Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000229

Dossier: 98-2583-IT-I

ENTRE :

JOSEPH KOCZKUR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Le présent appel, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Kelowna (Colombie-Britannique) le 18 février 2000. Seul l'appelant a témoigné. Il interjette appel des nouvelles cotisations établies à son égard pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996.

[2] Les paragraphes 4 à 7 de la réponse à l'avis d'appel énoncent les détails des nouvelles cotisations dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Dans le calcul de son revenu des années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996, l'appelant a déduit des pertes d'entreprise (les “ pertes ”) de 1 970,33 $, 5 310,57 $, 11 542,02 $ et 14 784 $ respectivement, détaillées à l'annexe “ A ”. [non incluse]

Dans la cotisation initialement établie pour l'année d'imposition 1995, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a refusé la déduction des montants de 420,90 $ et de 292,57 $ au titre respectivement des vêtements et des soins de toilette.

Dans les cotisations et les nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1993, 1994, 1995 et 1996, le ministre a refusé la déduction des pertes.

Pour établir les cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé notamment sur les hypothèses suivantes :

les faits énoncés et admis précédemment;

l'appelant a entrepris la distribution de produits Amway (les “ activités de distribution ”) en 1993;

l'appelant exerçait les activités de distribution sous le nom de Clerin Enterprises;

au cours des années pertinentes, l'appelant exerçait les activités de distribution à temps partiel;

en 1993, l'appelant était un employé de Raven Ridge Homes Ltd.;

en 1994, l'appelant était un employé de James Johnson Enterprises Ltd. et de Ram-Muel Contracting Ltd.;

en 1995 et 1996, l'appelant était un employé de James Johnson Enterprises Ltd.;

au cours des années pertinentes, l'appelant travaillait comme employé à temps plein 8 à 16 heures par jour, 5 à 7 jours par semaine;

l'appelant consacrait 8 à 12 heures par semaine aux activités de distribution;

l'appelant ne consacrait pas suffisamment de temps aux activités de distribution pour que celles-ci soient rentables;

l'appelant n'a fourni aucun plan d'activités permettant de déterminer la rentabilité des activités de distribution;

les dépenses liées aux activités de distribution ont augmenté au cours des années pertinentes;

au cours des années pertinentes, les dépenses liées aux activités de distribution étaient beaucoup plus élevées que les revenus bruts;

l'appelant ne prévoit apporter aucun changement important aux activités de distribution dans un avenir rapproché;

l'appelant a mis un terme aux activités de distribution;

l'appelant est menuisier, et il n'avait aucune expérience du marketing et de la vente;

certains des produits Amway vendus étaient achetés par l'appelant et sa famille à des fins personnelles;

les activités de distribution ne constituaient pas une entreprise purement commerciale;

parmi les dépenses déduites, certaines ont été effectuées par l'appelant pour se rendre à plus de deux congrès par année;

l'appelant a déduit des dépenses liées à ses vacances familiales, qu'il a combinées avec des déplacements effectués aux fins des activités de distribution;

les activités de distribution sont sous-capitalisées;

l'appelant ne pouvait raisonnablement s'attendre à tirer un profit des activités de distribution au cours des années pertinentes;

les dépenses déduites relativement aux activités de distribution sont des frais personnels et de subsistance de l'appelant;

les dépenses déduites relativement aux activités de distribution n'étaient pas raisonnables dans les circonstances.

[3] Les hypothèses énoncées aux alinéas 7 b) à h) inclusivement, k) à q) inclusivement et s), t) et w) ont été confirmées ou n'ont pas été réfutées par la preuve.

[4] L'appelant a un diplôme d'études secondaires. Il était menuisier et il est aujourd'hui contremaître adjoint de municipalité. Il a été recruté par Amway et a commencé à recruter des gens dans la région de Chilliwack parce qu'il voulait devenir distributeur direct, ce qui, selon ses calculs, lui aurait permis de toucher des commissions de 2 100 $ par mois par l'entremise de 77 acheteurs recrutés, en plus de lui-même. La région de Chilliwack, qui se trouve dans la partie continentale sud de la Colombie-Britannique, représente un important marché. L'appelant a exercé les activités de distribution à temps partiel pendant quatre mois en 1993 et tout au long de chacune des années suivantes. En 1993, il a recruté deux personnes; en 1994, il en a recruté “ quelques-unes de plus ”; à la fin de 1995, il comptait 20 acheteurs et, à la fin de 1996, “ environ 30 ”. Puis, il a abandonné. Les revenus bruts qu'il a tirés des activités de distribution pendant ces années, y compris les commissions découlant de ses propres achats, sont les suivants :

150 $

534,41

784,46

1 590,51

[5] Suivant les critères énoncés par le juge Dickson dans l'arrêt William Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, à la page 486 (77 DTC 5213, à la page 5215), l'appelant n'avait aucune expérience des affaires, de la vente ou de la comptabilité, il n'avait aucune formation, si ce n'est l'information fournie par les représentants d'Amway; il n'avait pas de capitaux, mais l'entreprise n'en avait pas besoin de beaucoup, et les pertes n'incluaient aucune déduction pour amortissement au titre de l'utilisation de son véhicule.

[6] L'avocate de la Couronne a indiqué que l'appelant tirait personnellement profit de la réduction des prix des produits Amway qu'il achetait et de l'évitement fiscal découlant des montants dont il réclamait la déduction, mais il n'y a aucune preuve que le prix des produits Amway qu'il achetait était inférieur au prix de vente au détail courant. Selon la preuve, l'appelant et son épouse avaient trois jeunes enfants et l'appelant travaillait fort pour subvenir aux besoins de sa famille. Dans la mesure du possible, ils achetaient leurs produits par l'intermédiaire d'Amway. Selon la preuve, l'appelant paraît avoir accepté les boniments d'Amway et avoir cru pouvoir faire plus d'argent en vendant le concept Amway, et ainsi tirer un revenu supplémentaire. Il n'avait pas de revenu discrétionnaire et il a fait de son mieux.

[7] Ne possédant aucune expérience de la vente et des affaires, il ne pouvait pas effectuer d'analyse critique. Il acceptait simplement les concepts d'Amway et ses encouragements sans se poser de questions.

[8] L'appelant a d'abord travaillé pendant quatre mois en 1993 et il a exercé les activités en question pendant toute l'année 1994. Il a cependant admis en contre-interrogatoire qu'il n'avait jamais établi d'objectif annuel de recrutement. Il n'a pas non plus procédé à une analyse critique de ce qui s'est révélé être une expérience malheureuse pour ensuite décider soit de démissionner, soit de modifier sa façon de procéder. Il a simplement continué courageusement en faisant de son mieux.

[9] De l'avis de la Cour, même sans formation ni expérience, l'appelant a le droit d'essayer de réussir en affaires. Il doit cependant agir de façon raisonnable. Le projet a échoué après 1994, et il était possible de le prévoir dès la fin de cette année-là. L'appelant n'a cependant pas analysé son expérience, sa façon de procéder, son territoire ou ses recrues de façon à changer ou à améliorer les choses ou encore pour se rendre compte qu'il y avait lieu de mettre fin aux activités en question. Lorsqu'il a finalement abandonné à la fin de 1996, c'était en raison de ses responsabilités familiales et de l'arrivée imminente d'un quatrième enfant. Il a alors estimé qu'il n'avait pas le temps de s'occuper des activités de distribution.

[10] C'est l'omission de l'appelant d'examiner sa propre expérience et de tirer des leçons de celle-ci que la Cour estime déraisonnable. Cette omission est devenue déraisonnable à mesure que l'année 1994 tirait à sa fin.

[11] L'appel est admis pour les années 1993 et 1994. Il est rejeté pour les années 1995 et 1996.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de février 2000.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour d'octobre 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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