'université sur l'exploitation d'une entreprise et avait déjà vu comment on dirigeait une petite entreprise. Ce qu’il a acquis à l’université provenait de livres et de conférences. Aucune preuve n’indiquait qu’il avait en fait déjà dirigé lui-même une entreprise ou vu comment on dirigeait une entreprise, à part Rupert’s Carpentry, entreprise qu’il connaissait bien.

 

[30]    Après que le problème s’est posé concernant les années considérées en l’espèce, l’appelant a eu un entretien avec la vérificatrice. Il ne se souvenait pas de lui avoir dit qu’il avait suivi seulement une année et demie de cours à l’université. Il avait lancé son entreprise en 1987. Il avait son bureau chez lui. Saint‑Jean comptait environ 75 000 habitants. L’appelant ne savait pas du tout combien d’entreprises de pose et réparation de couvertures il y avait à Saint‑Jean, mais il y en avait beaucoup. La preuve n’indiquait pas combien de travaux de pose ou de réparation de couvertures il y avait à faire ni quelles étaient les possibilités d'obtenir des contrats dans cette région.

 

[31]    On a demandé à l’appelant comment il avait déterminé qu’il existait un marché pour le service qu’il entendait offrir et il a répondu : [TRADUCTION] « Il y avait beaucoup de toits et j’espérais obtenir une partie de ce travail. » L’appelant n’a fait aucune étude de marché pour déterminer quelles étaient les possibilités ou jusqu’à quel point il pourrait réussir dans ce domaine.

 

[32]    On a demandé à l’appelant s’il avait un plan d’entreprise et il a dit qu’il avait fait enregistrer l’entreprise. Il faisait de la publicité. Il avait parlé à un professeur au sujet de la publicité et du financement. La banque voulait un plan d’entreprise; l’appelant n’en avait pas et ne voulait pas engager de frais pour en produire un, donc, il ne l'a pas fait. Il a ouvert l’entreprise sans avoir l’avantage de disposer d’un plan d’entreprise. Même s'il disait qu’il allait apporter des changements, il n'y avait aucune preuve qu’il avait jamais eu un plan d’entreprise. Il a dit essentiellement : « Je me suis lancé là‑dedans en me fondant sur mon expérience et j’espérais avoir ma part. » C’est ce qu’il a déclaré au cours de son témoignage.

 

[33]    Le 7 avril 2002, l’appelant a rencontré la vérificatrice au sujet de l’affaire dont la Cour se trouve maintenant saisie. On lui a demandé s’il avait dit à la vérificatrice qu’il n’avait pas de plan d’entreprise et il a répondu que oui.

 

[34]    Interrogé par l’avocat de l’intimée quant à savoir s’il avait un plan d’urgence, l’appelant a répondu que non. Il a reconnu qu’une entreprise de pose et réparation de couvertures est une entreprise saisonnière que l’on exploite pendant environ six mois par année. Il travaillait habituellement à son entreprise quand il était en congé. Parfois, il travaillait de nuit quand il faisait également du travail de couvreur.

 

[35]    Pour ce qui est de l’équipement, l’appelant avait un camion, des échelles, des échafaudages et des planches. Il avait des cloueuses à air comprimé. Il a acheté en plus : quatre échelles, pour 2 000 $; six crics, à 99 $ l’unité, ce qui représente environ 600 $; 30 supports de fixation rapide, à environ 30 $ l’unité, pour 900 $; deux cloueuses à air comprimé, à 700 $ l’unité, pour 1 400 $; un compresseur, pour 700 $ ou 800 $; six étagères à 10 $; deux râteaux à 10 $; deux balais à 7 $; quatre ou cinq outils pour enlever les bardeaux, pour 300 $ en tout; trois bâches, à des prix allant de 60 $ à 100 $ l’unité, pour environ 300 $; un support à installer sur le toit du camion, qui a coûté 400 $ a dit l’appelant; des planches, pour environ 300 $. Cela revenait à environ 7 500 $.

 

[36]    L’appelant a acheté lui-même ces articles au fil du temps. Il achetait des choses quand il en avait besoin. Au cours de la première année à peu près, il en a acheté pas mal, puis, avec le temps, il a acheté des échelles supplémentaires. Le camion représentait la principale dépense. La publicité et le téléphone représentaient d’autres dépenses.

 

[37]    L’appelant n’avait pas d’employés. Il faisait appel à des sous‑traitants pour l’exécution du travail et il les payait en premier, au taux du marché. La Cour doit conclure que c’était probablement là un gros problème pour l’appelant.

 

[38]    On a demandé à l’appelant s’il avait établi un plan d’entreprise à un moment donné après avoir constaté que les pertes ne cessaient pas. Il a répondu à cela qu’il faisait de la publicité et qu’il n’avait pas établi de plan d’entreprise par écrit.

 

[39]    L’appelant a déposé comme pièce sous la cote A‑4 un bulletin concernant l’inscription aux fins de la TPS, dont la Cour a déjà parlé. L’appelant croyait que, une fois devenu un inscrit, il devait demeurer un inscrit. Il semble, toutefois, que tel n’était pas le cas.

 

[40]    L’appelant n’a jamais suivi d’autres cours commerciaux. Quand il a obtenu une ligne téléphonique d’affaires, il recevait une ligne de publicité dans les pages jaunes et une ligne dans les pages blanches.

 

[41]    En outre, l’appelant mettait une annonce dans le journal et cette annonce était semblable à celle qu’il mettait dans les pages jaunes et qui figure dans l’une des pièces qu’il a déposées à la Cour. Il arrivait que l’appelant mette l’annonce dans le journal au printemps et à l’automne. L’appelant ne faisait jamais passer d’annonces à la télévision ou à la radio.

 

[42]    La position de l’appelant était que l’une des principales sources de publicité, c’était les annonces qu’il laissait sur les poignées de porte quand il parcourait les quartiers à la recherche de toits ayant besoin de réparations. Quand quelqu'un trouvait une telle annonce à sa porte, il avait alors le numéro de téléphone de l’appelant. S’il était intéressé à faire faire des travaux, il téléphonait à l’appelant et demandait une estimation. La dernière fois que l’appelant a mis une annonce, c’était en 1995 ou en 1996.

 

[43]    L’appelant avait un véhicule personnel durant la période en cause. Il a toujours eu deux véhicules et, pendant une certaine période, ils avaient trois véhicules. Durant les années 1997, 1998 et 1999, ils avaient une Volkswagen Golf. Pendant une partie de l’année, ils ont eu une Nissan Sentra. Pendant certaines parties de 1997, 1998 et 1999, il y avait seulement le camion et la Golf. Il ressortait clairement de ce que l’appelant a dit que ce dernier utilisait bel et bien le camion aux fins de l’entreprise. Il l’utilisait aussi à des fins personnelles jusqu’à un certain point.

 

[44]    La vérificatrice savait que l’appelant avait eu une Nissan Sentra et qu’il l’avait vendue. Quand il avait seulement la Golf comme voiture, il utilisait le camion pour se rendre à son lieu de travail et revenir ensuite chez lui. D’après la vérificatrice, il utilisait le camion à des fins personnelles environ 30 p. 100 du temps.

 

[45]    L’appelant n’a pas répondu à la lettre que le ministre lui avait écrite, soit celle déposée sous la cote R‑2 lui demandant de plus amples renseignements. Il n’avait pas reçu la lettre que le ministre disait lui avoir envoyée. Quand on lui en a reparlé ou quand on l’a contacté, il n’y a pas répondu non plus. Il n’y a pas répondu parce qu’il n’avait pas eu une très bonne expérience quand il avait eu affaire à des vérificateurs. Voilà pourquoi il n’a pas répondu quand il a appris qu’on lui avait envoyé une lettre. Il préférait attendre de se présenter devant la Cour pour présenter sa position. Il a dit que la vérificatrice était très querelleuse et impolie et qu’il ne lui faisait pas confiance.

 

[46]    L’intimée a appelé comme témoin Sandra Clark Bain. Cette dernière était vérificatrice à l’ADRC. Elle avait suivi des cours de comptabilité à l’Université du Nouveau‑Brunswick et était titulaire d’un baccalauréat en commerce (comptabilité). Elle est vérificatrice depuis juillet 1994. Elle travaille pour l’ADRC depuis la création de celle‑ci en 1987. Elle a fait environ 20 à 25 rapports comme celui qu’elle a présenté dans le cas présent. Dans dix de ces rapports, elle a conclu qu’il y avait une ARP. Cela signifie que de 30 à 50 p. 100 des contribuables ont eu gain de cause devant elle. C’est elle qui a été la vérificatrice dans la présente affaire. Elle a eu deux entretiens avec M. King, dont un par téléphone. Elle s’est entretenue avec lui le 3 mars 2000 et le 2 avril 2000.

 

[47]    On a renvoyé la vérificatrice à l’annexe A de la réponse à l’avis d’appel, et elle a témoigné concernant cette annexe. Elle n’inclut pas aux fins de la TPS le chiffre relatif au revenu net. Elle a expliqué certains changements apportés aux chiffres et, par consentement des parties, ces changements ont été acceptés. Ils se rapportaient essentiellement à la façon dont l’appelant avait fait ses déclarations. Il n’y a rien d'inapproprié dans les déclarations et rien ne dépend de celles-ci, mais certains changements ont été faits quant aux chiffres et quant à la façon dont ils avaient été comptabilisés.

 

[48]    En effectuant des calculs pour déterminer s’il y avait une ARP, la vérificatrice avait ajouté 600 $ aux frais de bureau pour arriver à un résultat net plus raisonnable. Elle savait que l’appelant avait utilisé un bureau chez lui, comme il l’a dit au cours de son témoignage.

 

[49]    Les frais de véhicule automobile étaient les plus élevés. La vérificatrice voulait savoir si ces frais étaient raisonnables. En 1998, l’appelant avait deux véhicules. La vérificatrice a admis une proportion de 68 à 70 p. 100 au titre de l’utilisation aux fins de l'entreprise. En ce qui concerne la déduction demandée pour 1997, la vérificatrice avait enlevé deux mois, de sorte qu’elle a admis la déduction dans une proportion d’environ 70 p. 100 et l'a refusée dans une proportion d’environ 30 p. 100. Pour 1999, elle a ramené de six à quatre le nombre de mois d’utilisation aux fins de l’entreprise. En d’autres termes, la vérificatrice estimait qu’il n’était pas raisonnable d’utiliser le véhicule aux fins de l’entreprise pendant plus de six mois.

 

[50]    La vérificatrice n’avait rien vu qui indiquait qu'il y avait eu un troisième véhicule en 1999. Elle ignorait si la Golf avait été disponible pendant toute l’année en 1997. Pour 1997, elle a réduit de deux mois la période d’utilisation aux fins de l’entreprise. Elle a admis une période de cinq mois plutôt que la période de sept mois pour laquelle la déduction avait été demandée.

 

[51]    La vérificatrice est arrivée à la conclusion qu’il n’y avait pas d’ARP. Interrogée au sujet de la publicité, elle a affirmé qu’on lui avait dit que l’appelant ne faisait pas de publicité dans les pages jaunes maintenant mais en avait fait avant. L’appelant n’avait pas de stratégie de marketing.

 

[52]    La vérificatrice a reconnu qu’elle avait contacté l’épouse de l’appelant le 2 mars 2000 et qu’elle avait laissé un message demandant que l’appelant la rappelle, ce que, apparemment, il a fait.

 

Argumentation de l’intimée

 

[53]    Au cours de son argumentation, l’avocat de l’intimée a dit que la question est de savoir s’il existait une entreprise ayant une ARP et, dans l’affirmative, si les pertes correspondent à celles dont le ministre a admis la déduction selon l’alinéa c) du paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel.

 

[54]    L’avocat a fait référence à l'arrêt bien connu Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213), de la Cour suprême du Canada, lequel, du point de vue de notre cour, est encore l’arrêt qui fait autorité en matière d’ARP. Cet arrêt dit qu’il faut examiner les circonstances objectivement pour déterminer s’il y a une ARP.

 

[55]    À la page 485 de cet arrêt, il est indiqué que, pour avoir une source de revenu, on doit avoir un profit ou une ARP. L’expression « source de revenu » équivaut donc au terme « entreprise ».

 

[56]    L’avocat de l’intimé a également fait référence au paragraphe suivant, aux pages 485 et 486 du même arrêt, qui dit :

 

[…] on doit s’appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit.  On doit alors tenir compte des critères suivants: l’état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s’engager, la capacité de l’entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l’allocation à l’égard du coût en capital.

 

Il était précisé que cette liste n’était pas exhaustive et ne se voulait pas exhaustive. Les facteurs diffèrent d’un cas à l’autre. Il se peut que seuls certains facteurs soient présents dans certains cas.

 

[57]    Il convient de mentionner que l'affaire Moldowan concernait la principale source de revenu. Tel n’est pas le cas en l’espèce, mais les principes énoncés dans  Moldowan s’appliquent à toutes les affaires en matière d’ARP.

 

[58]    L’avocat a fait valoir que le fait qu’une personne ait de beaux rêves et qu’elle base son ARP sur un rêve ou un espoir n’est pas suffisant quand aucune preuve cohérente ne permet de conclure objectivement à l’existence d’une ARP. À l’appui de sa position, l’avocat a fait référence à l’arrêt Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73 (C.A.) (96 DTC 6001).

 

[59]    Selon l’arrêt Tonn, lorsqu’il y a un élément personnel, on doit appliquer les facteurs d’une manière plus stricte et, lorsqu’il n’y a pas d’élément personnel, on n’a pas à appliquer les facteurs aussi strictement. Quoi qu’il en soit, on ne doit pas remettre en doute après coup une bonne décision commerciale.

 

[60]    Il faut prendre en compte le niveau d’instruction de la personne en question et la formation qu'elle a reçue relativement à l’entreprise particulière qu’elle espérait exploiter. L’appelant en l’espèce est allé à l’université, mais, le fait d'avoir étudié la comptabilité, ainsi que les principes des affaires, ne lui donnait pas vraiment une formation dans l’exploitation d’une entreprise particulière ou, chose certaine, d’une entreprise comme celle dont il s'agit ici. L’appelant n’avait jamais auparavant exploité une entreprise de pose et réparation de couvertures. Il n’a jamais reçu de formation spéciale concernant l'exploitation d'une telle entreprise, qui était pourtant le type d'entreprise qu’il essayait d'exploiter.

 

[61]    Si l’on examine la situation financière dont fait état la réponse à l’avis d’appel, et la réponse n’est pas vraiment contestée à cet égard, on constate que, tout au long de la période allant de 1987 à 1999, il y a eu un revenu brut peu élevé. Le revenu brut n’augmentait pas vraiment de façon constante, mais était en dents de scie. Entre 1997 et 1999, il n’y a eu aucun changement qui se maintenait en ce qui concerne le revenu brut. La seule constante, c’est qu’il y a toujours eu une perte nette considérable par rapport au montant du revenu généré.

 

[62]    Seulement un peu plus de 7 500 $ — très peu, en fait — ont été investis dans l'entreprise. Aucune étude de marché n’a été effectuée. Les activités en matière de publicité et de promotion étaient extrêmement minimes. L’appelant a mis quelques annonces dans les pages jaunes; il laissait des annonces aux portes; il comptait sur le bouche à oreille; il utilisait des cartes professionnelles, ainsi que du papier à en‑tête au nom de l’entreprise; il faisait de la publicité dans le journal. Il n’y avait pas de plan d’entreprise ni de plan d’urgence; il n’y avait aucune indication quant à savoir combien de contrats étaient nécessaires pour pouvoir réaliser un profit; il n’y avait pas de plan ou projection quant au nombre de contrats l’appelant pouvait raisonnablement espérer obtenir dans une ville de la taille de Saint‑Jean. Il n’y avait aucun plan qui indiquait combien d’autres entreprises du genre il y avait, qui précisait ce qu’il en était de la concurrence et qui démontrait que l’appelant pouvait raisonnablement s’attendre à avoir sa juste part de contrats.

 

[63]    L’appelant lui-même a admis ultérieurement qu’il faut être en affaires pendant une longue période de temps pour se faire une bonne réputation. Les mesures que l’appelant a prises n’étaient pas des ajustements qui lui auraient permis de redresser la situation. L’appelant ne s’est pas adapté aux circonstances réelles, car les pertes ont été continues.

 

[64]    Au cours de la période se situant entre 1997 et 1999, l’appelant s’est mis à faire appel à des sous‑traitants, mais il a admis qu’il devait les payer au taux courant. Ce n’était pas là une façon de venir à bout du problème que posait l’économie souterraine. On ne pourrait raisonnablement conclure que l’appelant pouvait réaliser un profit.

 

[65]    Les raisons que l’appelant a données pour expliquer les pertes étaient insuffisantes. Il a dit que la TPS était un des facteurs qui lui avaient causé des problèmes. Pourtant, il n’avait pas à être inscrit aux fins de la TPS; il exploitait une petite entreprise et n’avait pas un revenu brut de 30 000 $, du moins de 1987 à 1992. En 1992, il a eu un revenu brut d’au moins 30 000 $, mais son revenu brut n’a jamais avoisiné 30 000 $ dans aucune autre année. Il a été de 22 811 $ en 1994. L’appelant a dit que le fait qu’il était inscrit causait un problème, mais, s’il croyait qu’il devait être inscrit, il se trompait, et aucune explication raisonnable n’a été donnée au sujet des pertes qu’il a subies au cours de ces périodes.

 

[66]    L’appelant n’a pas établi un plan d’entreprise après l’introduction de la TPS. Il n’a apporté à son activité aucun changement qui aurait pu lui permettre de croire qu’il pouvait raisonnablement s’attendre à réaliser un profit.

 

[67]    Il faut tenir compte des pertes subies dans les années antérieures, comme l’indique l’arrêt Moldowan. Que le revenu brut de l'appelant ait augmenté ou diminué, les pertes étaient continues.

 

[68]    La nature de l’activité n’était pas telle qu’il fallait attendre longtemps avant de pouvoir réaliser un profit. Il n’y avait pas beaucoup d’immobilisations. On aurait dû pouvoir réaliser un profit très rapidement. On n’avait pas à engager des capitaux importants, à faire de grosses dépenses; les dépenses à engager étaient minimes. Les principales dépenses étaient les frais relatifs au camion et au matériel, mais il aurait dû y avoir des fonds pour acquitter ces frais une fois l’appelant lui‑même payé pour les travaux qu’il avait exécutés.

 

[69]    La déduction de toutes les pertes a été admise pour la période allant de 1987 à 1996, puis le ministre a fini par dire que c’était assez. D’après l’avocat, c’était une période suffisamment longue pour permettre de conclure que cette entreprise n’était pas viable. L’appelant aurait dû savoir après tant de temps qu’il n’allait pas réaliser un profit et il aurait dû abandonner son entreprise.

 

[70]    La position de l’avocat était qu’il y avait en outre un élément personnel. Un véhicule loué était utilisé aux fins de l’entreprise et à des fins personnelles. L’appelant s’en servait pour faire le trajet entre son domicile et son lieu de travail. Il a déduit à l'égard de ce véhicule des frais qui ont ultérieurement été rajustés par le ministre. Il existait un élément  personnel au sens de l’arrêt Tonn. Les facteurs énoncés dans l’arrêt Moldowan doivent donc être appliqués d’une manière stricte.

 

[71]    L’avocat a également fait référence à l’affaire Landry c. La Reine, 94 DTC 6499, et il a dit que, sur la foi de ce seul arrêt, le présent appel devrait être rejeté. Dans l'affaire Landry, la Cour d'appel fédérale a constaté que le contribuable avait reconnu qu’il n’avait pas changé sa façon d'exercer sa profession depuis 1936 et n’avait pas cessé de subir des pertes, lesquelles augmentaient chaque année. Le contribuable n’avait pas de plan de fonctionnement ou d’adaptation ni de plan de rechange. Il n’avait fait aucun effort pour modifier sa façon d'exercer sa profession, façon qui, selon toute apparence, était dépassée et son exercice de sa profession ne menait et ne pouvait mener nulle part.

 

[72]    La Cour a statué que le contribuable était incapable de démontrer réalistement qu’il pouvait s’attendre à tirer un revenu de ses activités professionnelles durant la période en cause. L’avocat de l’intimée en l’espèce a fait expressément référence à la page 6500 de l'arrêt Landry, où la Cour dit :

 

      Il vient donc un temps, dans la vie de toute entreprise déficitaire, où le ministre doit pouvoir déterminer objectivement, après, le cas échéant, avoir donné la chance au coureur pendant un certain nombre d’années, qu’un espoir raisonnable de profit s’est transformé en rêve impraticable.  

 

Dans cette affaire, la Cour n’était pas convaincue que le contribuable avait une attente raisonnable de profit, et la demande a donc été rejetée.

 

Argumentation de l’appelant

 

[73]    L’appelant a dit que le processus de vérification faisait problème. À cet égard, il a fait référence au paragraphe 29 de la décision Spearing c. La Reine, C.C.I., no 2000‑2106(IT)I, 19 janvier 2001, et a conclu que le ministre, en effectuant la vérification dans le cas présent, ne s'y est pas pris de la bonne façon. La vérificatrice s’est fondée sur le critère de l’ARP pour rectifier des demandes de déduction considérées comme inappropriées. En acceptant certaines déductions de dépenses, par contre, elle s’est demandé plutôt s'il s'agissait d'une activité commerciale. Cette façon de faire était nonchalante et inacceptable.

 

[74]    Pour ce qui est du critère de l’ARP, l’appelant a dit qu’il avait été malade et que cela l’avait beaucoup affecté. Il a eu de nombreux problèmes de santé. Ces problèmes l’ont empêché de corriger des choses qui allaient mal. Ils l’ont empêché d’accomplir assez de travail pour pouvoir réaliser un profit. Ils l'entravaient dans la façon dont il entendait diriger l'entreprise. Cela représentait un fait nouveau ou une circonstance extrinsèque empêchant l’appelant de réaliser un profit, alors qu'il aurait pu raisonnablement s’attendre à le faire. L’appelant disait qu’il était tenu de devenir un inscrit aux fins de la TPS et que cela lui avait causé un problème.

 

[75]    L’économie souterraine était également un problème pour l’appelant. La vérificatrice disait que la situation n’était pas aussi grave que tout le monde le pense, mais le document du bureau du ministre que l’appelant a déposé comme pièce indique que c’était un problème, et il semble que l’économie souterraine représentait effectivement un problème jusqu'à un certain point. L’appelant a dit qu’il avait démontré que le marché était injuste dans la mesure où les personnes œuvrant dans l’économie souterraine pouvaient demander des prix inférieurs aux siens et obtenir ainsi des contrats. L’appelant devait, lui, payer de la TPS, et c’est une des raisons pour lesquelles il n’était pas capable de réaliser un profit. Il était un inscrit, et les non‑inscrits étaient dans une position avantageuse. La vérificatrice n’a pas tenu compte de cette circonstance.

 

[76]    D’autres facteurs ont eu des répercussions sur la croissance. L’appelant a fait référence à l’arrêt Tonn, et notamment aux paragraphes 13 et 14. Il faisait valoir que dans la présente espèce, tout comme dans l’affaire Tonn, le ministre avait évalué rétrospectivement le sens des affaires du contribuable et s’en était remis à son jugement personnel.

 

[77]    L’appelant a dit qu’il n’avait pas présenté de plan; il admet cela, mais dit qu’il demandait un certain tarif pour son travail et que tout ce qu’il avait à faire, c’était d’obtenir plus de travail. S’il avait eu plus de travail, ses dépenses auraient été à peu près les mêmes et il aurait nécessairement réalisé un profit. Telle était sa position.

 

[78]    Il affirmait que c’était ainsi qu’il allait gagner de l’argent dans l’avenir, c’est‑à‑dire en obtenant plus de travail. Toutefois, quand on lui a demandé des chiffres à l’appui de cette affirmation, il a répondu qu’il n’en avait pas. Il a dit : [TRADUCTION] « Si j’avais eu plus de travail, de plus gros profits auraient nécessairement été réalisés. » Tel est le point de vue qu’il a avancé. L’appelant n’avait aucun doute que, s’il avait eu plus de contrats, il aurait réalisé un bénéfice.

 

[79]    L’appelant a fait référence à l’arrêt André Labrèche c. La Reine, 99 DTC 5083, et notamment au paragraphe 17. Ce paragraphe fait état de facteurs permettant d’apprécier objectivement s’il convient ou non d’admettre une dépense aux fins fiscales, à savoir : le nombre d’années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées, le temps nécessaire pour rentabiliser l’activité, le temps consacré par le contribuable à son entreprise, l’état des profits et pertes pour les années postérieures aux années en litige, les raisons qui sous‑tendent l’accroissement des dépenses et la diminution des revenus au cours des périodes pertinentes, la persistance des facteurs qui causent les pertes et la présence ou l’absence d’ajustement. Cet arrêt indique que c’est là ce qu’il faut prendre en compte.

 

[80]    L’appelant a dit qu’il avait réellement eu l'intention de lancer une entreprise pour faire de l’argent; toutefois, des circonstances imprévues, ainsi que des facteurs qu’il ne pouvait raisonnablement prévoir, l’en ont empêché. Il soutenait en outre qu’il s’agissait d’une entreprise et non d’un passe‑temps.

 

[81]    L’appelant a fait valoir que le ministre n’avait pas fait une analyse réaliste des états des résultats pour les années en cause. Le ministre a mis la charrue avant les bœufs. Il a déterminé qu’il n’y avait pas d’ARP et a ensuite examiné les états financiers pour voir s’il s'y trouvait des frais personnels ou de subsistance, ce qui n’est pas la bonne façon de procéder.

 

[82]    S'appuyant sur le point de vue énoncé, selon lui,  dans l’arrêt Labrèche, l'appelant a soutenu que le ministre a accordé trop de poids à l’élément personnel. Un élément personnel n’était guère présent en l’espèce, a dit l'appelant. Le ministre n’a pas suffisamment analysé les états financiers pour arriver à la conclusion à laquelle il est parvenu.

 

[83]    L’appelant a aussi fait référence à la décision Tramble c. Canada, [2001] A.C.I. no 522 (Q.L.), et notamment au paragraphe 17. Dans cette décision, le juge en chef adjoint Bowman a critiqué la façon dont le ministre avait établi la réponse à l’avis d’appel. Le juge en chef adjoint Bowman disait que la véritable question devant être posée est de savoir s’il y a réellement une entreprise. C’est une façon plus sensée de considérer la situation.

 

[…] C’est le caractère commercial de l’entreprise, révélé par sa structure, qui en fait une entreprise. L’intention subjective de faire de l’argent entre certes en ligne de compte, mais ce n’est pas le facteur déterminant, bien que l’absence d’une telle intention puisse nuire à l’assertion qu’une activité est une entreprise.

 

Voilà tous les facteurs que la Cour doit prendre en compte et qu’elle prendra effectivement en compte en déterminant s’il y a une ARP.

 

[84]    Je suis essentiellement d’accord sur ce qu'a dit la Cour d'appel fédérale.

 

[85]    En l’espèce, l’appelant disait que la Cour devrait prendre en considération la nature de l’entreprise en cause et le temps qu'il faut pour rentabiliser une telle entreprise. L’appelant n’était pas d’accord avec l’intimée pour dire que c'était une entreprise qui nécessitait peu de capitaux et qui devait pouvoir s’adapter en peu de temps.

 

[86]    On peut réaliser un profit après avoir obtenu plus de travail, selon l’appelant. Sil avait obtenu plus de travail, il aurait pu faire un profit.

 

[87]    L’appelant a fait référence à la décision Shaughnessy c. Canada, [2002] A.C.I. no 9 (Q.L.) (2002 DTC 1272). Il a déclaré que, dans la décision Shaughnessy, le juge en chef adjoint Bowman énonce tous les divers facteurs que la Cour doit prendre en considération en déterminant s’il y a une ARP. L’appelant a dit que, dans le cas présent, le ministre n’a pas considéré le fait qu’il n'y avait aucun élément personnel à part le camion. Toutefois, le camion ne représentait pas un élément personnel important. De plus, l’appelant a soutenu que le critère de l’ARP doit être appliqué avec modération, qu’il ne faut pas juger rétrospectivement le sens des affaires du contribuable, que le fait que l’entreprise ou l'acquisition du bien soit financé à 100 p. 100 au moyen d'emprunts n’est pas en soi une raison pour appliquer le principe de l’ARP et qu’il faut laisser au contribuable une période de temps raisonnable pour le démarrage de l’entreprise. On ne doit pas se contenter d’invoquer aveuglément le principe de l’ARP ni le substituer à une analyse claire des faits dans un cas donné. Pour qu’une attente de profit soit considérée comme raisonnable, il ne doit pas s’agir d’une attente irrationnelle et ridicule. Le fait qu’une entreprise ou un investissement soit en partie motivé par des considérations fiscales n’est pas pertinent quant à la détermination s’il existe une entreprise, de même qu'une motivation fiscale n’est pas en soi pertinente dans la détermination de la déductibilité de dépenses.

 

[88]    Lorsque des pertes ont été déduites, se pose d’abord la question de savoir si ces pertes correspondaient à des frais personnels ou de subsistance. Dans la négative, le critère de l’ARP doit être appliqué avec une prudence extrême et la question qui se pose alors est de savoir s’il existe une entreprise. On revient à ce concept-là.

 

[89]    Poser cette question ne fait pas problème pour la Cour. C’est une autre formulation. Ce n’est guère différent de la question de savoir s’il y a une ARP, car l’arrêt Moldowan dit qu’il ne peut y avoir d'entreprise sans ARP.

 

[90]    D’après le juge en chef adjoint Bowman, décider quand lancer une entreprise et quand abandonner une entreprise c'est prendre des décisions d'affaires, et l’appelant en l’espèce a dit que l’on ne doit pas être trop prompt à rejeter la décision de l'homme d’affaires. Il s’agit bien de la décision d'un homme d’affaires et elle doit être considérée avec beaucoup de respect.

 

[91]    Toutefois, le juge en chef adjoint Bowman a également dit qu’il faut accorder du poids au principe selon lequel « trop c’est trop ». S’il se révèle à un moment donné qu’une entreprise ne va pas être rentable, il faut l’abandonner.

 

[92]    Le juge en chef adjoint Bowman a ensuite déterminé, dans l’affaire Shaughnessy, qu’il n’y avait aucun élément personnel et que ce que le ministre avait fait c'était de porter un jugement sur le sens des affaires de l’appelant. L'acquisition du bien en cause n’était pas financée à 100 p. 100 au moyen d'emprunts et la situation financière n’avait pas été suffisamment analysée. On a simplement psalmodié l’ARP. Le juge a conclu qu’il n’y avait rien d’irrationnel, d’absurde et de ridicule à s’attendre à réaliser un profit dans les circonstances de l'affaire dont il se trouvait saisi. L’appelant avait déboursé une somme importante de son propre argent pour l'acquisition du bien. Il n'y avait pas de frais personnels ou de subsistance. Il n’était pas déraisonnable que les dépenses soient admises. L’appelant avait acquis sur une période de dix ans une participation de plus en plus importante dans le bien en cause.

 

[93]    Je ne trouve rien à redire à ce raisonnement, mais, en l'appliquant, on doit tenir compte des faits de chaque cas.

 

[94]    Suivant l’arrêt Tonn, on ne doit pas rétrospectivement porter un jugement sur le sens des affaires d'un contribuable ou d'un homme d'affaires, mais le simple fait qu’un homme d'affaires ait pris ce qu’il appelle une décision d'affaires n’oblige pas la Cour à l'accepter comme une bonne décision d'affaires, car ce pourrait très bien être une très mauvaise décision.

 

[95]    Il faut un temps raisonnable pour établir une entreprise. C'est ce que l’appelant a fait valoir. On doit tenir compte de facteurs exceptionnels. L’appelant a dit que le ministre ne l’a pas fait en l’espèce.

 

[96]    Selon l’appelant, les principes que le juge en chef adjoint Bowman a énoncés n’ont pas été appliqués par le ministre en l’espèce.

 

[97]    L’appelant prétend n’avoir rien fait d’irrationnel; il n’était ni absurde ni ridicule de sa part de s’attendre à réaliser un profit, et la décision d'affaires qu’il a prise d’aller de l’avant doit être considérée avec beaucoup de respect. L’appelant a examiné les circonstances et a conclu comme homme d’affaires qu’il pouvait réaliser un profit, pourvu qu’il ait plus de travail dans l'avenir.

 

[98]    En conclusion, l’appelant a dit que la Cour devrait examiner le type d’entreprise et trancher en employant le critère de la commercialité — c'est-à-dire en se demandant s’il s’agissait d’une entreprise commerciale et si elle a été lancée en vue de réaliser un profit —, et que, ayant fait cela et ayant également pris en compte ce qu'il avait à dire, elle devrait conclure qu’il y avait une ARP.

 

Analyse et décision

 

[99]    La Cour a déjà dit quelles sont les questions en litige. Il s’agit d’abord de déterminer, compte tenu de la jurisprudence invoquée, s’il y avait une ARP dans le cas présent. En l’espèce, très peu des hypothèses formulées dans la réponse à l’avis d’appel ont été contestées. L’alinéa 6c) a été nié, mais la Cour est convaincue que l’appelant consacrait à l’activité ses journées de congé, ainsi qu’un peu plus de son temps.

 

[100]  L’appelant n’était pas d’accord quant à l'assertion dans l’hypothèse l) qu'il n’exerçait pas l’activité d’une manière qui pouvait lui permettre d’avoir une attente raisonnable de profit. Il n’était pas d’accord pour dire qu’il n’avait pas de plan d’entreprise, mais la Cour est convaincue qu’il n’en avait pas.

 

[101]  La Cour est convaincue que les dépenses se rapportaient à l’entreprise, mais ce n’est pas la même chose que de dire qu'elles ont été engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise, car pour cela il faut qu’il y ait une entreprise.

 

[102]  L’appelant contestait l’argument subsidiaire qui est invoqué au paragraphe 7 de la réponse à l'avis d'appel et selon lequel l’appelant utilisait son véhicule pour faire le trajet entre son domicile et son lieu d'emploi. La Cour est convaincue que cela a été démontré en l’espèce.

 

[103]  Les autres hypothèses formulées dans la réponse à l’avis d’appel ont été admises. Encore là, toutefois, nous devons nous reporter à la preuve elle‑même pour savoir en quoi consistait l’entreprise.

 

[104]  Appliquant les principes énoncés dans les causes qui ont été citées, interprétant raisonnablement la preuve qui a été présentée et appréciant cette preuve d’une manière juste, la Cour est convaincue en définitive qu’il incombe à l’appelant d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il y avait une ARP dans les années en cause.

 

[105]  La Cour est arrivée à la conclusion que, objectivement, il n’était pas raisonnable que l’appelant conclue qu’il pouvait réaliser un profit dans les années en cause.

 

[106]  L’affaire Mastri c. Canada (Procureur général) (C.A.), [1998] 1 C.F. 66 (97 DTC 5420), était un appel d’une décision dans laquelle la Cour canadienne de l’impôt avait déterminé que, malgré l’absence d’une ARP, les dépenses pouvaient être déduites parce qu’il n’y avait aucun élément personnel. En infirmant la décision de la Cour canadienne de l’impôt, la Cour d’appel fédérale a dit :

 

      L’arrêt Tonn n’avait pas l’intention d’établir une règle de droit selon laquelle, même s’il n’y avait aucune attente raisonnable de profit, les pertes sont déductibles d’autres sources de revenu à moins, par exemple, que l’activité productrice de revenu comporte un élément personnel. La mention dans Tonn que le critère de l’arrêt Moldowan devrait être appliqué « avec modération » voulait être une ligne directrice fondée sur le bon sens pour les juges de la Cour de l’impôt. En d’autres termes, l’expression « avec modération » visait à expliquer que dans certains cas, par exemple, où il n’y a aucun élément personnel, le juge devrait appliquer le critère de l’attente raisonnable de profit de façon moins assidue qu’il ne l’aurait fait en présence d’un tel facteur.

 

Cela ne voulait pas dire que les pertes sont automatiquement déductibles lorsqu’il n’y a aucun élément personnel. Je suis certainement d’accord là‑dessus.

 

[107]  Suivant l’arrêt Tonn, la Cour est convaincue qu’il y avait un élément personnel en l’espèce. Ce n’était pas un gros élément personnel, mais la Cour est convaincue que c’était un élément personnel. Il s’agissait de l’utilisation du véhicule à des fins autres que celles de l’entreprise, et cela doit être pris en compte. Toutefois, même si elle devait conclure à l’absence d’un élément personnel et qu’elle était tenue d’appliquer d’une manière moins stricte et plus clémente les principes énoncés dans l’arrêt Moldowan, la Cour demeure convaincue, sur la foi de la preuve, qu’il n’y avait pas d’ARP durant les années en cause.

 

[108]  Il faut assurément tenir compte de la situation financière existant dans les années en cause, et l’on ne peut faire autrement que de considérer cela en examinant s’il y avait une ARP. Considérons la situation financière. De 1997 à 1999, il y a eu des pertes continues. Il ne semblait pas y avoir un rapport constant entre le revenu brut et les pertes subies. Ce n’était pas comme si, lorsque le travail augmentait, la perte diminuait. Pourtant, l'existence d'un tel rapport était l’un des principaux arguments que l’appelant invoquait pour essayer de convaincre la Cour aujourd’hui qu’il y avait une ARP. L’appelant s’attendait que, plus il aurait de travail, plus il gagnerait un revenu élevé et qu’il y aurait un profit à un moment donné après l’an 2000.

 

[109]  Certaines années, le revenu brut était plus élevé et la perte nette était également plus élevée. Même dans l’année où l’appelant a eu le revenu le plus élevé, soit l’année où la construction d’une maison lui a rapporté un revenu brut de 53 600 $, il a eu une perte de 6 003 $. C’était le double de la perte de l’année précédente; en fait, c'était une perte plus élevée même que celle subie deux ans auparavant, équivalente à la perte subie trois ans auparavant, plus élevée que la perte subie quatre ans auparavant et le double de la perte subie cinq ans auparavant.

 

[110]  La preuve n’étaye pas la position de l’appelant selon laquelle il s’attendait à avoir un plus grand nombre de contrats dans l’avenir. Cela n’était rien de plus qu'une chimère ou un vœu pieu. Il n’a fait aucune étude lui permettant de croire qu’il aurait plus de contrats et il n’a pas expliqué pourquoi il croyait cela. L’appelant n’a fait aucune étude et n’a produit aucune preuve indiquant que le profit aurait augmenté s’il avait eu plus de travail et indiquant donc que le profit était directement lié au nombre de contrats. L’appelant n’avait rien qui démontrait quand il pouvait s’attendre à réaliser un profit ou combien de contrats il pouvait raisonnablement s’attendre à avoir au cours d’une certaine période. Il n’a pas démontré qu’il avait fait quoi que ce soit pour régler les problèmes existants. Du point de vue de la Cour, le problème était qu’il n’y avait pas assez de travail.

 

[111]  Ce n’est pas que l’appelant dépensait trop. Ce n’est pas qu’il cherchait à déduire des dépenses personnelles importantes. Ce n’est pas que ses dépenses étaient exorbitantes. C’est simplement qu’il n’avait pas un revenu assez élevé. La seule façon d’augmenter le revenu était d’avoir plus de travail, et l’appelant n’a nullement démontré à la Cour comment il aurait obtenu plus de travail pour augmenter son revenu et réaliser un profit. Sans augmentation du nombre de contrats, il était impossible que l’appelant puisse s’attendre à réaliser un profit.

 

[112]  Là encore, la Cour doit tenir compte des facteurs mentionnés dans les arrêts Moldowan et Tonn et, à cet égard, elle doit assurément prendre en compte les profits et pertes pour les années antérieures et ce à quoi l’appelant pouvait s’attendre pour les années ultérieures.

 

[113]  La Cour ne dit pas que l’appelant n’avait aucune formation; il avait certainement une bonne connaissance du travail de couvreur. Un manque de formation ne représente cependant pas dans ce cas‑ci une raison majeure pour laquelle l’appelant n’avait pas d’ARP dans les années en cause. Sa formation était suffisante. Il pouvait probablement faire le travail; il n'y a aucune preuve qu’il en était incapable. Toutefois, il n’avait simplement pas le travail nécessaire. Pourquoi ne l'avait-il pas? Il ne l'avait pas parce que d’autres personnes étaient en mesure de faire des soumissions moins élevées que les siennes étant donné qu’elles faisaient partie de l’économie souterraine. Il ne l'avait pas parce qu’il était malade une partie du temps et probablement incapable d’en faire beaucoup plus.

 

[114]  L’appelant n’avait pas le travail nécessaire et n’avait donc pas plus d’argent parce qu’il ne faisait pas davantage de publicité. Il a fait un minimum de publicité. Il était incapable de concurrencer les personnes qui ne faisaient pas payer de TPS. Il aurait pu sans doute remédier à cela en partie en faisant annuler son inscription aux fins de la TPS, mais il ne l’a pas fait. Il croyait qu’il ne le pouvait pas, mais, s’il l’avait fait, cela aurait assurément eu un effet assez important.

 

[115]  L’appelant n’avait aucun plan d’entreprise pour montrer comment il allait augmenter son revenu. Il n’avait aucun plan d’urgence quant à ce qui allait arriver s’il était malade. Il a certainement été malade un bon bout de temps au cours de la période en cause. Il n’y a pas de doute que cela a eu une incidence  importante sur son travail. Toutefois, il savait bien qu'il avait des problèmes de santé remontant à bien des années avant 1997, 1998 et 1999.

 

[116]  L’appelant savait que le problème relatif à la TPS existait. Il savait que le problème relatif à l’économie souterraine existait. Ce sont là des choses qu’un homme d’affaires raisonnable prendrait en compte pour déterminer s’il peut raisonnablement s’attendre à réaliser un profit. Ce n’était pas des circonstances ou conditions exceptionnelles; ce n’était pas de nouvelles conditions; ce n’était pas non plus des conditions sans lesquelles la situation aurait été différente. Ce n’était pas des conditions en l’absence desquelles l’appelant aurait pu réaliser un profit.

 

[117]  C'était des problèmes normaux et ordinaires auxquels tous les hommes d’affaires doivent faire face et qu'ils doivent prendre en compte en déterminant s’ils peuvent raisonnablement s’attendre à réaliser un profit. Bien avant les années 1997, 1998 et 1999, l’appelant aurait sûrement dû arriver à la conclusion inéluctable que, s’il ne modifiait pas radicalement sa façon d’exploiter son entreprise, il ne réaliserait pas un profit.

 

[118]  Or, l’appelant dit qu’il a apporté des changements. Il a fait les choses différemment, en faisant affaire avec des entrepreneurs, réglant ainsi le problème relatif à la TPS; le deuxième changement tenait au fait que l’appelant allait avoir plus de travail. En ce qui concerne le premier changement, toutefois, la Cour n’est pas convaincue que le fait de faire affaire avec d’autres entrepreneurs allait donner à l’appelant le travail dont il avait besoin. Il lui fallait augmenter le nombre de contrats pour réaliser un profit, mais rien n’a été présenté à la Cour pour montrer combien de contrats l’appelant pouvait raisonnablement s’attendre à avoir, même en faisant affaire avec des entrepreneurs.

 

[119]  Pour ce qui est du problème relatif à la TPS, la Cour n’est pas convaincue que, en faisant affaire avec des entrepreneurs, l’appelant allait améliorer sa situation, sauf qu’il n’allait plus avoir à s’occuper de la TPS. En fin de compte, il n’y avait aucune preuve que cela aurait amélioré le résultat net.

 

[120]  La Cour n’est pas convaincue que l’appelant ait démontré que des faits nouveaux l’avaient empêché de réaliser un profit, bien qu’il ait pu raisonnablement s’attendre à réaliser un profit quand il a lancé l’entreprise.

 

[121]  La Cour est convaincue que, bien avant les années en cause, il aurait été raisonnable que, en tant qu’homme d’affaires sérieux, l’appelant sache qu’il n’allait pas réaliser un profit sans apporter de changements radicaux à sa façon de faire. En ce qui a trait aux changements que l’appelant entendait apporter, la Cour est convaincue qu’ils n’étaient pas suffisants.

 

[122]  L’appelant n’avait pas établi de plan d’entreprise; il n’a pas présenté de statistiques, de facteurs ou de chiffres quant à la façon dont il entendait réaliser un profit et quant au montant du profit qu'il réaliserait dans les années ultérieures.

 

[123]  En ce qui concerne l’activité de l’appelant, il n’y a eu aucun changement d’une nature telle que l’on pourrait raisonnablement conclure que c’était un changement suffisant pour que, au bout d’une certaine période, si longue soit‑elle, l’appelant réalise un profit. La Cour est incapable de conclure que, au bout du tunnel, il y avait un profit de prévisible.

 

[124]  En ce qui a trait au type d’activité que l’appelant exerçait, il est vrai que des capitaux importants n’étaient pas nécessaires; des dépenses importantes n’avaient pas à être engagées. L’appelant aurait dû être en mesure de savoir au départ, chaque année, s’il allait réaliser un profit, car il aurait dû pouvoir calculer exactement combien de contrats il lui faudrait pour réaliser un profit. Cela aurait dû être facilement prévisible. La Cour est cependant convaincue que l’entreprise a continué d’être exploitée de la même manière, sans que l’appelant ait plus de travail et sans qu’il ait un plan quelconque pour changer la situation. L’entreprise était vouée à l’échec bien avant les années 1997, 1998 et 1999, et il n’y avait assurément aucune ARP durant ces années‑là.

 

[125]  La Cour est convaincue que le ministre a donné une marge considérable pour ce qui est du temps que l’appelant a eu pour effectuer un revirement dans la situation de l'entreprise. Pour une période de neuf ans, allant de 1987 à 1996, il y a eu de grosses pertes chaque année. Pour toutes ces années, le ministre a permis que les pertes soient déduites. C’était là assurément une période de démarrage plus que suffisante. S’il allait y avoir un revirement, il aurait certainement dû se faire avant les années considérées en l’espèce.

 

[126]  La Cour conclut que l’appelant n’avait pas d’ARP dans les années en cause. L’appel doit être rejeté, et la cotisation du ministre doit être confirmée. Tel étant le cas, la Cour n’a pas à déterminer si les pertes subies excédaient les montants admis par le ministre à l’alinéa 8b) de la réponse à l’avis d’appel, mais, si elle devait faire cette détermination, elle dirait qu’on ne lui a présenté aucune preuve qui la convainque que les montants déterminés par le ministre n’étaient pas appropriés ou exacts.

 

[127]  L’appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de septembre 2002.

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de septembre 2004.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

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