Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Contenu de la décision

Date: 19990714

Dossier: 98-700-UI

ENTRE :

PIERRE CHEVARIE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs de l'ordonnance

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'une requête pour rejet d'appel. Les faits sont les suivants : le travail exécuté par l'appelant fut déterminé non assurable et ce, pour différentes périodes et différents payeurs.

[2] En premier lieu, au moyen d'une lettre en date du 25 novembre 1997, l'intimé avisait l'appelant que le travail exécuté auprès de Poséidon Poissons et Crustacés Inc. pour la période du 12 juillet au 31 août 1993 n'était pas un travail assurable.

[3] En second lieu, à la même date, soit le 25 novembre 1997, l'intimé avisait l'appelant que le travail exécuté pour le compte et bénéfice de Poissonnerie du Havre (1988) Inc. pour les périodes du 24 avril au 12 septembre 1992, du 17 mai au 10 juillet 1993 et du 10 mai au 8 septembre 1994, n'était pas un travail assurable.

[4] Finalement, le 9 janvier 1998, l'intimé avisait l'appelant que le travail exécuté par ce dernier auprès du payeur, Nico Pêche International Inc., pour les périodes du 28 juin au 3 juillet 1993, n'était pas un travail assurable.

[5] Suite à ces trois décisions concernant l'assurabilité de son emploi, le comptable de l'appelant a préparé un Avis d'appel imprécis et vague, précisément quant à l'identification de la détermination visée. À la mention « objet » , il est clairement indiqué « Appel d'une décision » . Il en est ainsi dans la lettre où, encore là, il est fait référence à une décision.

[6] L'appelant a signé le document et fait parvenir au Chef de la division des appels. L'Avis a été rédigé comme suit :

Le Chef de la Division des appels

165, rue de la Pointe-aux-Lièvres-sud

Québec (Québec)

Objet : Appel d'une décision

     n.a.s. 216-318-121

Messieurs,

Par la présente, je désire contester la décision de non-assurabilité rendue récemment dans mon dossier par Revenu Canada, Impôts. À cet effet, j'inclus copie des correspondances reçues des services du recouvrement des recettes.

Je vous mentionne tout de suite, que lors d'une session d'information, tenue voilà déjà quelques temps par quelques agents de Emploi et Immigration Canada et de Revenu Canada, Impôts, on nous informait qu'il n'y avait pas lieu pour nous de conclure de contrat de louage de services notre emploi étant assurable à titre de pêcheur professionnel, ce même si nos opérations de pêche sont incorporées ou non.

Nul besoin n'est d'ajouter, que par l'incompétence de ces fonctionnaires j'ai été largement induit en erreur et cet aspect sera éventuellement largement débattu en cour advenant que je ne puisse obtenir satisfaction à votre niveau.

Espérant que vous aurez le loisir de rendre une décision positive à l'effet de mon assurabilité dans de très brefs délais.

[7] Quelques semaines plus tard, l'appelant donnait mandat à un procureur relativement à l'assurabilité du travail qu'il avait effectué à différentes reprises pour les trois employeurs différents. Son procureur, en date du 18 mai 1998, adressait à la Division des appels la lettre dont le contenu est le suivant :

Madame Diane Gagnon

Division des appels

Revenu Canada

165, de la Pointe-aux-Lièvres Sud

Québec (Québec)

Objet : Pierre Chevarie

(Assurance-chômage)

N.A.S.: 216-318-21

     N/D: 98-1542     

Madame,

Notre client, Pierre Chevarie, nous a remis son dossier notamment pour vous faire part des commentaires suivants.

Le 12 février 1998, notre client a logé appel, auprès du Ministère du revenu, de chacune des décisions concernant l'assurabilité de son emploi, soit les deux (2) décisions du 25 novembre 1997 du Ministère du revenu ainsi que la décision du 9 janvier 1998 du Ministère du revenu et, à cet effet, il a inclus dans sa lettre d'appel, copie des trois (3) lettres en question qui contenaient la décision, du Ministère du revenu, au premier palier.

À l'heure actuelle, nos dossiers démontrent que vous avez accusé réception de l'appel de notre client pour les deux (2) décisions du Ministère du revenu prononcées le 25 novembre 1997 mais, à ce jour, notre client n'a reçu aucun accusé de réception de votre part concernant l'appel de la décision du Ministère du revenu contenue dans une lettre du 9 janvier 1998.

Par conséquent, auriez-vous l'amabilité de nous faire parvenir un accusé de réception concernant l'appel par notre client Pierre Chevarie de la décision du Ministère du revenu contenue dans une lettre du 9 janvier 1998.

Vous remerciant à l'avance de votre collaboration, veuillez accepter l'expression de mes sentiments distingués.

[8] Très habilement, le procureur de l'appelant a soutenu que la lettre en date du 12 février, préparée par le comptable de l'appelant, concernait les trois déterminations, soit les deux en date du 25 novembre 1997 et celle du 9 janvier 1998.

[9] L'appelant a témoigné et affirmé qu'il n'y avait aucune équivoque possible dans son esprit quant à la portée de son Avis d'appel en date du 12 février 1998. Il a soutenu que son Avis d'appel, préparé par son comptable, concernait les trois déterminations, soit les deux de novembre 1997 et celle de janvier 1998. Il a de plus ajouté avoir joint à cet Avis, copie des trois déterminations.

[10] Cette prétention n'est néanmoins pas cohérente avec la correspondance de l'intimé; en effet, ce dernier a reconnu avoir reçu deux copies des décisions en date du 25 novembre 1997 et non celle du 9 janvier 1998.

[11] Ce constat ressort clairement du contenu de deux lettres, en date du 16 mars 1998, l'une concernant l'emploi chez Poissonnerie du Havre (1988) Inc. et l'autre, l'emploi chez Poséidon Poissons et Crustacés Inc. Il y a lieu de reproduire le contenu des deux lettres :

Monsieur Pierre Chevarie

1074, rue Caillou

Havre St-Pierre (Québec)

Objet : Loi sur l'assurance-emploi

    Appel d'une décision

Nous désirons vous informer que nous avons reçu votre appel d'une décision, relativement à l'assurabilité de votre emploi chez Poissonnerie du Havre (1988) Inc. au cours des période(s) du 24 avril 1992 au 12 septembre 1992, du 17 mai 1993 au 10 juillet 1993, du 10 mai 1994 au 8 septembre 1994, du 14 mai 1995 au 30 août 1995 et du 2 mai 1996 au 7 septembre 1996.

Un agent des appels communiquera avec vous pour discuter du dossier et pour obtenir tout renseignement pertinent.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

Monsieur Pierre Chevarie

1074, rue Caillou

Havre St-Pierre (Québec)

Objet : Loi sur l'assurance-emploi

    Appel d'une décision

Monsieur,

Nous désirons vous informer que nous avons reçu votre appel d'une décision, relativement à l'assurabilité de votre emploi chez Poséidon, Poissons et Crustacés Inc. au cours de la période du 12 juillet 1993 au 31 août 1993.

Un agent des appels communiquera avec vous pour discuter du dossier et pour obtenir tout renseignement pertinent

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

[12] Il n'y a aucun doute que la Cour canadienne de l'impôt n'a pas juridiction pour entendre un dossier qui n'a pas d'abord fait l'objet d'une détermination de Revenu Canada, Division des appels. En d'autres termes, la Cour canadienne de l'impôt n'a juridiction que pour entendre les décisions émanant de la Division des appels en matière d'assurabilité.

[13] Comprenant cette réalité, l'appelant réplique que la Division des appels a effectivement rendu une décision, laquelle a porté essentiellement sur le délai. Il fait ainsi référence à la lettre en date du 28 mai 1998, rédigée comme suit :

St-Onge & Roy, Avocats

Maître Pierre St-Onge

440, ave Brochu, suite 201

Sept-Îles (Québec)

Objet : Loi sur l'assurance-emploi

Monsieur Pierre Chevarie

N.A.S. : 216-318-121

Maître,

Nous avons pris connaissance de votre lettre datée du 18 mai 1998, relativement à la demande d'appel de votre client monsieur Pierre Chevarie.

Malheureusement, nous ne pouvons accepter cet appel puisque la lettre de monsieur Chevarie en date du 12 février 1998, faisait mention d'une demande d'appel sur l'assurabilité de ses emplois chez Poissonnerie du Havre Inc. et Poséidon Poissons et Crustacés. Il a d'ailleurs annexé à sa demande d'appel copies des lettres de décision, qu'il avait reçues de la division de l'assurabilité, datées du 25 novembre 1997. En aucun temps il n'a manifesté son intention d'en appeler de la décision de l'assurabilité datée du 9 janvier 1998, pour son emploi chez Nico Pêche International Inc.

Par conséquent, nous fermons son dossier.

Veuillez agréer, Maître, nos salutations les meilleurs.

[14] La question qui se pose est la suivante. Est-ce que le contenu de la lettre en date du 28 mai 1998 est une décision pouvant faire l'appel d'une décision de ce Tribunal? Je réponds par la négative à cette question et ce, pour les motifs suivants. Tout d'abord accepter ce raisonnement aurait pour effet de contourner les dispositions ayant trait au délai pour enregistrer un appel ou une demande de révision; en effet, il suffirait de produire un Avis d'appel hors délai pour obtenir une décision rejetant évidemment l'appel pour cause de production d'avis tardif et ainsi donner juridiction à la Cour canadienne de l'impôt parce qu'une décision a été rendue.

[15] Il est possible que l'Avis de février 1998 ait aussi visé la décision de janvier 1998 puisque la demande de révision pour les décisions visait la Division des appels et non la Cour canadienne de l'impôt; bien que les explications fournies par l'appelant ne soient pas soutenues par le verbatim de l'Avis d'appel. Il s'agit là d'une interprétation non contredite. D'autre part, bien que le fameux Avis d'appel ait été rédigé comme s'il visait une seule décision, l'intimé a lui-même reconnu et admis qu'il considérait ledit Avis comme étant valable pour deux décisions.

[16] Dans les circonstances, il y aurait lieu que le ministère du Revenu national accepte l'Avis du 12 février 1998 comme une demande de révision de la décision en date du 9 janvier 1998, d'autant plus qu'il s'agissait sans doute d'un travail semblable lors d'une période sensiblement rapprochée. Il s'agit là, essentiellement, d'un simple souhait puisque je n'ai aucunement l'autorité ni la juridiction pour ordonner à l'intimé de prendre pour acquis que l'Avis du 12 février 1998 concernait également la décision du 9 janvier 1998.

[17] Quant au bien-fondé de la requête pour rejet d'appel, je ne peux pas rejeter un appel pour le motif qu'il ne pouvait y avoir d'appel devant cette Cour de la décision en date du 9 janvier 1998.

[18] La requête de l'intimé est accordée et la Cour annule simplement l'avis d'appel, devant la présente Cour, relatif à la détermination en date du 9 janvier 1998, étant donné l'absence totale de juridiction pour entendre un appel qui n'a pas d'abord fait l'objet d'une détermination par la Division des appels quant au fond.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juillet 1999.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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