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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

2001-4579(GST)G

ENTRE :

JOZO (JOE) KOVACEVIC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

Requête entendue le 8 mai 2002 à Toronto (Ontario) par

 

l'honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelant :                         Me Howard Winkler

 

Avocat de l'intimée :                           Me Brent Cuddy

 

 

ORDONNANCE

 

                Vu la demande de l’intimée faite afin d’obtenir une ordonnance :

 

a)       rejetant l’appel en vertu de l’alinéa 58(3)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »);

 

b)      rejetant la demande de prorogation du délai dans lequel un avis d’opposition peut être déposé;

 

et afin d'obtenir des mesures de redressement accessoires;

 

          Et vu la demande de l’appelant faite afin d’obtenir un jugement sommaire accueillant l’appel de l’appelant et une déclaration que l’avis de décision relatif à la présente affaire n’a pas été posté à l’appelant conformément aux dispositions de la Loi sur la taxe d’accise et est dès lors frappé de nullité et afin d'obtenir des mesures de redressement accessoires;

 

          Et vu les déclarations sous serment de l’appelant et de Joe Poletto déposées en preuve et les plaidoiries des avocats des parties;

 

          Et vu l’omission de présenter une demande de prorogation du délai;

 

          La Cour ordonne que :

 

1.       la demande de l’appelant soit rejetée;

 

2.       la demande de l’intimée soit accueillie et l’appel soit annulé;

 

3.       les dépens de l'appel et des deux requêtes soient adjugés à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juillet 2002.

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2003.

 

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020725

Dossier: 2001-4579(GST)G

 

ENTRE :

JOZO (JOE) KOVACEVIC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Bonner, C.C.I.

 

[1]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de l’appelant en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») le 31 octobre 1996. L’appelant s’est opposé à la cotisation le 15 décembre 1996.

 

[2]     L’intimée soutient que le ministre a confirmé la cotisation en vertu du paragraphe 301(3) de la Loi et a fait part de sa décision à l'appelant par avis de décision envoyé par courrier recommandé le 8 mai 1998. Si c’est le cas, le présent appel, qui a été interjeté au moyen d’un avis d’appel déposé le 21 décembre 2001, doit être rejeté parce qu’il a été interjeté après l’expiration du délai de 90 jours prévu à l’article 306 de la Loi. L’intimée a demandé le rejet de l’appel pour ce motif.

 

[3]     L’appelant a présenté une requête incidente afin d’obtenir un jugement sommaire accueillant l’appel et une déclaration que l’avis de décision du ministre ne lui a pas été envoyé par la poste en conformité avec les modalités du paragraphe 301(5) et qu’il est donc frappé de nullité.

 

[4]     À l'appui de sa requête incidente, l’appelant a déposé la déclaration qu'il a faite sous serment le 29 avril 2002. À la page 2, paragraphe 4, il affirme :

 

                   [TRADUCTION]

 

Le 4 mai 2001 ou aux environs de cette date, un agent de recouvrement de l’Agence des douanes et du revenu du Canada m'a informé que j’étais responsable, en ma qualité d’administrateur de l’entreprise, du montant de la TPS non remise. C’est la première fois que j'ai pris connaissance que mon avis d’opposition avait prétendument été pris en considération ou rejeté. Je n’ai jamais reçu d’avis de décision relativement à cet avis d’opposition.

 

Cet élément de preuve n’a pas été mis en doute lors du contre‑interrogatoire.

 

[5]     S’appuyant sur cette preuve, l’appelant soutient que l’intimée a la charge d’établir que l’avis de décision du ministre a été envoyé conformément aux dispositions du paragraphe 301(5) de la Loi. L’appelant invoque la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Aztec Industries Inc. c. La Reine, C.A.F., no A‑405-95, 6 avril 1995, 95 D.T.C. 5235. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de la charge de la preuve eu égard à l’obligation faite au ministre en vertu du paragraphe 152(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu d’envoyer un avis de cotisation au contribuable. La Cour fédérale a fait observer ce qui suit :

 

Lorsque, comme en l'espèce, le contribuable affirme non seulement qu'il n'a pas reçu l'avis de cotisation, mais encore que cet avis n'a jamais été émis, c'est au ministre qu'il incombe de prouver l'existence de l'avis et la date de sa mise à la poste; lui seul est en possession de ces faits et lui seul peut en administrer la preuve. Diverses dispositions de la Loi confirment que la charge de la preuve incombe au Ministre à cet égard et visent manifestement à l'alléger.

 

La situation qui nous occupe est analogue pour ce qui est de la charge d’établir que l’avis a été mis à la poste en conformité avec les dispositions du paragraphe 301(5) de la Loi.

 

[6]     L’intimée a déposé la déclaration sous serment de Joe Poletto, représentant de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« Agence »), afin d’établir que l’avis de décision avait été envoyé. Un passage de cette déclaration sous serment est reproduit ci‑après :

 

                   [TRADUCTION]

 

[...]

 

5.         Le 8 mai 1998 ou aux environs de cette date, j’ai préparé un avis de décision qui avait pour but de répondre à l’avis d’opposition déposé par M. Kovacevic.

 

6.         L’avis de décision était adressé à Jozo Kovacevic, 561, Kevedon Mews, Mississauga (Ontario), L4Z 1G3.

 

7.         L’adresse inscrite sur l’avis de décision est celle indiquée dans l’avis d’opposition.

 

8.         L’avis de décision a été approuvé par mon chef d’équipe et a été remis au directeur adjoint des appels, Ken Fox, en vue d'être signé par lui.

 

9.         L’avis de décision a été approuvé et signé par M. Fox le 15 mai 1998. Est annexée aux présentes comme pièce « C » une copie conforme de l’avis de décision daté du 15 mai 1998.

 

10.       L’Agence a comme ligne de conduite et pratique de transmettre l’avis de décision à un commis qui se charge de l’envoyer par courrier recommandé. Le mode de livraison est indiqué par le mot « recommandé » dactylographié au recto de l’avis de décision. Est annexée aux présentes comme pièce « C » une copie conforme de l’avis de décision daté du 15 mai 1998. Le mot « recommandé » est inscrit dans le coin supérieur gauche.

 

11.       L’Agence a comme ligne de conduite et pratique d’indiquer la date d’envoi par courrier recommandé de l’avis de décision au moyen d’un timbre dateur. Selon le timbre dateur apposé sur l’avis de décision, la date de mise à la poste est le 15 mai 1998. Est annexée aux présentes comme pièce « C » une copie conforme de l’avis de décision daté du 15 mai 1998 où la date du timbre dateur apparaît dans le coin supérieur gauche.

 

[...]

 

[7]     M. Poletto a été soumis à un contre‑interrogatoire de la part de l’avocat de l’appelant relativement à sa déclaration sous serment. Ce contre‑interrogatoire a permis d’établir que la connaissance que M. Poletto a, dans les faits, de l’avis de décision en cause s’arrête au moment où il a placé le document dans la corbeille d’arrivée de son chef d’équipe avant l’approbation mentionnée au paragraphe 8 de la déclaration sous serment.

 

[8]     M. Poletto ne prétend pas avoir eu personnellement connaissance des événements subséquents, mais cela ne porte pas un coup fatal à la thèse de l'intimée, selon moi. Il est manifeste que M. Poletto connaît bien la ligne de conduite et la pratique en vigueur à l’Agence. Son témoignage sur l’état des dossiers de l’Agence, notamment la date apposée sur l’avis de décision au moyen d’un timbre dateur, démontre, selon la prépondérance des probabilités, que l’avis de décision a été envoyé le 15 mai 1998 conformément aux modalités de la Loi.

 

[9]     Dans l’affaire Schafer c. La Reine, C.C.I., no APP‑478‑96‑GST, 3 juin 1998, [1998] G.S.T.C. 60, mon collègue le juge Bowman (tel était alors son titre) a fait observer ce qui suit :

 

            Dans une grande organisation comme un ministère, un cabinet d'avocats ou d'experts-comptables ou une société, où le courrier envoyé chaque jour est volumineux, il est pratiquement impossible de trouver un témoin pouvant jurer qu'il a déposé au bureau de poste une enveloppe adressée à telle ou telle personne. Le mieux qu'on puisse faire est de décrire en détail les étapes suivies, par exemple le fait d'adresser les enveloppes, d'y insérer des documents, d'apporter les enveloppes à la salle du courrier et de livrer le courrier au bureau de poste.

 

[10]    On peut établir une comparaison utile entre l’affaire qui nous occupe et la décision que j’ai rendue dans l’appel de M. Kovacevic en matière d’impôt sur le revenu. Dans cette affaire, il n’y avait aucune preuve que l’avis de cotisation s'était rendu à la salle du courrier.

 

[11]    Il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si l’appelant aurait eu droit à un jugement sommaire accueillant l’appel si le ministre avait omis de lui envoyer l’avis de décision. Je ferai toutefois observer en passant que, dans ce cas, le recours de l’appelant aurait été d’interjeter appel en vertu de l’article 306 de la Loi après l’expiration du délai de 180 jours.

 

[12]    Aux paragraphes 14 et 15 du résumé écrit de la plaidoirie, l’appelant déclare ce qui suit :

 

                   [TRADUCTION]

 

14.       Au moyen d’une demande datée du 20 septembre 2001, l’appelant a demandé la prorogation du délai prévu pour contester la cotisation en vertu de l’article 303 de la Loi sur la taxe d’accise.

 

Référence : Avis d’appel, Affaire en matière de TPS, paragraphe 8.

 

15.       Au moyen d’un avis de décision daté du 22 novembre 2001, l’intimée a rejeté la demande de prorogation du délai de l’appelant, habilitant dès lors la Cour à statuer sur la question de savoir si l’intimée a posté un avis de détermination à l’appelant en réponse à son avis d’opposition.

 

Référence : Avis d’appel, Affaire en matière de TPS, paragraphe 9.

 

Il y a confusion ici. L’article 303 de la Loi ne s’applique pas. Le ministre s’est penché sur l’opposition, a confirmé la cotisation et a notifié l’appelant en vertu du paragraphe 301(5), tel qu’il y était tenu. C’est l’appel qui a été interjeté en retard. Aucune demande valide de prorogation du délai prévu pour interjeter appel n’a été présentée en vertu de l’article 305, sans doute parce que la période d’un an prévue à l’alinéa 305(5)a) a pris fin bien avant le 20 septembre 2001.

 


[13]    La Cour rendra donc une ordonnance annulant l’appel et adjugeant les dépens à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de juillet 2002.

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2003.

 

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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