Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20030130

Dossier: 2001-2224(GST)G

 

ENTRE :

STATE FARM MUTUAL AUTO INSURANCE COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appels entendus avec les appels de State Farm Fire & Casualty Company (2001‑2226(GST)G), les 29, 30 et 31 octobre 2002, à Toronto (Ontario).

 

Devant : l’honorable D. G. H. Bowman, juge en chef adjoint

 

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Susan L. Van Der Hout

Me Sean C. Aylward

Me Valerie-Ann Cherneski

 

Avocats de l’intimée :

Me Marilyn Vardy

Me John McLaughlin

_______________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Il est ordonné que les appels des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont les avis portent les numéros 05CP0105470 et 05CP0105521 et sont datés du 6 janvier 2000 et du 22 février 2000 respectivement, soient accueillis et les cotisations annulées.

 


          L’appelante et State Farm Fire & Casualty Company ont droit à un seul mémoire de frais pour ce qui est des honoraires d’un avocat principal et d’un avocat en second à l’audience.

 

Signé à Toronto, Canada, ce 30e jour de janvier 2003.

 

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de décembre 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20030130

Dossier: 2001-2226(GST)G

 

ENTRE :

STATE FARM FIRE & CASUALTY COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

Appels entendus avec les appels de State Farm Mutual Auto Insurance Company (2001‑2224(GST)G), les 29, 30 et 31 octobre 2002, à Toronto (Ontario).

 

Devant : l’honorable juge D. G. H. Bowman, juge en chef adjoint

 

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Susan L. Van Der Hout

Me Sean C. Aylward

Me Valerie-Ann Cherneski

 

Avocats de l’intimée :

Me Marilyn Vardy

Me John McLaughlin

_______________________________________________________________

JUGEMENT

 

          Il est ordonné que les appels des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont les avis portent les numéros 05CP0105471 et 05CP0105507 et sont datés du 6 janvier 2000 et du 7 février 2000 respectivement, soient accueillis et les cotisations annulées.

 


          L’appelante et State Farm Mutual Auto Insurance Company ont droit à un seul mémoire de frais pour ce qui est des honoraires d’un avocat principal et d’un avocat en second à l’audience.

 

Signé à Toronto, Canada, ce 30e jour de janvier 2003.

 

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de décembre 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20030130

Dossier: 2001-2224(GST)G

 

ENTRE :

STATE FARM MUTUAL AUTO INSURANCE COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

ET

 

Dossier: 2001-2226(GST)G

 

ENTRE :

STATE FARM FIRE & CASUALTY COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Bowman

 

[1]     Les appels en l’instance ont été entendus ensemble et sont à l’encontre de cotisations de taxe sur les produits et services (« TPS ») établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (« LTA »). La question à trancher est de savoir si les frais du siège social des appelantes à Bloomington, Illinois, qui ont été imputés au bureau régional canadien (« BRC ») sont assujettis à la TPS. Deux cotisations ont été établies à l’égard de chaque société, l’une pour la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1994 et l’autre pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997.

 

[2]     State Farm Mutual Auto Insurance Company et sa filiale à part entière State Farm Fire & Casualty Company (collectivement appelées « State Farm ») sont autorisées à exploiter leur entreprise dans 50 états américains et trois provinces canadiennes (l’Ontario, l’Alberta et le Nouveau‑Brunswick). State Farm est la plus importante société d’assurance automobile, incendie et multirisques en Amérique du Nord. Les activités sont exercées dans 25 bureaux régionaux regroupés en 13 zones. Les activités canadiennes constituent une zone distincte et le BRC est situé à Scarborough (Ontario). Les assurances sont vendues par des agents indépendants (« agents ») dans les trois provinces où State Farm exploite son entreprise au Canada. Le BRC est un établissement stable de State Farm au sens du paragraphe 123(1) de la LTA, mais pas les agents.

 

[3]     L’article 220 de la LTA est libellé comme suit :

 

            Pour l’application de la présente section, dans le cas où une personne exploite une entreprise par l’entremise de son établissement stable au Canada et d’un autre établissement stable à l’étranger, les présomptions suivantes s’appliquent :

 

a)         le transfert d’un bien meuble ou la prestation d’un service par un établissement à l’autre est réputé être une fourniture du bien ou du service;

 

b)         aux fins de cette fourniture, les établissements sont réputés être des personnes distinctes sans lien de dépendance;

 

c)         la valeur de la contrepartie de cette fourniture est réputée égale à la juste valeur marchande de celle‑ci au moment du transfert du bien ou de la prestation du service;

 

d)         la contrepartie de cette fourniture est réputée être devenue due par l’établissement auquel le bien a été transféré ou le service, rendu, et avoir été payée par lui, à la fin de son année d’imposition où le bien a été transféré ou le service rendu à l’autre établissement.

[je souligne]

 

L’alinéa 220c) a été modifié en 1993 et s’applique au bien transféré ou au service rendu après le 14 septembre 1992. Avant cette modification,  il était libellé comme suit :

 

c)         la valeur de la contrepartie de cette fourniture est réputée égale au montant qui est déterminé relativement à la fourniture aux fins du calcul du revenu des établissements pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou qui serait ainsi déterminé si la personne était imposable aux termes de cette loi.

 

[4]     Le siège social de State Farm situé à Bloomington, Illinois (« siège social ») accomplit un certain nombre de choses essentielles à l’entreprise d’assurance. J’exposerai plus loin dans les présents motifs ce qu’il fait exactement. Il impute les frais de ses activités aux divers bureaux régionaux situés en Amérique du Nord, y compris le BRC, en appliquant une formule mathématique. Ce sont ces dépenses que l’ADRC a assujetties à la TPS au motif qu’ils se rapportaient à une fourniture réputée de service en vertu de l’article 220.

 

[5]     On peut présumer que, si la cotisation établie par l’ADRC en vertu de l’article 220 pouvait être confirmée, il faudrait qu’elle soit implicitement fondée sur les prémisses suivantes[1] :

 

a)       le siège social a rendu un service au BRC;

 

b)      la prestation du service est réputée être une fourniture de service par une personne distincte sans lien de dépendance;

 

c)       les services étaient des services d’administration ou de gestion et constituaient dès lors une fourniture taxable importée en vertu de l’article 217;

 

d)      les services n’étaient pas des services financiers exonérés;

 

e)       la souscription représentait seulement 1 % des activités du siège social et les sinistres, 5 %;

 

f)       la contrepartie de la fourniture que le BRC est réputé avoir payé au siège social est égale au montant des frais qui lui ont été imputés.

 

[6]     La thèse des appelantes est la suivante :

 

a)       si les activités du siège social sont des fournitures mixtes, elles constituent une fourniture mixte de services financiers exonérés;

 

b)      subsidiairement, si la fourniture est une fourniture mixte, elle est assujettie à l’article 139 parce que les services financiers comptent pour plus de la moitié du total;

 

c)       subsidiairement encore, si c’est une fourniture mixte qui est assujettie à l’article 138, les frais imputés au BRC sont accessoires à la fourniture d’une police d’assurance à des clients;

 

d)      les activités du siège social sont exercées en totalité ou presque par des salariés et ne constituent donc pas un « service » au sens du paragraphe 123(1);

 

e)       l’imputation des frais du siège social au BRC, quoique nécessaire pour l’application des règlements, pour la détermination du bénéfice imposable en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi qu’à des fins comptables, ne constitue pas la contrepartie d’un service « rendu » au BRC par le siège social;

 

f)       le dernier argument est tiré directement de la déclaration écrite préliminaire des appelantes reproduite ci‑après :

 

                   [TRADUCTION]

 

En attribuant aux mots leur sens ordinaire et en appliquant les principes établis, il n’y a aucune raison d’appliquer la TPS aux frais qui ont été imputés.

 

[7]     Étant donné que la thèse des appelantes repose essentiellement sur l’argument selon lequel, s’il y a eu fourniture d’un service au BRC par le siège social, il s’agissait d’un service financier exonéré, je vais citer les dispositions pertinentes sur lesquelles elles s’appuient.

 

[8]     Le paragraphe 123(1) est libellé comme suit :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a)         l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

[…]

 

 « fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale;

 [je souligne]

 

L’alinéa a) de la définition d’activité commerciale a été modifié en 1997; il est réputé être entré en vigueur le 24 avril 1996. Avant cette modification, il était libellé comme suit :

 

a)         l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées.

 

L’alinéa a) a été modifié initialement en 1993 et s’appliquait aux fournitures effectuées après septembre 1992. Avant cette modification, il était libellé comme suit :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a)         l’exploitation d’une entreprise.

 

 

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l’annexe V.

 


[9]     La partie VII de l’annexe V est libellée en partie comme suit :

 

1.         La fourniture de services financiers qui ne figurent pas à la partie IX de l’annexe VI.

 

2.         La fourniture réputée par le paragraphe 150(1) de la loi être une fourniture de service financier.

 

[10]    Le paragraphe 123(1) est libellé comme suit :

 

« service financier »

 

[…]

 

d)         l’émission, l’octroi, l’attribution, l’acceptation, l’endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d’un effet financier;

 

[…]

 

f)          le paiement ou la réception d’argent à titre de dividendes, sauf les ristournes, d’intérêts, de principal ou d’avantages, ou tout paiement ou réception d’argent semblable, relativement à un effet financier;

 

[…]

 

h)         la souscription d’un effet financier,

 

[…]

 

l)          le fait de consentir à effectuer un service visé à l’un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures nécessaires en vue de l’effectuer;

 

[…]

 

La présente définition exclut :

 

[…]

 


t)                  les services visés par règlement.

[je souligne]

 

 

 

« effet financier »

 

[…]

 

c)         police d’assurance;

 

[…]

 

 

« police d’assurance »

 

a)         Police ou contrat d’assurance (sauf une garantie portant sur la qualité, le bon état ou le bon fonctionnement d’un bien corporel, lorsque la garantie est fournie à une personne qui acquiert le bien à une fin autre que sa vente) établis par un assureur, y compris […]

 

 

« service » Tout ce qui n’est ni un bien, ni de l’argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l’employeur, ou a accepté de l’être, relativement à sa charge ou à son emploi.

 [je souligne]

 

[11]    L’article 139 est libellé comme suit :

 

Pour l’application de la présente partie, dans le cas où au moins un service financier est fourni avec au moins un service non financier ou un bien qui n’est pas une immobilisation du fournisseur, pour une contrepartie unique, la fourniture de chacun des services et biens est réputée être une fourniture de service financier si les conditions suivantes sont réunies :

 

a)         le service financier est lié au service non financier ou au bien;

 

b)         le fournisseur a l’habitude de fournir ces services ou des services semblables, ou des biens et des services semblables, ensemble dans le cours normal de son entreprise;

 

c)         le total des montants dont chacun représenterait la contrepartie d’un service financier ainsi fourni, s’il était fourni séparément, compte pour plus de la moitié du total des montants dont chacun représenterait la contrepartie d’un service ou d’un bien ainsi fourni, s’ils étaient fournis séparément.

 

 [je souligne]

 

L’article 139 a été modifié en 1993, relativement aux fournitures effectuées après le 14 septembre 1992. Avant cette modification, il était libellé comme suit :

 

            Pour l’application de la présente partie, dans le cas où un service financier est fourni avec un bien ou un service non financier et où le total des montants dont chacun représenterait la contrepartie d’un service financier ainsi fourni, s’il était fourni séparément, compte pour plus de la moitié de la contrepartie unique, la fourniture du bien ou du service est réputée être une fourniture de service financier.

 

[12]    L’article 138 est libellé comme suit :

 

Pour l’application de la présente partie, le bien ou le service dont la livraison ou la prestation peut raisonnablement être considérée comme accessoire à la livraison ou à la prestation d’un autre bien ou service est réputé faire partie de cet autre bien ou service s’ils ont été fournis ensemble pour une contrepartie unique.

 

[13]    L’article 218 est libellé comme suit :

 

            Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable importée est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[je souligne]

 

L’article 218 a été modifié en 1997, rétroactivement au 1er avril 1997 (le paragraphe 218(2) figure désormais à l’article 218.2). Avant cette modification, il était libellé comme suit :

 

(1)        Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable importée doit payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

 

(2)        La taxe prévue à la présente section est payable par l’acquéreur le premier en date du jour où la contrepartie de la fourniture taxable importée est payée et du jour où elle devient due.

 

[14]    L’article  217 est libellé comme suit :

 

            Dans la présente section, sont des fournitures taxables importées :

 

a)         la fourniture taxable d’un service, sauf une fourniture détaxée ou visée par règlement, effectuée à l’étranger au profit d’une personne qui réside au Canada, à l’exclusion de la fourniture d’un service qui, selon le cas […]

[je souligne]

 

[15]    Les soulignements indiquent dans tous les cas les éléments de la disposition applicable sur lesquels les appelantes s’appuient expressément.

 

[16]    Je commencerai mon analyse en décrivant les rôles respectifs des agents, du BRC et du siège social.

 

[17]    L’assurance comporte quatre grandes fonctions :

 

a)       la souscription, qui englobe la rédaction des polices, la détermination des risques qui seront souscrits, la détermination du prix de la couverture, ainsi que la détermination des avenants et des marchés qui seront ciblés;

 

b)      la vente des polices, ou l’acquisition;

 

c)       le règlement et le paiement des sinistres;

 

d)      le placement des fonds nécessaires pour satisfaire aux exigences de la loi en matière de réserves.

 


Les agents

 

[18]    Les agents vendent les polices aux clients. Ils les rencontrent, discutent des tarifs, entrent les données pertinentes dans l’ordinateur et, à l’aide des programmes conçus par le siège social (le « système ECHO »), déterminent leur assurabilité et les tarifs exigibles. C’est un processus entièrement automatisé qui ne fait appel ni à l’appréciation ni au jugement des agents. Ces derniers sont habilités à lier State Farm en remettant un feuillet rose confirmant la protection offerte dès qu’une proposition d’assurance a été remplie. Le modèle utilisé à cette fin est conçu par le siège social à partir des données du système ECHO, à l’instar de la police d’assurance établie pour l’assuré.

 

[19]    Les demandes d’indemnisation en exécution d’une police sont, dans la majorité des cas, adressées aux agents, qui remplissent un avis de sinistre dans le système ECHO. Les petits sinistres (2 000 $ avant et 5 000 $ maintenant) peuvent être payés directement par l’agent, mais tous les sinistres sont rapportés au BRC.

 

Le BRC

 

[20]    Quand une proposition d’assurance est remplie et une protection accordée, l’agent fait parvenir la proposition et le contrat d’assurance au BRC, qui vérifie l’exactitude des renseignements fournis et s’assure que les risques satisfont aux critères établis par le siège social. Le BRC détermine si les tarifs sont conformes aux critères du siège social ou si l’assuré a fait de fausses déclarations (par exemple, il a omis de divulguer des condamnations pour infraction au code de la route).

 

[21]    Si le tarif applicable au client est erroné, le BRC apporte les correctifs nécessaires (à la hausse ou à la baisse) et en informe le client. Si ce dernier conteste la modification, la police est résiliée. Si les fausses déclarations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation de la police, le client en est avisé. La majorité des contrats sont acceptés tel quels et les résiliations sont très rares.

 

[22]    Le BRC ne vend pas d’assurance à proprement dit. Si un client éventuel désire acheter une assurance, on l’aiguille vers un agent.

 

[23]    Quand un agent reçoit une demande d’indemnisation, il envoie un avis de sinistre au BRC par le système ECHO. Si le sinistre excède le montant payable par l’agent, le BRC examine la demande, entre les données dans le système et établit une réserve. Ces renseignements sont ensuite conservés dans la base de données du siège social.

 

[24]    Hormis les petits sinistres payés par les agents, c’est le BRC qui s’occupe de presque tous les sinistres, y compris les contestations judiciaires. Il dispose pour ce faire de ses propres experts en sinistres et enquêteurs. Il arrive que le BRC consulte le siège social au sujet d’un sinistre, mais c’est très rare.

 

[25]    Le BRC effectue les placements nécessaires au Canada selon les directives du siège social, qui prend les décisions en la matière. Les réserves sont constituées en conformité avec les dispositions de la Loi sur les assurances. La portion des frais du siège social imputables aux placements qui est affectée au BRC n’est pas en litige dans les appels en l’instance.

 

Siège social

 

[26]    Étant donné que les appels en l’instance portent sur les frais que le siège social a imputés au BRC et que le ministre considère qu’ils se rapportent à des fournitures taxables, je décrirai plus en détail les activités du siège social.

 

[27]    Mais avant de me lancer dans cette description, j’aimerais formuler une ou deux observations préliminaires. L’hypothèse fondamentale qui a été soulevée est la suivante:

 

                   [TRADUCTION]

 

Le siège social de l’appelante a rendu des services de bureau principal ou de gestion à la succursale canadienne relativement aux polices établies pour des Canadiens.

 

[28]    Aucune hypothèse n’a été soulevée ni aucun fait allégué concernant la valeur de la contrepartie ou la juste valeur marchande de la fourniture.

 

[29]    L’hypothèse non soulevée du ministre selon laquelle la fonction de souscription ne comptait que pour 1 % des frais et les sinistres 5 %, a été formulée durant l’interrogatoire préalable d’un fonctionnaire dont copie a été versée au dossier.

 

[30]    S’il est vrai qu’en vertu de l’article 220 de la LTA, l’établissement stable à l’étranger et l’établissement stable au Canada sont réputés être des personnes distinctes sans lien de dépendance et qu’il faut donner effet à ces dispositions déterminatives, il n’en demeure pas moins que le siège social et les divers bureaux régionaux, y compris le BRC, font partie de la même entité économique (à vrai dire, deux sociétés). L’alinéa a) de l’article 220 porte qu’il doit y avoir prestation d’un service par un établissement stable à l’autre. Ce qui est réputé, c’est :

 

a)       que les deux établissements stables sont des personnes distinctes sans lien de dépendance;

 

b)      que la prestation du service, le cas échéant, est une fourniture de service.

 

[31]    C’est là que s’arrête la fiction créée par la loi. L’article 220 ne crée aucune fiction selon laquelle l’imputation comptable d’une portion des frais d’un siège social est réputée constituer la preuve qu’il y a prestation d'un service ou que le montant imputé est égal à la juste valeur marchande du service. La question de savoir si le siège social a rendu un service au BRC (une condition qui doit être présente pour que l’article 220 s’applique) et la juste valeur marchande de ce service, le cas échéant, doivent être déterminées indépendamment de toute disposition déterminative. L’omission de la Couronne de soulever dans sa plaidoirie quelque hypothèse ou fait à ce sujet, aurait bien pu, en soi, constituer un motif suffisant pour accueillir les appels.

 

[32]    Quoi qu’il en soit, je crois que la question des fonctions dont s’acquitte le siège social doit être tranchée séparément de la question de savoir si un service est rendu.

 

[33]    Le siège social s’acquitte des fonctions décrites ci‑après :

 

Souscription

 

[34]    Avant de décrire le rôle du siège social en matière de souscription, je me dois de préciser le sens que j’attribue à ce mot. La détermination du sens des termes utilisés dans une loi est généralement considérée comme une question de droit bien que, selon certaines sources dignes de considération, il arrive que ce soit une question de fait ou encore une question mixte de fait et de droit. Ainsi, dans l’arrêt Girls' Public Day School Trust v. Ereaut, [1931] A.C. 12, Lord Warrington of Clyffe, faisant référence à la décision rendue par le juge Denman dans l’affaire Blake v. The Mayor of the City of London, 18 Q.B.D. 437; 19 Q.B.D. 79, a fait observer ce qui suit, à la page 28 :

 

                   [TRADUCTION]

 

Le juge Denman, en rendant jugement à la division du Banc du Roi, a formulé certaines observations qui s’appliquent fort bien à l’affaire qui nous occupe. Il a déclaré (à la page 444) : [TRADUCTION] « On ne trouve aucune définition de ce qu’est une école publique dans quelque ouvrage ou loi du parlement. La question me semble dès lors être une question mixte de droit et de fait et il est très clair, en réalité, que c’est une question de fait », et à la p. 445 [TRADUCTION] « Je ne crois pas qu’il faut interpréter les mots « école publique » que l’on trouve utilisés dans cette loi comme des termes techniques. La question est de savoir comment ces mots sont compris en général, ce qui signifie que c’est une question de fait plutôt qu’une question de droit. » Je partage ce point de vue.

 

[35]    Peu importe que le sens du mot souscription dans la LTA soit une question de fait, de droit, ou une question mixte de fait et de droit, il est nécessaire de tenir compte du contexte des dispositions législatives dans lesquelles il est utilisé. Je propose dès lors de consulter trois sources pour tirer la question au clair.

 

a)       Les dictionnaires.

 

Dans l'ouvrage intitulé Craies on Statute Law, 7e éd., on peut lire ce qui suit à la p. 161 :

 

          [TRADUCTION]

 

            Il ne fait aucun doute que la consultation des meilleurs dictionnaires nous founit, grâce aux définitions ou aux illustrations qu’on y trouve, un certain nombre d’indications sur le sens à attribuer à un terme utilisé dans une loi. Lord Coleridge a fait observer dans l’affaire R. v. Peters : [TRADUCTION] « Je sais pertinemment que les dictionnaires ne doivent pas être considérés comme des ouvrages faisant autorité en ce qui concerne le sens des mots qui sont utilisés dans les lois du parlement, mais il est une règle bien établie dans les cours de justice qu’on doit attribuer aux mots leur sens ordinaire, ce qui nous renvoie dès lors à ces ouvrages. » Et dans l’affaire Camden (Marquis) v. I.R.C., Cozens-Hardy M.R. a fait observer : [TRADUCTION] « C’est au tribunal qu’il appartient d’interpréter la loi au meilleur de sa connaissance. Aux fins de s’acquitter de sa tâche à cet égard, rien ne l’empêche de consulter toutes les sources littéraires qu’il peut trouver, y compris, bien entendu, les auteurs habituels et les dictionnaires bien connus qui font autorité en la matière. »

 

b)      Pratique et interprétation ministérielle.

 

Certes, les interprétations ministérielles ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent leur être d’un certain secours. Dans l’arrêt Silicon Graphics Ltd. c. Canada, [2003] 1 C.F. 447, à la page 468 (2002 DTC 7112 : à la p. 7120), la Cour d’appel fédérale fait observer de qui suit :

 

[52]      Bien entendu, les déclarations des fonctionnaires de Revenu Canada ne sont pas déclaratoires du droit. Toutefois, dans la décision récente de Canadian Occidental (U.S.) Petroleum Ltd. c. Canada (2001), [2001] DTC 295 (C.C.I.), le juge en chef adjoint Bowman a fait remarquer que bien que la position administrative de Revenu Canada ne soit pas déclaratoire du droit, elle est néanmoins utile dans des circonstances où le ministre souhaite établir une nouvelle cotisation d'une manière qui n'est pas compatible avec sa propre position administrative. Il a déclaré ce qui suit, au paragraphe 30 :

 

La Cour n'est pas liée par la pratique du ministère même s'il n'est pas rare de l'examiner pour voir si elle peut être utile pour résoudre un doute : Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, aux pages 36 et 37 (83 DTC 5041, à la page 5044). J'ajouterais comme corollaire que la pratique du ministère peut être utile pour résoudre un doute en faveur d'un contribuable. On ne pourrait justifier son utilisation comme moyen de résoudre un doute en faveur du ministère même qui a élaboré cette pratique.

 

c)       L’usage dans l’industrie tel que compris par un spécialiste.

 

Dans l’affaire Reford v. M.N.R., 71 DTC 5053, le juge a renvoyé à l’opinion d’un témoin expert en comptabilité pour déterminer le sens des mots « gain en capital » ou « perte en capital » en l’absence de définitions particulières.

 

Dictionnaires

 

[36]    Le Dictionary of Insurance (Lewis E. Davids) constitue un bon point de départ :

 

                  


[TRADUCTION]

 

Underwrite [souscrire]   Le processus qui consiste à sélectionner les risques d’assurance et à déterminer les montants qui seront assurés et les conditions auxquelles le risque sera couvert par la société d’assurance.

 

[37]    Le Oxford English Dictionary (deuxième édition) :

 

                   [TRADUCTION]

 

Underwrite [souscrire]

            2.         […]

           

b.         Prendre en charge (une police d’assurance) et, dès lors, accepter le risque d’assurance.

 

            c.         Exploiter l’entreprise d’assurance.

 

[38]    Le Random House Dictionary of the English Language (2e éd.) :

 

                   [TRADUCTION]

 

Underwrite 1. écrire en‑dessous ou en bas de, en part. en‑dessous d’un autre texte écrit. 2. apposer sa signature sur un document. 3. indiquer qu’on approuve ou qu’on appuie une déclaration ou une décision en y apposant sa signature. 4. s’engager à contribuer une somme d’argent à (engagement) : Des mélomanes fortunés se sont engagés à financer les concerts expérimentaux. 5. garantir la vente (d’une obligation qui sera offerte au public pour souscription). 6. Assurance. a. signer son nom au bas (d’une police), et être ainsi tenu de payer certains montants si surviennent les pertes prévues dans la police. b. assurer. c. assumer la responsabilité jusqu’à concurrence d’un (montant précisé) au moyen d’une assurance. d. sélectionner ou tarifer (les risques) à assurer. —v.i. 7. souscrire quelque chose. 8. exploiter l’entreprise comme souscripteur. [1400-50; fin du MA, trad. du latin subscribere, écrire en‑dessous, signer, SUBSCRIBE]

 


Interprétation ministérielle

 

[39]    La deuxième source vers laquelle je me tourne est l’interprétation de l’ADRC.

 

[40]    Dans le cadre de l’interrogatoire préalable du représentant de l’ADRC, l’avocat a lu au témoin un passage d’un document d’interprétation en matière de TPS portant sur les services paramédicaux utilisés dans la souscription d’une police d’assurance‑vie.

 

 

                   [TRADUCTION]

 

81.                   Q.        Non, je ne vous demande pas ce que vous avez fait. Je vous demande de répondre à une question bien précise. Avez‑vous cherché à savoir ce que l’ADRC considère comme les éléments d’une entreprise d’assurance et, dès lors, d’un service financier pendant que la vérification était en cours? Oui ou non?

 

                        R.         Nous ne l’avons pas fait.

 

82.                   Q.        Peut‑être que ceci vous aidera alors. Je vous demanderais de vous reporter à la pièce A-8, le document d’interprétation en matière de TPS portant sur les services paramédicaux utilisés dans la souscription d’une police d’assurance‑vie et, du moins pour l’information du public, on y trouve un exposé des vues de l’ADRC. Je vous saurais gré de vous reporter à la page 2 de cette analyse; avez‑vous déjà vu ce document?

 

                        R.         Je ne l’ai jamais vu.

 

83.                   Q.        Donc, vous n’avez pas vu ce document pendant la vérification.

 

                        R.         Je ne l’ai pas vu.

 

84.                   Q.        Je vais en lire une partie pour les besoins de la Cour; il s’agit d’un passage assez long. Sous la rubrique Analyse, l’Agence indique ce qui suit dans ce document qui a été publié le 23 mars 1998 :

 

          [TRADUCTION]

 

« Nous convenons qu’il est indiqué à l’alinéa h) du paragraphe 123(1) de la définition de « service financier » que la souscription d’une police d’assurance est un service financier exonéré. Le ministère est d’avis que le processus de la souscription d’un effet financier s’applique, dans ce cas, à un assureur, car c’est l’assureur qui prend les mesures nécessaires pour conclure le contrat d’assurance.

Dans le processus de souscription, tel qu’il s’applique à l’industrie de l’assurance, il nous apparaît que le souscripteur doit évaluer si un risque d’assurance doit être accepté ou non. Dans le processus de souscription d’une police d’assurance, l’assureur tient généralement compte de ce qui suit : une proposition d’assurance; le risque et la perte éventuelle; l’acceptation ou le rejet du risque d’assurance; la couverture et le coût de l’assurance.

La souscription comporte de nombreuses étapes, dont l’approbation (ou le rejet du risque) par le service de la sélection des risques de l’assureur avant l’établissement de la police. Règle générale, toutes les étapes du processus sont exécutées par l’assureur qui souscrit et établit une police d’assurance. Les souscripteurs fondent leurs décisions sur des données précises qui leur permettent d’évaluer l’élément de risque que comporte l’assurance. Entres autres renseignements et services, les souscripteurs utilisent généralement des services actuariels (nécessaires à la tarification de la police), d’inspection, d’enquête, d’évaluation de la solvabilité et d’administration. Après avoir tenu compte de tous les renseignements obtenus grâce à ces services, le souscripteur décide si la société d’assurance veut souscrire le risque ou est disposée à le faire. »

 

                        Avez‑vous quelque raison de croire que les vues exprimées au sujet de cet élément de l’assurance ne correspondent pas à tous égards au point de vue de l’Agence?

 

                        Me ERLICHMAN : Est‑ce que vous le savez?

 

                        LE DÉPOSANT : Je ne le sais pas.

 

85.                   PAR Me VAN DER HOUT:     Q.        Si l’interprétation du paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d’accise qui est exposée dans ce document public ne concorde pas avec le point de vue actuel de l’ADRC ou son interprétation des divers éléments que comporte exactement la fonction de souscription dans le contexte de l’assurance, auriez‑vous l’obligeance de nous le faire savoir?

 

                        Me ERLICHMAN: Oui, c’est ce que nous allons faire.

 

[41]    Pour faire suite à l’engagement pris à la question 85, l’avocat de l’intimée a indiqué ce qui suit :

 

Page 21, question 85 :

 

L’interprétation en question correspond bien à la position administrative de l’ADRC.

 

Opinion d’expert

 

[42]    Les appelantes ont appelé un témoin expert hautement qualifié, M. David J. Oakden. Voici, entres autres, ce qu’on peut lire dans son curriculum vitae :

                  

                   [TRADUCTION]

 

David J. Oakden est membre du personnel de direction de Tillinghast – Towers Perrin et dirige le service de consultation sur les biens et les dommages à Toronto. Il s’est joint à l’équipe de Tillinghast en 1985, puis à nouveau en 1999, après avoir occupé pendant trois ans le poste de vice‑président principal et actuaire en chef chez Zurich Canada. M. Oakden est actuaire titulaire de l’Institut canadien des actuaires et de la Casualty Actuarial Society, actuaire associé de la Society of Actuaries et membre de la American Academy of Actuaries. Il a obtenu un doctorat en mathématiques de l’Université de Toronto en 1973.

 

[43]    Je reproduis ci‑après un passage de son rapport :

 

                  


[TRADUCTION]

 

I.          NATURE DE L’ASSURANCE

 

L’assurance est une promesse de payer un certain montant en cas de réalisation d’un risque particulier (p. ex. un accident de voiture), moyennant une contrepartie (c.‑à‑d. une prime). La promesse prend la forme d’un contrat, et c’est bien souvent tout ce que voient les clients car la plupart d’entre eux ne présentent pas de demandes d’indemnisation en exécution de leurs polices.

 

Les fonctions essentielles de la société d’assurance sont les suivantes :

 

.Acquisition,

.Souscription,

.Sinistres,

.Placements.

 

Cette catégorisation est si fondamentale que toutes les sociétés qui exploitent une entreprise d’assurance aux É‑U. et au Canada sont tenues de ventiler tous leurs frais en fonction de cinq catégories, qui englobent les quatre fonctions mentionnées ci‑dessus, plus une catégorie ayant trait aux taxes et impôts (autres que les taxes fédérales et les impôts fonciers) (« taxes et impôts »). Ces cinq catégories sont indiquées à l’annexe A. Les quatre fonctions d’assurance sont décrites ci‑après.

 

Acquisition

 

Dans le contexte de l’assurance, l’acquisition s’entend de la vente d’un produit d’assurance. Ce processus de vente est identique à celui qui existe dans la plupart des entreprises. En assurance, cette fonction est généralement dévolue aux agents ou courtiers. Dans le cas de State Farm, les agents sont des entrepreneurs indépendants.

 

L’acquisition comprend les fonctions suivantes :

 

-           solliciter des occasions d’affaires et constituer l’équipe de vente;

 

            -           rédiger les contrats d’assurance;

 

            -           recevoir les primes et payer les commissions;

 

            -           faire de la publicité.

 

Souscription

 

La souscription comprend essentiellement les fonctions suivantes :

 

-           concevoir le produit que la société veut vendre;

 

-           établir le prix de la police que la société a décidé de vendre;

 

-           recueillir l’information pertinente auprès d’un assuré éventuel relativement à la vente possible d’une assurance;

 

-           examiner la proposition d’assurance et décider si la police reste inchangée ou, dans des cas exceptionnels, s'il y a lieu de la modifier.

 

Sinistres

 

Les sinistres comportent essentiellement les fonctions suivantes :

 

-           élaborer les politiques et les procédures qui permettront à l’assureur de s’acquitter de sa responsabilité d’indemniser les assurés;

 

-           recevoir les demandes d’indemnisation;

 

-           vérifier que le sinistre est couvert par la police;

 

-           déterminer le montant du sinistre;

 

-           aider l’assuré à surmonter sa perte;

 

-           payer le sinistre.

 

Entre le moment où le sinistre est rapporté et celui où le paiement final est effectué, le service des sinistres établit une estimation du coût total du sinistre.

 


Placements

 

Les placements s’entendent de la gestion des fonds reçus par la société d’assurance relativement à son entreprise.

 

Autre

 

En plus des fonctions d’assurance essentielles décrites précédemment, les sociétés d’assurance, à l’instar de toutes les sociétés, disposent de services administratifs et de soutien pour épauler ceux qui accomplissent les fonctions d’assurance.

 

[44]    Je crois que les définitions, l’interprétation ministérielle et l’opinion d’expert qui précèdent donnent une idée exacte de ce qu’est la fonction de souscription quand elle se rapporte à un effet financier comme une police d’assurance. Je ne vois aucune raison de considérer les termes que l’on trouve à l’article 123 de la LTA comme des « termes techniques » pour reprendre l’expression du juge Denman ou de leur attribuer un sens spécial. Les mots sont utilisés dans leur sens ordinaire et ils doivent être interprétés en tenant compte du  contexte du texte législatif, c’est‑à‑dire des dispositions de la LTA ayant trait aux services financiers.

 

[45]    La fonction de souscription fait partie intégrante de l’entreprise d’assurance. C’est un aspect important des activités du siège social. À Bloomington, Illinois, on rédige les polices d’assurance et élabore les procédures régissant la vente et l’établissement de ces polices. Le siège social détermine le niveau de risque, le genre d’assurance offerte, les tarifs et le montant de l’assurance qui sera vendue dans un marché particulier. Il collige les données fournies par les succursales de l’Amérique du Nord et les fait analyser par le service de souscription et d’actuariat de manière à déterminer la présentation des polices, les tarifs et les risques qui seront acceptés.

 

[46]    Voici comment M. Oakden décrit la fonction de souscription exercée par le siège social dans son rapport :

 

                   [TRADUCTION]

 

▪        SOUSCRIPTION – Il appartient au siège social de State Farm de concevoir le produit d’assurance et le processus par lequel ce produit est vendu, souscrit et établi. La conception d’un produit d’assurance ne s’arrête pas à la rédaction de la police (dans certains cas, le libellé de la police est établi par règlement). Cette activité englobe la sélection d’un marché cible, la détermination d’une combinaison de couvertures qui plairont à la clientèle ciblée, la conception d’un système convenable de classification, la détermination d’une formule de tarification, l’établissement des commissions, la conception des propositions d’assurance qui doivent être préparées par les assurés éventuels, l’élaboration des règles de souscription, ainsi que la détermination du prix.

 

[47]    Ces conclusions concordent avec la preuve de M. John Killian, vice‑président des Finances chez State Farm et de M. Jeff Wickware, surintendant du service des états financiers au BRC, et sont confirmées par leurs témoignages.

 

[48]    La conclusion inévitable qui se dégage est que la fonction de souscription décrite précédemment est exercée essentiellement au siège social — la conception des polices, la détermination des risques à accepter, l’établissement des tarifs, la rédaction des avenants, ainsi que l’élaboration et la diffusion des politiques et procédures que doivent appliquer les bureaux régionaux et les agents pour vendre les polices.

 

[49]    Il peut être utile de comparer les fonctions de souscription qui sont exercées au siège social, au sens où j’utilise le terme au paragraphe précédent, avec les tâches qui sont accomplies au BRC. Quatre‑vingt‑dix‑sept pour cent des contrats dûment remplis qui sont soumis par les agents sont acceptés. La couverture est annulée dans 2,5 % des cas seulement. Si les activités du BRC peuvent être considérées de quelque façon comme fonctions de souscription, elles sont de nature accessoire et machinale. Le BRC joue un rôle important dans l’entreprise globale de State Farm. On y trouve du personnel cadre, des services des sinistres, de souscription, des ressources humaines, de traitement des données, d’établissement des polices, de facturation, de comptabilité et de placement. Le BRC fait visiblement partie intégrante de la structure commerciale générale, mais son rôle est limité en ce qui concerne la fonction de souscription, laquelle est principalement exercée au siège social. À mon sens, l’hypothèse du ministre selon laquelle seulement 1 % des frais imputés au BRC par le siège social se rapportaient à la souscription n’est pas étayée par la preuve.

 

Acquisition

 

[50]    Le terme « acquisition », dans l’industrie de l’assurance, désigne tout simplement les « ventes ». Cette fonction est dévolue principalement aux agents. Le BRC et le siège social ne traitent pas directement avec les clients ni ne vendent de polices. Les agents obtiennent de l’information du client éventuel, remplissent la proposition, dont le modèle a été établi par le siège social et se trouve dans le système ECHO, lequel détermine les renseignements requis et le tarif applicable. Le contrat est préparé (de manière électronique en général) et, à moins que le BRC modifie le tarif à la hausse ou à la baisse, ou qu’il annule la protection, ce qui est assez rare, la police est complète.

 

[51]    La vente directe est effectuée par les agents, qui appliquent les procédures, critères, tarifs et modèles de police d’assurance établis par le siège social. Le rôle du BRC se limite surtout à l’examen des propositions dûment remplies et des contrats d’assurance.

 

Sinistres

 

[52]    Le siège social ne s’occupe à peu près pas des sinistres. Hormis les petits sinistres que les agents paient eux‑mêmes, c’est le BRC qui s’occupe de tous les sinistres, y compris les contestations judiciaires. Il est rare que des sinistres soient renvoyés au siège social.

 

Placements

 

[53]    Le siège social prend les décisions de placement et les opérations sont effectuées par le BRC. Les placements qui constituent les réserves de l’entreprise canadienne sont détenus au Canada. State Farm ne conteste pas l’application de la TPS à la portion des frais du siège social qui sont imputés au BRC.

 

[54]    Avant de clore la description des fonctions exercées par le siège social, je voudrais dire quelques mots sur le rôle des systèmes informatiques dans l’entreprise de State Farm. Les ordinateurs constituent un élément essentiel de l’exploitation d’une entreprise aussi grande et complexe que celle qui nous occupe. L’un des témoins a déclaré que State Farm possède le plus vaste réseau informatique après l’administration fédérale américaine.

 

[55]    Le service de l’informatique situé au siège social s’occupe surtout de la collecte et de l’analyse des données servant à déterminer les tarifs, suivre les tendances et préparer les modèles de tarification conçus par des actuaires, et les modèles financiers.

 

[56]    Le système ECHO analyse les données qui lui sont transmises chaque jour par les bureaux régionaux relativement aux primes et aux pertes. Il établit ensuite les polices et les tarifs et détermine quels secteurs de l’assurance l’entreprise devrait cibler ou abandonner.

 

[57]    Le BRC dispose aussi d’un système informatique, dont il se sert pour le traitement des données, la facturation et l’expédition des polices. Les systèmes informatiques et l’équipe de programmeurs recueillent, organisent et analysent les données relatives à l’entreprise canadienne, y compris les primes et les sinistres, et transmettent l’information au siège social où elle est entrée dans le système ECHO, analysée, stockée et utilisée aux fins décrites précédemment.

 

[58]    J’en viens maintenant aux règles comptables établies par la National Association of Insurance Commissioners (la « NAIC »), l’autre aspect de l’appel en l’instance qui mérite notre attention. La raison pour laquelle il faut tenir compte de ces règles en l’espèce, c’est que, après que les frais d’exploitation de l’entreprise d’assurance ont été imputés à l’une des deux sociétés de State Farm (les appelantes), ils sont ventilés selon cinq grandes catégories, à savoir le règlement, l’acquisition, la souscription/frais généraux, les taxes et impôts et les placements. Les frais du siège social sont ensuite imputés aux bureaux régionaux selon une formule fondée sur le nombre d'opérations («NO») ou les polices en vigueur. Les taxes et impôts ne sont pas imputés au BRC parce que celui‑ci est assujetti à l’impôt séparément au Canada.

 

[59]    Les renseignements fournis ci‑dessus donnent un aperçu de l’imputation des frais aux bureaux régionaux. On trouvera ci‑après une analyse plus détaillée, qui résume le rapport soumis par M. Oakden, le témoin expert.

 

[60]    Les règles de la NAIC découlent de l’article 30 des règlements dont s’est doté l’État de New York en 1948. L’article 30 a été adopté par d’autres états et, en 1950, par la NAIC, dont le mandat est d’établir et d’actualiser les règles comptables régissant les frais des sociétés d’assurance. L’objectif visé est l’établissement de procédures normalisées pour la classification des frais des sociétés d’assurance. Ces frais doivent être ventilés en fonction des cinq catégories mentionnées précédemment et imputés à des activités particulières à l’intérieur de chacune.

 

[61]    Les frais imputés en conformité avec les règles de la NAIC sont consignés dans l’état annuel et l’annexe relative aux frais d’assurance. Ces documents sont utilisés aux fins de l’impôt sur le revenu.

 

[62]    La déclaration des frais des sociétés d’assurance étrangères qui exploitent leur entreprise au Canada par l’entremise de succursales est aussi régie par l’administration fédérale canadienne par l’intermédiaire du Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF »). State Farm, en tant que société d’assurance étrangère, est tenue de produire un état annuel en utilisant le formulaire P&C-2. Les lettres P&C signifient « property and casualty » en anglais, ou multirisques en français.

 

[63]    L’état P&C-2 et les états annuels de la NAIC visent des objectifs semblables. Les états P&C-2 sont moins détaillés que ceux de la NAIC, mais le BSIF exige que les frais soient regroupés dans cinq catégories identiques à celles de la NAIC, à savoir le règlement, l’acquisition, l’assurance/frais généraux, les taxes et impôts et les placements.

 

[64]    M. Oakden a fait observer dans son rapport qu’avant 1993, les frais d’acquisition étaient inclus dans la catégorie assurance/général. Depuis 1993, ils font l’objet d’une catégorie distincte.

 

[65]    L’imputation des frais se fait en utilisant un code de fonction. Cela ne veut toutefois pas dire que les frais sont imputés d’office ou au complet à une catégorie particulière — certains codes de fonction se rapportent à des activités qui n’entrent pas d’emblée dans l’une des cinq catégories et il est nécessaire d’analyser les tâches qui sont à l’origine des frais particuliers avant de pouvoir les imputer à une ou plusieurs catégories.

 

[66]    Pour imputer les frais aux bureaux régionaux (y compris le BRC, à l’exclusion des taxes et impôts), le siège social utilise une formule fondée sur le NO, lequel est fonction du nombre de transferts d’affaires nouvelles, de remises en vigueur, de renouvellements et d’annulations de polices en vigueur.

 

[67]    Dans le cas de State Farm Mutual Automobile Insurance Company, les frais du siège social sont imputés au BRC en fonction du NO. Dans le cas de State Farm Fire & Casualty Company, les frais de règlement sont imputés en fonction du NO, alors que les frais d’acquisition et les autres frais de souscription le sont en fonction des polices en vigueur.

 

[68]    Avant d’aller plus loin dans cette description plutôt ennuyeuse des pratiques comptables de State Farm, fondées sur les procédures et formules mentionnées précédemment, arrêtons‑nous un instant pour faire le point. En vertu de l’article 220 de la LTA, la prestation d’un service par un établissement stable à l’étranger à un établissement stable au Canada est réputée être une fourniture de service entre des personnes distinctes sans lien de dépendance. La valeur de la contrepartie de la fourniture est réputée être égale à la juste valeur marchande de la fourniture. Cette contrepartie est réputée avoir été payée à l’autre établissement par l’établissement stable auquel le service a été rendu, à la fin de l’année d’imposition de l’établissement auquel le service a été rendu.

 

[69]    Au moins trois déterminations sont requises, à savoir :

 

a)       si un service a été rendu;

 

b)      quelle était la valeur marchande du service;

 

c)       si le service était une fourniture exonérée.

 

[70]    Les éléments d’assujettissement à l’impôt requis n’ont pas été soulevés dans les plaidoiries comme des hypothèses avec quelque spécificité. Hormis les questions officielles, les seules « hypothèses » qui ont été soulevées étaient que  [TRADUCTION] « le siège social des appelantes a rendu des services de bureau principal ou de gestion à la succursale canadienne relativement aux polices établies pour des Canadiens » et que « les services rendus constituaient une fourniture mixte unique ».

 

[71]    Dans chaque affaire, on peut lire ce qui suit au paragraphe 13 de la réponse :

 

                   [TRADUCTION]

 

Le fait que la fourniture a été identifiée et sa valeur déterminée conformément aux principes comptables en vigueur dans l’industrie de l’assurance montre bien qu’il y a eu une fourniture à une succursale canadienne.

 

[72]    Il s’agit d’une allégation, et les appelantes ne sont nullement tenues de la réfuter. J’en reviens donc à la question posée précédemment, à savoir quelle est la valeur significative des pratiques comptables? Même si elles n’ont pas été soulevées comme des hypothèses (ce qui libère les appelantes de toute charge de la preuve), on peut supposer que le ministre, s’il a réfléchi quelque peu à la chose, a cru que la comptabilisation établissait, d’une part, qu’un service avait été rendu et, d’autre part, que la valeur de ce service était proportionnelle au montant imputé en application des procédures comptables. Je me propose de déterminer si la preuve confirme ce point de vue. Dans l’affirmative, je devrai alors déterminer si la prestation du service constituait une fourniture exonérée. Si la preuve ne confirme pas qu’il y a eu prestation d’un service dont la juste valeur marchande est égale au montant imputé, il ne sera même pas nécessaire de se pencher sur l’application de l’article 220 de la LTA.

 

[73]    Aux onglets A-1 à A-3 de la pièce R-1 du recueil de documents de l’intimée, se trouvent les états des dépenses — opérations d’assurance que State Farm Mutual Automobile Insurance Company a présentés au BSIF pour les années 1993 à 1997. Dans l’état de 1993, il est indiqué que les frais généraux du siège social s’établissent à 5 949 000 $. Pour chacune des années 1994 à 1997 inclusivement, ils s’établissent à 9 546 000$, 13 542 000 $, 13 644 000 $, et 20 940 000 $ respectivement. En 1991 et 1992, ils étaient de 4 229 000 $ et 5 426 000 $ respectivement. En 1991, 1992, 1993 et 1994, la TPS de 7 % est calculée exactement sur le montant consigné dans les états. Je n’ai pas réussi à faire le rapprochement entre les données consignées dans les états pour les années 1995 et 1996 et le montant de la cotisation. Cependant, la valeur significative de ces états, c’est qu’ils m’apparaissent être les documents qui ont été utilisés pour établir les cotisations en dépit du fait que les frais généraux du siège social ne semblent pas avoir été ventilés en fonction des diverses catégories de dépenses, ce qui m’amène à croire que l’ADRC ne s’est nullement penchée sur la nature des frais du siège social qui ont été imputés au BRC.

 

[74]    Les pièces justificatives fournies par les appelantes relativement à l’imputation des frais sont plus détaillées. Tous les frais attribués au Canada sont d’abord imputés par groupe, comme on peut le voir à l’onglet 3 de la pièce A‑4, dont un passage est reproduit ci-après :

 

                   [TRADUCTION]

 

Les frais sont imputés à l’un des groupes suivants en vertu des lignes directrices énoncées à l’article 30 du règlement :

 

Frais de règlement — (catégorie interne 2)

 

Tous les frais se rapportant au règlement et à la consignation des sinistres.

 

Acquisition, supervision externe et perception — (catégorie interne 3)

 

Les commissions et les autres frais liés en tout ou en partie à la production d’affaires, la perception des primes, la rédaction des polices, ou engagés aux fins d’épauler les agents.

 

Frais généraux — (catégorie interne 4)

 

Les frais relatifs aux activités de souscription et tous les frais qui ne peuvent être imputés à d’autres catégories.

 

Taxes et impôts — (catégorie interne 5)

 

La totalité des taxes et impôts, permis et droits, hormis l’impôt sur les placements et l’impôt fédéral sur le revenu.

 

Placements — (catégorie interne 6)

 

Tous les frais engagés pour effectuer des placements et tirer un revenu de placement (y compris les frais et les impôts applicables aux biens immobiliers possédés).

 

[75]    Le témoin John Killian, vice‑président des Finances chez State Farm, a soutenu qu’environ 30 % des frais du siège social étaient imputables à la souscription, 30 % aux sinistres, 30 % aux ventes et aux commissions (acquisition) et 10 % aux placements. Je n’ai devant moi aucune preuve me permettant de vérifier personnellement ces pourcentages et je dois donc les accepter comme la preuve à première vue d’une estimation faite par un cadre supérieur bien informé. Cependant, même en tenant pour acquis que ces pourcentages donnent une idée assez exacte de la situation générale dans l’ensemble de l’entreprise de State Farm, on ne peut pas nécessairement s’en servir pour imputer les frais du siège social à la succursale canadienne. À l’onglet 3 de la pièce A-6, il est indiqué que le montant total des frais généraux du siège social imputés au Canada en 1994 s’établissait à 8 386 259 70 $ (en dollars US, je présume), et que de ce montant, 1 652 687,83 $ étaient des frais de règlement. Or, la preuve a établi de manière incontestable que le siège social ne s’occupait à peu près pas des sinistres au Canada. La preuve n’étaye pas le point de vue selon lequel l’imputation des frais aux bureaux régionaux, y compris celui du Canada, avait nécessairement un lien avec le travail qui était réellement accompli pour les bureaux régionaux. Les frais étaient imputés en fonction du NO ou, dans certains cas, des polices en vigueur.

 

[76]    Les conclusions qui se dégagent de la preuve comptable sont les suivantes :

 

a)       La ventilation des frais en fonction des catégories, ou groupes, de l’acquisition, des sinistres, de la souscription et des placements s’appuie sur les règles de la NAIC et est essentiellement de nature fonctionnelle. Cette ventilation est sans doute assez exacte à l’intérieur d’une fourchette dont l’étendue est indéterminée. Il n’y a aucune preuve du contraire, et il est probable que les procédures et règles complexes qui ont été élaborées par la NAIC, brossent, vu les fins auxquelles elles sont destinées, le tableau le plus fidèle qui soit des fonctions des diverses catégories de dépenses.

 

b)                Une fois que les frais du siège social sont répartis entre les diverses catégories, l’imputation aux bureaux régionaux, y compris le BRC, n’est pas fondée sur des critères fonctionnels, c’est‑à‑dire que l’imputation n’est pas proportionnelle aux services que le siège social fournit, le cas échéant, aux bureaux locaux. Elle est fondée sur la formule mathématique décrite précédemment. Il peut y avoir une corrélation entre le résultat de cette méthode, fondée sur le NO et les polices en vigueur, et la valeur, pour les bureaux régionaux, du travail accompli au siège social pour la bonne raison que, plus leur volume d’affaires est élevé, plus ils sont susceptibles de bénéficier des activités exercées par le siège social en matière, notamment, de souscription, de tarification, de rédaction des avenants et d’analyse statistique, qui font partie intégrante de la fonction de souscription. Cependant, il s’agit bien plus d’une question de gros bon sens que d’une question d’exactitude scientifique. On peut présumer que, quelles que soient les tâches qui sont accomplies au siège social, c’est l’ensemble de l’entreprise qui devrait en bénéficier, peu importe l’endroit où elle est exploitée.

 

c)       Les frais du siège social qui sont imputés au BRC ne se rapportent pas à des services de gestion ou d’administration. Il se dégage clairement de la preuve que le siège social ne fournit aucun service de ce genre au BRC, qui avait son propre personnel et possédait ses propres services de gestion et d’administration à cette fin. La fonction du siège social, en ce qui concerne les opérations canadiennes, englobait la conception des polices d’assurance, l’établissement des tarifs, la détermination des genres d’assurance à offrir, des marchés à cibler ou à abandonner, la collecte et l’analyse des données statistiques et actuarielles et les autres tâches qui entrent dans la fonction de souscription.

 

d)      La preuve comptable ne permet ni d’établir qu’un service a été rendu ni d’en déterminer la juste valeur marchande.

 

[77]    Le problème, en ce qui concerne l’article 220, c’est qu’il crée une fiction, ou, si on veut, une présomption artificielle mais ne nous oblige pas à poursuivre cette présomption jusqu’à sa conclusion logique (ou illogique). Il nous emmène jusqu’au bout du plongeoir mais ne nous fournit pas la piscine pour plonger. Il est possible que la prémisse inexprimée qui sous‑tend l’article 220 est que les établissements stables à l’étranger rendent des services aux établissements stables au Canada, mais l'article ne le dit pas expressément. Si c’est la prémisse qui s’applique, il importe peu alors que l’un des établissements soit le siège social à l’étranger et l’autre la succursale au Canada, ou vice versa. Or, la prémisse est dénuée de fondement rationnel. On pourrait tout aussi bien dire qu’une succursale au Canada rend des services à un siège social à l’étranger. Pour les amateurs d’énigmes philosophiques, cela revient à se demander si c’est le cerveau qui rend un service à la main ou si c’est la main qui rend un service au cerveau. Il reste que certaines parties d’un organisme, physique ou financier, concret ou abstrait, ne se rendent pas de services mutuels et présumer que ce sont des personnes distinctes, comme le fait l’article 220, ne permet pas de contourner cet obstacle théorique fondamental, même s’il est nécessaire, en vertu des règles comptables et du paragraphe 4(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, d’imputer une partie raisonnable des frais à des sources dans un endroit déterminé.

 

[78]    Ma préoccupation en l’espèce est d’un autre ordre et c’est de déterminer si les frais du siège social imputés au BRC sont assujettis à la TPS. La LTA dit que, si les services sont fournis par un établissement stable à l’étranger à un établissement stable au Canada, la contrepartie de la fourniture de service est réputée être égale à la juste valeur marchande de la fourniture de service. L’intimée n’a pas soulevé dans sa plaidoirie les hypothèses ou prouvé les faits nécessaires pour étayer les cotisations. C’est suffisant pour statuer sur les appels. Même si la Couronne avait soulevé comme hypothèses les éléments nécessaires d’assujettissement à l’impôt, les appelantes les ont démolies.

 

[79]    Même si l’on pouvait dire que le siège social a fourni un service au BRC, ce service consistait en totalité ou presque en la souscription de polices d’assurance. L’hypothèse selon laquelle [TRADUCTION] « Le siège social des appelantes a rendu des services de bureau principal ou de gestion à la succursale canadienne relativement aux polices établies pour des Canadiens » est sans fondement en ce qui concerne les services de bureau principal, et erronée, en ce qui concerne les services de gestion. L’hypothèse non soulevée selon laquelle seulement 1 % des activités du siège social était imputable à la souscription et 5 %, aux sinistres n’est pas étayée par la preuve, qu’elle contredit en réalité.

 

[80]    Je n’ai pas réussi à déceler dans la preuve que le siège social rendait des services de gestion ou d’administration au BRC. Si des services étaient rendus, ils étaient de la nature d’un service financier aux sens du paragraphe 123(1) de la LTA. Si le siège social fournit au BRC des services administratifs ou de gestion qui ne peuvent pas être attribués aux catégories d’assurance prévues par la NAIC, ils sont accessoires aux services financiers fournis, ce qui signifie que l’article 138 s’appliquerait.

 

[81]    Parmi les quelques hypothèses qui ont été soulevées, il y a celle selon laquelle la fourniture de services au BRC par le siège social était une fourniture mixte. Ce que cela signifie, selon moi, c’est que les services financiers étaient fournis avec des services non financiers. Si des services non financiers étaient fournis, ils comptaient pour beaucoup moins que la moitié du total et, même si nous acceptons les montants imputés comme preuve de la juste valeur marchande et, dès lors, de la contrepartie (une autre hypothèse non soulevée fondée sur des conjectures), on constatera que la contrepartie des services financiers compte pour beaucoup plus que la moitié du total et que l’article 139 de la LTA s’applique dès lors. C’est ce qui ressort clairement de l’examen de l’onglet 10 de la pièce A‑4, qui se rapporte aux années 1994 et 1996, mais que je considère comme représentatives de toutes les années en question.

 

[82]    L’intimée soutient qu’aucun des services fournis au BRC par le siège social n’est un service financier défini à l’article 123 et qu’il s’agit dans tous les cas de services administratifs et de gestion. L’argument de l’intimée limiterait les services financiers, dans le contexte de l’entreprise d’assurance, à l’établissement d’une police d’assurance pour un assuré. Avec tout le respect que je lui dois, je crois que cette interprétation est beaucoup trop restrictive, et cela, sans tenir compte du fait qu’elle est incompatible avec l’interprétation et la pratique administrative de l’ADRC.

 

[83]    Je ne crois pas, toutefois, que la divergence de vues entre les appelantes et l’intimée porte sur une question de droit ou sur l’interprétation de la loi. Il me semble assez clair que l’ADRC accepte la manière dont les appelantes interprètent la notion de service financier mais que, dans les faits, elle n’en est pas arrivée à la conclusion que le siège social fournissait des services de ce genre au BRC. Quoi qu’il en soit, je crois que la conclusion de l’ADRC est erronée pour l’un des deux motifs subsidiaires suivants :

 

a)       Si l’ADRC accepte la définition de service financier des appelantes mais croit, dans les faits, que les services qui étaient fournis, le cas échéant, n’étaient pas un service financier au sens défini dans la loi, sa conclusion est erronée en fait.

 

b)      Si l’ADRC croit que, quelles que soient les circonstances, un siège social à l’étranger ne peut fournir rien d’autre que des services de gestion ou d’administration à un établissement stable au Canada et ne peut jamais fournir de service financier, sa conclusion est erronée en droit.

 

[84]    L’avocat de l’intimée a cité un long passage d’une décision rendue par le Comité judiciaire du Conseil privé en appel de la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Zélande dans l’affaire Inland Revenue Comr. v. Databank Systems Ltd., [1990] J.C.J. no 35. Les décisions du Conseil privé et de la Chambre des lords ne lient pas les tribunaux canadiens, mais elles méritent néanmoins notre respect.

 

[85]    Dans l’affaire en cause, Databank Systems Ltd. (« Databank ») s’était engagée à fournir certains services à cinq banques de compensation. La question à trancher était de savoir si ces services étaient des services financiers exonérés en vertu de la loi sur la taxe sur les produits et services de la Nouvelle‑Zélande, qui ressemble à la nôtre.

 

[86]    Le passage reproduit ci‑après est tiré du jugement de Lord Templeman, s’exprimant au nom de la majorité (Lord Ackner ayant exprimé sa dissidence) :

 

                   [TRADUCTION]

 

3          […] Dans le cadre de la présente instance, M. Shaw, qui était le gestionnaire du groupe des services aux clients bancaires de Databank, a présenté un mémoire de preuve, dont un passage est reproduit ci‑après :

 

« Databank est engagé dans quatre grandes activités pour les banques :

 

a)         Fournir un système de compensation financière pour les divers genres d'opérations (dans le cadre du processus de règlement).

 

b)         Porter les opérations aux comptes clients et tenir à jour les dossiers informatiques des comptes clients.

 

c)         Gérer le réseau.

 

d)         Assurer l’assistance logiciel et concevoir des logiciels. »

 

4          La question à trancher est de savoir si les services fournis par Databank en vertu de l’entente datée du 17 juillet 1969 sont des services financiers exonérés de la taxe sur les produits et services (« TPS »). L’entente semble prévoir la fourniture de services informatiques en conformité avec les trois premiers objets de Databank, qui sont exposés dans l'acte constitutif reproduit en partie ci‑après :

 

« a)      Fournir des installations et services de traitement électronique de données aux membres de la société et à d’autres personnes;

 

b)         Acheter, louer, ou acquérir par d’autres moyens, et installer, faire fonctionner et entretenir des machines, des ordinateurs, des appareils, du matériel et des installations de tous genres aux fins du tri, du traitement, du calcul, de la collecte, du stockage et de la consignation, par des moyens électroniques, électriques, mécaniques, photographiques ou autres, de comptes, dossiers, données et renseignements de toute espèce à toutes fins;

 

c)         Recueillir, colliger, préparer, entrer, traiter et diffuser des données statistiques de toute espèce et à toutes fins,

 

[…]

 

25        Databank exerce une activité commerciale dans le cadre de laquelle elle fournit des services aux banques pour une contrepartie et cette activité est dès lors assujettie à l’article 6. Databank participant à l’activité requise, la fourniture de services est assujettie à la TPS en vertu de l’article 8, à moins que ce soit une fourniture de services financiers exonérée en vertu de l’article 14 suivant la définition de l’article 3. Nulle exonération n’est accordée à une « personne » qui « participe » à une activité » « entraînant » la fourniture de services financiers; on ne trouve aucune mention d’une telle exonération (qu’il serait très difficile de définir et d’appliquer) dans la loi. Databank participe à la fourniture de services par les banques à leurs clients; la fourniture de tels services par les banques aux clients est exonérée par le libellé explicite de la loi. Databank ne fournit pas de services aux clients des banques ni ne facture ces clients. Databank fournit des services non financiers aux banques en vertu de l’entente datée du 17 juillet 1969 pour une contrepartie payée par le bénéficiaire de ces services.

 

[…]

 

28        Les services de Databank permettent aux banques de fournir de services financiers à leurs clients pour une contrepartie exonérée. Databank ne fournit aucun service aux clients pour une contrepartie. Databank fournit des services informatiques aux banques pour une contrepartie imposable et il n’y a rien dans le libellé de l’article 60 ou ailleurs qui permet d’exonérer cette fourniture de la TPS.

 

29        Les services que Databank fournit aux banques leur permettent d’offrir des services financiers à leurs clients. C’est le système le plus moderne et le plus efficace qui existe pour permettre aux banques d’offrir des services financiers à leurs clients. Databank fournit l’équipement, c’est‑à‑dire les ordinateurs, le matériel, les logiciels et les opérateurs. Les banques utilisent l’équipement de Databank de manière à offrir des services financiers à leurs clients de façon rapide et efficace. La fourniture d’équipement n’est pas la fourniture de services financiers.

 

[87]    Je ne crois pas que cette affaire s’applique en l’espèce. La fourniture de services informatiques à une entreprise qui offre des services financiers à ses clients ne suppose pas la fourniture d’un service financier à cette société. Dans le cas de State Farm, nous sommes en présence de sociétés exploitant une entreprise qui fournit des services financiers à des clients dans toute l’Amérique du Nord. Son siège social est réputé être une personne distincte de l’établissement stable au Canada. S’il rend un service à l’établissement stable au Canada, la contrepartie est réputée être égale à la juste valeur marchande du service.

 

[88]    Si nous tenons pour acquis que tous les éléments qui rendent par ailleurs la fourniture assujettissable à l’impôt en vertu de l’article 220 (et dont aucun n’a été soulevé comme une hypothèse) sont présents, nous revenons toujours au fait que State Farm est une entreprise qui fournit des services financiers. Même si nous posons comme principe qu’il y a une fourniture hypothétique de service pour une contrepartie, ce service hypothétique n’en demeure pas moins compris dans la définition de service financier et il est dès lors exonéré.

 

[89]    Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé, il n’est pas nécessaire que je me penche, d’une part, sur l’argument de l’avocat des appelantes selon lequel, si des services sont fournis, ils sont fournis par des employés des appelantes et ils ne sont donc pas compris dans les services réputés mentionnés au paragraphe 123(1) et, d’autre part, sur l’argument selon lequel l’imputation des frais par le siège social ne constitue pas la contrepartie d’un service rendu au BRC par le siège social. Ces points de vue sont loin d’être dénués de fondement, mais je ne tire aucune conclusion à leur sujet. Les conclusions exposées précédemment sont suffisantes pour statuer sur les appels.

 

[90]    Les appels sont accueillis et les cotisations établies en vertu de l’article 220 de la Loi sur la taxe d’accise sur le montant des frais du siège social imputés au bureau régional canadien sont annulées.

 

[91]    Les appelantes ont droit à un seul mémoire de frais pour ce qui est des honoraires d’un avocat principal et d’un avocat en second à l’audience.

 

 

Signé à Toronto, Canada, ce 30e jour de janvier 2003.

 

 

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de décembre 2004.

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Elles n’ont pas été explicitement soulevées comme des hypothèses ou des faits distincts et il n’appartient pas aux appelantes de les réfuter. Les hypothèses non soulevées n’ont aucun effet sur le fardeau de la preuve qui incombe aux appelantes, Bowens c. La Reine, 20 février 1996, no A‑507‑94, à la page 3 (96 DTC 6128 : à la page 6129).

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