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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier: 2002-2406(IT)I

ENTRE :

DAVID GOLDBERG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

_______________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Sarah Goldberg (2002‑2405(IT)I) et de Rachelle Goldberg (2002-2401(IT)I), le 6 novembre 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Salman Bhura

 

Avocate de l’intimée :

Me Jasmine Sidhu

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels sont rejetés.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 23e jour de janvier 2003.

 

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier: 2002-2405(IT)I

ENTRE :

SARAH GOLDBERG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

_______________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de David Goldberg (2002‑2406(IT)I) et de Rachelle Goldberg (2002-2401(IT)I), le 6 novembre 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Salman Bhura

 

Avocate de l’intimée :

Me Jasmine Sidhu

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels sont rejetés.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 23e jour de janvier 2003.

 

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier: 2002-2401(IT)I

ENTRE :

RACHELLE GOLDBERG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

_______________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de David Goldberg (2002‑2406(IT)I) et de Sarah Goldberg (2002‑2405(IT)I), le 6 novembre 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Salman Bhura

 

Avocate de l’intimée :

Me Jasmine Sidhu

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels sont rejetés.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 23e jour de janvier 2003.

 

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier: 2002-2406(IT)I

ENTRE :

DAVID GOLDBERG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 2002-2405(IT)I

 

SARAH GOLDBERG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 2002-2401(IT)I

 

RACHELLE GOLDBERG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bonner, C.C.I.

 

[1]     Rachelle, Sarah et David Goldberg interjettent appel à l’encontre de cotisations établies en vertu de l’alinéa 160(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Les appels de Sarah et David Goldberg ont été entendus ensemble sur preuve commune. Les parties ont convenu que l’issue de l’appel de Rachelle Goldberg serait la même que dans les deux autres cas. Les trois appels étaient régis par la procédure informelle.

 

[2]     Le fondement des cotisations est que la fiducie familiale Goldberg (la « fiducie ») a transféré des biens aux appelants quand ils avaient moins de 18 ans, en payant des frais de scolarité et des frais de camp d’été des appelants, et qu’à l’époque la fiducie était tenue de payer de l’impôt sur le revenu pour des années d’imposition antérieures.

 

[3]     Les appelants sont les enfants d’Aron Goldberg. David Goldberg est né le 9 avril 1987. Sarah Goldberg est née le 31 mai 1985. Rachelle Goldberg est née le 16 mars 1984.

 

[4]     La fiducie a été établie le 1er novembre 1991. Aron Goldberg était le seul fiduciaire. Les bénéficiaires étaient les trois appelants. Le paragraphe 7 de l’acte de constitution de la fiducie stipulait en partie ceci :

 

[TRADUCTION]

Le fiduciaire détiendra le fonds en fiducie et, jusqu’au moment du partage, il versera ou transférera aux bénéficiaires ou à un ou plusieurs bénéficiaires à l’exclusion de l’autre ou des autres et dans des proportions qu’il pourra déterminer à son entière discrétion ou il imputera au profit des bénéficiaires ou d’un ou plusieurs bénéficiaires à l’exclusion de l’autre ou des autres et dans des proportions qu’il pourra déterminer à son entière discrétion, de la totalité ou d'une partie du revenu net — s’il en est —  tiré du fonds en fiducie et de la totalité ou d'une partie du capital, selon ce qu’il déterminera de temps en temps à son entière discrétion.

 

[5]     En tout temps pertinent, les appelants fréquentaient l’école Collingwood, un établissement privé. De plus, ils étaient inscrits au camp Hatikvah, un camp d’été.

 

[6]     En 1998 et en 1999, Aron Goldberg s’est arrangé pour que la fiducie fasse des paiements à l’école Collingwood, au titre des frais de scolarité des appelants, et au camp Hatikvah, au titre des frais de camp des appelants. Les paiements ont été effectués sans la connaissance et le consentement des appelants.

 

[7]     Dans les années d’imposition 1998 et 1999, la fiducie devait à la Couronne de l’impôt sur le revenu qui avait été établi par voie de cotisation pour les années d’imposition 1995 et 1996.

 

[8]     L’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :

 

(1)        Lorsqu’une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :

 

a)         son conjoint ou une personne devenue depuis son conjoint;

b)         une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

c)         une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

 

les règles suivantes s’appliquent :

 

d)         [...]

 

e)         le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :

 

(i)         l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

 

(ii)        le total des montants dont chacun représente un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l’année d’imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années;

 

aucune disposition du présent paragraphe n’est toutefois réputée limiter la responsabilité de l’auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.

 

[9]     L’objet de l’article 160 est clair. Il s’agit d’empêcher qu’un contribuable entrave les efforts de perception fiscale du ministre en transférant des biens qui lui appartiennent à son conjoint, à des enfants mineurs ou à des personnes avec qui il a un lien de dépendance.

 

[10]    L’argumentation portait principalement sur la question de savoir si, en payant les frais de scolarité et les frais de camp des appelants, la fiducie avait « transféré des biens » aux appelants au sens de l’article 160.

 

[11]    De prime abord, il est à noter que le mot « transfert » a une vaste portée. Le droit sur ce point est clair. La signification du terme anglais « transfer » (transfert) a été examinée dans l’affaire The Executors of the Estate of David Fasken v. The Minister of National Revenue, [1948] R.C. de l’É. 580. À la page 592, le président Thorson a dit :

 

[TRADUCTION]

Le terme « transfert » n’est pas un terme technique et n'a pas un sens technique. Pour qu'il y ait transfert des biens du mari à son épouse, il n'est pas nécessaire que le transfert ait revêtu une forme quelconque ni qu'il ait été effectué directement. Il suffit uniquement que le mari se départisse des biens et qu'il les cède à son épouse, c'est-à-dire qu'il lui transmette les biens. Le moyen d'atteindre un tel résultat, que le mari ait agi directement ou qu'il ait employé un moyen détourné, peut légitimement être appelé un transfert.

 

[12]    Le mot « biens » est défini comme suit au paragraphe 248(1) de la Loi :

 

248(1) – Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« biens » Biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède:

a)    les droits de quelque nature qu’ils soient, les actions ou parts;

b)    à moins d’une intention contraire évidente, de l’argent;

 

[...]

 

[13]    L’avocat des appelants a plaidé que l’effet du paiement, par la fiducie, des frais de scolarité et des frais de camp n’était pas un transfert de biens de la fiducie aux appelants, car les biens dont la fiducie s’est départie n’ont pas été dévolus aux appelants. À cet égard, l’avocat se fondait sur la décision rendue par notre cour dans l’affaire Leblanc c. Canada, [1999] A.C.I. n° 60.

 

[14]    Selon moi, le libellé de l’article 160 — qui traite de transferts de biens faits « [...] directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon [...] » à un bénéficiaire entrant dans une des catégories mentionnées dans cet article — englobe des transferts comme celui qui est considéré en l’espèce, malgré le fait que la nature des biens peut avoir changé entre l’origine et la destination. La jurisprudence couvre clairement ce point. Dans l’affaire Susan Jane Medland c. Sa Majesté la Reine, C.A.F., n° A‑18‑97, 25 mai 1998 (98 DTC 6358), la contribuable était l’unique propriétaire de la maison où elle et son mari habitaient. Le mari avait fait des paiements hypothécaires relatifs à la maison à une époque où il devait à la Couronne un arriéré d’impôt sur le revenu. La Cour d'appel fédérale a statué que, en faisant les paiements hypothécaires, le mari avait indirectement transféré des biens à la contribuable dans la mesure où les paiements se rapportaient au principal hypothécaire. Aux paragraphes 20 et 21 de ses motifs, le juge Desjardins a dit :

 

[20] [...] lorsque M. Medland a effectué les paiements au créancier hypothécaire, il a indiqué que cet argent devait être imputé à la réduction de l’emprunt hypothécaire grevant le bien sur lequel il n’avait plus d’intérêt. Bien qu’il soit exact que le paragraphe 160(1) n’emploie pas les mots « au profit de » ni « au nom de » comme les paragraphes 15(1) ou 74.1(1) ou l’alinéa 224(1.1) de la Loi, la demanderesse ne nie pas que sa dette a diminué grâce aux paiements et que la valeur nette de son bien a augmenté. La façon d’obtenir ce résultat consistait à verser des montants à la Banque que celle-ci imputait à un emprunt hypothécaire grevant une maison dont la demanderesse était l’unique propriétaire. Le paiement à la Banque n’était qu’un moyen pour transmettre les fonds indirectement du mari à la demanderesse.

 

[21]      L’argument de la demanderesse portant qu’il n’y a pas eu transfert de biens parce que M. Medland s’est départi d’argent et que ces sommes n’ont jamais été transférées [physiquement] à la demanderesse est sans fondement. [...]

 

À mon avis, lorsque la fiducie a payé les frais de scolarité et les frais de camp, l’argent versé se trouve avoir été indirectement transféré aux appelants. Ces derniers en ont bénéficié sous la forme des services qui leur ont été fournis par l’école et le camp en contrepartie de l’argent versé.

 

[15]    L’avocat des appelants a en outre plaidé que ces derniers n’ont exercé aucun contrôle sur le transfert des fonds. Les paiements, disait‑il, ont été faits sans la connaissance et le consentement des appelants.

 

[16]    Il n’y a pas de doute que les appelants n’étaient pas conscient du fait que la fiducie payait les frais de scolarité et les frais de camp. Les appelants ne savaient pas que la fiducie existait. L’avocat a fait valoir qu’une opération effectuée sans que le bénéficiaire du transfert le sache ou y consente n’entre pas dans le cadre du paragraphe 160(1). À cet égard, il s'est appuyé sur la décision rendue par la section de première instance de la Cour fédérale dans l’affaire Finley Mah c. Sa Majesté la Reine, C.F. 1re inst., n° T‑1173‑90, 29 avril 1993 (93 DTC 5267). Dans l’affaire Mah, les parents du contribuable avaient, par le transfert d'un terrain, transféré au contribuable le titre de propriété relatif à leur maison. Ils avaient fait cela sans que le contribuable le sache ou y consente. Dans cet appel du contribuable contre une cotisation établie en vertu de l’article 160, la cour a statué que le prétendu transfert était nul. À la page 10 (DTC : à la page 5270), le juge en chef adjoint Jerome a écrit :

 

Peut-il y avoir en l’espèce cession de la part de M. et Mme Mah et acquisition par le Dr Mah? Je ne le crois pas. Une opération effectuée entièrement sans la connaissance et le consentement du demandeur ne peut certainement pas avoir cet effet; je ne comprends pas non plus pourquoi le ministre devrait recourir à l’application de l’article 160 à moins que le transfert ne soit valide.

 

Selon moi, la décision rendue dans l’affaire Mah n’étaye pas la proposition selon laquelle la connaissance et le consentement du bénéficiaire du transfert est nécessaire aux fins de l’application de l’article 160. L’affaire Mah était tout simplement une affaire dans laquelle l’article 160 a été considéré comme ne s’appliquant pas à une tentative infructueuse pour effectuer un transfert à l’insu du bénéficiaire du transfert.

 

[17]    Il n’y a rien dans le libellé ou l’objet de l’article 160 qui puisse justifier une conclusion selon laquelle le bénéficiaire du transfert doit être au courant ou comprendre les rouages de l’opération par laquelle un transfert est effectué. L’imposition d’une telle restriction quant au sens du mot « transfert » viendrait contrecarrer l’intention claire qui est à la base de l’article 160.

 

[18]    L’avocat des appelants a également soumis que l’exécution d’une obligation juridique ne constitue pas un transfert au sens de l’article 160. Il s'est appuyé sur l’affaire Michaud c. Canada, [1998] A.C.I. no 908 ([1998] 4 CTC 2675). Il a soutenu que les paiements faits par la fiducie à l’école et au camp avaient été faits conformément aux instructions qu’Aron Goldberg avait données dans le cadre de son obligation juridique de subvenir aux besoins des appelants pendant leur minorité.

 

[19]    Il n’est pas nécessaire d’examiner ce qui a été décidé dans l’affaire Michaud, précitée. Cette partie de l’argumentation des appelants ne tient pas compte du fait que l’obligation d’Aron Goldberg de subvenir aux besoins de ses enfants était une obligation qui incombait à Aron Goldberg et non à la fiducie. En faisant le paiement en cause, la fiducie ne s’est pas acquittée d’une obligation lui incombant.

 

[20]    Enfin, à part l’argumentation selon laquelle aucun transfert n’avait eu lieu dans les circonstances, l’avocat des appelants a soutenu subsidiairement que la fiducie avait reçu au titre du transfert de biens une contrepartie complète sous la forme de services fournis à sa demande par l’école et le camp. Comme un transfert fait sans contrepartie valable est une condition préalable à l’application de l’article 160, aucune responsabilité ne pourrait être imposée aux appelants, disait‑il. À mon avis, la mention, à l’alinéa 160(1)e), d’une contrepartie donnée pour le bien doit, quand on situe le libellé législatif dans son contexte, être considérée comme une mention d’une contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert du bien. Cet aspect de l’argumentation des appelants doit donc échouer.

 

[21]    Pour les motifs qui précèdent, les appels seront rejetés.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 23e jour de janvier 2003.

 

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

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