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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-4608(GST)G

ENTRE :

ANDREW NETUPSKY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Appel entendu le 7 octobre 2002 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge R. D. Bell

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :                          Me Kristy Foreman-Gear

 

 


JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 15 janvier 1998 et porte le numéro 20912, est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2003.

 

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date : 20020121

Dossier : 2000-4608(GST)G

 

 

ENTRE :

 

ANDREW NETUPSKY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bell, C.C.I.

 

GÉNÉRALITÉS

 

Tous les articles mentionnés dans les présents motifs renvoient à la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise portant sur la taxe sur les produits et services, sauf mention contraire.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[1]     Il s'agit de savoir si l'appelant a démissionné à titre d'administrateur de la société No. 2 Corporate Ventures Ltd. (« Ventures ») plus de deux ans avant le 15 janvier 1998, la date de l'« Avis de cotisation – Le tiers » émis par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour la taxe, des intérêts et des pénalités totalisant 794 698,04 $ relativement à l'omission par Ventures de verser la taxe nette en vertu du paragraphe 228(2).

 

Si l'appelant a démissionné plus de deux ans avant cette nouvelle cotisation, alors, conformément au paragraphe 323(5), il n'est pas responsable à titre d'administrateur en vertu des dispositions du paragraphe 323(1).

 

Les paragraphes 228(1) et 228(2) exigent que Ventures calcule la taxe nette et la verse au receveur général du Canada dans les délais impartis. Le paragraphe 323(1) porte que si une personne morale omet de verser la taxe de la façon requise, les administrateurs de celle-ci au moment où elle devait verser le montant sont solidairement tenus, avec la personne morale, de payer ce montant ainsi que les intérêts et pénalités y afférents. Le paragraphe 323(5) porte qu'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

 

LES FAITS

 

[2]     Le premier témoin de l'appelant, Roderick Hunter McCloy, l'avocat de Ventures, a témoigné que l'appelant avait remis une démission écrite à titre d'administrateur de Ventures à son cabinet le 14 décembre 1995 et que, à son avis, c'était une démission valide. L'appelant a subséquemment témoigné que le cabinet de MMcCloy était le siège social de la société.

 

[3]     L'appelant a témoigné qu'il était devenu l'unique administrateur et le président de Ventures en 1988. Il a déclaré que la participation avait été modifiée en 1988, après quoi il était devenu propriétaire de 50 % des actions émises, une société ouverte, KSB Enterprises, cotée à la bourse de Hong Kong, détenant 41 % des actions émises et Good Land Ltd., une société de Hong Kong, étant propriétaire des 9 % restants. Il a déclaré qu'en 1992, Ventures avait acquis un bien-fonds et s'était lancée dans la mise en valeur du site pour en faire six logements; la construction a commencé durant l'été 1992 pour se terminer au printemps 1994. L'appelant a ensuite expliqué que le 14 décembre 1995, il avait remis une démission écrite à titre d'administrateur et une démission écrite à titre de président, chacune ayant été signée par lui le 6 décembre 1995 et confiée à Karen MacLean, du cabinet « de Me McCloy », qui l'avait envoyé à un « technicien juridique », lequel lui avait montré où se trouvait le registre des procès-verbaux et qu'il avait placé sa démission dans ce registre. Il a expliqué que Ventures n'était plus en affaires, qu'il y avait eu, en Colombie-Britannique, des problèmes à cause de condominiums mal protégés contre la pluie, qu'il ne voulait pas être administrateur et que la société ne serait pas utilisée à l'avenir.

 

[4]     Le document concernant sa démission à titre d'administrateur se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

DÉMISSION D'ADMINISTRATEUR

 

DESTINATAIRE : NO. 2 CORPORATE VENTURE LTD. (la « société »)

 

Je démissionne de mon poste d'administrateur de la société, cette démission entrant en vigueur immédiatement.

 

FAIT le 6 décembre 1995.

 

ANDREW NETUPSKY

 

[5]     Le document concernant sa démission à titre de président se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

DÉMISSION DE DIRIGEANT

 

DESTINATAIRE : NO. 2 CORPORATE VENTURES LTD. (la « société »)

 

Je démissionne de mon poste de président de la société, cette démission entrant en vigueur immédiatement.

 

FAIT le 6 décembre 1995.

 

 

ANDREW NETUPSKY

 

Parmi les documents déposés par l'appelant se trouve une déclaration solennelle de Karen McLean qui se lit en partie comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

QUE je me souviens qu'Andrew Netupsky est venu aux bureaux de Jones, McCloy, Peterson, cabinets juridiques affiliés, situés au 1700 – Three Bentall Centre, 595, rue Burrard, Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 décembre 1995 ou vers cette date, et qu'à ce moment je l'ai envoyé à un technicien juridique en droit des sociétés au cabinet qui était chargé de maintenir les registres de No. 2 Corporate Ventures Ltd.

 

L'appelant a ensuite produit une déclaration solennelle de MMcCloy affirmant notamment qu'il n'avait :

 

[TRADUCTION]

 

[...] aucun motif de croire que l'avis n'avait pas été livré au siège social de No. 2 Corporate Ventures Ltd. par Andrew Netupsky le 14 décembre 1995.

 

L'appelant a témoigné qu'en raison des coûts, il n'avait rien fait pour dissoudre la société. Il a dit que Me McCloy l'avait prévenu que la société serait radiée deux ans plus tard si les déclarations pertinentes n'étaient pas déposées.

 

Lors du contre-interrogatoire, l'appelant a dit qu'il n'avait pas modifié le registre des administrateurs. On peut présumer qu'il référait aux avis déposés au registre des sociétés de la Colombie-Britannique. Il a dit qu'à sa connaissance, aucun autre administrateur n'avait été nommé le 14 décembre 1995 ou par la suite. Il a également dit qu'il était le seul actionnaire le 5 décembre 1995 et que les actions susmentionnées lui avaient été transférées le 8 novembre 1995. L'appelant a témoigné qu'une lettre expédiée par Me McCloy à son attention, en date du 9 juin 1998, avait été envoyée à l'adresse de sa société de génie civil, à Vancouver.

 

[6]     L'avocate de l'intimée a produit une copie d'une lettre de la succursale principale de la Banque Hongkong du Canada à Vancouver en date du 17 septembre 1996 adressée à Ventures à l'adresse de la société de génie civil. La lettre concernait un prêt de 70 000 $ que l'appelant devait à la Banque Hongkong du Canada relativement au projet de Ventures. Cette lettre décrit Ventures comme « L'EMPRUNTEUR » et l'appelant comme « LE GARANT ». Il a déclaré qu'il avait signé la lettre au nom de Ventures.

 

[7]     L'avocate de l'intimée a produit une copie d'une lettre datée du 9 décembre 1996 et expédiée par Manet Developments (1994) Ltd. et Ventures à Revenu Canada, à l'attention de M. Marc Roy, concernant la TPS à payer. Elle était signée par l'appelant au nom de Ventures.

 

[8]     L'avocate de l'intimée a ensuite produit une copie d'une lettre datée du 20 novembre 1966 et adressée à Ventures, à l'attention du président, M. Andrew Netupsky. À la question de savoir s'il avait avisé Revenu Canada qu'il n'était plus président, il a répondu par la négative. En réponse à la question de l'avocate qui voulait savoir s'il avait conservé l'autorité de désigner un certain Douglas Reid, comptable, pour représenter Ventures lors de discussions concernant la TPS avec Revenu Canada, il a répondu par l'affirmative.

 

[9]     Le seul témoin de l'intimée, Marc Roy (« M. Roy »), a témoigné qu'il avait vérifié les comptes de Ventures en 1996 après avoir pris contact le 2 avril 1996. Il a dit que l'appelant figurait encore dans le système informatique de la TPS comme la personne ressource. Monsieur Roy a témoigné que l'appelant avait dit que certains documents avaient été purgés. En réponse à la question de l'avocate de l'intimée qui voulait savoir si on lui avait dit que l'appelant n'était plus président, il a répondu par la négative. Il a également dit que l'appelant ne l'avait pas informé qu'il avait démissionné comme administrateur. Lors du contre-interrogatoire, M. Roy a dit qu'il avait fait une recherche sur « BC Online » et que l'appelant y figurait comme administrateur et président.

 

OBSERVATIONS DE L'APPELANT

 

[10]    L'appelant, agissant en personne, a dit qu'il avait démissionné comme administrateur et dirigeant de Ventures le 6 décembre 1995 et que la démission écrite avait été livrée le 14 décembre 1995 au siège social de la société où le registre des procès-verbaux était tenu. Il a ensuite dit qu'une cotisation avait été émise à son égard de la façon susmentionnée le 15 janvier 1988 et qu'il avait donc démissionné plus de deux ans avant cette cotisation. Il a renvoyé à une lettre datée du 28 octobre 1998 envoyée par McCarthy Tétrault à un agent des appels de Revenu Canada[1] et qui se lit en partie comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

L'avis de cotisation est invalide conformément au paragraphe 323(5) de la Loi sur la taxe d'accise parce que le ministre du Revenu national a émis la cotisation plus de deux ans après la date à laquelle Andrew Netupsky a cessé pour la dernière fois d'être un administrateur de la société.

 


Le paragraphe 323(5) porte que :

 

323(5) L'établissement d'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

 

La Loi sur la taxe d'accise ne précise pas quand une personne cesse d'être un administrateur d'une société. Il est donc nécessaire de se reporter à la loi applicable régissant la société.

 

La Company Act

 

La société a été constituée en vertu de la loi intitulée Company Act (Loi sur les sociétés) de la Colombie-Britannique. Par conséquent, les dispositions de cette loi sont pertinentes pour déterminer quand Andrew Netupsky a cessé d'être un administrateur de la société.

 

Un administrateur cesse d'être en fonction lorsqu'il démissionne. Au moment pertinent, l'alinéa 154(1)a) et le paragraphe 154(2) de la Company Act, R.S.B.C. 1979, ch. 59 (la « Company Act ») étaient rédigés ainsi :

 

154(1) Le mandat d'un administrateur prend fin [...] lorsque :

 

a)  il meurt ou démissionne;

 

[...]

 

154(2) La démission d'un administrateur prend effet à la date de réception de la démission écrite au siège social de la société, ou à la date postérieure qui y est indiquée.

 

La démission précise que la démission d'Andrew Netupsky entre en vigueur immédiatement. Par conséquent, Andrew Netupsky a cessé d'être un administrateur de la société en vertu du paragraphe 154(2) de la Company Act à la date où la démission a été reçue au siège social de la société, soit le 14 décembre 1995.

 

La validité de la démission d'Andrew Netupsky ne dépend aucunement de la question de savoir si la date de la démission a été inscrite au registre des administrateurs de la société.

 


Il est vrai qu'en vertu des dispositions de la Company Act, la société est tenue de tenir un registre des administrateurs. L'alinéa 140c) de la Company Act porte que :

 

140. Chaque société tient un registre de ses administrateurs où elle inscrit :

 

[...]

 

c) la date à laquelle chaque ancien administrateur a cessé d'exercer ses fonctions d'administrateur;

 

[...]

 

Toutefois, le fait qu'une société omette de mettre à jour le registre de ses administrateurs ne constitue pas une infraction. En outre, l'omission par la société d'inscrire la date à laquelle Andrew Netupsky a cessé d'exercer ses fonctions au registre de ses administrateurs n'invalide pas sa démission. Au contraire, la validité de la démission d'Andrew Netupsky est uniquement déterminée par le paragraphe 154(2) de la Company Act.

 

De même, la validité de la démission d'Andrew Netupsky ne dépend aucunement de la question de savoir si un avis de la démission a été remis au registraire des sociétés. C'est la société, et non Andrew Netupsky, qui, en vertu des dispositions de la Company Act, doit remettre un avis de démission au registraire des sociétés. Les paragraphes 156(1) et 156(2) de la Company Act portent que :

 

156(1) Chaque société remet au registraire des sociétés un avis rédigé selon la formule 11 de la deuxième annexe dans les 14 jours de la démission ou de la destitution d'un administrateur ou de la date à laquelle la société prend connaissance du fait qu'un administrateur est inhabilité. [...]

 

156(2) La société qui contrevient au paragraphe (1) commet une infraction et est passible d'une amende maximale de 50 $ pour chaque jour que dure l'infraction.

 

En outre, tout dirigeant ou administrateur qui a autorisé, permis ou avalisé une infraction commise par une société a lui-même commis une infraction et est passible d'une amende. D'après l'article 366 de la Company Act :

 

366. Si une société commet une infraction à l'encontre de la présente loi, chaque administrateur ou dirigeant de celle-ci qui a autorisé, permis ou avalisé l'infraction commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 2 000 $.

 

Il se peut que la société ait commis une infraction en vertu du paragraphe 156(2) de la Company Act en omettant de remettre un avis de la démission d'Andrew Netupsky dans la forme prescrite au registraire des sociétés. Bien que l'omission de la société la rende passible d'une amende conformément au paragraphe 156(2), et qu'elle rende tout administrateur ou dirigeant qui a autorisé, permis ou avalisé l'omission passible d'une amende en vertu de l'article 366, cela n'invalide pas la démission d'Andrew Netupsky. Par conséquent, aucune inférence défavorable ne peut être tirée relativement à la validité de la démission d'Andrew Netupsky du fait que la société n'a pas remis un avis de démission au registraire des sociétés comme l'exige le paragraphe 156(1).

 

L'argumentation ci-dessus est étayée par la jurisprudence en la matière.

 

Jurisprudence pertinente

 

Le juge MacKay a récemment examiné la question de la validité de la démission d'un administrateur en vertu de la Company Act (Colombie-Britannique) dans l'affaire La Reine c. Wellburn; La Reine c. Perri, C.F. 1re inst., n° T‑820‑90, 21 juin 1995, 95 D.T.C. 5417. Nous joignons aux présentes une copie des motifs du jugement à votre intention.

 

La question soulevée dans l'affaire La Reine c. Wellburn; La Reine c. Perri était celle de savoir si le paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi de l'impôt sur le revenu ») s'appliquait de sorte à invalider un avis de cotisation émis par le ministre du Revenu national à l'endroit des défendeurs à titre d'anciens administrateurs de Olympic Hotels Ltd. en invoquant leur prétendue responsabilité en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu suite à l'omission par la société de verser certains montants retenus de la rémunération de ses employés en violation de l'alinéa 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

Le paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu a un effet identique à celui du paragraphe 323(5) de la Loi sur la taxe d'accise. Aux paragraphes 227.1(1) et 227.1(4), on lit :

 

227.1(1) Lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu [...] à l'article 153 [...] ou a omis de remettre cette somme [...] les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

 

227.1(4) L'action ou les procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette société.

 

La jurisprudence concernant l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu est pertinente à l'application de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise en raison des similitudes qui existent dans leur libellé et dans l'effet de leurs dispositions. Lorsqu'il examine l'application de l'article 323, le tribunal peut se rapporter aux arrêts rendus au regard de l'article 227.1[2]. Donc, même si la question soulevée dans l'affaire La Reine c. Wellburn; La Reine c. Perri concerne l'application du paragraphe 227.1(4), la décision de la Cour fédérale, Section de première instance, dans cette cause est pertinente pour déterminer l'application du paragraphe 323(5).

 

Les faits dans l'affaire La Reine c. Wellburn; La Reine c. Perri sont remarquablement similaires aux faits établis ci-dessus. Les défendeurs dans cette cause (soit MM. Wellburn et Perri) étaient les uniques administrateurs et dirigeants de Olympic Hotels Ltd., société constituée en vertu de la Company Act (Colombie-Britannique). Toutes les actions émises et en circulation de Olympic Hotels Ltd. étaient détenues indirectement par les défendeurs par l'entremise de leurs sociétés de portefeuille respectives.

 

La société exploitait un hôtel, mais elle a fini par connaître des difficultés financières et n'a pas versé certains montants qu'elle avait déduits en octobre 1984 de la rémunération de ses employés, en violation de l'alinéa 153(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Un séquestre-gérant, nommé par la Cour suprême de la Colombie-Britannique le 28 novembre 1984, a été chargé de gérer les biens et les affaires de la société. La société a fait l'objet d'une cotisation émise par le ministre du Revenu national le 20 février 1985 à l'égard de son défaut de verser les retenues qu'elle avait faites en octobre 1984.

 

Le 25 février 1985, les défendeurs ont tous deux signé une note adressée à Olympic Hotels Ltd. où ils prétendaient démissionner en tant qu'administrateurs et dirigeants de la société.

 

Le 24 mars 1987, le ministre du Revenu national a émis un avis de cotisation à l'encontre de chacun des défendeurs à titre d'administrateurs de Olympic Hotels Ltd. conformément au paragraphe 227(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'avis de cotisation était au montant de 16 089 $, ce qui représentait la somme des retenues à la source non versées et des intérêts et pénalités.

 

Malgré les oppositions des défendeurs aux avis de cotisation, les cotisations ont été ratifiées en juillet 1988. Toutefois, la Cour canadienne de l'impôt a fini par admettre l'appel des défendeurs. Le ministre du Revenu national a interjeté appel à la Cour fédérale, Section de première instance, par voie de nouveaux procès.

 

Les défendeurs soutenaient notamment que les avis de cotisation étaient invalides en vertu du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'ils avaient été émis plus de deux ans après leur démission à titre d'administrateurs de Olympic Hotels Ltd.

 

La question a été résumée de façon succincte par le juge MacKay à la page 12 (D.T.C. : à la p. 5422) comme suit :

 

Si les défendeurs ont effectivement démissionné de leur poste d'administrateurs par leur note de service du 25 février 1985, et si cette démission a pris effet plus de deux ans avant que les cotisations ne soient établies le 24 mars 1987, les défendeurs ont le droit de bénéficier du délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 227.1(4).

 

Au procès, les deux défendeurs ont témoigné que M. Wellburn avait préparé la note concernant leurs démissions qu'ils ont tous deux signée.

 

Monsieur Wellburn a témoigné qu'il avait livré la note au siège social de la société, c'est-à-dire au cabinet de l'avocat de la société, et qu'il l'avait laissée à la secrétaire ou à la réceptionniste pour qu'elle la verse au dossier de la société. Monsieur Perri ne pouvait corroborer le témoignage de M. Wellburn à cet égard, puisqu'il ne l'avait pas accompagné au siège social de la société. D'ailleurs, M. Wellburn a été incapable de dire avec certitude l'heure à laquelle il avait livré la note le 25 février 1985.

 

Quand M. Wellburn a livré la note au siège social de la société, il n'a pas demandé à voir l'avocat à ce sujet ou demandé que la chose soit portée à son attention. Monsieur Wellburn a témoigné « qu'il ne considérait pas ce document comme très important; que ce document avait été signé uniquement pour apaiser M. Perri, qui était contrarié, que cela ne changeait rien aux démarches qu'ils faisaient pour essayer de sauver la compagnie ou pour en vendre l'actif, et qu'il ne voulait pas engager d'honoraires d'avocat ». À ce sujet, le juge MacKay s'est dit étonné que M. Wellburn, un expert-comptable, « ait accordé moins d'importance aux formalités juridiques de sa propre compagnie qu'il n'aurait pu en accorder sur le plan professionnel pour quelqu'un d'autre ».

 

Par la suite, ni M. Wellburn, ni M. Perri n'a évoqué la note de démission jusqu'en 1987, quand ils l'ont mentionnée dans leurs avis d'opposition respectifs. En fait, M. Wellburn a témoigné qu'il considérait la note comme si insignifiante qu'il l'avait oubliée jusqu'au moment où leur avocat préparait leurs avis d'opposition respectifs. C'est alors que M. Perri s'est souvenu qu'ils avaient signé une note de démission et qu'elle avait été livrée par M. Wellburn au siège social de la société. Par conséquent, les défendeurs ont demandé à l'avocat de la société d'examiner les dossiers de celle-ci, et la note a été retrouvée dans le registre des procès-verbaux de la société.

 

D'après les dispositions de l'article 154 de la Company Act (Colombie-Britannique), le juge MacKay a fait remarquer que la question de la responsabilité des défendeurs en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu dépendait entièrement de la décision relative au moment où la note de démission a été livrée au siège social de la société.

 

Pour leur part, les avocats du ministre du Revenu national ont soutenu qu'il n'y avait aucune preuve crédible permettant à la Cour de conclure que la note avait été livrée au siège social de la société plus de deux ans avant la date à laquelle les avis de cotisation avaient été émis en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les avocats ont fondé leur argument sur le fait qu'il n'y avait aucune preuve corroborante du moment où la note avait été livrée par M. Wellburn au siège social de la société et sur la preuve selon laquelle les défendeurs avaient continué d'agir en tant qu'administrateurs de la société. La preuve indiquait également que le registre des administrateurs de la société n'avait pas été mis à jour pour noter la date de la démission des défendeurs et qu'un avis de la démission des défendeurs n'avait pas été remis selon la formule prescrite au registraire des sociétés comme l'exige le paragraphe 156(1) de la Company Act (Colombie-Britannique). Cette omission confirmait le témoignage de l'avocat de la société, qui affirmait ne pas avoir été au courant en février ou mars 1985 des démissions des défendeurs ou du fait que la note de démission avait été laissée à son bureau. En fait, l'avocat de la société a témoigné qu'il ne se souvenait pas d'avoir vu la note de démission au moment où elle avait été supposément livrée à son bureau par M. Wellburn, même si elle aurait normalement dû être portée à son attention dans le cadre des procédures établies à son cabinet. Néanmoins, l'avocat ne pouvait déclarer que les membres de son personnel responsables des procédures normales du bureau n'avaient jamais commis d'erreur.

 

Dans ses motifs du jugement, le juge MacKay indique que la preuve à l'égard de la livraison par M. Wellburn de la note de démission au siège social de la société est insatisfaisante. Néanmoins, il conclut que la note avait en fait été livrée au siège social de la société par M. Wellburn dans les quelques jours de la signature de ce document, le 25 février 1985, et que la livraison est conforme au paragraphe 154(2) de la Company Act (Colombie-Britannique). Par conséquent, il a statué que les défendeurs avaient cessé d'être administrateurs de la société plus de deux ans avant l'établissement de la cotisation à leur égard en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le 24 mars 1987.

 

Pour en arriver à sa décision, le juge MacKay mentionne explicitement les exigences que la Company Act (Colombie-Britannique) impose à une société relativement au dépôt d'un avis dans la forme prescrite au registraire des sociétés dans les quatorze jours suivant la démission d'un administrateur, au maintien d'un registre des administrateurs et à l'inscription dans celui-ci de la date à laquelle un administrateur cesse d'exercer ses fonctions. En ce qui concerne ces exigences et d'autres en vertu de la Company Act (Colombie-Britannique), le juge MacKay fait la déclaration suivante à la page 22 (D.T.C. : à la p. 5425) :

 

À mon avis, ces dispositions [...] traitent des conséquences du défaut des compagnies de signaler régulièrement la démission d'un administrateur dans leurs registres et au registraire provincial. Rien ne permet de penser que les démissions aient été signalées dans les registres de la compagnie ou que la chose ait été portée à l'attention du registraire provincial. Néanmoins, la fin du mandat de l'administrateur qui donne sa démission est fixée par le paragraphe 154(2), et cette date correspond en l'espèce à celle à laquelle la démission écrite signée par les défendeurs a été remise au siège social de la compagnie. À mon avis, cette disposition donne effet à la démission, et d'autres dispositions de la Loi, que Sa Majesté a citées, traitent des conséquences découlant du défaut de signaler une démission, compte tenu de la nécessité qu'il y ait un ou plusieurs administrateurs.

 

En conséquence, je conclus que l'appel interjeté par Sa Majesté est rejeté.

 

[11]    L'appelant a ensuite évoqué une lettre du 24 novembre 1998 de McCarthy Tétrault au même agent des appels concernant l'allégation de Revenu Canada que l'appelant était un administrateur de facto, accompagnée d'observations sur d'autres questions. Cette lettre, intégrée par l'appelant à ses observations, est entièrement reproduite ici.

 

[TRADUCTION]

 

Nous vous écrivons en réponse à votre lettre du 19 novembre 1998 où plusieurs questions spécifiques sont soulevées. Nos réponses à chacune de ces questions figurent ci-dessous.

 


ADMINISTRATEUR DE FACTO

 

Votre lettre allègue que Andrew Netupsky a continué à s'acquitter de « fonctions de direction » après sa démission comme administrateur de No. 2 Corporate Ventures Ltd. (la « société ») le 14 décembre 1995. Il est donc allégué par Revenu Canada qu'il a continué d'être un administrateur de la société au sens de la Company Act, R.S.B.C. 1979, ch. 59 (la « Company Act ») et au sens du paragraphe 323(4) de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (Canada).

 

L'affirmation de Revenu Canada selon laquelle Andrew Netupsky a continué d'être un administrateur de la société après le 14 décembre 1995 est fondée sur la définition du terme « administrateur » au paragraphe 1(1) de la Company Act, où il est dit que ce terme « comprend toute personne, quel que soit le nom sous lequel elle est désignée, qui remplit les fonctions d'un administrateur ».

 

Bien que ce ne soit pas clairement exprimé dans la lettre, Revenu Canada semble se fonder sur cette définition élargie du mot « administrateur » qui figure dans la Company Act pour appuyer sa thèse qu'une personne qui n'a pas été nommée comme administrateur d'une société dans les formes en vertu de la loi sur les sociétés applicable ou qui a depuis démissionné de cette fonction (donc, une personne qui n'est pas un administrateur de jure d'une société) peut néanmoins être un administrateur de cette société si elle s'acquitte des fonctions d'un administrateur de celle-ci (c'est-à-dire un administrateur de facto de la société).

 

Puisque votre lettre ne précise pas la nature des « fonctions de direction » qu'Andrew Netupsky est censé avoir assumées après le 14 décembre 1995, il est seulement possible de répondre à l'assertion de Revenu Canada de manière abstraite.

 

Il existe essentiellement deux réponses à la question soulevée par Revenu Canada. D'abord, Andrew Netupsky nie explicitement avoir assumé des fonctions quelconques liées à la société après le 14 décembre 1995. Toutefois, même s'il l'avait fait, cela aurait été à titre d'unique actionnaire de la société et non comme administrateur.

 

Vous vous souvenez sans doute que Revenu Canada avait affirmé que les appelants dans l'affaire La Reine c. Wellburn; La Reine c. Perri, C.F. 1re inst., n° T‑820‑90, 21 juin 1995, 95 D.T.C. 5417 avaient exercé certaines activités comme s'ils continuaient d'être administrateurs et donc qu'ils continuaient d'être administrateurs de la société conformément à la définition du terme « administrateur » au paragraphe 1(1) de la Company Act. Toutefois, cet argument a été rejeté par le juge MacKay parce que les actions des appelants étaient prises ou auraient pu être prises à titre d'actionnaires plutôt que d'administrateurs de la société.

 

Ensuite, aucune jurisprudence n'a été citée par Revenu Canada à l'appui de son assertion qu'une personne qui n'est pas un administrateur de jure d'une société mais seulement un administrateur de facto de celle-ci peut être responsable à titre d'administrateur en vertu du paragraphe 323(4) de la Loi sur la taxe d'accise ou du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada). Au contraire, la décision du juge O'Connor de la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Wheeliker c. La Reine, C.C.I., n° 96‑1467(IT)G, 3 octobre 1997, 98 D.T.C. 1110 (une copie des motifs du jugement est ci-jointe) soutient la proposition qu'une personne qui n'a pas été un administrateur de jure d'une société pendant au moins deux ans ne peut, par la suite, être soumise à une cotisation en vertu du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (et par extension, en vertu du paragraphe 323(4) de la Loi sur la taxe d'accise), même si elle a ensuite agi à titre d'administrateur de facto de la société.

 

L'affaire Wheeliker c. La Reine portait sur une cotisation émise par Revenu Canada en vertu du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'endroit de six appelants qui étaient les administrateurs apparents d'une société constituée en vertu de la loi intitulée Companies Act (Loi sur les sociétés) de la Nouvelle-Écosse.

 

La nomination des appelants en tant qu'administrateurs de la société était déficiente en vertu de la loi sur les sociétés applicable. Le juge O'Connor de la Cour canadienne de l'impôt a donc décidé que les appelants n'étaient pas des administrateurs de jure de la société. Néanmoins, Revenu Canada soutenait que puisque chacun des appelants agissait à titre d'administrateur de la société et s'acquittait des fonctions d'un administrateur, ils étaient soumis à la responsabilité en vertu du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu parce qu'ils étaient des administrateurs de facto de cette société. À cet égard, Revenu Canada invoquait l'alinéa 2(l)f) de la Companies Act, qui définit le terme « administrateur » comme comprenant « toute personne qui occupe la position d'administrateur, quelle qu'en soit la désignation ».

 

Le juge O'Connor de la Cour canadienne de l'impôt a convenu avec Revenu Canada que chacun des appelants était un administrateur de facto de la société. La preuve a indiqué que chaque appelant était identifié, avec son consentement, comme étant un administrateur de la société et participait régulièrement aux réunions (décrites dans les procès-verbaux comme des réunions des administrateurs) pendant lesquelles les affaires de la société étaient menées par eux d'une façon compatible avec l'exercice des responsabilités d'administrateurs. En outre, chaque appelant était publiquement identifié comme administrateur de la société dans les déclarations annuelles de celle-ci. Pourtant, le juge O'Connor de la Cour canadienne de l'impôt a décidé que les appelants n'étaient pas responsables en vertu du paragraphe 227.1(4) même s'ils étaient manifestement des administrateurs de facto de la société.

 

L'ARTICLE 158 DE LA COMPANY ACT

 

L'article 158 de la Company Act porte que « nul ne peut être [...] président d'une société s'il n'est pas administrateur de celle-ci ».

 

L'article 158 établit une condition qui doit être remplie pour qu'une personne puisse s'acquitter de la fonction de président d'une société. Si cette condition n'est pas remplie relativement à une personne quelconque, celle-ci ne peut remplir ou continuer de remplir la fonction de président.

 

Quoique l'article 158 peut être pertinent à la question de savoir si Andrew Netupsky pouvait continuer d'être président de la société après sa démission comme administrateur de celle-ci, il n'a aucune pertinence sur la validité de sa démission à titre d'administrateur de la société.

 

Le libellé de l'article 158 n'appuie aucunement l'assertion que la validité de la démission d'Andrew Netupsky comme administrateur de la société dépendrait de sa démission concomitante comme président. Quoi qu'il en soit, la question n'est pas pertinente parce qu'Andrew Netupsky a en fait démissionné de ses fonctions de président de la société le 14 décembre 1995 en livrant un avis de cette démission (dont une copie est ci-jointe) au siège social de la société en même temps que son avis de démission en tant qu'administrateur de la société.

 

LE REGISTRE DES ADMINISTRATEURS DE LA SOCIÉTÉ

 

Votre lettre indique que le 19 mars 1997, un agent de perception s'est rendu au siège social de la société pour inspecter le registre des administrateurs de celle-ci et qu'il ou qu'elle n'y a trouvé aucune indication d'une démission.

 

Comme l'indique notre lettre du 28 octobre 1998 et pour les motifs exprimés dans la décision du juge MacKay dans l'affaire La Reine c. Wellburn; La Reine c. Perri, la validité de la démission d'un administrateur n'est pas amoindrie par l'omission de la société de mettre à jour son registre des administrateurs pour tenir compte de cette démission. La validité de la démission d'un administrateur dépend entièrement de sa conformité avec les conditions établies au paragraphe 154(2) de la Company Act, c'est-à-dire que la démission doit être par écrit et livrée au siège social de la société.

 

Il est donc sans pertinence de savoir si l'agent de perception a trouvé ou non une indication de la démission d'Andrew Netupsky dans le registre des administrateurs de la société. La démission d'Andrew Netupsky comme administrateur de la société entrait en vigueur le 14 décembre 1995, quand il a satisfait aux dispositions du paragraphe 154(2), et le résultat juridique qui en découle n'est pas diminué par le défaut de la société de consigner la démission au registre des administrateurs.

 

DÉPÔT DE L'AVIS DE DÉMISSION AU REGISTRAIRE

 

Votre lettre indique qu'une recherche effectuée le 26 septembre 1997 aurait montré qu'Andrew Netupsky était l'administrateur, le président et le secrétaire de la société à ce moment-là. L'inférence est que sa démission n'était pas valide parce que la société n'avait pas remis l'avis approprié au registraire des sociétés comme l'exige la Company Act.

 

Nous avons déjà traité de cette question en détail dans notre lettre du 28 octobre 1998. Comme nous l'avons déjà dit, la démission d'Andrew Netupsky comme administrateur de la société entrait en vigueur le 14 décembre 1995, quand il a satisfait aux dispositions du paragraphe 154(2); la question de savoir si la société a remis ou non l'avis approprié au registraire n'a aucune pertinence.

 

AUTRES OBSERVATIONS

 

Vous indiquez dans votre lettre que la « suggestion de la démission » d'Andrew Netupsky le 14 décembre 1995 est de date récente, mais vous reconnaissez qu'il a dit, lors d'une entrevue avec Revenu Canada le 6 novembre 1996, et de nouveau le 28 janvier 1997, qu'il avait démissionné en avril 1995. Nous présumons donc que la préoccupation réelle de Revenu Canada porte sur cette supposée contradiction.

 

L'inférence défavorable apparemment tirée par Revenu Canada de cette supposée contradiction est mal fondée. Il n'est pas du tout surprenant qu'Andrew Netupsky ne pouvait se souvenir exactement de la date ou même du mois de sa démission au regard du fait qu'il n'a pas examiné le registre des procès-verbaux de la société pendant l'entrevue et n'avait donc pas eu l'occasion de se rafraîchir la mémoire relativement à la date réelle de sa démission. En outre, il n'avait pas d'avocat présent pendant l'entrevue et n'a donc pas été conseillé sur cette question. En ces circonstances, toute contradiction du genre de celle décrite ci-dessus est entièrement dénuée d'importance.

 

Revenu Canada semble également avoir tiré une inférence défavorable du fait allégué qu'aucun « moyen de défense fondé sur la démission » n'avait été soulevé par Andrew Netupsky pendant l'entrevue du 16 avril 1997 avec Revenu Canada. Toutefois, il existe au moins trois explications pour le défaut de soulever le moyen de défense de la démission.

 

Premièrement, Andrew Netupsky n'avait pas été avisé par son avocat, George Davis, au sujet de l'application possible du paragraphe 323(5) de la Loi sur la taxe d'accise comme moyen de défense à la cotisation proposée. Maître Davis n'exerce pas dans le domaine fiscal et n'était donc aucunement en mesure de l'aviser à l'égard du paragraphe 323(5).

 

Deuxièmement, la démission d'Andrew Netupsky n'était entrée en vigueur que le 14 décembre 1995. Par conséquent, aucun moyen de défense fondé sur la démission ne s'appliquait au moment de l'entrevue du 16 avril 1997. En outre, le moyen de défense de la démission ne se serait pas forcément appliqué au moment de l'entrevue, même s'il avait effectivement démissionné en avril 1995.

 

Troisièmement, même si le moyen de défense de la démission s'appliquait à Andrew Netupsky lors de l'entrevue du 16 avril 1997, il n'était pas tenu de l'invoquer à ce moment-là. La Loi sur la taxe d'accise décrit la procédure à suivre pour porter en appel une cotisation établie en vertu du paragraphe 323(4), et en vertu de cette procédure, M. Netupsky a le droit de soulever tout moyen de défense pertinent dans son avis d'opposition, même si le moyen de défense n'avait pas été soulevé précédemment.

 

CONCLUSION

 

Nous espérons que la discussion contenue dans les présentes a répondu de façon satisfaisante aux questions soulevées par Revenu Canada, et nous espérons que l'appel interjeté par Andrew Netupsky sera confirmé. Toutefois, si vous n'êtes pas en mesure de confirmer l'appel d'Andrew Netupsky en vous fondant sur nos observations à ce jour, nous demandons par la présente de vous rencontrer, ainsi que votre supérieur, afin de répondre à toute autre préoccupation que vous pourriez avoir.

 

[12]    L'appelant a ensuite produit une troisième lettre de McCarthy Tétrault au même agent des appels, qui est également reproduite intégralement dans ses observations.

 

[TRADUCTION]

 

Nous vous écrivons à votre demande afin de discuter des répercussions de l'arrêt récent de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire R. c. Wheeliker (inédite) [sub nom. Canada c. Corsano, [1999] 3 C.F. 173].

 

Nous vous écrivons également pour demander une mise à jour de la position de Revenu Canada relativement à cet appel et pour obtenir une copie de toute information supplémentaire que Revenu Canada a obtenue relativement à cet appel qui ne nous a pas encore été fournie. Ed Kroft ou moi-même communiquerons sous peu avec vous pour faire suite à ces demandes. Nous profitons également de cette occasion pour confirmer que le registre des procès-verbaux de No. 2 Corporate Ventures Ltd. ne nous a pas encore été retourné.

 

CONTEXTE

 

L'affaire Canada c. Wheeliker met en jeu l'établissement d'une cotisation à l'égard des administrateurs d'une société en vertu du paragraphe 227.1 (1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada).

 

Cette société, Louisbourg Harbourfront Park Ltd., a été constituée en 1980 en vertu de la loi intitulée Companies Act (Loi sur les sociétés) de la Nouvelle-Écosse. Les statuts constitutifs de Louisbourg Harbourfront Park Ltd. (la « société ») exigeaient que chaque administrateur détienne au moins une action. Même si chaque défendeur avait supposément été nommé administrateur de la société et agissait à ce titre, aucun n'était propriétaire d'une action comme l'exigeaient les statuts.

 

De janvier 1992 à octobre 1993, la société a omis de verser au receveur général l'impôt fédéral sur le revenu retenu des salaires versés à ses employés. Les défendeurs ont fait l'objet d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national pour les retenues à la source non remises pendant cette période, conformément au paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

LA DÉCISION DE LA COUR

 

Étant donné que la Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas le terme « administrateur », il faut se pencher sur le sens ordinaire de celui-ci.

 

La Cour a décidé qu'en vertu de la Companies Act, le terme « administrateur » ne comprend pas les personnes qui ne répondent pas aux exigences de cette loi. Par conséquent, les défendeurs n'étaient pas des administrateurs aux fins de la Companies Act, puisqu'ils ne répondaient pas à l'exigence de détenir au moins une action de la société.

 

Toutefois, la Cour a accueilli l'appel du ministre en fonction du principe de common law selon lequel « une personne qui n'a pas satisfait aux critères d'éligibilité [pour être dûment nommé administrateur d'une société] ne peut se fonder sur ce fait pour échapper aux responsabilités de la charge d'administrateur » [par. 61]. Ce principe a évolué du besoin de « protéger les tiers ayant traité avec des personnes agissant comme administrateurs [...] alors qu'elles n'étaient pas éligibles et donc n'avaient aucun statut » [par. 60].

 

INCIDENCES DE LA DÉCISION DE LA COUR

 

La décision de la Cour dans l'affaire R. c. Wheeliker n'a absolument aucune pertinence à l'égard de l'appel d'Andrew Netupsky. La décision de la Cour est fondée sur les faits particuliers à cette affaire. Ces faits se distinguent clairement de ceux du présent appel.

 

Premièrement, les défendeurs dans l'affaire R. c. Wheeliker se faisaient passer pour des administrateurs de Louisbourg Harbourfront Park Ltd. quand ils agissaient au nom de cette société, malgré le fait qu'ils avaient omis de satisfaire aux exigences de la société pour être administrateurs. Andrew Netupsky, par contre, avait été dûment nommé administrateur de No. 2 Corporate Ventures Ltd. et avait agi en conséquence pendant tout son mandat, mais il a dûment démissionné de cette fonction le 6 décembre 1995. Alors que Louisbourg Harbourfront Park Ltd. exploitait ses activités normales pendant toute la période pertinente au cours de laquelle les défendeurs se faisaient passer pour des administrateurs, No. 2 Corporate Ventures Ltd avait aliéné tous ses biens et cessé ses activités avant la démission d'Andrew Netupsky en décembre 1995. Par conséquent, sauf en ce qui concerne les créanciers existants de la société, aucun tiers ne traitait avec la société ou n'était touché par celle-ci après sa démission. Le principe qui fonde l'arrêt de la Cour dans l'affaire R. c. Wheeliker n'existe donc pas dans le présent appel.

 

En outre, à aucun moment après sa démission Andrew Netupsky ne s'est-il fait passer pour un administrateur de No. 2 Corporate Ventures Ltd. Au contraire, il a explicitement informé les personnes qui étaient touchées par No. 2 Corporate Ventures Ltd. qu'il n'était plus administrateur. À titre d'exemple, nous joignons une copie d'une lettre écrite par Andrew Netupsky peu après sa démission pour informer M. Mike Cepin, de la Banque Hongkong du Canada, de sa démission en décembre 1995. Cette lettre confirme non seulement le fait qu'Andrew Netupsky avait effectivement démissionné en décembre 1995, mais également le fait qu'il avait informé les intéressés de sa démission afin d'éviter de se faire passer pour un administrateur de No. 2 Corporate Ventures Ltd. après décembre 1995.

 

Nous espérons que ce qui précède clarifie notre position selon laquelle l'arrêt de la Cour dans l'affaire R. c. Wheeliker n'a aucune pertinence à l'égard de l'appel d'Andrew Netupsky. Toutefois, nous serions ravis de discuter plus longuement de cette question avec vous si vous avez des questions particulières relativement aux répercussions de l'arrêt de la Cour par rapport à la ligne de conduite de notre client après sa démission en décembre 1995.

 

Veuillez agréer l'expression de nos sentiments les meilleurs.

 

 

McCARTHY TÉTRAULT

 

 

Thomas D. Ciz

 

p.j.

cc :       Andrew Netupsky

            Ed Kroft

 

[13]    La lettre de l'appelant à M. Mike Cepin en date du 19 février 1996 qui est mentionnée ci-dessus contient notamment le passage suivant :

 


[TRADUCTION]

 

[…]

 

2. Au sujet de #2 Corporate Ventures :

 

- Le projet et la société sont terminés.

- Paul Tse a démissionné à titre de dirigeant en 1995.

- J'ai démissionné à titre d'administrateur et de dirigeant en décembre 1995.

 

[14]    Pour terminer, l'appelant a dit que la question de son titre n'avait jamais été évoquée pendant ses discussions avec le vérificateur de Revenu Canada. Il a dit qu'il avait démissionné comme administrateur. Il a également dit qu'ils lui parlaient à titre d'actionnaire ou de membre, mais non comme administrateur parce qu'il n'y avait rien à administrer.

 

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE

 

[15]    L'avocate de l'intimée a dit que la démission de l'appelant le 14 décembre 1995 n'était pas valide parce que l'article 108 de la Company Act porte que :

 

[TRADUCTION]

 

Toute société doit avoir au moins un administrateur [...]

 

L'avocate a affirmé que l'unique administrateur d'une société ne pouvait « démissionner de façon valide ». Elle a mentionné l'affaire Zwierschke c. Ministre du Revenu national, C.C.I., n° 89‑1633(IT), 22 novembre 1991, [1991] 2 C.T.C. 2783. Dans cette affaire, notre cour a décidé que la démission du contribuable à titre d'administrateur était invalide. La démission adressée à la société et signée par l'appelant disait notamment :

 

[TRADUCTION]

 

Je donne par la présente ma démission du poste de président de la société, cette démission devant entrer en vigueur immédiatement.

 

Le libellé du paragraphe 119(2) de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) à l'époque était le suivant :

 

Nul administrateur désigné aux statuts ne peut résigner ses fonctions, sauf si à l'époque où sa démission prend effet, un successeur lui est nommé ou est élu.

 

L'avocate a affirmé qu'il était manifeste qu'une société doit avoir un administrateur et a conclu ses observations à ce sujet en affirmant que le dernier en place « ne peut abandonner le navire ».

 

L'avocate a ensuite affirmé que si l'appelant n'était pas administrateur de jure, il l'était de facto. L'avocate a déclaré que l'appelant se faisait passer pour un administrateur puisqu'il figurait comme personne ressource sur l'ordinateur central de la TPS et qu'il était la seule personne pouvant être la société. Elle a dit qu'il n'avait pas modifié l'information concernant son titre d'administrateur, qu'il avait fourni des livres et des dossiers à Revenu Canada, et qu'il avait autorisé le comptable à traiter avec Revenu Canada au sujet de la TPS. L'avocate a mentionné le fait que l'appelant avait signé un document de prêt pour la Banque Hongkong ainsi qu'une cession de dettes pour le compte de Ventures. Elle a dit qu'il avait utilisé l'adresse de sa société comme celle de Ventures et avait reçu de la correspondance pour Ventures. Elle a dit qu'il n'avait pas remis d'avis de démission au registraire des sociétés.

 

[16]    L'avocate a ensuite mentionné l'affaire McDougall c. La Reine, C.C.I., n° 2000‑346(IT)I, 15 novembre 2000, [2001] 1 C.T.C. 2283. En citant la décision de notre cour, elle s'est appuyée sur le paragraphe 15 de cette affaire, qui se lit comme suit :

 

Le 21 janvier 1997, Louise Marischuk, agente de perception pour Revenu Canada à Penticton (C.-B.), a appelé Alec McDougall à Calgary afin de s'informer sur la TPS et les retenues à la source de Columbia. Alec était inscrit aux fins de la TPS à titre d'administrateur de Columbia. Elle a témoigné qu'elle lui avait parlé de la responsabilité des administrateurs et qu'elle lui avait demandé de lui télécopier dans un délai de 7 jours une liste des comptes recevables de Columbia ainsi que les déclarations de TPS non produites et de verser les retenues sur la paie des mois de novembre et décembre. Alec n'a jamais dit à Louise qu'il n'était pas un administrateur de Columbia. Au cours de son témoignage, il a également nié avoir été administrateur de Columbia ou avoir dit à Louise à cette époque qu'il était administrateur de la société.

 

Elle a également présenté le paragraphe 22, qui se lit comme suit :

 

Alec a affirmé qu'il était administrateur de Columbia :

 

1.         à la Banque de Nouvelle-Écosse, le 2 août 1995 (pièce R-3, p. 1 et p. 3, 4 et 5);

 

2.         à Revenu Canada (impôt sur le revenu), le 24 janvier 1997, lorsqu'il a signé la déclaration de revenus T2 de Columbia en date du 31 juillet 1996 (pièce R-4);

 

3.         à Revenu Canada (TPS), le 4 février 1997, lorsqu'il a signé les déclarations de TPS trimestrielles;

 

4.         aussi, lorsqu'il a signé les chèques de Columbia figurant dans la pièce R-6, il n'a pas indiqué son poste chez Columbia sur les chèques, mais toute personne qui se serait informée auprès de la Banque de Nouvelle-Écosse relativement à son poste chez Columbia aurait appris que les dossiers de cette dernière le présentaient comme administrateur de Columbia. Un de ces chèques, daté du 29 janvier 1997, a été émis au nom de Revenu Canada.

 

Et le paragraphe 25, qui se lit comme suit :

 

La preuve révèle que Columbia et Alec ont affirmé que ce dernier était administrateur de Columbia. Alec a fait la même chose après le 1er août 1995 et au moins jusqu'au 4 février 1997. Alec a fourni ce renseignement à Revenu Canada au moyen de sa propre signature. Les employés et les administrateurs de la société ont aussi signé des documents en ce sens, y compris l'inscription de Columbia aux fins de la TPS signée par Casey Rea le 7 septembre 1994 (pièce R‑2). La Banque de Nouvelle-Écosse et Revenu Canada se sont tous les deux fiés à ces déclarations.

 

L'avocate, au paragraphe 26, a ensuite renvoyé à l'affaire Wheeliker c. La Reine et cite le juge Létourneau, qui a dit :

 

Ici, en utilisant le terme « administrateurs » sans restrictions au paragraphe 227.1(1), le législateur a voulu qu'il recouvre tous les genres d'administrateurs reconnus en droit des sociétés, notamment les administrateurs de droit et de fait.

 

Ensuite, l'avocate a lu le paragraphe 28 du jugement de notre cour, comme suit :

 

De plus, Columbia s'est inscrite pour l'application de la LTA en présentant Alec comme administrateur. Alec a rempli les formulaires de la LTA à titre d'administrateur de Columbia, il a signé les deux chèques de Columbia tirés sur la Banque de Nouvelle-Écosse et il a omis de retirer l'inscription de son nom à titre d'administrateur dans les documents produits par Columbia pour l'application de la LTA après que Louise Marischuk lui a initialement fait remarquer, le 21 janvier 1997, qu'il était inscrit à titre d'administrateur de Columbia.

 

La Cour a conclu dans l'affaire McDougall c. La Reine que l'appelant était un administrateur de facto.

 

ANALYSE ET CONCLUSION

 

[17]    Le libellé de l'article 108 de la Company Act est le suivant :

 

[TRADUCTION]

 

Toute société doit avoir au moins un administrateur […]

 

Ce libellé est très différent de celui du paragraphe 119(2) de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) mentionné dans l'affaire Zwierschke c. Ministre du Revenu national, qui se lit comme suit :

 

Nul administrateur désigné aux statuts ne peut résigner ses fonctions, sauf si à l'époque où sa démission prend effet, un successeur lui est nommé ou est élu.

 

Les faits indiquaient que l'appelant était désigné dans les statuts constitutifs de la société comme son premier administrateur. Notons que cet article utilise le mot « statuts ». Rien ne permet de penser qu'il en était de même en l'espèce. En fait, l'appelant a témoigné que la société était une société en veilleuse. L'acte constitutif de Ventures, daté du 28 mars 1988, nomme Me Philip J. Jones comme l'unique actionnaire, titulaire d'une action ordinaire. Maître Philip Jones est également le seul signataire des statuts constitutifs, dont l'article 12.2 se lit en partie comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Les souscripteurs de l'acte constitutif sont les premiers administrateurs.

 

Il semble que ceci tienne compte du libellé de l'article 108 puisque l'article 12.2 porte que le nombre d'administrateurs peut être modifié de temps à autre :

 

[TRADUCTION]

 

[...] mais ne doit jamais être inférieur à un quand la société n'est pas une société déclarante et à trois quand la société est une société déclarante.

 

[18]    À mon avis, la décision de notre cour dans l'affaire Zwierschke ne s'applique pas en l'instance. En outre, je ne puis souscrire à la théorie que l'article 108 signifie qu'un administrateur unique ne peut démissionner. J'ai proposé à l'avocate de l'intimée une situation où neuf administrateurs se dépêchent à démissionner et où le neuvième, étant handicapé, serait le dernier à le faire; lorsque je lui ai demandé si le neuvième administrateur serait incapable de démissionner, elle m'a répondu par l'affirmative, suggérant qu'il serait « mal pris ».

 

Il me semble que les termes [TRADUCTION] « Toute société doit avoir au moins un administrateur » doivent être interprétés comme signifiant qu'une société ne peut exister de façon valide sans avoir au moins un administrateur. Si le législateur en Colombie-Britannique avait voulu utiliser le genre de libellé qui se trouve dans l'affaire Zwierschke, on suppose qu'il aurait pu le faire.

 

[19]    L'affaire Zwierschke porte sur le paragraphe 119(2) de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario), L.R.O. 1990, ch. B.16 (« LSAO »). L'article 119 de la LSAO mentionne les premiers administrateurs, ceux qui sont nommés dans les statuts. Le paragraphe 119(2) énonce :

 

Jusqu'à la première assemblée des actionnaires, la démission d'un administrateur désigné dans les statuts ne prend effet que si, au moment où sa démission doit prendre effet, un successeur a été élu ou nommé. 1994, chap. 27, par. 71 (13).

 

[20]    Dans l'ouvrage The Law and Practice of Canadian Business Corporations (Markham (Ontario), Butterworths, 1999), K.P. McGuinness interprète, à la page 663, le paragraphe 119(2) de la LSAO comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

8.66 Le paragraphe 119(2) de la LSAO porte qu'aucun administrateur désigné dans les statuts ne peut démissionner sauf si, au moment où la démission doit prendre effet, un successeur a été élu ou nommé. L'interdiction de démissionner ne s'applique pas aux administrateurs élus ou nommés après que la société a été organisée, mais le libellé de la disposition est tel qu'il est au moins possible d'affirmer qu'un premier administrateur nommé dans les statuts qui reste en fonction après l'organisation ne peut non plus démissionner tant qu'un successeur n'a pas été nommé ou élu. De temps à autre, le ministère de la Consommation et du Commerce a envisagé d'élargir la portée de l'article pour interdire toute démission d'un administrateur si l'effet serait de réduire le nombre d'administrateurs restants à un nombre inférieur au quorum, mais aucune modification n'a été apportée à la loi à ce jour. Compte tenu de l'ampleur des fonctions dont doivent s'acquitter les administrateurs et leur responsabilité possible à l'égard de ces fonctions, tout changement serait indésirable, car il empêcherait un administrateur mécontent de la façon dont la société mène ses affaires de prendre la seule mesure qui soit effectivement à sa disposition pour se protéger. On ne voit pas non plus pourquoi une personne devrait être tenue de continuer d'agir à titre d'administrateur quand elle ne reçoit aucune rémunération pour ce faire. Il n'existe aucune disposition équivalente au paragraphe 119(2) dans la LCSA, ni dans les lois sur les sociétés par actions de certaines des autres provinces. Dans l'affaire Brown v. Shearer, la Cour d'appel du Manitoba a affirmé qu'il n'y avait pas de restriction implicite aux démissions des administrateurs en vertu de la LCSA.

 

(Je souligne.)

 

[21]    Dans l'affaire Brown v. Shearer, [1995] 6 W.W.R. 68, 102 Man. R. (2d) 76, le juge Huband a dit :

 

[TRADUCTION]

 

Le paragraphe 108(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions porte que le mandat d'un administrateur prend fin en raison de son décès ou de sa démission, et le paragraphe 108(2) porte que la démission d'un administrateur prend effet à la date de son envoi par écrit à la société, ou à la date postérieure qui y est indiquée. Aucune disposition de la Loi n'a pour effet de limiter le droit d'un administrateur de démissionner. (Ce n'est pas le cas dans la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, par exemple, qui porte qu'un administrateur ne peut démissionner tant qu'un successeur n'est pas disponible.)

 

L'avocat du demandeur, M. Brown, affirme qu'il est impossible de penser qu'une société pourrait continuer de fonctionner sans administrateur, mais le paragraphe 111(2) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions envisage cette situation. Il porte que les administrateurs en fonction doivent convoquer une assemblée extraordinaire en vue de combler les vacances résultant de l'absence de quorum ou du défaut d'élire le nombre fixe ou minimal d'administrateurs prévu par les statuts; s'ils négligent de le faire ou s'il n'y a aucun administrateur en fonction, tout actionnaire peut convoquer cette assemblée.

 

Sauf dans le cas d'une restriction légale, aucune jurisprudence ou doctrine n'a été citée à l'appui de l'affirmation qu'un administrateur d'une société puisse être tenu de continuer à occuper son poste contre son gré après avoir remis sa démission.

 

[22]    D'après ces extraits, on peut dire que le paragraphe 119(2) de la LSAO n'empêche pas l'appelant de démissionner, et la politique à l'appui est que les administrateurs devraient bénéficier de la protection de pouvoir démissionner compte tenu de la responsabilité potentielle qu'ils peuvent assumer. Cette politique peut raisonnablement être appliquée pour justifier également l'interprétation selon laquelle l'article 108 de la Company Act n'empêche pas un administrateur unique de démissionner.

 

[23]    La Company Act de la Colombie-Britannique discute spécifiquement des démissions des administrateurs à l'article 130 (autrefois l'article 154), qui se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

130(1) Le mandat d'un administrateur prend fin à l'expiration de la période pour laquelle il a été nommé conformément aux statuts constitutifs ou lorsque :

 

a) il meurt ou démissionne;

 

b) il est démis de ses fonctions conformément au paragraphe (3);

 

c) il n'est pas habilité en vertu de l'article 114;

 

d) il est démis de ses fonctions conformément à l'acte constitutif ou aux statuts constitutifs.

 

(2) La démission d'un administrateur prend effet à la date de réception de la démission écrite au siège social de la société, ou à la date postérieure qui y est indiquée.

 

(3) Malgré toute disposition de l'acte constitutif ou des statuts constitutifs, une société peut démettre un administrateur de ses fonctions avant l'expiration de son mandat par voie de résolution extraordinaire et peut, par résolution ordinaire, nommer une autre personne à sa place.

 

Aucune disposition de cet article n'indique qu'il est assujetti d'une façon quelconque à l'article 108 de la Company Act. L'indication la plus claire que l'article 108 de la Company Act n'empêche pas un administrateur unique de démissionner se trouve à l'article 131 de cette Loi (autrefois l'article 155) :

 

[TRADUCTION]

 

131(1) En l'absence de disposition contraire aux statuts constitutifs, les administrateurs peuvent combler, pour la durée qu'il reste au mandat, les vacances survenues au sein du conseil d'administration.

 

(2) Si le nombre d'administrateurs est moindre que celui exigé par les statuts constitutifs ou en vertu de ceux-ci pour qu'il y ait quorum, les administrateurs en fonction élisent le nombre d'administrateurs nécessaire pour atteindre le quorum ou convoquent une assemblée extraordinaire; ils ne peuvent exercer aucune autre fonction.

 

(3) S'il n'y a aucun administrateur, les actionnaires détenant une majorité des actions avec droit de vote lors de l'élection des administrateurs peuvent nommer par écrit un administrateur; celui-ci exerce les fonctions des administrateurs en vertu du paragraphe (2).

 

(Je souligne.)

 

Le paragraphe 131(3) de la Company Act envisage explicitement qu'il est possible qu'une société n'ait aucun administrateur. Ce paragraphe est compatible avec l'article 108, puisque ce dernier semble clairement préciser les exigences relatives au nombre d'administrateurs nécessaire pour qu'une société puisse exister de façon valide. Il semble que lorsqu'un administrateur unique démissionne, la société reste au point mort (ne peut fonctionner juridiquement) tant qu'un autre administrateur n'a pas été élu de la façon indiquée au paragraphe 131(3).

 

[24]    En ce qui concerne le deuxième argument selon lequel l'appelant était un administrateur de facto, je ne trouve pas de points communs avec la situation factuelle dans l'affaire McDougall. Monsieur McDougall exerçait apparemment activement ses fonctions d'administrateur. L'appelant en l'espèce n'a fait que répondre aux communications de la Banque Hongkong et de Revenu Canada. Même si l'avocate de l'intimée a insisté sur le fait qu'aucun avis de démission n'avait été remis aux autorités compétentes et qu'aucun avis n'avait été transmis à Revenu Canada, je ne pense pas que ces omissions soient fatales pour la position de l'appelant. En concluant ainsi, j'adopte les arguments contenus dans les observations de McCarthy Tétrault.

 

[25]    Par conséquent, je conclus que l'appelant :

 

(a)      a démissionné de façon valide plus de deux ans avant le 15 janvier 1998, la date de l'avis de cotisation;

 

(b)     n'était à aucun moment un administrateur de facto.

 

L'avis de cotisation est donc invalide en vertu du paragraphe 323(5).

 


[26]    Par conséquent, l'appel est accueilli.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2003.

 

 

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de juin 2004

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1] Le texte intégral de cette lettre et des lettres subséquentes de Revenu Canada à McCarthy Tétrault ont été déposés en preuve.

 

[2]              Voir, par exemple, l'arrêt Drover c. Canada, C.A.F., no A‑331‑97, 13 mai 1998, 98 D.T.C. 6378, [1998] G.S.T.C. 45, au sujet de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise, qui a appliqué l'arrêt Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124, 97 D.T.C. 5407 (C.A.F.), relativement à l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

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