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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2002-390(IT)G

 

ENTRE :

JOZO (JOE) KOVACEVIC,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Requête entendue le 8 mai 2002 à Toronto (Ontario), par

 

l’honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions

 

Avocat de l’appelant :                                  Me Howard W. Winkler

 

Avocat de l’intimée :                                    Me Brent E. Cuddy

 

 

JUGEMENT

 

Vu la demande par laquelle l’intimée sollicite une ordonnance :

 

a)       rejetant une demande de prolongation du délai pour déposer un avis d’opposition à l’avis de décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 1er novembre 2001, en vertu de l’alinéa 58(3)b) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »);

 

b)      annulant l’avis d’appel, en vertu de l’alinéa 58(3)b) des Règles;

 

ainsi que des mesures de redressement accessoires;

 

          Vu l’absence d’une demande de prolongation du délai pour déposer un avis d’opposition;

 

          Vu la déclaration sous serment de Joe Pereira;

 

          Vu la demande par laquelle l’appelant sollicite un jugement sommaire admettant son appel et par laquelle il sollicite une déclaration établissant que l’avis de cotisation dans cette affaire ne lui a pas été envoyé par la poste comme l’exige la Loi de l’impôt sur le revenu et que l’avis de cotisation est donc nul;

 

          Vu la déclaration sous serment de l’appelant;

 

          Et vu les allégations des parties;

 

1.       La demande de l’intimée est rejetée;

 

2.       La demande de l’appelant est accueillie et l’appel est annulé pour le motif que la cotisation faisant l’objet de l’appel n’a jamais été complétée par l’envoi d’un avis de cotisation à l’appelant;

 

3.       L’appelant aura droit aux frais de l’appel, y compris pour ce qui est des deux requêtes.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juillet 2002.

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020724

Dossier: 2002-390(IT)G

 

ENTRE :

 

JOZO (JOE) KOVACEVIC,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bonner, C.C.I.

 

[1]     Des requêtes interlocutoires ont été présentées par les deux parties dans cet appel interjeté à l’encontre d’une cotisation concernant la responsabilité de l’appelant comme administrateur selon l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     La demande de l’appelant vise à obtenir : un jugement sommaire admettant l’appel; une déclaration établissant que l’avis de cotisation, dont l’intimée dit qu’il était daté du 21 juillet 1997 et qu’il a été envoyé par la poste à l’appelant à cette date‑là, n’a pas été envoyé par la poste et est nul.

 

[3]     La demande de l’intimée vise à obtenir une ordonnance annulant l’appel pour le motif que l’appelant n’a pas signifié un avis d’opposition à la cotisation conformément à l’article 165 de la Loi et que le paragraphe 169(1) de la Loi ne permet qu’un appel soit interjeté devant notre cour que si un contribuable a signifié un avis d’opposition conformément à l’article 165.

 

[4]     Comme je l’ai mentionné précédemment, l’appel est interjeté à l’encontre d’une cotisation relative à l’article 227.1 de la Loi. De telles cotisations sont établies en vertu de la partie XV de la Loi. Le paragraphe 165(1) s’applique à des cotisations établies en vertu de la partie I de la Loi. Pour cette raison, le paragraphe 227(10) a été édicté. Il se lit en partie comme suit :

 

Le ministre peut établir une cotisation à l’égard de :

 

a)         toute personne pour un montant payable par elle en vertu des paragraphes (8), (8.1), (8.2), (8.3) ou (8.4) ou 224(4) ou (4.1) ou des articles 227.1 ou 235;

 

[...]

 

dans l’un et l’autre cas, s’il lui envoie un avis de cotisation, les sections I et J de la partie I s’appliquent, avec les adaptations nécessaires.

 

[5]     Il est depuis longtemps reconnu en droit qu’une cotisation n’est établie que lorsque le ministre du Revenu national (le « ministre ») a complété le processus de cotisation en envoyant l’avis de cotisation au contribuable[1]. La question préliminaire en l’espèce est donc de savoir si l’avis de cotisation a été envoyé à l’appelant.

 

[6]     À l’appui de la requête de l’appelant a été déposée la déclaration sous serment de l’appelant faite le 29 avril 2002. Dans cette déclaration sous serment, l’appelant affirme qu’il a entendu parler de la cotisation pour la première fois le 4 mai 2001, quand il a reçu la visite d’un agent de perception de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« Agence »). Il affirme également qu’il n’a jamais reçu un avis de la cotisation et que, s’il en avait reçu un, il aurait fait opposition. Cet élément de preuve n’a pas été affaibli quand l’appelant a été contre‑interrogé au sujet de sa déclaration sous serment. Le fait que l’appelant n’a pas reçu l’avis de cotisation indique que l’avis peut ne pas lui avoir été envoyé.

 

[7]     Au nom de l’intimée a été déposée la déclaration sous serment de Joe Pereira, fonctionnaire de la section de perception de l’Agence. Dans sa déclaration sous serment, M. Pereira affirme en partie ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

Le 18 juillet 1997, j’ai préparé des avis de cotisation devant être établis à l’égard des administrateurs de la 954228 Ontario Limited conformément à l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Un de ces avis de cotisation, qui porte le numéro 00325, a été adressé à M. Joe Kovacevic, 561, Kelvedon Mews, Mississauga (Ontario). Cet avis de cotisation a été daté du 21 juillet 1997 et a été envoyé à M. Kovacevic par poste prioritaire à cette date‑là. [...]

 

L’Agence a pour politique et pour pratique de garder des registres et de l’information sous une forme électronique, c’est‑à‑dire dans une base de données informatiques. Est conservé un journal électronique de toutes les mesures prises par les employés de l’Agence relativement au dossier d’un contribuable. Une fois passées, les écritures de journal ne peuvent être modifiées.

 

En annexe à cette déclaration sous serment figure un imprimé du journal électronique qui semble enregistrer sous une forme sommaire l’envoi de l’avis de cotisation no 00325 par poste prioritaire le 21 juillet 1997.

 

[8]     La déclaration sous serment de M. Pereira ne semble pas avoir été faite conformément au paragraphe 244(10) de la Loi. Elle n’indique pas que M. Pereira avait connaissance de la pratique de l’Agence et qu’il avait examiné les registres ou y avait pratiqué des recherches pour déterminer si un avis d’opposition ou d’appel concernant la cotisation avait été déposé.

 

[9]     M. Pereira a été contre‑interrogé au sujet de sa déclaration sous serment. Fait peu étonnant, il ne se rappelait rien de l’établissement de la cotisation à part ce qui était enregistré dans le journal électronique. Il a affirmé que, le 18 juillet 1997, il avait « soulevé » la cotisation, c’est‑à‑dire qu’il avait inscrit sur un formulaire d’avis de cotisation le nom du contribuable, le montant, le nom de la société en cause et une date, soit le 21 juillet 1997. Il a décrit ce qui se passerait ensuite en temps normal. Le formulaire serait envoyé au service de dactylographie, où un exemplaire dactylographié de l’avis serait établi, pour ensuite lui être remis. Puis l’avis original de cotisation serait mis dans une enveloppe et déposé dans un panier pour documents destinés à être envoyés à la salle du courrier. Une fois établi le formulaire manuscrit d’avis de cotisation envoyé au service de dactylographie, aucune écriture supplémentaire n’est passée dans le journal électronique. La date du 21 juillet avait été choisie pour laisser suffisamment de temps pour que soit dactylographié et envoyé par la poste le formulaire d’avis de cotisation. Donc, le journal faisant état de l’envoi et de la date de celui‑ci est un registre non pas d’événements qui s’étaient en fait produits, mais plutôt d’événements dont M. Pereira s’attendait le 18 juillet qu’ils se produisent trois jours plus tard. Dans ce cas‑ci, l’Agence n’avait aucun registre qui aurait été établi à la date d’envoi par la poste ou après et qui indiquerait que l’avis avait en fait été envoyé par la poste.

 

[10]    Lors du contre‑interrogatoire, M. Pereira n’avait pas une copie de l’avis original de cotisation ou n’en a pas produit une.

 

[11]    La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Aztec, précitée, établit que, lorsque le contribuable allègue qu’il n’a pas reçu d’avis de la cotisation, c’est au ministre qu’il incombe de prouver l’existence de l’avis, ainsi que la date d’envoi par la poste. Après tout, comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale, ces faits sont particulièrement connus du ministre, qui est le seul à pouvoir présenter des éléments de preuve à cet égard. En l’espèce, ce que sait actuellement M. Pereira se limite à ce qui est indiqué dans le journal électronique. Celui‑ci n’est pas convaincant comme preuve de l’envoi par la poste. C’est un registre non pas d’un événement mais d’une prévision d’événement. À tout le moins faut‑il certaines preuves détaillées de ce qui se passe dans la salle du courrier. Le ministre ne s’est donc pas acquitté de la charge de preuve qui lui incombait.

 

[12]    Vu le libellé clair du paragraphe 227(10) de la Loi, on ne peut dire que s’appliquent les sections I et J de la partie 1 de la Loi en matière d’opposition et d’appel concernant des cotisations établies en vertu de l'article 227.1.

 


[13]    Je rendrai donc un jugement accueillant la demande de l’appelant et annulant l’appel pour le motif que la cotisation faisant l’objet de l’appel n’a jamais été complétée par l’envoi d’un avis à l’appelant. L’appelant aura droit aux frais de la requête. La demande de l’intimée est rejetée, sans allocation de frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juillet 2002.

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1] Aztec Industries Inc. c. La Reine, C.A.F., no A‑405‑94, 6 avril 1995 (95 DTC 5235).

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