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Dossier : 1999-4937(IT)G

ENTRE :

CONSTANTIN DELLO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Requête entendue le 27 juillet 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable P. Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Christopher R. Mostovac

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

ORDONNANCE

          L'avocat de l'appelant ayant présenté une requête en vue de faire modifier l'avis d'appel;

          Les allégations des parties ayant été entendues;

          La requête est accueillie selon les dispositions des motifs d'ordonnance ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de décembre 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2005

Sara Tasset


Référence : 2004CCI754

Date : 20041201

Dossier : 1999-4937(IT)G

ENTRE :

CONSTANTIN DELLO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Bédard

[1]      Il s'agit d'une requête par laquelle l'appelant demande une ordonnance lui permettant de modifier son avis d'appel conformément à l'article 54 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles de la Cour de l'impôt » ). L'appelant veut essentiellement être en mesure de déduire d'autres dépenses (les « nouvelles dépenses » ) que son comptable a négligé de déduire pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994.

Historique

[2]      La question devait initialement être entendue par mon collègue, le juge Dussault, le 11 mars 2003, avec la question de savoir qui, l'appelant ou sa société, peut déduire les dépenses (la « première question » ). Toutefois, peu de temps avant le début de l'audience, il a été décidé que seule la première question serait entendue ce jour-là. Le juge Dussault a finalement statué, le 10 juin 2003, que c'était l'appelant plutôt que la société qui pouvait déduire les dépenses (2003 CCI 392).

[3]      Pendant l'argumentation orale qui a eu lieu devant moi, l'avocat de l'appelant a admis que si le juge Dussault avait entendu les deux questions comme on l'avait initialement prévu, la situation aurait été [TRADUCTION] « risquée » et qu'ils auraient bien pu être [TRADUCTION] « mal pris » étant donné que les nouvelles dépenses n'étaient pas incluses dans l'avis d'appel (transcription, pages 40 et 41). Ils auraient alors été obligés de demander un ajournement au juge Dussault, de façon que l'appelant puisse présenter une requête en vue de faire modifier l'avis d'appel pour y inclure les nouvelles dépenses. Selon l'avocat, cela ne veut pas dire que l'une ou l'autre demande aurait pu être refusée par la Cour, mais cela n'est pas pertinent dans la présente instance (transcription, pages 41 et 42). Je suis d'accord pour dire que cela n'est du moins pas déterminant.

[4]      C'est après la première audience que l'appelant a apparemment commencé activement à chercher des documents justificatifs additionnels à l'égard de ces nouvelles dépenses. Voici comment il a résumé les événements dans son affidavit du 6 avril 2004 :

[TRADUCTION]

6.         À la suite de ce jugement, et en préparant la seconde partie de la contestation, j'ai découvert que, pendant les années en question, mon comptable, M. Paul Odiong, avait clairement omis de faire part au vérificateur de Revenu Canada de certaines dépenses afférentes au revenu susmentionné.

7.         Peu de temps après la vérification, M. Paul Odiong est disparu et je n'ai pas pu le trouver.

8.         Lorsque j'ai finalement réussi à avoir accès au bureau de M. Odiong, j'ai trouvé fort peu de dossiers me concernant, et les dossiers que j'ai trouvés étaient mêlés aux dossiers d'autres sociétés et d'autres particuliers.

9.         La majorité de mes dossiers ont été trouvés dans une benne, au sous-sol de l'immeuble dans lequel M. Odiong avait son bureau, où les dossiers d'autres clients ont également été trouvés. La benne a été conservée pendant plusieurs années principalement grâce aux bons soins du concierge.

10.       Parmi les dossiers qui restaient ou que mon comptable avait jetés, j'ai trouvé des preuves documentaires indiquant que le montant des dépenses que mon comptable avait déduites aurait dû être plus élevé que celui qui avait réellement été déduit.

11.       Depuis que ces documents originaux indiquant l'ampleur de mes dépenses ont été trouvés, j'ai passé les deux dernières années à essayer d'obtenir d'autres pièces justificatives pour ces dépenses en communiquant avec les clients de M. Odiong dont les dossiers étaient mêlés à mes documents et qui étaient en possession de certains de mes dossiers. J'ai reçu, aussi tard que la semaine dernière, d'autres chèques oblitérés remis à des ingénieurs qui travaillaient pour moi ou pour ma firme.

[5]      Cette version des événements a été confirmée pendant l'interrogatoire de l'appelant et elle n'a pas vraiment été contestée par l'intimée, mais l'appelant a néanmoins donné des précisions au sujet de son affidavit. Il a témoigné que le comptable était disparu, et qu'il avait peut-être été tué, pendant qu'il travaillait pour le gouvernement de la République du Soudan. L'appelant a déclaré que c'est peu de temps après cette disparition, en 1998, qu'il est entré dans le bureau de son comptable, avec la permission du concierge (transcription, pages 4 à 6). Toutefois, ce n'est qu'après la première audience que l'appelant a redoublé ses efforts pour récupérer les documents manquants des contribuables désignés dans les documents qu'il avait trouvés dans son dossier. L'appelant a expliqué les circonstances comme suit, à la page 7 de la transcription :

[TRADUCTION]

R.        ... De toute façon, lorsque je me suis rendu compte que je devais répondre personnellement, j'ai commencé à être fort inquiet et j'ai cherché tous les différents noms de sociétés et de particuliers. Je leur ai téléphoné et je leur ai dit : « J'ai certains de vos dossiers, avez-vous des dossiers qui me concernent? » Aucune des personnes avec qui j'ai communiqué ne voulait se mêler de l'affaire, elles étaient trop inquiètes.

Q.        Pourquoi donc étaient-elles inquiètes?

R.        Parce que leurs dossiers étaient aussi en désordre que les miens. Naturellement, elles ne voulaient pas faire l'objet d'une vérification. Par conséquent, ces personnes, ou la plupart d'entre elles, ont refusé de s'en mêler, mais il a mutuellement été convenu que nous nous enverrions nos dossiers ou ce que nous pourrions trouver, incognito, pour ainsi dire.

À la page 19, l'appelant a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

R.        Par la suite, bien sûr, lorsqu'il est devenu évident à mes yeux que tout ce revenu allait m'être imputé personnellement sans pièces justificatives, bien sûr, j'ai commencé à être très nerveux et j'ai fait un grand nombre d'appels téléphoniques. J'ai effectué des appels que j'avais déjà faits et j'ai de nouveau appelé et j'ai dit aux gens jusqu'à quel point c'était sérieux et jusqu'à quel point j'étais dans le pétrin. Certaines personnes ont donc pris la peine de faire des recherches un peu plus poussées. Mais la plupart des documents sont tirés de dossiers qui sont consultés par hasard et ils trouvent des chèques, et ils se disent que ce sont mes chèques. Mais j'avais convenu de leur envoyer tout ce que je trouvais.

[6]      À la suite de ces nouvelles tentatives, l'appelant a de fait reçu, et il reçoit peut-être encore, des documents additionnels étayant, selon lui, la déduction des nouvelles dépenses (transcription, page 17). Toutefois, l'appelant convient qu'à un moment donné, nous ne pouvons plus attendre l'arrivée de ces documents par la poste. Il a donc fixé la date limite à la date où il a signé son affidavit, à savoir le 6 avril 2004 (transcription, pages 7 et 8).

[7]      Pendant l'audience, l'appelant a bien admis qu'une grosse partie des nouvelles dépenses étaient composées d'argent versé à 12 entrepreneurs indépendants en 1991, à l'égard d'un contrat d'ingénierie d'une valeur de 90 000 $. La plupart de ces entrepreneurs sinon tous auraient été rémunérés en espèces étant donné que l'appelant avait une mauvaise réputation lorsqu'il s'agissait d'honorer ses chèques. L'appelant n'avait pas encore trouvé les factures concernant ces paiements, mais il croyait bien qu'il les trouverait finalement. Pour les discussions relatives au contrat, voir les pages 24, 26, 27, 28, 30, 31, 53, 60, 63, 64 et 66 de la transcription.

Analyse et décision

[8]      L'article 54 des Règles de la Cour de l'impôt prévoit qu'un juge de la Cour de l'impôt peut autoriser une modification et, ce faisant, le juge « peut imposer les conditions qui lui paraissent appropriées » . Des règles similaires s'appliquent à d'autres tribunaux judiciaires du pays. Ainsi, en vertu du paragraphe 75(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), « la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties » . Le paragraphe 75(2) des Règles établit des conditions de base quant aux circonstances dans lesquelles l'autorisation peut être accordée pendant ou après une audience, de façon à protéger les droits de la partie adverse. En vertu de l'article 26.01 des Règles de procédure civile de l'Ontario, « [à] moins qu'il n'en résulte un préjudice qui ne saurait être réparé par les dépens ou par un ajournement, le tribunal, [...] accorde l'autorisation de modifier un acte de procédure à des conditions justes » . Toutefois, en vertu de l'article 5.04 des Règles, le juge aurait néanmoins le pouvoir discrétionnaire de refuser une modification : Mazzuca v. Silvercreek Pharmacy Ltd. (2001), 56 O.R. (3d) 768 (C.A. Ont.).

[9]      Par conséquent, dans les décisions relatives à ces diverses règles, des principes similaires sont appliqués. Pour un aperçu de toutes ces décisions, il est bon de se reporter à : McMechan et Bourgard, Tax Court Practice; Sgayias et al., Federal Court Practice, 2004; et Watson et McGowan, Ontario Civil practice, 2004. Dans certains cas, les tribunaux se fondent même sur des décisions concernant les règles d'autres tribunaux[1]. Parmi toutes les décisions qui existent dans ce domaine, il vaut la peine d'en noter certaines pour mieux comprendre les principes généraux.

[10]     Dans l'arrêt VisxInc. c. Nidek Co., [1998] A.C.F. no 1766 (QL) (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a autorisé la modification de la défense même si la défenderesse ne semblait pas coopérer :

1 Le présent appel a été interjeté dans le cadre d'interminables procédures interlocutoires dans une action en brevet qui a été entamée il y a plus de quatre ans. L'appelante interjette appel d'une ordonnance par laquelle la Cour lui a refusé le droit de modifier sa défense et demande reconventionnelle. Il convient de noter que la défenderesse a déjà modifié sa défense à au moins cinq reprises. Nous estimons que l'appelante a eu amplement l'occasion de présenter ses conclusions et nous déplorons les retards qui se sont produits. Quoi qu'il en soit, il nous faut tenir compte de l'arrêt Meyer c. Canada, (1986), 62 N.R. 70 (C.A.F.), à la page 72, dans lequel la Cour a souscrit à l'extrait suivant de la décision Stewart v. North Metropolitan Tramways Co., (1886), 16 Q.B.D. 556 :

[TRADUCTION] Dans un cas comme celui-là, la Cour doit avoir pour règle de conduite que, quelque négligente ou insouciante qu'ait été la première omission, et quelque tardive que soit la modification proposée, celle-ci devrait être autorisée si elle peut être apportée sans qu'il en résulte une injustice pour la partie adverse. Il n'y a pas d'injustice si la partie adverse peut être indemnisée au moyen d'une adjudication de dépens; cependant, si la modification aurait pour effet de placer la partie adverse dans une position telle qu'elle doive subir un préjudice, elle ne doit pas être faite.

Notre Cour a cité et approuvé cette décision dans l'arrêt Ministre du Revenu national c. Canderel Ltd., (1983), 157 N.R. 390 (C.A.F.).

[11]     À l'instruction, l'avocat de l'intimée a souligné qu'étant donné qu'il n'avait pas vu les nouveaux documents concernant les nouvelles dépenses, il lui était en pratique impossible de savoir si l'intimée allait subir un préjudice. L'avocat est même allé jusqu'à poser la question suivante pendant son argumentation orale : [TRADUCTION] « La Cour va-t-elle encourager ce litige et l'ampleur qu'il prend? » (transcription, page 64). D'autre part, l'appelant a finalement essayé d'amener l'intimée à examiner ces nouvelles dépenses lors d'une réunion qui a eu lieu avant l'audition de la présente requête, mais l'intimée a refusé de le faire à moins que l'appelant ne modifie son avis d'appel sous réserve des droits de l'intimée (transcription, pages 33 et 63). L'appelant est apparemment même allé jusqu'à faire une offre de règlement lors de cette réunion (transcription, page 34). Malgré tout, l'avocat de l'intimée a affirmé qu'il s'opposait à toute requête visant la modification présentée par l'appelant à moins que celui-ci ne produise des lettres de tous les entrepreneurs indépendants, disant qu'ils avaient de fait été rémunérés pour des services rendus à l'appelant et indiquant s'ils avaient inclus ces montants dans leurs déclarations de revenu respectives (transcription, pages 60 et 66).

[12]     Étant donné qu'après avoir entendu les arguments oraux, je me demandais encore si l'intimée allait subir un préjudice, j'ai demandé aux parties de soumettre une argumentation écrite sur ce point. Ce qui m'a d'abord frappé, lorsque j'ai lu les observations écrites de l'intimée, c'est le fait que l'avocat de l'intimée a continué à déplorer la conduite de l'appelant au point, me semble-t-il qu'il commençait à prendre l'affaire personnellement. De fait, dans ses observations écrites, l'avocat de l'intimée a exprimé sa frustration de plusieurs façons différentes. Au paragraphe 17, voici ce qu'il a dit :

[TRADUCTION] Il ressort du témoignage et de la conduite de l'appelant lui-même qu'il ne se préoccupait pas de l'intérêt légitime de l'intimée, pour ce qui est de l'administration de la Loi, ou des garanties procédurales accordées à l'intimée dans le présent litige.

Puis, au paragraphe 21, l'avocat a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] l'appelant a manifesté un manque de considération flagrant à l'égard du droit de l'intimée d'être informée en temps opportun des allégations qu'il voulait faire, et que l'appelant aurait dû faire lorsqu'il a découvert ce qu'il allègue au plus tard au moment du dépôt de son avis d'appel.

Et au paragraphe 24, l'avocat a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION] L'appelant et son avocat se préoccupaient si peu du préjudice qui pouvait être causé à l'intimée [...]

Enfin, au paragraphe 29, l'avocat a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Il semble plutôt avoir délibérément adopté comme stratégie de ne rien dire avant le mois de mars 2003.

[13]     Je suis d'accord pour dire que l'appelant et son avocat auraient clairement pu faire mieux en réagissant beaucoup plus tôt, mais comme nous l'avons déjà vu, le fait que l'appelant a peut-être été négligent et insouciant est dans une large mesure non pertinent (Visx Inc., précité, paragraphe 1). Il convient plutôt de se demander si l'intimée subira un préjudice qui ne saurait être réparé. Ce type de préjudice se produira, par exemple, lorsque la modification proposée [TRADUCTION] « exige une preuve du témoin A, qui n'est plus disponible, ou le document B, qui ne peut plus être trouvé » : King's Gate Developments Inc. v. Colangelo (1994), 17 O.R. (3d) 841, page 844 (C.A. Ont.). Dans cet arrêt, la cour n'a pas conclu à l'existence d'un préjudice qui ne saurait être réparé. Toutefois, dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Mandel, [1996] A.C.F. no 252 (QL), la Cour d'appel fédérale est arrivée à la conclusion contraire, étant donné qu'au bout de 23 ans, aucun des représentants de la Couronne ne pouvait être trouvé pour témoigner. Encore une fois, le simple fait qu'il s'est écoulé beaucoup de temps entre la découverte des « nouveaux » faits et le dépôt de la requête ne veut pas dire qu'il peut être présumé qu'il en résultera nécessairement un préjudice. Voir, par exemple, CamoplastInc. c. Soucy International Inc., [2003] A.C.F. no 743 (QL) (C.A.F.).

[14]     En l'espèce, il est fort probable que le comptable de l'appelant ne soit pas présent à l'instruction pour témoigner au sujet des nouvelles dépenses. Toutefois, il en est également de même pour les autres dépenses qui ont déjà été déduites. Quoi qu'il en soit, la meilleure preuve ne proviendrait pas du comptable, mais des entrepreneurs indépendants. À cet égard, l'intimée est d'avis qu'afin d'avoir gain de cause, l'appelant aurait dû fournir des affidavits de ces personnes, dans lesquels ces dernières admettraient s'être soustraites à l'impôt, si tel était de fait le cas. Je ne puis souscrire à cet avis. Il s'agit en réalité de savoir si toutes ces personnes ou certaines d'entre elles seraient disponibles pour être interrogées à l'instruction, ou peut-être pendant l'interrogatoire préalable. Il n'y a rien dans la transcription qui donne à entendre qu'elles ne le seraient pas. De la même façon, si l'appelant omettait de citer ces personnes à l'instruction, il risquerait de voir le juge de la Cour de l'impôt qui préside l'instruction tirer une conclusion défavorable à son égard.

[15]     La décision rendue par la majorité dans l'affaire Merck & Co. Inc. c. Apotex, 2003 CAF 488, ne change rien à la conclusion qui est ici tirée. Dans cet arrêt, la majorité n'a pas autorisé la modification, même en l'absence d'un préjudice pour la partie adverse. La décision était plutôt fondée sur l'intérêt de la justice et sur l'intérêt public. Je crois qu'en l'espèce, la situation est fort différente de ce qu'elle était dans l'affaire Merck. De plus, il n'y a pas ici, selon moi, d'abus de procédure. Voir, par exemple, Stacey-Diabo et al. v. The Queen, 2003 DTC 200, paragraphes 42 à 44 (C.C.I.). Je trouve également appui dans l'examen convaincant du droit qui a été fait au sujet de l'abus de procédure dans l'arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77, paragraphes 35 à 55.

[16]     Je terminerai en citant les remarques suivantes que le juge Bowman (tel était alors son titre) a faites dans la décision Continental Bank Leasing Corporation et al. v. The Queen, 93 DTC 298 (C.C.I.), page 302 :

[...] Mais je préfère tout de même examiner la question dans une perspective plus large : les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si la demande de modification ou de rétractation était approuvée ou rejetée? Les critères mentionnés dans les affaires entendues par d'autres tribunaux sont évidemment utiles, mais il convient de mettre l'accent sur d'autres facteurs également, y compris le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite.

Ce passage a été adopté par la majorité de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Merck & Co., précité, paragraphe 30.

[17]     Je ferai d'abord remarquer, après avoir examiné les trois règles annotées susmentionnées, que le caractère opportun d'une requête est habituellement plus déterminant lorsque la demande est faite vers la fin de l'audience, et beaucoup moins lorsqu'elle est faite avant l'audience, comme c'est ici le cas. Les considérations fondées sur la simple équité et sur le sens commun et l'intérêt à assurer que justice soit faite militent également en faveur de l'appelant dans la présente requête.

[18]     À la lumière des remarques qui précèdent, j'autoriserai les modifications énoncées dans l'avis d'appel modifié proposé, aux conditions suivantes :

a.        L'intimée aura le droit de procéder à un autre interrogatoire préalable à l'égard de ces modifications;

b.        Étant donné que je conclus que l'intimée subirait un préjudice du fait qu'elle serait obligée de se préparer pour un second interrogatoire préalable, l'appelant supportera les dépens, le cas échéant, de cet interrogatoire en tant que dépens entre parties;

c.        L'intimée supportera les dépens de la présente requête, étant donné en particulier les termes fort véhéments que son avocat a employés envers l'appelant. Les plaideurs qui agissent pour leur propre compte peuvent bien exprimer certaines émotions dans leurs arguments, mais il n'en va pas de même lorsque l'avocat, en particulier l'avocat de la Couronne, s'exprime en des termes aussi véhéments que ceux qui sont ci-dessus reproduits dans ces motifs;

d.      L'intimée aura le droit de faire une demande en vue d'obtenir des détails. Toutefois, elle supportera les dépens y afférents sur la base de dépens entre parties si elle décide d'aller de l'avant avec cette demande, étant donné que des détails ont en fait été fournis lors de l'audition de la présente requête (paragraphe 7 ci-dessus)[2].

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de décembre 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2005.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2004CCI754

No DU DOSSIER DE LA COUR :

1999-4937(IT)G

INTITULÉ :

Constantin Dello et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 27 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable Paul Bédard

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 1er décembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Christopher R. Mostovac

Avocat de l'intimée :

Me Bernard Fontaine

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Christopher R. Mostovac

Cabinet :

Starnino Mostovac

Montréal (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Dans une décision récente (en date du 27 juillet 2004), le juge Rip, de cette Cour, s'est en partie fondé sur des décisions concernant les Règles de la Cour de l'impôt et les Règles de la Cour fédérale (1998), ainsi que sur l'ouvrage Tax Court Practice, précité, où il est fait mention de décisions rendues en vertu de diverses règles : Status-One Investments Inc. v. The Queen, 2004 DTC 3042, paragraphe 9.

[2]           Voici la façon dont le juge Rip envisageait l'importance des actes de procédure en général dans la décision Status-One Investments Inc., précitée, paragraphe :

Les actes de procédure remplissent plusieurs fonctions au moins : bien rédigés, ils permettent au juge de déterminer clairement ce sur quoi porte le litige; ils permettent au défendeur (ou à l'intimé) de savoir ce que le demandeur (ou l'appelant) lui reproche et au demandeur de savoir quel moyen de défense sera opposé à sa demande [Odgers On High Court Pleadings and Practice, D.B. Casson, 23e édition (London: Sweet & Maxwell, 1991), aux pages 123 et 124]. Souvent aussi, les actes de procédure donnent à la personne qui les rédige une idée plus juste de sa cause. Après l'échange des actes de procédure, les parties devraient savoir exactement quels points sont en litige et la preuve que chacune d'elles devra faire.

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