Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2002-2730(IT)I

ENTRE :

DONNA HORBAY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Appel entendu le 12 décembre 2002, à Toronto (Ontario), par

 

l'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions

 

Pour l'appelante :                                          l'appelante elle-même

 

Avocate de l'intimée :                                   Me Amy Francis

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

         

 

 

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 23e jour de décembre 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d'octobre 2004.

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20021223

Dossier: 2002-2730(IT)I

 

 

ENTRE :

DONNA HORBAY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier, C.C.I.

 

[1]     Cet appel, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 12 décembre 2002. L’appelante était le seul témoin.

 

[2]     Les paragraphes 4 à 10 de la réponse à l’avis d’appel décrivent la question en litige de l’appel. Ils sont libellés comme suit :

 

                    [TRADUCTION]

 

4.         Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2000 de l’appelante en refusant 2 414,80 $ à titre de frais de bureau à domicile (les « dépenses non admissibles ») et a établi un avis en date du 29 octobre 2001.

 

5.         L’appelante a déposé un avis d’opposition le 11 janvier 2002, et le ministre a ratifié la nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2000 de l’appelante, et il a établi un avis de ratification le 25 avril 2002.

 

6.         Dans sa nouvelle cotisation, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         en 2000, l’appelante était fonctionnaire pour la direction des affaires correctionnelles, ministère du Procureur général, Province de Colombie-Britannique (« Affaires correctionnelles de la     C.-B. »);

 

b)         l’appelante était agente de probation auprès des Affaires correctionnelles de la C.-B., et sa principale fonction consistait à mener des entrevues avec les personnes qui s’étaient rendues coupables d’une infraction criminelle et à rédiger des rapports prédécisionnels à l’intention des tribunaux;

 

c)         d’après son contrat d’emploi auprès des Affaires correctionnelles de la C.-B., l’appelante devait soit louer un espace de bureau, soit utiliser une partie de son domicile pour s’acquitter de ses fonctions;

 

d)         l’appelante a utilisé 10 % de la superficie totale de son domicile pour son bureau;

 

e)         l’appelante n’a pas reçu son salaire des Affaires correctionnelles de la C.-B. sous forme de commissions ou de montants similaires provenant du volume, des ventes ou de contrats négociés; et

 

f)          les dépenses non admissibles consistaient en intérêts hypothécaires.

 

B.        QUESTIONS À TRANCHER

 

7.         La question en litige est de savoir si l’appelante avait le droit de déduire des frais relatifs à un emploi, dépenses considérées non admissibles, lorsqu’elle a calculé son revenu pour l’année d’imposition 2000.

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

 

8.         Les dispositions invoquées sont l’alinéa 8(1)i) et les paragraphes 8(2) et 8(10) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5supp.), dans sa forme modifiée (la « Loi »).

 

D.        MOTIFS INVOQUÉS ET REDRESSEMENT DEMANDÉ

 

9.         Le ministre soumet respectueusement que l’appelante n’a pas le droit de déduire les dépenses non admissibles, en l’occurrence des intérêts hypothécaires, en raison du paragraphe 8(2) de la Loi.

 

10.       Il soumet également que l’appelante n’a pas le droit de déduire les dépenses non admissibles en vertu de    l’alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi, car il s’agit d’intérêts hypothécaires et non de loyers.

 

[3]     Les hypothèses du paragraphe 6 sont correctes.

 

[4]     Les alinéas 8(1)i) et (ii) et le paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sont libellés comme suit :

 

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant:

 

[...]

 

i) [...] les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre :

 

(i)         des cotisations annuelles de membre d'association professionnelle dont le paiement était nécessaire pour la conservation d'un statut professionnel reconnu par la loi,

 

(ii)        du loyer de bureau ou du salaire d'un adjoint ou remplaçant que le contrat d'emploi du cadre ou de l'employé l'obligeait à payer,

 

[...]

 

(2)        Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi.

 

[5]     De l’avis de la Cour, il s’agit en partie de savoir si les intérêts hypothécaires peuvent être considérés comme du « loyer de bureau » en vertu de l’alinéa 8(1)ii). L’appelante soutient que sur le plan pratique, cela revient au même dans son cas.

 

[6]     Malheureusement, le paragraphe 8(1), limité par le paragraphe 8(2), ne permet pas le traitement analogue des versements d’intérêts préconisé par l’appelante pour les employés. C’est malheureux de nos jours, alors que le travail à domicile est devenu monnaie courante en plus d’être souvent exigé par les employeurs soucieux d’économiser sur leurs frais généraux. Il s’agit peut-être là d’une autre situation où la Loi n’a pas évolué au même rythme que le milieu de travail.

 

[7]     La Cour accepte l’interprétation proposée par le juge McNair, de la Cour fédérale, dans l’affaire Thompson c. Canada (Ministre du Revenu national) [1989] 3 C.F. 492, (89 DTC 5439), un appel reposant sur des motifs identiques. Le juge McNair a cité le jugement du juge Rip, de la C.C.I., dans l’affaire Felton c. M.R.N., 89 DTC 233 (C.C.I.), en affirmant aux pages 5443 et 5444 :

         

Le motif formel du jugement est exposé aux pages 234 et 235 :

 

[TRADUCTION] Les mots "loyer" et "rent" utilisés au sous-alinéa 8(1)i)(ii) envisagent le cas d'un paiement effectué par un locataire à un propriétaire qui est propriétaire du bureau en contrepartie de la possession exclusive du bureau, le bien loué à celui-ci par celui-là.

 

  Les paiements faits par M. Felton à un prêteur d'argent pour les intérêts dus sur un prêt d'argent, à un fournisseur de services publics pour ces services, à des employés d'entretien pour l'entretien, à un assureur pour les assurances et à une municipalité pour ce qui concerne les taxes ne constituent pas des paiements effectués par un locataire à un propriétaire.  Aucun de ces paiements n'a été effectué par M. Felton pour l'utilisation, l'occupation ou la possession d'un bien qui était la propriété d'une autre personne.

 

Manifestement, les juges de la Cour de l'impôt ont, dans les deux affaires Phillips et Felton, appliqué la règle d'interprétation législative fondée sur le sens ordinaire des mots pour déterminer que les frais de bureau à domicile d'un employé n'étaient pas déductibles à titre de loyer de bureau en vertu du sous-alinéa 8(1)i)(ii), malgré l'injustice illogique que crée cet article en permettant la même déduction dans le cas des entreprises ou des professionnels.

 

Cette règle moderne d'interprétation des lois fiscales a été admirablement exposée par le juge Estey dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; 84 DTC 6305.  Le juge a rappelé la règle d'interprétation législative stricte invoquée pendant nombre d'années, selon laquelle toute ambiguïté apparaissant dans les dispositions d'une loi fiscale qui imposent une charge devait être tranchée en faveur du contribuable.  Il a signalé que le contraire était vrai lorsqu'un contribuable tentait de s'appuyer sur une exemption ou une déduction prevue précisément dans la toi [sic]. Dans cette affaire-là, la règle stricte exigeait que la réclamation de la contribuable soit clairement visée par les dispositions prévoyant une déduction, et tout doute à cet égard devait être tranché en faveur de la Couronne.  En effet, il percevait l'adoption d'exemptions et de déductions comme marquant "le début de la fin du règne de l'interprétation stricte".  Le juge a formulé la conclusion suivante, à la page 578 du recueil de la Cour suprême (voir DTC à la page 6323) :

 

Dans l'article précité, le professeur Willis prévoit fort justement l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois fiscales.  Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposition fiscale, il sera assujetti à l'impôt.  Voir Whiteman et Wheatcroft, précité, à la p. 37.

 

Bien que les remarques de E.A. Dreidger dans son ouvrage Construction of Statutes (2 éd. 1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève :

 

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une Loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la Loi, l'objet de la Loi et l'intention du Législateur.

 

                  [...]

 

Reste la question suivante : Les montants réclamés pour les frais de bureau à domicile pour les années d'imposition 1980 et 1981 sont-ils déductibles à titre de "loyer de bureau" en vertu du sous-alinéa 8(1)i)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu?  À mon avis, le sens ordinaire des mots de la disposition législative interprétée dans le contexte de l'esprit de la Loi dans son ensemble exclut toute possibilité d'une réponse affirmative.  Ce fut l'approche que les juges de la Cour canadienne de l'impôt ont adoptée dans les affaires Phillips et Felton et à laquelle je souscris entièrement.  Par conséquent, j'estime que le ministre a eu raison d'établir comme il l'a fait les nouvelles cotisations concernant le revenu du défendeur pour les années d'imposition 1980 et 1981, à l'exception seulement des montants réclamés pour les services publics, le chauffage et l'électricité en 1980.

 

[8]     Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

 

 

 

 

 

 

          Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 23e jour de décembre 2002.

 

 

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d'octobre 2004.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

 

 

 

 

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