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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

1999-2737(IT)G

ENTRE :

CRAIG L. DOBBIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Appels entendus le 5 septembre 2002, à Montréal (Québec), par

l'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelant :                Me Pierre Barsalou et

                                                Danislan Saverimutha (stagiaire en droit)

 

Avocats de l'intimée :                Me John P. Bodurtha et Me Christa McKinnon

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel à l'encontre de la cotisation d'impôt établie selon la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1990 est rejeté.

 

          L'appel à l'encontre de la cotisation d'impôt établie selon la Loi pour l'année d'imposition 1991 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le compte de prêts aux actionnaires de l'appelant est réduit d'un montant de 61 242 $.

 

          Il n'y a pas d'adjudication des dépens.

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 6e jour de janvier 2003.

 

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de novembre 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20030106

Dossier : 1999-2737(IT)G

 

ENTRE :

 

CRAIG L. DOBBIN,

 

appelant,

et

 

Sa Majesté La Reine,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge McArthur, C.C.I.

 

[1]     Les présents appels portent sur les cotisations d'impôt pour les années d'imposition 1990 et 1991. L'appelant a fait construire par sa société par actions, Beachy Cove Investments Ltd. (« B.C. »), une habitation coûtant plus de 2,7 millions de dollars. Elle est située dans les environs de St. John's (Terre‑Neuve), où la société Canadian Helicopter Corporation (« CHC ») a son siège social et ses installations d'hélicoptères. L'appelant était le président-directeur général de la CHC et contrôlait Craig Dobbin Ltd. À la suite d'un exposé conjoint des faits, il me revient d'établir le montant des avantages conférés par B.C. à l'appelant, ainsi que le montant de la dette d'un actionnaire à inclure dans le revenu de l'appelant conformément aux paragraphes 15(1) et 15(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[2]     La position de départ de l'appelant était que 19 % seulement de l'habitation servaient à son usage personnel, les 81 % restants étant utilisés comme locaux [TRADUCTION] « pour traiter des affaires de la CHC et de ses sociétés liées, pour recevoir des clients, des banquiers et des cadres supérieurs de sociétés ».

 

[3]     En établissant la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national a inclus dans le revenu de l'appelant des avantages s'élevant aux montants suivants :

 

i)        au titre du paragraphe 15(1), 262 329 $ en 1990 et 148 818 $ en 1991;

 

ii)       au titre du paragraphe 15(2), le prêt à l'actionnaire (Craig Dobbin Ltd.) de 643 773 $ en 1990 et de 822 150 $ en 1991.

 

[4]     Avant l'audition des appels, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits qui indique ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

1.         En 1987 et 1988, une installation à double usage (une maison, selon l'intimée) a été construite à Beachy Cove (Terre-Neuve), pour un coût total d'environ 2 700 000 $ (« Beachy Cove »).

 

2.         La société Beachy Cove Investments Ltd., détenue à 100 % par l'appelant, a été constituée afin de voir à la construction et au financement de Beachy Cove.

 

3.         Il y avait dans Beachy Cove, durant les années en cause, des oeuvres d'art et des antiquités d'une valeur estimée à non moins de 834 000 $, achetées et détenues par l'appelant à titre personnel.

 

4.         Beachy Cove était disponible pour un usage commercial et personnel et a en fait été utilisée pour un usage commercial et personnel dans les proportions suivantes :

 

Année d'imposition

Usage commercial

Usage personnel

 

1990

40 %

60 %

1991

40 %

60 %

 

5.         Beachy Cove Investments Ltd. a facturé à Craig Dobbin les montants suivants à titre de loyer :

 

Année d'imposition

Loyer facturé

 

1990

174 700 $

1991

316 600 $

 

6.         Beachy Cove Investments Ltd. a inscrit le loyer comme comptes débiteurs de l'appelant. Beachy Cove Investments Ltd. a cédé à Craig Dobbin Ltd. les comptes débiteurs découlant du loyer. Craig Dobbin Ltd. est une société par actions entièrement détenue par l'appelant.

 

7.         Craig Dobbin Ltd. a ajouté les montants cédés au solde de fin d'année du compte des prêts aux actionnaires de l'appelant.

 

8.         Par voie d'avis de nouvelle cotisation du 8 novembre 1994, l'intimée a augmenté le solde de fin d'année du compte des prêts aux actionnaires de l'appelant chez Craig Dobbin Ltd. des montants suivants, et a inclus les mêmes montants dans le revenu de l'appelant, conformément au paragraphe 15(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu :

 

Année d'imposition

Montant inclus au titre du par. 15(2)

 

1990

643 773 $

1991

882 150 $

 

9.         Les soldes de fin d'année pour les années 1990 et 1991 utilisés par l'intimée afin d'établir cette nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant comprenaient les montants de 174 700 $ et de 316 600 $ respectivement.

 

10.       Hormis la question des oeuvres d'art et des antiquités, l'appelant et l'intimée ont convenu que les valeurs, conformément au paragraphe 15(1), des avantages conférés par Beachy Cove Investments Ltd. à l'appelant relativement à Beachy Cove durant les années d'imposition 1990 et 1991 sont les suivantes :

 

Année d'imposition

Avantages au titre du par. 15(1) selon la cotisation

Avantages réels au titre du par. 15(1) (hormis les oeuvres d'art et les antiquités)

 

1990

230 166 $

99 094 $

1991

87 696 $

Voir l'annexe « A » révisée

 

11.       L'appelant et l'intimée ont également convenu que, dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1991, l'appelant est en droit de déclarer une perte au titre d'un placement d'entreprise d'un montant de 275 000 $ au titre de l'article 39 de la Loi.

 

12.       Sauf pour les postes intitulés [TRADUCTION] « avantage locatif au titre du paragraphe 15(1) » et « prêts aux actionnaires au titre du paragraphe 15(2) », l'appelant accepte la nouvelle cotisation pour les articles figurant au paragraphe 8 de la réponse à l'avis d'appel de l'intimée.

 

13.       Au vu des alinéas 10, 11 et 12, voici les seules questions que doit trancher la Cour :

 

a)         Quelle est la valeur au titre du paragraphe 15(1) de l'avantage conféré à l'appelant par Beachy Cove Investments Ltd. durant les années d'imposition 1990 et 1991?

 

b)         Quel est le montant de la dette d'un actionnaire au titre du paragraphe 15(2)?

 

Annexe « A » révisée

Craig L. Dobbin

Utilisation d'une habitation appartenant à la société

 

                                                                                        1990                1991

 

Coût total du projet                                               2 817 006 $     2 805 016 $

Moins : Coût total de deux pavillons

            pour visiteurs                                                215 000 $        215 000 $

Coût total des maisons principales                          2 602 006 $     2 590 016 $

Moins : Première hypothèque sur le terrain

            des pavillons pour visiteurs                            105 261 $      104 665 $

 

Avoir net de la société dans le bien-fonds               2 496 745 $     2 485 315 $

Taux d'intérêt prescrit                                                    13,5 %         10,75 %

 

                                                                                337 060 $        267 175 $

Plus : Frais d'exploitation totaux                                197 634 $      245 201 $

 

                                                                                534 694 $        512 376 $

Moins :

Frais d'exploitation des

            pavillons pour visiteurs                                      6 761 $          17 995 $

Frais d'intérêt hypothécaire –

            pavillons pour visiteurs                                     18 243 $          17 341 $

Amortissement                                                            53 368 $          51 444 $

 

Avantages totaux                                                      456 323 $        425 596 $

Moins : Usage commercial, soit 40 %                        182 529 $        170 238 $

 

Avantages totaux                                                      273 794 $        255 358 $

Moins : Loyer payé                                                   174 700 $        316 600 $

 

Total                                                                          99 094 $        (61 242 $)

Avantages imposables                                                 99 094 $           NÉANT

 

[5]     Le seul témoin pour le compte de l'appelant a été Keith Stanford, le comptable de l'appelant et de ses sociétés liées autres que la CHC. On ne m'a pas demandé de tirer une quelconque inférence de l'absence de l'appelant au procès. Je n'en tire aucune.

 

[6]     Les parties se sont entendues pour évaluer les avantages conférés à l'appelant par B.C. selon la méthode du taux de rendement des avoirs, tel qu'exposé à l'annexe « A » révisée de l'exposé conjoint des faits. Le taux de rendement des avoirs que B.C. aurait pu recevoir en 1990 des 2,7 millions de dollars qu'elle a dépensés pour l'habitation s'élevait à 273 794 $. L'appelant a versé 174 794 $ à B.C., ce qui lui laisse un avantage imposable de 99 094 $ au titre du paragraphe 15(1) en 1990. Le taux de rendement des avoirs que B.C. aurait pu recevoir en 1991 des sommes dépensées pour l'habitation s'élevait à 255 358 $. L'appelant a payé 316 000 $ à titre de loyer à B.C. en 1991, soit 61 242 $ de plus que les avantages reçus. Il n'y a manifestement pas d'avantage conféré au titre du paragraphe 15(1) en 1991[1].

 

[7]     L'appelant soutient que l'avantage supplémentaire de 99 094 $ que le ministre a ajouté pour l'année 1990 doit être réduit en soustrayant la valeur de l'usage fait par B.C. des oeuvres d'art et des antiquités de l'appelant (les « oeuvres d'art ») situées dans l'habitation. Les deux parties ont convenu que la valeur des oeuvres d'art est de 834 000 $.

 

[8]     L'intimée soutient que B.C. n'a pas retiré d'avantage des oeuvres d'art. L'appelant a constitué B.C. pour se construire une habitation et la financer. Comme il ne s'agissait pas d'une entreprise, elle ne pouvait tirer un bénéfice des oeuvres d'art.

 

[9]     L'appelant ajoute qu'il convient de déduire 61 242 $ de son compte de prêts aux actionnaires en 1991 afin de tenir compte du montant payé en trop pour l'utilisation de l'habitation de B.C.

 

[10]    L'intimée maintient que cela ne tient pas compte de ce qui s'est réellement passé durant l'année d'imposition 1991, mais plutôt de ce qui aurait pu se passer. En 1991, B.C. a tiré un profit de la location.

 

Analyse

 

[11]    Pour traiter d'abord des oeuvres d'art, les faits se résument à ce qui suit. B.C. était propriétaire de l'habitation d'une valeur de 2,7 millions de dollars. Les parties conviennent qu'elle était utilisée pendant 60 % du temps pour des raisons personnelles et pendant 40 % du temps pour des raisons commerciales. Elles conviennent que, en vertu du paragraphe 15(1), la valeur de l'avantage locatif conféré par B.C. à l'appelant s'élevait à 99 094 $ en 1990 et à néant en 1991.

 

[12]    Selon l'appelant, il conviendrait de défalquer des 99 094 $ une part proportionnelle des oeuvres d'art de 834 000 $. Les oeuvres d'art appartenaient à l'appelant personnellement, et il soutient qu'il convient de soustraire de l'avantage locatif conféré par B.C. la valeur du bénéfice que l'appelant confère à B.C. en plaçant ses oeuvres d'art dans la maison de B.C. L'avocat de l'appelant soutient qu'il convient de prendre en compte la valeur des oeuvres d'art, les deux parties devant par la suite déterminer de concert la mesure dans laquelle il faut le faire. Il avance qu'il faut faire ainsi pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il fallait prendre en compte l'absence de facturation d'intérêt dans l'affaire Youngman c. La Reine[2].

 

[13]    L'intimée avance que le paragraphe 15(1) n'a pas été conçu pour tenir compte des avantages conférés par un actionnaire à une société. Il traite uniquement de l'inverse, c'est-à-dire des avantages conférés par une société à un actionnaire.

 

[14]    L'affaire Youngman impliquait un contribuable vivant dans une maison de luxe construite pour lui et sa famille par une société dont il était l'actionnaire contrôlant. La Cour a statué que le contribuable recevait un avantage imposable de la société, mais que la société avait l'usage gratuit de 100 000 $ que lui avait prêtés l'appelant. Si ce n'était de cette somme exempte d'intérêt, la société aurait engagé des frais de financement liés à la construction de l'habitation. La Cour d'appel fédérale a jugé qu'il convenait de prendre en compte le prêt exempt d'intérêt pour déterminer le montant des avantages à inclure dans le revenu du contribuable. L'appelant demande qu'on applique un raisonnement semblable à sa situation et qu'on inclue un montant pour ses oeuvres d'art dans l'habitation de B.C.

 

[15]    Comme indiqué ci-haut, la question est de savoir s'il convient que l'appelant facture à B.C. les avantages qu'elle a tirés des oeuvres d'art de l'appelant. Bien entendu, B.C. n'a payé à l'appelant aucun frais de location pour les oeuvres d'art. Dans le cas d'une opération sans lien de dépendance, B.C. paierait des frais de location selon la juste valeur marchande et l'appelant déclarerait ces frais comme revenu[3]. Or, ce n'est pas ce que recherche l'appelant. Il demande à B.C. un crédit personnel, sans l'inclure dans son revenu personnel.

 

[16]    Les faits en cause ici se distinguent aisément de ceux dans l'affaire Youngman. Dans l'affaire Youngman, les frais d'intérêt du prêt de 100 000 $ faisaient partie intégrante du coût de construction de l'habitation. En l'espèce, la valeur des oeuvres d'art ne fait aucunement partie du coût de l'habitation. La somme attribuée à l'appelant pour la location de l'habitation de B.C. est une opération distincte n'ayant rien à voir avec les oeuvres d'art.

 

[17]    Dans l'affaire Donovan c. La Reine[4], sur les instructions du contribuable, une société familiale a acquis le titre de propriété d'une résidence en Floride. La société devait à l'actionnaire des sommes substantielles avancées sans intérêt. Le ministre du Revenu national a inclus dans le revenu du contribuable, au titre du paragraphe 15(1), les avantages qu'il retirait de l'usage exclusif de la résidence. En première instance, le juge Teskey a rejeté l'argument du contribuable selon lequel les prêts exempts d'intérêt que lui devait la société réduisaient à néant les avantages qu'il retirait de l'usage de la résidence. Le contribuable a fait appel, et la Cour d'appel fédérale a concouru avec le juge Teskey, en indiquant à la page 1 (D.T.C. : à la page 6086) :

 

[...] la valeur de l'avantage n'a pas été diminuée en raison des soldes créditeurs des comptes de prêt des actionnaires pour les années en question étant donné qu'il n'y avait aucun lien entre le prêt et les frais engagés pour l'acquisition des biens.

 

La constatation faite dans l'affaire Donovan s'applique également aux présents appels. Il n'y a pas de rapport entre les oeuvres d'art et les coûts engagés lors de l'acquisition de la maison. Quoiqu'il ne soit pas nécessaire d'aller plus loin, je suis d'accord avec le point de vue de l'intimée selon lequel si B.C. avait effectivement retiré un bénéfice des oeuvres d'art, B.C. devrait alors avoir des frais de location et l'appelant devrait déclarer un montant correspondant comme revenu de location, conformément aux articles 3 et 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu et au raisonnement appliqué dans l'affaire Donovan.

 

[18]    Voici une situation analogue à celle en l'espèce. Dans le cadre d'une opération sans lien de dépendance, un contribuable prête 800 000 $ à un locateur, sans intérêt, alors que le taux d'intérêt du marché correspondrait à 4 000 $ par mois. Le locateur conclut à son tour avec le contribuable un bail exempt de frais de location pour un immeuble résidentiel d'une même valeur. Là encore, la valeur marchande de la location s'élèverait à 4 000 $ par mois. Il y a une compensation ou un équilibre. Bien qu'il n'y ait pas d'échange d'argent, les parties sont légalement tenues d'inclure 4 000 $ par mois dans leur revenu respectif, conformément aux articles 3 et 9.

 

[19]    L'appelant s'est opposé à ce que l'intimée soulève la question de la compensation, parce qu'elle ne l'a pas soulevée dans ses actes de procédure. Puisque j'ai conclu que la Loi ne reconnaissait pas les avantages suggérés par l'appelant, je n'ai pas à traiter de son objection. En outre, je suis d'accord avec les observations additionnelles présentées par l'intimée. L'appelant n'a pas invoqué la compensation dans l'avis d'appel; puisqu'il a soulevé la question lors de l'audience, l'intimée était contrainte d'en traiter. Ce que l'appelant a déclaré lors de l'étape de l'opposition n'est pas considéré comme faisant partie des actes de procédure présentés à notre cour.

 

[20]    Je vais à présent me pencher sur le traitement du paiement excédentaire effectué par l'appelant à B.C. en 1991. L'appelant avance qu'il convient de déduire du montant du prêt inclus au titre du paragraphe 15(2)[5], pour l'année 1991, le loyer excédentaire que l'appelant a versé à B.C. En 1991, les avantages totaux conférés à l'appelant par B.C. en ce qui concerne l'utilisation de la maison s'élevaient à 255 358 $. L'appelant a un crédit au titre d'un paiement de 316 600 $ pour le loyer. Il a demandé à ce que son compte de prêts aux actionnaires de 1991 soit crédité du paiement excédentaire de 61 242 $. Il y a manifestement eu surfacturation. Je suis convaincu qu'il s'agissait d'une erreur qu'il convient de corriger, sauf si la Loi l'interdit.

 

[21]    Le paragraphe 15(2) est libellé comme suit :

 

15(2)    La personne ou la société de personnes — actionnaire d'une société donnée, personne ou société de personnes rattachée à un tel actionnaire ou associé d'une société de personnes, ou bénéficiaire d'une fiducie, qui est un tel actionnaire — qui, au cours d'une année d'imposition, obtient un prêt ou contracte une dette auprès de la société donnée, d'une autre société liée à celle-ci ou d'une société de personnes dont la société donnée ou une société liée à celle-ci est un associé est tenue d'inclure le montant du prêt ou de la dette dans le calcul de son revenu pour l'année. Le présent paragraphe ne s'applique pas aux sociétés résidant au Canada ni aux sociétés de personnes dont chacun des associés est une société résidant au Canada.

 

[22]    L'intimée a argumenté que l'appelant demandait une réduction du compte de prêts aux actionnaires pour tenir compte du paiement excédentaire alors que ce n'était pas là une juste représentation de ce qui s'était passé. Selon l'avocat, on en revient à l'argument suivant :

 

Sauf disposition contraire de la Loi, le contribuable a le droit d'être imposé en fonction de ce qu'il a fait, et non de ce qu'il aurait pu faire et encore moins de ce qu'un contribuable moins habile aurait fait[6].

 

[23]    J'accepte que l'appelant entendait facturer un montant égal aux avantages. Puisque B.C. a inclus le paiement excédentaire dans son revenu, l'appelant devrait être autorisé à réduire le montant de son prêt aux actionnaires du même montant.

 

[24]    Comme l'a indiqué le juge en chef McLachlin dans l'affaire Shell : « les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l'opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci ». Elle ajoute qu'il faut apporter au moins deux précisions à cette règle, mais ni l'une ni l'autre ne s'applique ici, à mon sens. Il est indubitable que l'appelant entendait que le paiement excédentaire de 1991 soit égal aux avantages[7]. Sans que l'appelant soit en faute, les avantages de 1991 ont été surestimés et devraient être corrigés afin de tenir compte de la réalité économique de l'opération. Ce faisant, on ne fait pas une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable.

 

[25]    L'appel à l'encontre de la cotisation d'impôt pour l'année d'imposition 1990 est rejeté et l'appel portant sur l'année d'imposition 1991 est admis uniquement pour permettre une réduction de 61 242 $ du prêt à l'actionnaire. Il n'y a pas d'adjudication des dépens.

 

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 6e jour de janvier 2003.

 

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de novembre 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           B.C. a inscrit le montant des loyers comme comptes débiteurs de l'appelant et a augmenté son prêt à l'actionnaire, que B.C. a ensuite cédé à Craig Dobbin Ltd.

 

[2]           no A-698-86, 23 avril 1990, 90 D.T.C. 6322 (C.A.F.).

 

[3]           Il n'y a eu aucune preuve quant à la nature des oeuvres d'art et à leur emplacement dans l'habitation. Les parties ont convenu d'une valeur de 834 000 $ et sont disposées à utiliser la répartition à 60 % et à 40 % utilisée pour l'habitation.

 

[4]           no A-48-94, 15 janvier 1996, 96 D.T.C. 6085 (C.A.F.).

 

[5]           Le ministre a augmenté le prêt aux actionnaires de l'appelant à B.C. – cédé à Craig Dobbin Ltd. en 1991, comme l'indiquent les paragraphes 6, 7 et 8 de l'exposé conjoint des faits.

 

[6]           Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, par. 45, p. 644, 99 D.T.C. 5669 (C.S.C.).

 

[7]           En fait, au moment de la cotisation, aux alentours du 8 novembre 1994, le ministre les avait crus sous-évalués et avait établi une cotisation au montant de 148 818 $, au titre du paragraphe 15(1). Voir le paragraphe 21 de l'avis d'appel.

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