Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2001-3255(IT)I

ENTRE :

HOWIE A. HEWKO,

appelant,

et

 

Sa Majesté La Reine,

intimée,

et

 

procureur général de l’Alberta,

intervenant.

 

 

Appel entendu le 21 février 2002, à Edmonton (Alberta), et

par téléconférence le 17 octobre 2002, à Ottawa (Ontario), par

l’honorable juge E. A. Bowie

Comparutions

 

Représentant de l’appelant :       l'appelant lui-même

Avocats de l’intimée :                Me Margaret Irving et Me Margaret McCabe

Avocat de l’intervenant :            Me Rod Wiltshire

 

 

JUGEMENT

 

L’appel de la nouvelle cotisation d’impôt établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2002.

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20021028

Dossier: 2001-3255(IT)I

 

 

ENTRE :

HOWIE A. HEWKO,

appelant,

et

 

Sa Majesté La Reine,

intimée,

et

 

procureur général de l’Alberta,

intervenant.

 

 

Motifs Du Jugement

 

Le juge Bowie

 

[1]     J’ai entendu le présent appel le 21 février 2002. Le 2 juillet 2002, j’ai ordonné que, en vertu de l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, les procureurs généraux des provinces soient avisés du fait qu’était mise en question la validité de l’article 34 (soit maintenant l’article 41) de la loi de l’Alberta intitulée Maintenance Enforcement Act (la « MEA »)[1]. Seul le procureur général de l’Alberta avait exprimé l’intention de présenter des observations. Ainsi, le 17 octobre 2002, on a, par voie de conférence téléphonique, repris l’audition du présent appel, ainsi que de l’appel Fraser c. La Reine[2], dans lequel la même question avait été soulevée. Le procureur général de l’Alberta a présenté des observations, ainsi que le procureur général du Canada. Le représentant de l’appelant avait été invité à présenter des observations, mais a choisi de ne pas le faire.

 

[2]     L’article 41 de la MEA se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (du Canada), un conjoint inclut une personne qui est tenue de faire des paiements périodiques de pension alimentaire en vertu d’un accord écrit ou d’une ordonnance alimentaire.

 

[3]     À l’époque où j’avais rendu l’ordonnance mentionnée précédemment, j’avais, dans mes motifs, conclu que les paiements de pension alimentaire pour enfants que l’appelant avait effectués, en vertu d’un accord écrit déposé auprès de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta conformément à la MEA, ne seraient pas déductibles dans le calcul du revenu de l’appelant, sauf si ce dernier pouvait établir que lui et la bénéficiaire des paiements étaient des conjoints ou l’avaient été à un certain moment. Évidemment, cela mettait en jeu l’article 41 de la MEA. Si cette disposition est valide et effective, l’appelant est en droit d’avoir gain de cause dans le présent appel.

 

[4]     Il est bien établi que, relativement aux lois qu’elles adoptent, les assemblées législatives des provinces ne peuvent déborder le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés à l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ces pouvoirs n’incluent pas la modification d’une loi fédérale valablement édictée en vertu de l’article 91. Au cours de la présentation de ses observations, l’avocat du procureur général de l’Alberta a reconnu que l’article 41 de la MEA ne pouvait avoir cet effet. Sa position était que l’article 41 a été édicté à une époque où la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada prévoyait, à l’alinéa 60c.1), la déduction de paiements de pension alimentaire pour enfants faits en vertu d’une ordonnance d’un tribunal compétent à « un particulier appartenant à une catégorie prescrite de personnes prévue dans la loi de cette province ». C’est par ce lourd mécanisme législatif que le Parlement a cherché à traiter la question de la déductibilité de paiements de pension alimentaire faits par une personne à son conjoint de fait. Dans le cas d’une province où il y avait une reconnaissance législative de cette relation, la catégorie « prévue » dans la loi de cette province pouvait être « prescrite » par décret en conseil. La position de l’Alberta est que l’article 41 de la MEA était simplement destiné à « prévoir » une catégorie de personnes qui pourrait ensuite être « prescrite ». Comme l’avocat a concédé que l’article 41 n’est plus effectif depuis que l’on a modifié l’alinéa 60c.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à supprimer le renvoi à une catégorie de personnes « prévue » dans une loi provinciale, il n’est pas nécessaire que j’examine davantage la question de la validité constitutionnelle de cet article. Toutefois, on peut se demander comment le rédacteur pouvait penser que l’article 41 de la MEA « prévoyait » une catégorie de personnes[3], et pourquoi l’article 41 a récemment été renuméroté et intégré aux Revised Statutes 2000 de l’Alberta.

 

[5]     L’avocat du procureur général de l’Alberta a en outre porté à mon attention une décision inédite de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta[4] dans laquelle le juge Smith a statué qu’une ordonnance alimentaire de la Cour provinciale de l’Alberta, une fois déposée auprès de la Cour du Banc de la Reine, ne peut être modifiée que par cette cour, en raison de la disposition déterminative figurant au paragraphe 12(1) de la MEA. Il disait que cela étayait le point de vue adopté par le juge Teskey dans la décision Hollands c. La Reine[5]. Je ne suis pas d’accord. Comme je le disais aux paragraphes 7 et 8 des motifs que j’ai rendus précédemment dans la présente affaire, l’application de ces dispositions déterminatives ne peut déborder le cadre de la portée et de l’objet de la MEA. Il en est ainsi parce que l’assemblée législative de l’Alberta a clairement exprimé cette intention. Pour ce qui est des ordonnances dont le juge Smith a été saisi, elles avaient été rendues aux termes de la loi de l’Alberta intitulée Domestic Relations Act, mais c’était en vertu de la MEA qu’elles avaient été déposées et qu’elles étaient donc appliquées. Il n’y a rien dans la décision du juge Smith qui entre en conflit avec les motifs que j’ai rendus le 2 juillet 2002.

 

[6]     Je dois rejeter le présent appel. En terminant, toutefois, je ne peux m’empêcher de faire remarquer le caractère particulier de la politique législative qui a fait que le Parlement a prévu une déduction, dans le calcul du revenu, pour des parents ne vivant pas en union conjugale, n’ayant pas la garde des enfants et qui, réticents à s’acquitter de leur responsabilité, ont été obligés de le faire en vertu d’une ordonnance d’un tribunal, alors que le Parlement a refusé une telle déduction pour des parents offrant de leur plein gré de supporter leur part du fardeau financier inhérent à la condition parentale en concluant une entente alimentaire. Il doit être rare qu’une personne soit assez astucieuse ou avisée pour insister sur l’obtention d’une ordonnance par consentement pour l’exécution d’une obligation que cette personne assume de son plein gré.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de novembre 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 



[1]           R.S.A. 2000, ch. M.1.

[2]           Dossier no 2001-1932(IT)I.

[3]           Cf. R.S.O. 1980, ch. 152, sous‑alinéa 14b)(i).

[4]           Director of Maintenance Enforcement and The Provincial Court of Alberta, 19 mai 1989.

[5]           C.C.I., no 2001-1203(IT)I, 24 septembre 2001 ([2001] 4 C.T.C. 2755).

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