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Dossier : 2001-1265(IT)G

ENTRE :

BERTRAND JOBIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 16 mars 2005, à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Mario Bouchard

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2005CCI431

Date : 20051024

Dossier : 2001-1265(IT)G

ENTRE :

BERTRAND JOBIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Les présents appels, interjetés selon la procédure générale, ont été entendus à Chicoutimi (Québec), le 16 mars 2005. La journée précédant l'audition des présents appels, j'entendais deux séries d'appels de deux autres contribuables mis en cause dans le même stratagème qu'en l'espèce, soit l'émission de remboursements d'impôt frauduleux par deux employés du Centre fiscal de Jonquière, dont Mario Boucher, à certains contribuables. J'ai rendu jugement dans les affaires de chacun de ces contribuables le 14 juin 2005 : l'un d'eux a eu gain de cause (Madeleine Gagnon ès-qualité d'héritière de feu Richard Boucher c. La Reine, 2005CCI311), et l'autre non (Turner c. La Reine, 2005CCI313). D'après l'ensemble de la preuve, je suis d'avis que l'appelant en l'espèce est dans une situation pire que celui dans l'affaire Turner, précitée, et devrait donc voir ses appels également rejetés.

[2]      Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « ministre » ) s'est fondé pour établir les cotisations pour les années en cause sont énoncés au paragraphe 23 de la Réponse à l'avis d'appel :

a.          le dossier origine d'une enquête interne concernant certains employés du Centre fiscal de Jonquière qui avaient mis sur pied un stratagème qui consistait à faire bénéficier à certaines personnes des remboursements d'impôt frauduleux en contrepartie d'une commission fondée sur un pourcentage desdits remboursements;

b.          l'appelant est le beau-frère de Mario Boucher, employé durant environ 15 ans par l'Agence des douanes et du revenu du Canada au Centre fiscal de Jonquière et affecté à l'examen des remboursements;

c.          Mario Boucher avait accès au système informatique de l'Agence des douanes et du revenu du Canada contenant toutes les données fiscales des contribuables canadiens;

d.          avec l'aide de Mario Boucher, l'appelant a bénéficié de remboursements d'impôt auquel [erreur dans l'original] il n'aurait normalement pas droit;

e.          le 8 mai 1995, l'appelant a reçu un remboursement d'impôt au montant de 6 490,25 $;

f.           ce remboursement fait suite à la modification, le 5 mai 1995, de déclarations de revenu de l'appelant pour les années 1992 et 1993 le faisant bénéficier de pertes au titre de placement d'entreprise et de pertes autres que des pertes en capital d'autres années;

g.          le 4 juillet 1995, l'appelant a reçu un remboursement d'impôt au montant de 180,06 $;

h.          ce remboursement fait suite à une modification apportée, ce même jour, à la déclaration d'impôt 1994 de l'appelant ajoutant une perte autre qu'une perte en capital d'autres années;

i.           le 29 janvier 1996, l'appelant a reçu un remboursement d'impôt au montant de 2 121,75 $;

j.           ce remboursement fait suite à une modification apportée, le même jour, à la déclaration d'impôt 1994 de l'appelant ajoutant une déduction de 14 450,00 $ à titre de pension alimentaire;

k.          l'appelant n'a apporté aucun document justifiant son droit à ces pertes ou déductions;

l.           à l'appui des nouvelles cotisations datées du 25 septembre 2000, l'intimée soutient qu'à l'égard des années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu;

m.         la réclamation des pertes et déductions à l'égard des années d'imposition 1992, 1993 et 1994 porte le ministre à croire que l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenus produites pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, ou a participé, consenti ou acquiescé à ce faux énoncé ou cette omission, d'où il résulte que l'impôt qu'il aurait été tenu de payer d'après les renseignements fournis dans les déclarations de revenus déposées pour ces années-là était inférieur au montant d'impôt à payer pour ces années-là.

[3]      Les questions en litige sont résumées ainsi par l'intimée à la page 5 de la réponse à l'avis d'appel :

a.          déterminer si l'appelant est en droit de réclamer dans le calcul de son impôt fédéral, pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, des pertes autres que des pertes en capital pour d'autres années et une déduction pour pension alimentaire versée.

b.          déterminer, le cas échéant, si l'imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'encontre de l'appelant pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, à l'égard de ces pertes et déductions était justifiée.

[4]      J'ajouterais à ces questions celle de l'application du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) invoquée par l'appelant dans son avis d'appel.

[5]      D'entrée de jeux, l'appelant a admis ne pas avoir droit à la déduction pour pension alimentaire. Quant aux allégations de l'appelant au sujet de pertes autres qu'en capital, elles sont peu crédibles, non corroborées, invraisemblables à certains moments et confuses. L'appelant n'a donc pas droit à ces pertes. Eu égard à cette preuve, je suis également d'avis que l'appelant a fait sciemment de faux énoncés dans ses déclarations de revenu et qu'il a participé, consenti et acquiescé à ces faux énoncés, ce qui justifie la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi et justifie encore davantage l'application du paragraphe 152(4) en faveur de l'intimée.

[6]      En résumé, voici les éléments ayant influencé la crédibilité de l'appelant en général :

a.        il a une mémoire très sélective, mais surtout très floue. Bien qu'il n'ait pas été capable de se souvenir de faits importants, il a pourtant insisté pour dire qu'il se souvenait très bien d'un ou de deux points favorables à sa cause[1];

b.        il a omis d'appeler à témoigner plusieurs personnes qui auraient pu corroborer sa version sur différents points, ce qui porte la Cour à croire que le témoignage de ces personnes aurait été défavorable à l'appelant. Parmi ces personnes, je note Georges Marcotte[2], Fabien Tremblay[3], Martin Bouchard[4], ainsi qu'un représentant de la Caisse populaire de Roberval[5];

c.        selon lui, il aurait encore eu assez confiance en monsieur Boucher, celui même qui l'a impliqué dans le stratagème, pour lui demander son aide dans la préparation du présent appel[6].

[7]      Je n'accepte également pas le témoignage de monsieur Boucher pour les raisons suivantes :

a.        il s'est occupé du dossier de l'appelant malgré le fait que ce dernier était au début d'une relation plus qu'amicale avec sa soeur. L'appelant semble avoir voulu cacher ce fait en référant à monsieur Boucher dans son avis d'appel comme un « préposé de Revenu Canada » [7];

b.        même avec son expérience au sein de ce qu'était Revenu Canada (il y travaillait depuis 1983), il a tout de même accepté le transfert d'un terrain comme donnant droit à une déduction pour pension alimentaire en 1996[8];

c.        il a admis avoir manqué d'honnêteté dans d'autres dossiers devant cette cour[9].

[8]      Ensuite, pour ce qui est de la crédibilité de l'appelant et de monsieur Boucher sur la question des pertes :

a.        l'explication fournie par l'appelant sur l'origine des pertes fut très confuse et le demeure encore un peu à mon esprit, malgré le fait que l'appelant a fini par attribuer les pertes à un prêt et à une garantie au bénéfice de Transport Rob-Lac inc., soit sa société maintenant faillie[10];

b.        il n'a pas su répondre à ma satisfaction à la question de savoir pourquoi son nom n'apparaissait pas sur la liste des créanciers de Transport Rob-Lac inc.[11];

c.        l'appelant n'a pas su me convaincre qu'une demande au sujet de ces pertes avait déjà été envoyée à Revenu Canada avant même qu'il connaissait monsieur Boucher. À en croire sa version et celle de monsieur Boucher, l'appelant aurait attendu huit mois avant de simplement demander au « préposé de Revenu Canada » (monsieur Boucher) pourquoi le traitement de sa demande prenait tellement de temps[12]. Or, bien qu'il y ait eu une demande à Revenu Canada avant la rencontre de ces deux personnes (ce que l'intimée accepte), je suis convaincu que cette demande n'avait rien à voir avec un remboursement d'impôt dû à l'appelant. Je suis plutôt d'avis que cette entrée dans le système était un prétexte simplifiant ainsi le stratagème pour ce dossier.

[9]      En ce qui concerne la pension alimentaire, j'ajouterais que l'appelant n'a pas su expliquer à ma satisfaction pourquoi il n'avait pas demandé une déduction pour cette même pension alimentaire au niveau provincial, ce que font habituellement les gens[13].

[10]     Pour ces motifs les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'octobre 2005.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI431

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-1265(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Bertrand Jobin et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 16 mars 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :                    Le 24 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant

Me Mario Bouchard

Avocat de l'intimée :

Me Philippe Dupuis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

                   Nom :                              Me Mario Bouchard

                   Étude :                             Les Avocats Mario Bouchard

                                                          Chicoutimi (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario



[1]    Voir, par exemple, les pp. 229-230 des notes sténographiques du 16 mars 2005 (les « notes » ).

[2]    Notes, pp. 139 et 149.

[3]    Notes, p. 196.

[4]    Notes, p. 197.

[5]    Notes, pp. 141 et 202.

[6]    Notes, pp. 235, 243 et 244.

[7]    Voir notamment le par. 26 de l'avis d'appel ainsi que les pp. 131, 160, 177, 185 et 188 des notes.

[8]    Notes, p. 271.

[9] Notes, p. 275.

[10] Notes, pp. 146 à 153.

[11]    Notes, pp. 210 et 219. Voir également la pièce I-5 où 31 créanciers apparaissent sur la liste des créanciers, mais pas l'appelant.

[12] Notes, pp. 128, 157, 199 et 267.

[13]    Notes, pp. 182, 222 et 223.

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