Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000713

Dossier: 1999-3630-IT-I

ENTRE :

DAVID BATEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Pour l'appelant : l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée : Me Cathy Chalifour

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à London (Ontario) le 14 juin 2000)

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1995 et 1996 en refusant la déduction de frais, aux montants de 13 093 $ et 8 880 $, qui ont été engagés par l'appelant en ce qu'il a déclaré être une entreprise touristique. Les questions en litige consistent à déterminer si l'appelant exploitait une entreprise et si, ce faisant, il avait une attente raisonnable de profit. Si la réponse à ces questions est positive, alors les dépenses réclamées l'ont-elles été selon les critères des alinéas 18.1a) et h) de la Loi de l'impôt sur le revenu?

[2] L'appelant âgé de 37 ans travaille dans le domaine de l'industrie touristique depuis 1982. Sans détailler son expérience, il suffit de dire qu'il est hautement qualifié dans ce domaine. Il aime les voyages et les activités commerciales connexes. L'appelant a fondé une entreprise touristique en 1991, connue sous le nom de Travel Management Consultants. De 1990 à 1996, il avait un emploi à temps plein chez la société Lac-Mac, une industrie de confection de vêtements. Ses responsabilités étaient liées aux voyages. Son entreprise touristique, séparée bien entendu de son travail à plein temps, fonctionnait de concert, sinon en partenariat, avec une agence, Uni-Globe Instant Travel. Il emmenait des clients à Uni-Globe, ou l'inverse, et organisait pour eux des circuits touristiques appropriés. En retour de ses services, il recevait 49 % de la commission que percevait Uni-Globe. Cette entente a duré jusqu'aux environs d'octobre 1996.

[3] En six ans, il n'a bénéficié d'aucun profit et, en fait, ses pertes ont augmenté. En aucune année le revenu tiré de son entreprise n'a excédé 1 100 $ et son revenu moyen a été d'environ 600 $ par année au cours de ces six années. La perte nette réclamée était de : 1991 - 2 700 $; 1992 - 1 800 $; 1993 - 2 300 $; 1994 - 6 700 $; 1995 - 12 300 $; 1996 - 8 400 $. L'appelant a expliqué que les dépenses ont augmenté en 1995 et en 1996 parce qu'il voyageait beaucoup à la recherche de nouvelles régions à offrir au voyageur aventureux.

[4] L'appelant a comparu pour son propre compte bien que son avis d'appel ait été préparé par un fiscaliste expérimenté. La question principale consiste à déterminer si l'appelant avait une attente raisonnable de profit. Il s'agit là de l'un des critères utilisés par les tribunaux pour déterminer si un contribuable exploitait une entreprise. L'espoir raisonnable de tirer un profit est un élément de la définition de frais personnels et de subsistance prévue à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il ne s'agit pas d'un critère indépendant. Dans sa réponse à l'avis d'appel, le ministre a affirmé qu'en 1995 et 1996, les dépenses présentées comme étant des dépenses d'entreprise n'étaient pas déductibles en vertu du paragraphe 18(1)a) de la Loi, et que les dépenses n'étaient pas engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Pour ces mêmes années, les dépenses ne sont pas déductibles en vertu du paragraphe 18(1)h) puisqu'il s'agit de frais personnels ou de subsistance de l'appelant, l'entreprise n'ayant aucune attente raisonnable de profit. De plus, les dépenses ne sont pas déductibles en vertu des alinéas 18(1)a), b) et h) de la Loi, puisque les dépenses d'entreprise ont été engagées en vue d'examiner une occasion d'affaires et n'ont pas été engagées en rapport avec une entreprise existante.

[5] Il existe un certain bien-fondé à l'argument subsidiaire du ministre à l'effet que les dépenses étaient des frais personnels ou de subsistance, du moins en partie. Au cours des deux années en cause, l'appelant a réclamé à titre de dépenses un voyage en France avec sa femme et un autre en Floride avec cette dernière et ses deux enfants. Quoique je reconnaisse que l'appelant a fait une partie de ses recherches touristiques au cours de ces voyages, il existe certainement un élément personnel fort.

[6] Il ne m'est pas très difficile de conclure que l'appelant exploitait une entreprise à titre de conseiller en voyages de 1991 jusqu'à la fin de 1996. Il ne s'agissait pas d'une agence de voyage parce que l'appelant trouvait la réglementation gouvernementale oppressive, notamment l'exigence de paiement d'un cautionnement de 35 000 $.

[7] Il faut tenir compte de toute la période entre la création de l'entreprise en 1991 et sa fin en 1996, et non seulement des années 1995 et 1996. Le ministre semble avoir accepté la déductibilité des dépenses quant aux quatre années antérieures, mais a décidé que la limite avait été dépassée quand les dépenses ont augmenté de manière dramatique en 1995. Le ministre maintient que, s'il s'agissait d'une entreprise, les frais de voyage engagés en 1995 et 1996 étaient des dépenses en capital étant donné que les voyages en Australie, en France et en Extrême-Orient étaient de nature exploratoire et ne visaient pas à faire gagner un revenu à l'appelant.

[8] Quoique l'avocate de l'intimée ait présenté fort habilement sa position, je ne puis l'accepter. L'appelant était un expert dans ce domaine et il faisait des voyages aventureux dans des pays lointains pour stimuler l'intérêt des voyageurs envers divers voyages. Ces initiatives ne faisaient pas partie d'une nouvelle entreprise. Elles étaient le prolongement et l'accélération des activités qui avaient débuté en 1991. Pour vendre des circuits touristiques, il lui était nécessaire de connaître ses produits. Il ne s'agissait pas d'un loisir puisqu'il avait gagné sa vie dans le domaine de l'industrie touristique depuis plus de 15 ans.

[9] Quant à l'année d'imposition 1995, je conclus que l'appelant a le droit de déduire ses dépenses d'entreprise. Parce qu'il existait un élément personnel, les parties ont accepté de réduire les dépenses pour 1995 à 10 000 $; j'apprécie leur aide à cet égard. En 1996, l'appelant a réclamé des dépenses d'entreprise pour des voyages en Floride et à Philadelphie; par la suite il a passé deux semaines en Asie. Peu après, il a renoncé à son entreprise de consultation touristique.

[10] À un moment donné, il faut fixer une limite et adopter la position selon laquelle “ assez, c'est assez ”. Vu son expérience, l'appelant aurait dû savoir à la fin de 1995 et après cinq années consécutives d'augmentation des frais que l'entreprise ne générerait pas de profit. À ce moment, il n'avait sûrement pas d'attente raisonnable de profit. L'appel est admis afin de permettre à l'appelant de déduire un total de 10 000 $ en dépenses d'entreprise uniquement pour 1995; il n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa (Canada), ce 13e jour de juillet 2000.

“ C.H. McArthur ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour d'octobre 2000.

Stephen Balogh, réviseur

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