Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date : 20021218

Dossier : 2001‑2931(IT)I

 

ENTRE :

 

KEN BEKKER,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

 

                   Avocat de l’appelant :                         Me David S. Green

 

                   Avocate de l’intimée :                         Me Dominique Gallant

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience tenue à Halifax (Nouvelle‑Écosse) le jeudi 11 juillet 2002.)

 

Le juge Margeson, C.C.I.

 

[1]     L’affaire sur laquelle la Cour doit maintenant statuer est celle de Ken Bekker c. Sa Majesté la Reine, 2001‑2931(IT)I, sous le régime de la procédure informelle de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     Moi‑même et d’autres juges de la Cour avons déjà traité de cette question. Trois d’entre eux sont d’avis que les termes [traduction] « sur ordonnance d’un pharmacien » font partie intégrante des dispositions législatives et qu’il faut, par conséquent, leur donner un sens. 

 

[3]     Selon les faits de l’affaire en l’espèce, la Cour est convaincue que l’appelant a acheté des suppléments et des aliments organiques sur ordonnance d’un médecin ou d’un dentiste. Toutefois, la Cour est confrontée à certaines difficultés concernant les termes « enregistrés par un pharmacien » puisque de toute évidence, ces substances n’ont pas été enregistrées par un pharmacien.

 

[4]     On fait valoir que les termes « enregistrés par un pharmacien » n’ont aucun sens, qu’ils sont imprécis et qu’il est impossible de les interpréter. On fait également valoir que la Cour devrait appliquer la décision du juge Teskey dans l’affaire Frank c. R.[1]. Dans cette affaire, le savant juge de première instance a examiné la question relative aux vitamines et suppléments et a conclu que ces substances avaient été prescrites sur ordonnance d’un médecin. Il a ensuite conclu qu’il avait certains doutes quant à la signification des termes « enregistrés par un pharmacien » et il a finalement admis la déduction demandée. Il s’agissait d’une affaire dans laquelle la Cour semblait être convaincue que ces produits avaient été achetés dans une pharmacie.

 

[5]     Cette question en litige a également été examinée par le juge en chef adjoint Bowman dans l’affaire Banman c. R.[2] où, en dépit du fait qu’il éprouvait de la compassion à l’égard de l’appelant, le savant juge de première instance a conclu que les substances ou préparations n’étaient pas enregistrées par un pharmacien et, par conséquent, a refusé la déduction demandée.

 

[6]     Dans l’affaire Dunn c. R.[3], le juge suppléant Rowe a déclaré ceci :

 

      L'appelante a présenté une argumentation habile et convaincante, et son point de vue est fondé, mais je suis d'avis que toute modification de la disposition spécifique pertinente doit être entreprise par la législature.

 

[7]     Dans l’affaire Pagnotta c. R.[4], au paragraphe 30, le juge Miller a déclaré ce qui suit :

 

Il n’y a aucune ambiguïté quant à la nécessité qu’un pharmacien fasse quelque chose; il y a peut‑être une certaine ambiguïté quant à savoir ce que l’on entend par le mot « enregistrés ». Je ne suis toutefois pas disposé à faire fi de l’exigence relative à un pharmacien.

 

[8]     Dans l’affaire Melnychuk c. R.[5], le juge McArthur a été saisi de cette même question. Il a eu certaines difficultés à la trancher et il a soulevé la question de savoir dans quelles circonstances on doit tracer la ligne de démarcation, question à laquelle il n’a pas été en mesure de répondre. Toutefois, dans cette affaire en particulier, il a été reconnu que les vitamines n’avaient pas été achetées dans une pharmacie et qu’elles n’avaient donc pas été enregistrées par un pharmacien. Ainsi, au paragraphe 13, il a déclaré ceci : 

 

L'appelant constitue un excellent exemple d'une personne qui a employé des médicaments alternatifs avec succès. Je suis désolé de ne pouvoir lui accorder un redressement; []

 

 

Pour parvenir à cette conclusion, le juge a dû s’appuyer sur celle selon laquelle on ne peut ignorer ces termes et qu’un sens doit leur être donné. 

 

[9]     La Cour se rapporte à la disposition législative en soi énoncée à l’alinéa n) et qui stipule ceci :

 

[drogues] – pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances (ce que sont les suppléments et aliments organiques en l’espèce) – sauf s’ils sont déjà visés à l’alinéa k) (qui, en l’espèce, ne s’applique pas) – qui sont, d’une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d’une maladie, d’une affection, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d’autre part, achetés afin d’être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l’alinéa a), sur ordonnance d’un médecin ou d’un dentiste, et enregistrés par un pharmacien;

 

(C’est moi qui mets en italique.) 

 

 




[10]    Malgré tous les efforts que déploie la Cour et malgré toute la compassion qu’elle éprouve à l’égard de l’appelant qui tente d’obtenir une mesure de redressement, comme c’était le cas dans les trois décisions susmentionnées, elle considère qu’elle est liée par les dispositions législatives.

 

[11]    Le législateur détient le pouvoir suprême. Il rédige les lois, et la Cour n’a pas pour fonction de promulguer de nouvelles lois, mais de les interpréter telles qu’elles sont. Il semble évident que les ordonnances doivent être enregistrées par un pharmacien. Peu importe les résultats, je l’ignore, mais la loi stipule clairement qu’elles doivent être enregistrées par un pharmacien. Tout comme le juge Bowman, je conclus qu’il semble être très injuste que pour la raison que ces ordonnances ne sont pas enregistrées par un pharmacien, elles ne sont pas déductibles, et ce, parce que de toute évidence, elles sont absolument nécessaires au bien‑être de cette personne. À mon avis, les suppléments et aliments organiques étaient nécessaires pour maintenir l’appelant en vie, dans tous les sens du terme. La Cour est convaincue que l’appelant a en effet engagé les dépenses qu’il a demandées, et la Cour est également convaincue que ces dépenses engagées l’ont été suivant l’ordonnance d’un médecin. Malheureusement, la Cour ne peut conclure que l’appelant a rempli la deuxième obligation.

 

[12]    Par conséquent, l’appel est rejeté et la cotisation qu’a établie le ministre est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de décembre 2002.

 

 

 

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour d’avril 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice

 


 



[1]  C.C.I. no 2000-3586 (IT)I, 30 avril 2001 (2001 CarswellNat 1492, [2001] 3 C.T.C. 2596).

[2]  C.C.I. no 2000-4039(IT)I, 20 février 2001 (2001 CarswellNat 299, [2001] 2 C.T.C. 2111).

[3]  C.C.I. no 2001-1628(IT)I, 18 janvier 2002 (2002 CarswellNat 79).

[4]  C.C.I. n2000‑4291(IT)I, 27 août 2001 (2001 CarswellNat 1887, [2001] 4 C.T.C. 2613).

[5]  C.C.I. n2001‑2232(IT)I, 11 février 2002 (2002 CarswellNat 347).

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