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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

 

 

2002‑1780(IT)I

ENTRE :

KAYE HIRTLE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus le 29 octobre 2002 à Halifax (Nouvelle‑Écosse) par

 

l’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :                      L’appelante elle‑même

 

Avocate de l’intimée :                Me Christa Mackinnon

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des déterminations effectuées en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années de base 1999 et 2000 sont accueillis et les déterminations sont annulées.

 

L’appelante a droit à ses dépens.

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2003.

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour d’avril 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date : 20030129

Dossier : 2002‑1780(IT)I

 

ENTRE :

KAYE HIRTLE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     L’appel en l’espèce est interjeté à l’encontre d’un avis de nouvelle détermination de prestations fiscales pour enfants qu’a délivré le ministre du Revenu national à l’appelante le 10 octobre 2001. Par voie de cet avis, le ministre a déterminé que l’ex‑époux de l’appelante, Dean Collicutt, était le principal pourvoyeur de soins de leurs deux enfants pendant les mois de novembre 2000 à septembre 2001 et que, par conséquent, il était la personne qui était admissible à percevoir la prestation fiscale pour enfants à leur égard en vertu de l’article 122.61 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). Dans cet avis, le ministre a également établi une cotisation à l’égard de l’appelante, en vertu de l’article 160.1 de la Loi, en vue de recouvrer des sommes totalisant 4 551,61 $ versées en trop à titre de cette prestation, lesquelles a‑t‑on dit, lui ont été versées entre novembre 2000 et septembre 2001.

 

[2]     Il se peut qu’il y ait plus d’un avis et plus d’une cotisation. Étant donné que la décision qu’a rendue la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gerhart c. La Reine[1] a invalidé le paragraphe 176(1) de la Loi, la Cour voit rarement l’Avis d’appel ou tout autre document qui appuie la décision du ministre et qui fait l’objet de l’appel. Dans l’affaire en l’espèce, ni l’une ni l’autre des parties n’a déposé en preuve les avis. Lorsque j’en ai fait la remarque au cours de l’audience, l’avocate de l’intimée s’est proposée de les fournir après l’audience, et l’appelante a admis que cela devrait être fait. Malheureusement, le ministre n’a pu fournir qu’une reconstitution à partir de dossiers informatisés qui se sont avérés pour moi tout à fait incompréhensibles.

 

[3]     L’appelante et Dean Collicutt ont habité ensemble avec leurs deux enfants jusqu’au 31 octobre 2000. L’appelante était la principale pourvoyeuse de soins des enfants pendant cette période, de sorte qu’elle était admissible à une prestation fiscale pour enfants en vertu de l’article 122.6 de la Loi. L’appelante et M. Collicutt avaient un compte conjoint et, conformément aux directives de l’appelante, le ministre déposait directement cette prestation au crédit de ce compte chaque mois. Lorsqu’ils se sont séparés à la fin du mois d’octobre 2000, les enfants sont demeurés avec M. Collicutt. L’appelante ne conteste pas que dès lors, il était le principal pourvoyeur de soins et que, par conséquent, il était la personne admissible à percevoir les paiements de cette prestation. En conséquence, elle n’interjette appel qu’à l’encontre de la cotisation établie à son égard en vertu de l’article 160.1 qui l’oblige à rembourser la somme de 4 551,61 $.

 

[4]     Après que l’appelante et M. Collicutt se sont séparés, les versements mensuels de la prestation ont continué à être déposés dans leur compte conjoint. Cependant, de toute évidence, selon la preuve, l’appelante n’a effectué aucun retrait dans ce compte conjoint après le 2 novembre 2000. Elle a témoigné qu’après cette date, elle n’était plus en possession d’une carte bancaire et qu’elle n’avait donc plus accès au compte. Mme Bremner, une superviseure des services à la clientèle à la Banque Scotia, a témoigné que puisque ce compte était un compte conjoint, l’appelante était toujours en droit d’y accéder tant et aussi longtemps que le compte demeurait ouvert, mais qu’en fait, les dernières opérations qu’elle a effectuées avec sa carte correspondaient à deux retraits totalisant la somme de 80 $ qui sont tous deux indiqués comme ayant eu lieu le 2 novembre 2000. Selon les relevés bancaires, sa carte a été annulée le 31 octobre 2000. La preuve établit clairement qu’après le début du mois de novembre 2000, le ministre a continué de déposer les versements de la prestation fiscale pour les deux enfants de l’appelante et de M. Collicutt dans le compte conjoint, que l’appelante n’avait pas accès à ce compte, que celle‑ci considérait qu’elle ne pouvait y accéder et que tant l’appelante que M. Collicutt étaient d’avis que le compte, y compris les versements mensuels de la prestation, appartenaient exclusivement à M. Collicutt.

 

[5]     Le paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel énonce les faits suivants sur lesquels le ministre s’est fondé pour établir une cotisation à l’égard de l’appelante.

 

[traduction]

 

5.         En établissant ainsi une cotisation à l’égard de l’appelante, le ministre s’est notamment fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         l’appelante et son ex‑époux, Dean Collicutt (l’« ex-époux ») se sont séparés en octobre 2000 ou vers cette époque (la « séparation »);

 

b)         l’appelante et son ex‑époux avaient deux enfants issus de leur union : Damon, né le 24 juillet 1996 et Danita, née le 18 octobre 1999;

 

c)         après la séparation, les enfants ont habité avec leur père, l’ex‑époux de l’appelante;

 

d)         après la séparation, le père des enfants était le principal pourvoyeur de soins;

 

e)         avant la séparation, l’appelante percevait une prestation fiscale pour enfants pour Damon et Danita, les deux personnes à charge admissibles; 

 

f)          après la séparation, l’appelante a continué de percevoir la prestation fiscale pour enfants pour les deux personnes à charge admissibles, et ce, jusqu’au mois de septembre 2001 inclus;

 

g)         le ministre a calculé les sommes versées en trop à l’appelante à titre de prestations fiscales pour enfants de la façon suivante :

 

année de base 1999 :

prestations perçues du mois de novembre 2000

au mois de juin 2001 inclusivement :                                          3 019,41 $

 

année de base 2000 :

prestations perçues du mois de juillet 2001

au mois de septembre 2001 inclusivement :                                1 532,20 $

 

Total des sommes versées en trop calculées :                             4 551,61 $

 

Bien entendu, l’hypothèse de fait énoncée au point g) n’est pas une hypothèse qui sous-tend la cotisation, bien qu’il s’agisse d’une déclaration pertinente quant à la façon dont la cotisation a été calculée. Les autres hypothèses ont été admises comme vraies par l’appelante, à l’exception de celle énoncée au point f). L’appelante affirme qu’elle n’a perçu aucun versement de prestation fiscale pour enfants après la séparation, le 31 octobre 2000, et la preuve appuie cette affirmation. Par conséquent, elle s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de réfuter la principale hypothèse en fonction de laquelle la cotisation a été établie. 

 

[6]     L’avocate de l’intimée a essentiellement fondé son argument sur une prétendue omission de la part de l’appelante de s’être conformée à l’obligation prévue au paragraphe 122.62(4) qui est ainsi formulée :

 

La personne qui cesse, au cours d’un mois donné, d’être un particulier admissible à l’égard d'une personne à charge admissible, autrement que parce que celle‑ci atteint l’âge de 18 ans, est tenue d’en aviser le ministre avant la fin du premier mois suivant le mois donné.

 

Selon le témoignage de l’appelante concernant cette question, celle‑ci n’a pas personnellement avisé le ministre qu’elle s’était séparée de M. Collicutt, mais elle avait discuté de cette question relative à l’avis avec son avocat qui lui a assuré qu’il s’en était chargé. L’avocat, et cela est compréhensible, n’était pas disponible pour témoigner. Je dis compréhensible parce que l’appelante ne pouvait probablement pas avoir su, selon la Réponse à l’avis d’appel du sous‑procureur général, que l’avis en vertu du paragraphe 122.62(4) ferait l’objet d’un litige lors de l’audition de son appel. Aucune allégation selon laquelle il y a eu omission d’aviser le ministre n’a été plaidée, pas plus qu’il n’y a eu une allégation semblable quelconque ailleurs dans l’exposé des faits. Les seules questions en litige soulevées dans la partie B de la Réponse consistent à savoir : 

 

          [traduction]

 

[] si l’appelante était la personne admissible à percevoir des prestations fiscales à l’égard des personnes à charge admissibles pour la période du mois de novembre 2000 au mois de septembre 2001 inclusivement et si le ministre a à bon droit établi une cotisation en vue de recouvrer les sommes versées en trop pour les années de base 1999 et 2000.

 

La partie C de la réponse intitulée [traduction] « Dispositions législatives, motifs invoqués et mesure de redressement demandée » ne fait aucune mention de l’article 122.62 de la Loi ni ne laisse sous‑entendre qu’à l’audience l’intimée prendra la position selon laquelle l’appelante a omis de se conformer aux obligations prévus à cet article. Dans ces circonstances, l’appelante pouvait difficilement s’attendre à ce que son avocat se déplace de Mahone Bay à Halifax pour comparaître à l’audience et témoigner à l’égard d’une question en litige qui n’a même pas été soulevée dans la Réponse. Bien qu’il ne s’agisse que d’ouï‑dire, j’admets le témoignage de l’appelante selon laquelle l’avis exigé a été donné. 

 

[7]     Dans l’affaire Cleuziou c. Canada,[2] la juge Lamarre Proulx devait examiner une cotisation qu’avait établie le ministre à l’égard d’une somme versée en trop dans une situation de fait semblable à celle en l’espèce. Les chèques de prestations étaient délivrés à la mère des personnes à charge admissibles. Cette dernière et son époux s’était séparés en mars 1991. La garde des enfants a été accordée au père et pendant les deux années suivantes, il a perçu les chèques de prestations qui étaient délivrés au nom de son ex‑épouse et les encaissait en vertu d’une procuration qu’elle lui avait accordée en 1989. Il déposait les chèques dans son compte puis en retirait les fonds pour les utiliser à des fins personnelles. Le ministre n’avait pas été avisé que la mère avait cessé d’être la personne admissible. La juge Lamarre Proulx a soutenu que la mère n’était pas responsable du remboursement de ces sommes versées à titre de prestations fiscales puisque ce n’était pas elle qui les avait perçues, mais son ex‑époux. Il en est de même dans l’affaire en l’espèce. La somme de 4 551,61 $ que le ministre a établie à titre de cotisation à l’égard de l’appelante dans l’affaire en l’espèce n’a jamais été perçue par cette dernière; c’est M. Collicutt qui percevait et utilisait les prestations fiscales pour enfants. Par conséquent, l’appel de l’appelante est accueilli et la cotisation établie à son égard en vertu de l’article 160.1 est annulée. Elle a également droit à ses dépens.

 

[8]     L’avocate m’a indiqué que M. Collicutt a déposé une demande pour que les prestations fiscales pour enfants lui soient versées à son nom en tant que personne admissible à l’égard de ces deux enfants et que, conséquemment à cette demande, le ministre lui a versé les prestations pour la période du mois de novembre 2000 au mois de septembre 2001, période pour laquelle il avait établi une cotisation à l’égard de l’appelante afin de recouvrer les sommes versées en trop. Si tel est le cas, alors mon jugement laisse le ministre dans une position selon laquelle il a versé des sommes en trop non pas à l’appelante mais à M. Collicutt. Je répèterai ici les propos que j’ai tenus dans la décision Eremity c. La Reine[3] que j’ai aussi rendue aujourd’hui. Le ministre disposait de l’article 174 de la Loi pour obtenir une détermination quant à l’admissibilité à la prestation et à la responsabilité de rembourser une somme versée en trop, en pareil cas. Si, dans des circonstances où il y a manifestement des demandes contradictoires, le ministre choisit de verser un paiement rétroactif à l’un des parents sans d’abord entendre la version des faits de l’autre parent, et sans invoquer l’article 174, alors il est le seul à blâmer s’il verse un paiement à un demandeur qui n’y a pas droit.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2003.

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme,

ce 2jour d’avril 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 



[1]           C.A.F., nA‑50‑97, 1er novembre 1999 (99 DTC 5749).

[2]           [1996] A.C.I. no 93.

[3]           Numéro du dossier de la Cour 2002‑1373(IT)I.

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