Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2005-910(IT)I

ENTRE :

ELIZABETH LIDSTONE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 juin 2005, à Victoria (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge en chef D. G. H. Bowman

Comparutions :

Représentant de l'appelante :                Jack Lidstone

Avocate de l'intimée :                            Me Stacey Repas

____________________________________________________________________


JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 9 mars 2004 et porte le numéro 34173, est admis, avec dépens, et la cotisation est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juillet 2005.

« D. G. H. Bowman »

Le juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mars 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2005CCI483

Date : 20050729

Dossier : 2005-910(IT)I

ENTRE :

ELIZABETH P. LIDSTONE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Bowman

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) parce que l'appelante était une administratrice de la société 574489 B.C. Ltd. ( « 574489 » ) et était par conséquent responsable des retenues à la source non versées pour la période commençant en juillet 2000 et se terminant en décembre 2000.

[2]      La position de l'appelante est qu'après le 30 juin 2000, la 574489 n'avait plus rien à voir avec l'entreprise Quiznos de la rue Fort, à Victoria.

[3]      Les administrateurs de société peuvent contester de trois façons les cotisations dérivées établies en vertu de l'article 227.1 :

a)        Ils peuvent démontrer qu'ils ont agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

Ce moyen de défense sera ci-après désigné succinctement par l'expression « diligence raisonnable » .

b)       Ils peuvent aussi s'opposer à la cotisation parce que les conditions prévues au paragraphe 227.1(2) pour qu'une personne soit tenue responsable n'ont pas été remplies, ou parce que le délai prévu au paragraphe 227.1(4) n'a pas été respecté.

Ce moyen de défense n'a pas été soulevé en l'espèce.

c)        Ils peuvent démontrer que la cotisation sous-jacente établie à l'égard de la société, et sur laquelle leur responsabilité dérivée est basée, est mal fondée, même si la société ne s'était pas opposée à la cotisation établie pour l'impôt ou n'avait pas interjeté appel à l'encontre de celle-ci.

[4]      L'appelante était représentée par son époux, qui a témoigné et plaidé. La cotisation est établie en fonction de versements de retenues à la source qui n'auraient pas été faits pour la période allant de juillet à décembre 2000.

[5]      Quiznos est une entreprise de franchises qui exploite des restaurants-minute à divers endroits en Colombie-Britannique et, si je comprends bien, ailleurs aussi.

[6]      Il convient de préciser les hypothèses qui ont servi de fondement pour l'établissement de la cotisation. Ces hypothèses sont les suivantes :

[TRADUCTION]

a)          la société a exploité un restaurant Quiznos (le « restaurant Quiznos » ) au 731, rue Fort, à Victoria (Colombie-Britannique), à partir de janvier 2000 environ, et ce, jusqu'aux environs du mois de décembre 2000;

b)          Mario Gencarelli ( « M. Gencarelli » ) était administrateur et président de la société de janvier à juin 2000;

c)         vers le mois de juillet 2000, M. Gencarelli a mis un terme à toute participation aux activités de la société ou à l'exploitation du restaurant Quiznos;

d)          pendant l'année d'imposition 2000, l'appelante était une administratrice de la société et elle en était la secrétaire;

e)          l'appelante était la seule administratrice de la société pendant la période commençant en juillet 2000 et se terminant en décembre 2000;

f)           la société exploitait le restaurant Quiznos selon une convention d'achat conclue avec le propriétaire de la franchise, EJL Management Ltd. ( « EJL » );

g)          M. John Lidstone est le propriétaire d'EJL;

h)          la société a eu recours au service de la paie de Paytrac à partir de janvier 2000, et ce, jusqu'à juin 2000 environ;

i)           la cotisation est établie en fonction de versements non effectués pour la période commençant en juillet 2000 et se terminant en décembre 2000;

j)           l'époux de l'appelante a dirigé les activités quotidiennes de la société à partir de mai 2000 environ, et ce, jusqu'aux environs de décembre 2000;

k)          la société a été exploitée jusqu'aux environs de décembre 2000;

l)           la société a eu des employés jusqu'aux environs de décembre 2000;

m)         vers le mois de juillet 2000, l'appelante était consciente des difficultés financières de la société;

n)          vers le mois de juillet 2000, l'appelante savait que la société ne faisait pas les versements exigés par la Loi;

o)          des employés de la société ont informé l'appelante qu'ils ne recevaient pas leur paie;

p)          la société a emprunté de l'argent à une société dont M. Lidstone était le propriétaire, 585070 BC Ltd., pour pouvoir payer les employés pour le mois de juillet 2000 (l' « emprunt » );

q)          la société a remboursé le montant emprunté à M. Lidstone vers septembre 2000;

r)           la société a omis de verser au receveur général l'impôt fédéral sur le revenu d'un montant de 3 974,28 $ qui avait été retenu sur les paies de ses employés pour la période commençant en juillet et se terminant en décembre 2000;

s)          en ce qui concerne l'impôt sur le revenu que la société a omis de verser de juillet à décembre 2000, la société a omis de payer des pénalités de 896,15 $ et des intérêts de 2 269,97 $;

t)           un certificat précisant le montant de 56 469,86 $ dû par la société pour l'impôt fédéral sur le revenu, les pénalités et les intérêts a été enregistré à la Cour fédérale du Canada en application du paragraphe 223(2) de la Loi et il y a eu défaut total d'exécution forcée à l'égard de ce montant le 20 octobre 2003;

u)          pendant la période allant de juillet à décembre 2000, l'appelante n'a pas agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[7]      Monsieur Lidstone prétend que les hypothèses a), b), c), d), e), j), k), l), m), n), o), r) et u) sont mal fondées. Sans étudier chaque hypothèse de manière séquentielle, j'exposerai la version des faits qui ressort du témoignage de M. Lidstone. Son épouse et lui étaient actionnaires en parts égales d'EJL Management Ltd. ( « EJL » ). EJL a fait l'acquisition de huit franchises du franchiseur, Quiznos Corporation.

[8]      Selon l'accord, M. Lidstone trouverait un emplacement, construirait un restaurant Quiznos et trouverait un propriétaire exploitant. Monsieur Lidstone (ou, plus exactement, EJL) construirait le restaurant pour le compte du futur propriétaire exploitant. Au terme de la construction, EJL vendrait la franchise à ce propriétaire exploitant, qui allait être la 574489, une société en veilleuse acquise aux fins de l'exploitation du restaurant Quiznos de la rue Fort. Monsieur Lidstone a trouvé un particulier, Mario Gencarelli ( « M. Gencarelli » ), qui allait exploiter le commerce et devenir propriétaire de la 574489. Monsieur Lidstone a vendu 70 pour 100 des actions de la 574489 à M. Gencarelli et prévoyait que ce dernier achèterait plus tard de Mme Lidstone les 30 pour 100 qu'il restait.

[9]      Pour des raisons qui deviendront claires, M. Gencarelli n'a jamais acheté le reste des actions. Pendant les six mois suivant l'ouverture (de janvier à juin 2000), la 74489 utilisait un service de la paie, Paytrac, et tous les versements étaient faits correctement et à temps.

[10]     En juin 2000, il est devenu clair que les choses n'allaient pas pour le mieux et que le rendement de M. Gencarelli n'était pas ce que M. Lidstone avait prévu, pour une raison ou une autre. Monsieur Lidstone s'est alors rendu au commerce et, pour parler sans ambages, a mis M. Gencarelli à la porte. Monsieur Gencarelli a continué d'être administrateur et de détenir 70 pour 100 des actions de la 574489.

[11]     À partir de ce moment, c'est-à-dire de juillet à décembre 2000, M. Lidstone a exploité le restaurant Quiznos de la rue Fort, et M. Gencarelli et la 574489, la société dont il avait le contrôle, ont cessé d'exploiter le restaurant. Il ressort clairement du témoignage de M. Lidstone que du 1er juillet 2000 jusqu'à la fermeture du commerce le 31 décembre 2000, la 574489 n'avait plus rien à voir avec l'exploitation de la franchise Quiznos et n'en avait jamais fait l'acquisition. Monsieur Lidstone a nié avec insistance avoir exploité le commerce pour le compte de M. Gencarelli ou de la 574489. Il affirme qu'il n'aurait eu aucune raison de faire quoi que ce soit pour avantager M. Gencarelli ou la société de ce dernier.

[12]     Crystal Duck, une employée du restaurant Quiznos de la rue Fort, a témoigné qu'elle était payée en argent comptant et que son nom n'avait jamais figuré sur la liste de paie de la 574489. En effet, il n'y a aucune preuve orale ou documentaire qui appuie la position selon laquelle la 574489 payait des salaires de juillet à décembre 2000, un préalable pour qu'elle soit tenue responsable de retenir et de verser les montants correspondant aux retenues à la source.

[13]     S'il existait une cotisation à l'égard de la 574489, elle n'a pas été soumise en preuve, même si le certificat enregistré à la Cour fédérale a été produit comme pièce. Cependant, dans l'hypothèse qu'une cotisation a été établie à l'égard de la 574489 pour les retenues à la source pour la période commençant en juillet 2000 et se terminant en décembre 2000, la cotisation était mal fondée.

[14]     Il y a un argument subsidiaire bien différent selon lequel je pense que Mme Lidstone devrait être exonérée de toute responsabilité en vertu de l'article 227.1. Dans l'hypothèse qu'une cotisation a bien été établie à l'égard de la 574489 ou que, contrairement à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Gaucher c. La Reine, no A-275-00, 16 novembre 2000, 2000 D.T.C. 6678, Mme Lidstone ne pourrait pas contester la cotisation sous-jacente, l'appelante doit tout de même obtenir gain de cause selon le paragraphe 227.1(3) en raison de la diligence raisonnable. Elle a agi raisonnablement en acceptant les propos de son époux lorsque ce dernier garantissait que M. Gencarelli et la 574489 n'avaient plus rien à voir avec l'exploitation du commerce. L'article 227.1 n'exige pas l'omniscience. Il n'exige qu'une conduite raisonnable. Vu que Mme Lidstone croyait raisonnablement que la 574489 n'était plus impliquée, il n'y a rien qui aurait pu être attendu d'elle ou rien qu'elle aurait été dans l'obligation de faire même si la 574489 aurait dû retenir et verser les montants correspondant aux retenues à la source.

[15]     L'appel est admis, et la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 à l'égard de Mme Lidstone est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juillet 2005.

« D. G. H. Bowman »

Le juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mars 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2005CCI483

N º DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-910(IT)I

INTITULÉ :

Elizabeth P. Lidstone c.

   Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Victoria (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 21 juin 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable D.G.H. Bowman,

juge en chef

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :

M. Jack Lidstone

Avocat de l'intimée :

Me Stacey Repas

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.