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Référence : 2005CCI471

Date : 20050729

Dossier : 2004-4281(IT) I 

ENTRE :

BRIAN BURTON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience à Hamilton (Ontario),

le 8 juillet 2005.)

 

La juge Woods

 

[1]     Il s’agit d’un appel interjeté par M. Brian Burton à l’égard de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2000 et 2001.

 

[2]     Pendant cette période, M. Burton et sa femme détenaient indirectement la totalité des actions de Smith Steel & Fabrication Inc. (« Smith Steel »), et M. Burton occupait le poste de directeur général. Cet appel concerne un certain nombre de dépenses engagées par l’appelant qui ont été remboursées par Smith Steel. La Couronne prétend que ces remboursements sont à inclure comme avantages sociaux dans le calcul du revenu de M. Burton. La Couronne s’est principalement fondée sur l’alinéa 6(1)a) de la Loi.

 

[3]     Les dépenses en jeu peuvent être divisées en trois groupes, et j’examinerai chacun de ces groupes tour à tour.

 

[4]     Le premier groupe concerne un voyage à San Jose (Californie) que M. Burton a fait en compagnie de sa femme et de ses deux enfants. M. Burton a témoigné avoir combiné un voyage familial dans le cadre d’un mariage à San Jose avec un voyage d’affaires pour Smith Steel. Alors que sa famille et lui logeaient à San Jose pour cinq jours, M. Burton a entrepris quelques recherches dans le but de réunir des fonds pour l’acquisition éventuelle d’une société semblable à Smith Steel. Les recherches ont été de courte durée parce que les trois sociétés à capital de risque qu’il a consultées pensaient que le prix d’achat était beaucoup trop élevé. M. Burton a témoigné avoir pensé que, comme ces recherches étaient faites pour le compte de Smith Steel, la société lui rembourserait une partie des frais du voyage en Californie. Le montant qui lui a été remboursé était de 1 777 $ et représentait les frais d’hébergement à l’hôtel. M. Burton n’a pas été remboursé pour la location de voiture, pour le tarif aérien ou pour les repas.

 

[5]     La Couronne prétend qu’il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour pouvoir établir un lien entre le voyage en Californie et Smith Steel. L’avocat de l’intimée a fait valoir que Smith Steel n’était pas nécessairement la société acheteuse. La société cible pouvait être acquise par une autre société ou par M. Burton lui-même.

 

[6]     Je n’accepte pas cet argument. À mon avis, il n’est pas nécessaire que Smith Steel soit identifiée comme l’acheteuse de la société cible pour pouvoir rembourser de manière légitime à son directeur général des frais de déplacement en vue d’une acquisition possible. Au début des recherches concernant une acquisition, il est prématuré de décider de la structure du capital social. Smith Steel était une des entités dans le groupe qui aurait pu faire l’achat. Selon moi, il n’est pas déraisonnable que les frais d’établissement soient engagés par n’importe laquelle des entités qui pourrait faire l’acquisition de la cible lorsque des dépenses sont engagées tôt dans le processus avant que la structure du capital social ne soit définie. Si la cible est achetée par une autre société, il peut s’avérer nécessaire que l’acheteur réel rembourse les dépenses engagées par d’autres entités. Dans le cas présent, les recherches n’ont pas progressé au-delà d’un stade très précoce. À mon avis, le remboursement de ces dépenses n’est pas déraisonnable et n’entraîne pas d’avantages imposables pour M. Burton.

 

[7]     Je me tourne maintenant vers la question des dépenses de logement qui ont été remboursées par Smith Steel. Ces dépenses avaient été engagées parce que M. Burton vivait à 144 kilomètres de son lieu de travail pour Smith Steel. Comme la distance était beaucoup trop grande pour être parcourue tous les jours, M. Burton logeait dans un gîte touristique à Atwood, où Smith Steel est située, deux nuits par semaine. Les dépenses de logement ont été remboursées par Smith Steel. Les dépenses engagées étaient respectivement de 2 587 $ et de 1 675 $ pour 2000 et 2001.

 

[8]     Généralement, les repas et le logement correspondent à des dépenses personnelles et tout remboursement de ces dépenses par un employeur devrait être inclus dans le revenu comme avantage imposable en application de l’alinéa 6(1)a). Il y a quelques exceptions à cette règle générale. L’exception qui est utile aux fins de cet appel est l’exception concernant les chantiers particuliers énoncée au paragraphe 6(6) de la Loi.

 

[9]     Pour que cette exception s’applique, le lieu de travail doit être un endroit où le travail accompli par le contribuable est de nature temporaire. M. Burton affirme qu’il a toujours voulu que son implication chez Smith Steel soit temporaire, d’environ 18 mois, et que le travail qu’il y accomplissait était donc temporaire.

 

[10]    La Couronne affirme que le travail accompli par M. Burton n’était pas de nature temporaire. Je souscris à cette position.

 

[11]    À mon avis, M. Burton n’a pas prouvé que le travail qu’il accomplissait à Atwood était de nature temporaire. Il a soumis des éléments de preuve qui concernaient son plan d’affaires pour la société. Précisément, il avait l’intention de modifier certains aspects des activités de la société dans un délai d’un an pour ensuite vendre celle-ci. Cependant, ces éléments de preuve concernant un plan d’affaires semblent insuffisants vu qu’un plan d’affaires, par définition, peut être modifié selon une myriade de facteurs qui ont une incidence sur les décisions de gestion. En fait, il semble que M. Burton a plus tard pensé à modifier le plan d’affaires. Dans son témoignage en ce qui concerne le voyage en Californie, M. Burton a affirmé avoir mené en l’an 2000 des recherches en vue d’une acquisition dans le but d’une expansion éventuelle des activités de Smith Steel.

 

[12]    À mon avis, un plan d’affaires n’est pas une preuve assez solide pour permettre de tirer la conclusion que les travaux accomplis par M. Burton étaient de nature temporaire. Même si M. Burton pensait initialement que Smith Steel serait vendue d’ici quelques années, cette décision de gestion aurait été prise tard et aurait probablement dépendu de plusieurs choses, comme par exemple de savoir s’il était possible de trouver un acheteur convenable. En réalité, le fait que M. Burton ait mené des recherches en vue de l’expansion de la société plutôt que d’une vente donne à penser que son emploi comme directeur général à Atwood n’était pas temporaire. Il a témoigné que s’il avait fait l’acquisition de l’autre société, son travail aurait alors été à Toronto, mais cette affirmation est hypothétique. Selon moi, M. Burton n’avait pas l’intention de quitter Atwood à un moment précis.

 

[13]    Même si cela suffit pour trancher la question en litige, je tiens aussi à faire remarquer que le témoignage de M. Burton n’était pas assez précis ou détaillé pour que je puisse réellement comprendre la situation. Par exemple, M. Burton a témoigné que Smith Steel avait été détenue pendant seulement 21 mois. Cette information aurait rempli les critères de l’ARC en ce qui concerne ce qui est temporaire, comme il est indiqué dans le bulletin d’interprétation de l’ARC auquel M. Burton a fait référence. Ce critère renvoie aux fonctions exercées pendant au plus 24 mois. M. Burton a témoigné que la durée réelle de la possession était de 21 mois, mais ce témoignage est incompatible avec des déclarations qu’il avait faites dans son avis d’appel et dans une lettre adressée au Bureau des services fiscaux de Hamilton où il précisait que la société avait été détenue pendant 28 mois.

 

[14]    En tenant compte de la preuve dans son ensemble, je ne considère pas que le travail accompli par M. Burton à Atwood était de nature temporaire. Pour cette raison, je conclus que l’exemption à l’égard de chantiers particuliers prévue au paragraphe 6(6) ne s’applique pas, et que le remboursement des frais de logement à Atwood devrait être inclus dans le calcul du revenu de l’appelant.

 

[15]    Avant d’examiner le prochain groupe de dépenses, j’aimerais souligner qu’il y a beaucoup de décisions rendues par la Cour en ce qui concerne le paragraphe 6(6) qui pourraient être pertinentes pour cette affaire et auxquelles aucune des parties n’a fait référence. Le jugement Guilbert c. M.R.N. décrit une décision que le juge Dussault avait rendue en 1991. Cette décision semble indiquer que les chantiers particuliers n’incluent pas les lieux de travail fixes de l’employeur. Vu ma conclusion selon laquelle les travaux accomplis par M. Burton n’étaient pas de nature temporaire, il n’est pas nécessaire que j’examine le jugement Guilbert.

 

[16]    Je passe maintenant au dernier groupe de dépenses : les frais afférents à une automobile. M. Burton a été remboursé des frais afférents à une automobile qu’il a engagés pour faire la navette entre Atwood et sa résidence à Oakville, et a aussi été remboursé de dépenses engagées pour des voyages d’affaires. Ces remboursements étaient calculés en fonction du nombre de kilomètres parcourus. La Couronne ne conteste pas les remboursements liés aux voyages d’affaires, mais prétend que les voyages entre Atwood et Oakville étaient de nature personnelle et que le remboursement de ces dépenses devrait être inclus dans le revenu de l’appelant comme un avantage imposable. L’ARC a calculé de l’impôt sur 75 pour 100 des remboursements au motif que le reste était pour des voyages d’affaires. M. Burton ne conteste pas cette répartition. La seule question en litige est de savoir si les remboursements liés aux voyages entre Atwood et Oakville doivent être inclus dans le calcul du revenu de l’appelant. Ces montants sont respectivement de 6 348 $ et de 4 801 $ pour 2000 et 2001.

 

[17]    Généralement, les voyages entre le travail et le lieu de résidence sont considérés comme une activité personnelle, et tout remboursement lié à ces voyages doit être inclus dans le calcul du revenu en vertu de l’alinéa 6(1)a) ou 6(1)l). M. Burton avance que le remboursement doit être exonéré en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(x). Je ne suis pas d’accord. Cette exception ne s’applique qu’à l’usage d’un véhicule dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi. L’usage d’un véhicule, dans cette affaire, était personnel et n’était pas fait dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi. M. Burton avance aussi que le remboursement tombe sous le coup de l’exception pour chantiers particuliers, mais, pour les motifs mentionnés précédemment, j’ai conclu que cette disposition ne s’appliquait pas.

 

[18]    Par suite de ces conclusions, l’appel sera accueilli au motif que les remboursements des frais afférents à une automobile et des frais de logement à Atwood doivent être inclus dans le calcul du revenu de l’appelant, mais que le remboursement lié au voyage en Californie ne doit pas l’être.

 

 

Signé à Edmonton (Alberta) ce 29e jour de juillet 2005.

 

 

 

« J. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de février 2006.

 

Sara Tasset


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI471

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-4281(IT)I

 

INTITULÉ :

Brian Burton c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juillet 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Judith Woods

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 juillet 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Eric Sherbert

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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