Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-1209(IT)G

ENTRE :

 

GRAHAM CONSTRUCTION & ENGINEERING (1985) LTD.,

 

appelante,

et

 

Sa Majesté La Reine,

 

intimée.

 

Requête entendue le 16 septembre 2002, à Calgary (Alberta), par

 

l'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions

 

Avocats de l'appelante :             Me Jehad Haymour et

                                                Me Denny Kwan

 

Avocate de l’intimée :                Me Bonnie F. Moon

 

ORDONNANCE

 

La requête de l'appelante est rejetée selon les motifs de l'ordonnance ci-joints et la question est déférée au juge qui présidera l’appel si l’appelante décide de présenter de nouveau sa requête au procès. Les dépens de la présente requête suivront l’issue de la cause.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'octobre 2002.

 

 

 

« Diane Campbell »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de septembre 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date: 20021025

Dossier: 2000-1209(IT)G

 

ENTRE :

 

GRAHAM CONSTRUCTION & ENGINEERING (1985) LTD.,

 

appelante,

et

 

Sa Majesté La Reine,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

La juge Campbell, C.C.I.

 

[1]     L’appelante demande par la requête devant moi qu’une ordonnance soit rendue afin que certains documents étant en la possession de l’intimée soient écartés de la preuve présentée en appel. L’appelante soutient dans sa requête que les documents ont été divulgués à l’intimée par inadvertance et que ceux-ci sont protégés par le privilège des communications entre client et avocat, privilège auquel l’appelante n’aurait pas renoncé.

 

[2]     Quatre questions ont été soulevées en l’espèce. Premièrement, ai-je la compétence requise pour entendre la présente requête? Le cas échéant, s’agit-il d’une question qui devrait être tranchée par le juge du procès? Deuxièmement, les documents sont-ils visés par le privilège des communications entre client et avocat ou entre client et mandataire? Troisièmement, l’appelante a-t-elle renoncé à ce privilège? Et finalement, si l’appelante n’a pas renoncé au privilège, les documents doivent-ils être écartés de la preuve en vertu des règles de preuve de la common law?

 

[3]     La question devant être tranchée en appel porte sur le droit de l’appelante de déduire certaines pertes liées à une compagnie de gaz naturel, Himic Investments Ltd. L’appelante a acheté Himic Investments Ltd en 1991. Himic Investments Ltd. a été liquidée à la suite de cette fusion. Tant avant qu’après cette transaction, l’appelante a fait parvenir à son cabinet comptable, Coopers & Lybrand, des copies de divers documents qui avaient été préparés par ses avocats. Le 21 mars 1995, Revenu Canada, (prédécesseur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada), a fait parvenir une lettre à Coopers & Lybrand exigeant que certains documents pertinents aux fins de l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante lui soient transmis. Entre le 21 mars 1995 et le 16 mai 1995, un des associés de Coopers & Lybrand, M. Bill Patterson, a informé le vice-président de l’appelante, M. Michael Wytrykush, de la demande de Revenu Canada. Le 16 mai 1995, Coopers & Lybrand a répondu à cette demande et a permis que les documents soient consultés dans ses bureaux. Sa réponse indiquait toutefois que l’information était visée par le privilège des communications entre client et conseiller fiscal et que l’examen des documents par Revenu Canada devait être effectué sous réserve de tout droit de l’appelante. L’avocat de l'appelante a déclaré que M. Michael Wytrykush croyait que les documents échangés entre Coopers & Lybrand et les avocats de l'appelante étaient protégés par le privilège des communications entre client et avocat, car Coopers & Lybrand aurait agi, à cette époque, à titre de mandataire envers les avocats de l’appelante. Selon l’avocat de l’appelante, M. Patterson ne croyait pas que les documents constituaient des communications privilégiées, puisque Coopers & Lybrand n’était pas un cabinet d’avocats. Par lettre datée du 26 juillet 1995, Revenu Canada a adressé une deuxième demande directement à l’appelante afin d’examiner et d’obtenir divers autres documents en vertu de l’article 231.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu. En août 1995, Chuck Garland, représentant de l’ADRC, s’est présenté aux bureaux de l’appelante et a obtenu accès aux documents. Il a photocopié certains documents et a rapporté ces photocopies. Personne n’a soulevé la question du privilège. L’avocat de l’appelante a indiqué que M. Wytrykush avait donné des copies de documents à M. Garland uniquement pour satisfaire une exigence, et qu’il n’avait aucunement l’intention de renoncer au privilège des communications entre client et avocat. L’appelante demande à présent que ces documents, ainsi que les documents de Coopers & Lybrand, soient écartés de la preuve, car ils constitueraient des communications privilégiées.

 

[4]     L'avocat de l'appelante a fait état de l’évolution de l’ensemble du droit en matière de privilège jusqu’à la plus récente décision de la Cour suprême du Canada dans Lavallée c. Canada (Procureur général), 2002 ACS 61. Il a ensuite expliqué pourquoi certains documents constituaient des communications privilégiées en se fondant sur le produit du travail, le privilège des communications entre client et avocat et entre client et mandataire.

 

[5]     En ce qui a trait à la renonciation expresse ou tacite au privilège, l’avocat de l’appelante a procédé à une étude de la jurisprudence pertinente. Il soutient que, bien que l’appelante savait que les documents en question contenaient des communications privilégiées, elle n’avait transmis ceux-ci que pour satisfaire une exigence de Revenu Canada et elle n’avait aucunement renoncé à ce privilège. L’avocat de l’appelante argue que, peu importe l’importance des documents relativement à l’issue de l’appel, il est plus important de déterminer s’il y a eu atteinte au droit fondamental du privilège de la communication entre client et avocat.

 

[6]     L'avocate de l'intimée soutient, pour sa part, que cette question devrait être entièrement déférée au juge qui entendra l’appel, et que l’appelante tente par la présente requête de faire en sorte qu’une partie seulement de la preuve soit présentée au juge du procès. Elle argue que la question en l’espèce n’est pas une simple question d’admissibilité de preuve. L’avocate de l’intimée soutient de plus que, si la requête était accueillie, la majorité des présomptions en faveur du ministre tomberait. Ainsi, la présente requête ne soulèverait pas uniquement des questions en matière de preuve, mais également des questions en ce qui concerne le fardeau de la preuve ainsi que des question sur les règles juridiques de fond.

 

[7]     Il ne fait aucun doute qu’une décision sur la présente requête pourrait déterminer l’issue de l’appel. Bon nombre de documents sont contestés et portent sur l’achat et la liquidation éventuelle de Himic Investments Ltd.

 

[8]     La requête est présentée en vertu des articles 12 et 13 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et de l’article 4 des Règles sur la Cour canadienne de l'impôt (Procédure générale). Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt confère à cette cour le pouvoir de décider de la présente requête en vertu de sa « compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle [...] découlant de l'application [...] de la Loi de l'impôt sur le revenu ». Puisque la Cour canadienne de l’impôt a une compétence rationæ materiæ sur les affaires découlant de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), elle doit entendre toute requête pouvant être déterminante à l’égard de l’issue d’une affaire découlant de l’application de la Loi. L’article 13 confère à la Cour, « [...] en ce qui concerne [...] la production et l'examen des documents [...] tous les pouvoirs, droits et privilèges conférés à une cour supérieure d'archives ». Par conséquent, je conclus que j’ai la compétence pour entendre la présente requête.

 

[9]     La présente requête vise une série de documents, notamment les versions préliminaires et les versions finales d’un contrat d’achat, un billet à ordre, une résolution d’actionnaires, des procès-verbaux, de la correspondance relative à la structure du capital-actions et des opinions sur des questions fiscales. Je suis d’avis que la question de l’exclusion de ces documents devrait être tranchée par le juge qui présidera l’appel, car c’est lui qui prendra connaissance de l’ensemble des faits et des circonstances; c’est lui qui sera le plus en mesure de prendre une décision éclairée pendant l’audition de l’appel.

 

[10]    Les deux avocats ont soulevé le problème potentiel que poseraient les interrogatoires préalables si je concluais que la question devait être déférée au juge qui présidera l’appel. Je ne vois aucun problème à procéder aux interrogatoires en supposant que tous les documents sont régulièrement admissibles jusqu’à ce que le juge du procès tranche la question de savoir si tous les documents, ou certains d’entre eux, ne sont pas admissibles. Le cas échéant, une partie de la transcription de l’interrogatoire ne pourra être versée en preuve ni ne pourra faire l’objet d’un contre-interrogatoire.

 

[11]    À mon avis, tout en autorisant l'audition de l'appel, il est préférable que je ne prenne pas de décision qui pourrait avoir pour effet d’exclure un grand nombre de documents. Je crois qu’il s’agit d’une approche prudente et raisonnable étant donné que je ne suis pas au courant de l’ensemble du contexte dans lequel ces documents pourraient jouer un rôle.

 


[12]    La requête de l’appelante est rejetée. Toutefois, l’appelante peut présenter cette requête de nouveau au juge du procès. Les dépens de la présente requête suivront l’issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d'octobre 2001.

 

 

 

 

« Diane Campbell »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de septembre 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

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