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Date: 20001124

Dossier: 1999-4401-EI

ENTRE :

JACK KABATOFF,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]            L'appelant interjette appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) datée du 12 juillet 1999, selon laquelle l'emploi de l'appelant pour Peter et Anne Kabatoff, faisant affaire sous le nom Kabatoff's Sand and Gravel (la « payeuse » ), au cours des périodes du 3 octobre au 23 décembre 1994, du 24 avril au 23 décembre 1995, du 29 avril au 21 décembre 1996 et du 7 avril au 19 décembre 1997 n'était pas un emploi assurable, étant donné que l'appelant et la payeuse avaient entre eux un lien de dépendance et que le ministre n'était pas convaincu — selon les termes des alinéas 3(2)c) et 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-chômage et de la Loi sur l'assurance-emploi, respectivement — que les parties auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu entre elles de lien de dépendance.

[2]            Lors de son témoignage, l'appelant a déclaré être menuisier et résider à Castlegar, en Colombie-Britannique. Il est né et a grandi à Castlegar; après avoir terminé ses études secondaires, en 1972, il est devenu apprenti menuisier, et il a obtenu sa carte de qualification interprovinciale de menuisier en 1978. Il a travaillé d'abord comme menuisier, puis il a été traceur de charpentes, métreur, contremaître et chef contremaître ou superviseur. À une certaine époque, il a travaillé durant dix ans pour Commonwealth Construction Ltd. ( « Commonwealth » ) à des chantiers importants dans la région de Kootenay, dans la partie centrale de la Colombie-Britannique. Il a ensuite travaillé à la construction d'une importante centrale à Trail — les travaux ont duré trois ans. En 1992, il a quitté son emploi chez Commonwealth et a commencé de travailler à un projet d'agrandissement d'une usine de pâte à Castlegar. Au cours des années où il a travaillé chez Commonwealth, il y a eu très peu de mises à pied, et il y travaillait à temps plein comme superviseur, veillant à ce que les budgets soient respectés; toutefois, en 1990, il a pu travailler à la construction d'une maison de retraite pour le compte d'un entrepreneur. En 1993, il a travaillé pour une société participant à un grand projet de construction à Skookumchuk (Kootenay-Est), mais, au bout d'un an, le travail s'est fait rare dans la région, en l'absence de chantier d'envergure. Un méga-projet était prévu à Kemano, en 1995, mais l'administration provinciale a annulé les travaux. Étant membre de son syndicat depuis 25 ans, il aurait eu un emploi stable à Kemano — le travail étant attribué par l'intermédiaire du syndicat. L'appelant a déclaré que, durant les périodes en cause dans le présent appel, il a commencé à travailler pour ses parents à la gravière, pour un salaire horaire de 20 $. Son père et sa mère, Peter et Anne Kabatoff, étaient alors âgés de 69 et de 62 ans, respectivement. Peter Kabatoff avait été maître-menuisier; il avait travaillé pour divers entrepreneurs, puis il avait pris sa retraite en 1990, à l'âge de 65 ans. Les parents de l'appelant étaient propriétaires d'un terrain de 300 acres dans la région rurale de la Castlegar Valley; aucun revenu n'avait été tiré de ce terrain au fil des ans, mais les impôts fonciers commençaient à augmenter. Pour cette raison, les parents de l'appelant souhaitaient gagner un revenu; aussi, en 1992 et en 1993, l'appelant a commencé à annoncer la vente de sable et de gravier provenant du terrain. L'appelant a déclaré que, durant cette période, ses parents ne possédaient aucun matériel mais que, en 1994, son père, Peter Kabatoff, a demandé de l'aide pour mettre sur pied, avec sa femme Anne, la société de personnes Kabatoff's Sand and Gravel (KSG). Il y avait peu de capital à investir dans l'entreprise; l'appelant a donc accepté de travailler pour un salaire horaire de 20 $, ce qui était beaucoup moins que ce qu'il avait l'habitude de gagner. Il fallait acheter un camion pour livrer le sable et le gravier aux acheteurs et, après avoir étudié un peu la question, son père et lui ont commencé à se rendre chez des concessionnaires de camions pour trouver un véhicule, neuf ou d'occasion, convenant à leurs besoins. Ils ont trouvé un véhicule spécialement conçu, au plan de la capacité utile, pour le transport de gravier, et KSG en a fait l'acquisition pour une somme de 124 000 $. En octobre, en novembre et jusqu'au 23 décembre 1994, l'appelant a tenu le grand livre et a rempli la déclaration aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS) pour le trimestre précédent; il établissait les devis, s'occupait des ventes, y compris à la ville de Castlegar, faisait la promotion de l'entreprise et préparait les états financiers de fin d'année, pour éviter d'avoir à payer des honoraires comptables, qui s'élevaient à 65 $ l'heure. En 1994, seuls l'appelant, son père et une autre personne — un conducteur de chargeuse travaillant à temps partiel — ont travaillé dans l'entreprise. Le gros camion n'a été reçu qu'à la fin du mois de décembre. L'appelant a indiqué que l'industrie du gravier est saisonnière par nature — la période d'activité allant généralement d'avril à octobre —, car le travail doit être interrompu à compter du moment où la neige recouvre le sol. L'appelant inscrivait ses jours de travail sur un calendrier (pièce A-1), et il a fourni une copie de ses feuilles de paie (pièce A-2), établies à partir de fiches de présence. L'appelant faisait fonction de directeur général de l'entreprise de gravier, tandis que sa femme recevait les appels téléphoniques à leur résidence, tâche pour laquelle elle était rémunérée. L'appelant et sa femme ont fait installer une seconde ligne téléphonique, qui est devenue leur ligne personnelle. L'appelant a convenu qu'il s'occupait de tous les appels téléphoniques, des commandes, des factures et de l'établissement des chèques au nom de l'entreprise de ses parents. Seuls les frais des appels interurbains effectués pour l'entreprise étaient remboursés par KSG, l'appelant payant les frais de location du matériel téléphonique. Un état récapitulatif de la paie (pièce A-3) montrait que sa rémunération brute en 1994 avait été de 9 600 $ et sa rémunération nette, de 7 545,24 $. Toutefois, à la page 2 de la pièce A-3, il indiquait n'avoir reçu que 3 789,94 $ (et non la somme de 1 900 $, ainsi que le supposait le Ministre), même si les relevés de paie étaient envoyés toutes les deux semaines au cabinet du comptable, où les retenues applicables sur la paie des employés étaient calculées. L'appelant faisait ensuite un chèque sur le compte bancaire de l'entreprise pour effectuer les versements correspondants ainsi que pour payer intégralement le salaire du conducteur de chargeuse. L'appelant a dit que son père lui avait toujours garanti que son salaire lui serait versé jusqu'au dernier sou à une date ultérieure et que, entre-temps, il serait payé en fonction des fonds disponibles, compte tenu des ressources de trésorerie limitées de la société de personnes. L'appelant a dit que, en 1998 et en 1999, il avait reçu tous ses arriérés de salaire. Après l'arrêt des activités à l'hiver 1994, l'appelant a recommencé à travailler pour KSG le 24 avril 1995. Il a indiqué que, durant la saison morte, l'activité de KSG était réduite au minimum, en ce sens que lui-même se bornait à prendre les appels téléphoniques et à ramasser le courrier de l'entreprise. Concernant la période du 3 octobre au 23 décembre 1994, l'appelant avait été informé (pièce A-4) par Emploi et Immigration Canada que son emploi chez KSG était assurable, puisque sa relation avec l'entreprise exploitée sous forme de société de personnes par ses parents était une relation employeur-employé. Cette décision a été rendue parce que, en janvier 1995, l'appelant avait présenté une demande de prestations et avait rempli les formulaires prescrits, sur lesquels il indiquait clairement avoir un lien de dépendance avec les propriétaires de KSG. Joy Harrison, fonctionnaire participant à l'étude de sa demande, lui a téléphoné et lui a posé plusieurs questions du genre de celles auxquelles il a répondu au cours de son témoignage devant la Cour au sujet des circonstances générales de son emploi. Des renseignements complémentaires ont été fournis par le cabinet comptable de la payeuse. Mme Harrison a dit à l'appelant qu'une décision serait prise sous peu à son endroit, et il a reçu par la suite une lettre (pièce A-4), après quoi il a commencé à toucher des prestations. À la fin de la saison 1995, il a de nouveau fait une demande de prestations, rempli les formulaires et, en temps et lieu, touché ses prestations. Il n'y a pas eu alors d'appels téléphoniques ni d'autres demandes de renseignements d'Emploi et Immigration Canada relativement à sa demande. Il a suivi la même procédure les années suivantes, et aucune question n'a jamais été soulevée avant le 12 juillet 1999, date à laquelle le Ministre a rendu une décision selon laquelle son emploi chez KSG durant chacune des périodes en cause n'était pas assurable. L'appelant a témoigné que, lors des années où il a travaillé pour KSG, aucun projet de construction n'était lancé en Colombie-Britannique où il pouvait travailler et que la plupart de ses collègues syndiqués étaient au chômage. L'appelant et son épouse — qui n'occupe pas d'emploi à l'extérieur du domicile familial — ont trois enfants (âgés aujourd'hui de 16, 14 et 10 ans), et l'appelant devait gagner un revenu, de sorte que, en aidant son père et sa mère à lancer leur entreprise de sable et de gravier, il a dans les faits créé son propre emploi. L'appelant a inscrit ses semaines de travail en 1995 sur un calendrier (pièce A-5), et il a en outre présenté les fiches de présence (pièce A-6) et la feuille de paie (pièce A-7) pertinentes. La feuille de paie indique que sa rémunération nette a été de 10 311,01 $, mais, selon le montant total de ses chèques de paie présentés sur les pages jointes, il n'a reçu que 4 855,27 $. L'appelant a expliqué que l'écart était attribuable pour une bonne part à la nécessité pour KSG de faire des versements mensuels de 5 000 $ pour le camion, ce qui ponctionnait la plus grande partie des fonds disponibles. L'appelant et son père avaient pouvoir de signature à l'égard du compte bancaire de la société de personnes. En 1995, l'entreprise marchait mieux et les matériaux pouvaient être livrés aux acheteurs, dont certains étaient des clients importants comme B.C. Hydro et le ministère provincial des Transports. Au cours de cette période, KSG a acheté une chargeuse pour la somme de 35 000 $ et avait déjà fait l'acquisition d'une installation de triage et d'un transporteur pour 110 000 $. L'appelant a déclaré avoir passé moins de temps à la gravière en 1995 et avoir été rémunéré pour la préparation des factures et des chèques ainsi que pour la tenue du grand livre. Afin de donner une idée du coût du matériel requis dans le cadre de l'entreprise de la payeuse, l'appelant a mentionné que la société de personnes avait acquis en 1998 une excavatrice au coût de 246 000 $. Il avait aidé son père à faire des recherches poussées avant d'engager cette importante dépense. En 1996, l'appelant a travaillé pour KSG jusqu'au 21 décembre, puis il a cherché un autre emploi; cependant, l'activité économique était encore au ralenti dans la région. Comme à son habitude, il a inscrit le travail qu'il faisait sur un calendrier (pièce A-8), et des fiches de présence (pièce A-9) ont été préparées. Les feuilles de paie (pièce A-10) indiquent qu'il a reçu 11 631,27 $, bien que sa rémunération nette pour l'année en question se soit établie à 10 311,19 $. Selon une hypothèse du Ministre, au paragraphe 4l) de la réponse à l'avis d'appel, l'appelant avait reçu la somme de 8 400 $ en 1996 et son salaire net était de 12 809 $. L'appelant établissait les chèques à son propre nom, et l'excédent était attribuable au versement d'arriérés de salaire d'années antérieures. En 1996, selon l'appelant, l'entreprise se maintenait, mais sans croître vraiment; il n'y avait pas beaucoup de travaux de construction dans la région de Castlegar, et une bonne part du chiffre d'affaires provenait de petites ventes à des propriétaires occupants. Cependant, même si l'entreprise marche bien, elle demeure saisonnière, et la neige empêche l'expédition de matériaux. À la fin de 1996, l'appelant a entendu parler d'un important projet énergétique, la construction devant débuter en 1997. Cependant, en 1997, l'appelant a commencé à travailler pour KSG le 7 avril et a continué jusqu'au 19 décembre. Ses semaines de travail étaient consignées sur un calendrier (pièce A-11), et les fiches de présence (pièce A-12) ainsi que la feuille de paie (pièce A-13) ont été préparées de la manière habituelle. L'appelant a déclaré que sa rémunération nette s'était élevée à 15 088,31 $, et non à 13 840 $ comme cela est indiqué dans la réponse à l'avis d'appel. D'après l'état récapitulatif des chèques établis à son nom en 1997, il a reçu 10 526,71 $, revenu qu'il a déclaré pour l'année en question, bien que cinq chèques, d'un montant total de 1 331,20 $, aient été établis entre le 15 janvier et le 12 février 1998. Un autre chèque, d'un montant de 400 $, a été établi à son nom le 19 janvier 1999, et l'appelant a indiqué que cette somme lui avait également été versée au titre de son salaire pour 1997. En ce qui concerne les sommes qu'il a bel et bien reçues en 1997 au titre de son salaire gagné durant l'année, l'arriéré au 31 décembre 1997 était de 4 561,60 $. L'appelant a dit que l'arriéré total avait été réglé à la fin de 1999. En janvier 1998, l'appelant a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi, et il a eu droit à des prestations. En 1998, il a travaillé pour KSG, et il était encore question d'un important projet qui relancerait l'économie dans la région; à l'automne de la même année, on a communiqué avec lui pour savoir s'il était intéressé à travailler au projet lorsque celui-ci serait mis en branle. La payeuse continue d'exploiter l'entreprise, même si le chiffre d'affaires a diminué; la valeur du bien, en tant que gravière et sablière, a par contre augmenté.

[3]            En contre-interrogatoire, Jack Kabatoff a convenu que, durant les années où il avait travaillé chez Commonwealth, il avait toujours touché le montant exact de sa rémunération nette, telle qu'indiquée sur ses relevés de paie. Il a précisé que, lorsqu'il avait commencé à travailler pour KSG, il savait qu'il n'y aurait pas assez d'argent pour lui verser son plein salaire au taux horaire de 20 $, et il a dû retirer de l'argent de son REER pour faire vivre sa famille. La résidence familiale n'était grevée d'aucune hypothèque, et l'appelant et sa famille pouvaient s'en tirer avec les montants qu'il pouvait se verser par chèques tirés sur le compte bancaire de KSG en fonction des fonds disponibles. Interrogé relativement à la feuille de paie se rapportant à 1994 (pièce A-3), l'appelant a convenu avoir reçu seulement quatre chèques totalisant 1 900 $ pour l'année en question. Les autres chèques — cinq en tout — ont été reçus en janvier et en mars 1995, bien qu'il ait mentionné que les sommes en question lui avaient été versées au titre de son salaire de 1994. Le grand livre contenait des écritures correspondant aux sommes qui auraient dû être payées à l'appelant. L'appelant a déclaré qu'il n'utilisait pas de compte chèque personnel, se contentant d'émettre des chèques sur le compte de KSG pour payer certains comptes et factures de son ménage payables à des dentistes et à des professeurs de piano, ainsi que cela est indiqué sur les pages jointes aux pièces A-7 et A-10. De même, certains chèques de KSG établis à l'ordre de l'appelant en 1997 étaient également au titre du salaire gagné en 1996. Entre le 9 janvier et le 6 mars 1997, l'appelant a reçu six chèques totalisant 1 429,13 $. Selon la pratique adoptée par KSG et l'appelant, le salaire de l'année précédente de ce dernier lui était versé avant le début de la saison suivante, en général au plus tard à la mi-avril. La feuille de paie (pièce A-13) indique que l'appelant n'a reçu la totalité de son salaire pour 1997 qu'une fois qu'il a eu touché la somme de 1 331,20 $, versée au moyen de cinq chèques en 1998 plus un paiement final de 400 $ qui n'a été effectué que le 19 janvier 1999. M. Kabatoff a expliqué que ses parents avaient besoin de l'argent qui aurait en principe dû lui être versé à titre de salaire afin de pouvoir continuer d'exploiter la société de personnes. Tous les autres travailleurs touchaient l'intégralité de leur salaire sur une base bimensuelle, mais lui-même avait accepté d'attendre avant de recevoir son salaire, étant donné que le matériel onéreux acquis devait être réglé au moyen de paiements périodiques et que, s'il avait reçu son plein salaire de 1994 à 1996, cela aurait asséché la trésorerie de KSG. L'appelant a dit qu'il continuait de s'entretenir avec son père de différentes questions relatives à l'entreprise, et qu'il compte devenir un jour copropriétaire du bien avec son frère et sa soeur, par voie d'héritage. Il a dit être très heureux de son emploi actuel et gagner un revenu appréciable. La question de l'endettement a toujours été un de ses soucis et, dès le jour de son mariage, il était propriétaire d'une maison libre de toute hypothèque. Concernant le travail effectué durant la saison morte, l'appelant a précisé que la déclaration de TPS devait être produite à la fin d'avril, qu'il avait rempli les documents requis et qu'il les avait transmis. Durant cette période, son père recevait tout le courrier destiné à KSG, lui-même se contentant de faire des chèques pour payer les comptes fournisseurs, et ce, pour la simple raison que son père, ayant peu d'instruction, avait de la difficulté à s'occuper de cet aspect de l'entreprise.

[4]            L'avocat de l'appelant a fait valoir que le Ministre avait le devoir de prendre en compte toutes les circonstances de l'emploi, et donc, entre autres, l'apathie économique dans la région durant la période en cause. Au vu de la preuve, il est d'avis que la situation financière de KSG devrait être considérée comme un motif raisonnable de choisir la méthode particulière qui a été retenue pour payer l'appelant et que, même si des paiements au titre du salaire étaient effectués à une date ultérieure, le montant payable était versé en totalité par KSG. L'argument de l'avocat est que, dans l'ensemble de la région, la situation économique était si mauvaise que d'autres personnes, n'ayant aucun lien de dépendance avec la payeuse, auraient probablement accepté de travailler dans les mêmes conditions. Il a également soutenu que la décision (pièce A-4) rendue par Emploi et Immigration Canada pour la période du 3 octobre au 23 décembre 1994, selon laquelle l'emploi de l'appelant chez KSG était assurable, liait le Ministre, puisqu'elle n'avait pas fait l'objet d'un appel de la part de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, qui avait été établie en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage.

[5]            L'avocate de l'intimé a convenu que la décision figurant à la pièce A-4 était exécutoire et qu'on ne pouvait annuler une décision simplement en en rendant une autre applicable à la même période. La Commission aurait pu demander au Ministre de décider de la question en vertu du paragraphe 61(3) de la Loi sur l'assurance-chômage ou elle aurait pu, peut-être, conformément à certaines dispositions transitoires, porter la décision en appel devant le Ministre à tout moment ainsi que l'y autorise l'article 91 de la Loi sur l'assurance-emploi, malgré le fait qu'un employé ou un employeur ne dispose pour sa part que de 90 jours pour interjeter appel. En ce qui concerne le bien-fondé de l'appel relativement aux années postérieures à 1994, l'avocate a soutenu que rien dans la jurisprudence ne justifiait l'intervention de la Cour. Elle a ajouté que, même si une telle intervention était jugée appropriée, l'examen objectif de la preuve conduirait forcément à la confirmation de la décision rendue par le Ministre.

[6]            Le Ministre a rendu une décision selon laquelle l'emploi de l'appelant chez la payeuse n'était pas assurable, car il n'était pas convaincu, aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi, que les parties auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu entre elles de lien de dépendance. Voici le libellé de cette disposition :

                Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

                [...]

b)             l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[7]            La première question à examiner est de savoir si la preuve qui m'a été présentée me donne quelque motif d'intervenir en vue de remettre en cause la décision du Ministre.

[8]            Dans Crawford and Company Ltd. c. M.R.N., publiée, [1999] A.C.I. no 850 (QL), décision rendue le 8 décembre 1999, le juge suppléant Porter a examiné l'appel de trois employés de la société, dont deux frères qui faisaient partie de la catégorie des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'autre appelant n'ayant pas de lien de dépendance avec la société, le juge avait dû procéder à un examen distinct des faits puisqu'aucun pouvoir discrétionnaire n'avait été exercé par le Ministre en application de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi. L'analyse effectuée par le juge Porter en ce qui concerne les deux frères est détaillée et pertinente à celle qui doit être faite dans le présent appel. C'est pourquoi je citerai de longs extraits de ce jugement, parce qu'il est conforme à ma compréhension du droit et que les faits dans cette affaire et dans l'appel en l'instance sont à peu près semblables. Le juge Porter a déclaré au début du paragraphe 58 :

               

Dans le cadre du régime établi par la Loi sur l'a.-e., le Parlement a prévu que certains emplois sont assurables et donnent droit à des prestations s'ils cessent, et que d'autres emplois, qui sont « exclus » , ne donnent droit à aucune prestation s'ils cessent. Lorsque des personnes qui ont un lien de dépendance concluent une convention d'emploi, il s'agit d'un « emploi exclu » . Des conjoints, des parents et leurs enfants, des frères, et des sociétés contrôlées par ces personnes sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance suivant le paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui régit cette situation. Cette disposition législative a manifestement pour but d'éviter au régime d'avoir à payer une multitude de prestations fondées sur des conventions d'emploi factices ou fictives; voir les observations de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Paul c. Le Ministre du Revenu national, (A-223-86) inédite, où le juge Hugessen a déclaré :

                Nous sommes tous disposés à présumer, comme nous y invite l'avocat de l'appelante, que l'alinéa 3(2)c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, et le paragraphe 14a) du Règlement sur l'assurance-chômage visent entre autres à éviter les emplois abusifs de la Caisse d'assurance-chômage par la création de soi-disant rapports « employeurs-employés » entre des personnes dont les rapports sont, de fait, très différents. Cet objectif se révèle tout à fait pertinent et rationnellement justifiable dans le cas des époux qui vivent ensemble maritalement. Mais même si, comme le soutient l'appelante, nous ne sommes en présence que d'époux légalement séparés et qui peuvent traiter entre eux sans lien de dépendance, la nature de leurs rapports en qualité de conjoints est telle qu'elle justifie, à notre avis, d'exclure de l'économie de la Loi l'emploi de l'un par l'autre.

[...]

                Nous n'écartons pas la possibilité que les dispositions susmentionnées aient d'autres objectifs, comme par exemple la décision conforme à une politique sociale visant à écarter du champ d'application de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage tous les emplois exercés au sein de l'unité familiale, comme l'a suggéré l'avocat de l'intimé. (C'est moi qui souligne.)

                                La rigueur de cette disposition a toutefois été atténuée par l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., lequel prévoit qu'un emploi dans un cas où l'employeur et l'employé sont des personnes liées est réputé être exercé sans lien de dépendance et peut donc être considéré comme un emploi assurable, s'il remplit toutes les autres conditions, c'est-à-dire si le ministre est convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance de travail accompli, qu'il est raisonnable de conclure qu'ils auraient conclu entre eux un contrat à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu (en fait) un lien de dépendance.

                                Il pourrait être utile que je reformule la façon dont je comprends cet alinéa. Pour les personnes qui sont liées, la Loi exclut tout droit à des prestations d'assurance, à moins qu'on ne puisse convaincre le ministre que la convention d'emploi est bel et bien la même qu'auraient conclue des personnes non liées, c'est-à-dire des personnes qui n'ont manifestement aucun lien de dépendance. Le Parlement a jugé que, s'il s'agit d'un contrat de travail à peu près semblable, il devrait en toute équité être inclus dans le régime. Toutefois, c'est le ministre qui décide. Sauf s'il est convaincu qu'il y a lieu de l'inclure, l'emploi reste exclu et l'employé n'a pas droit à des prestations.

                                Le paragraphe 93(3) de la Loi sur l'a.-e. porte sur les appels au ministre et sur le règlement de questions par celui-ci. Il dispose que « [l]e ministre règle la question soulevée par l'appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux personnes concernées. »

                                Le ministre est donc tenu de régler la question. La Loi l'exige. Si le ministre n'est pas convaincu, l'emploi reste exclu et l'employé n'a pas droit aux prestations. Si toutefois il est convaincu, sans plus de cérémonie et sans prise d'aucune mesure par le ministre (sauf la communication de la décision), l'employé a droit à des prestations, pourvu qu'il remplisse les autres exigences. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire au sens que, si le ministre est convaincu, il peut alors juger que l'emploi est assurable. Il doit « régler la question » et, selon ce qu'il décide, aux termes de la Loi l'emploi est réputé soit comporter un lien de dépendance, soit ne pas en comporter. En ce sens, le ministre n'a pas à proprement parler de pouvoir discrétionnaire à exercer car, en prenant sa décision, il doit agir de façon quasi judiciaire et il n'a pas le droit de faire le choix qui lui plaît. Il ressort des décisions de la Cour d'appel fédérale sur cette question que le même critère s'applique à une multitude d'autres fonctionnaires qui prennent des décisions quasi judiciaires dans de nombreux domaines différents. Voir Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R., 185 N.R. 73, Ferme Émile Richard et Fils Inc. v. M.N.R., 178 N.R. 361, Attorney General of Canada and Jencan Ltd. (1997), 215 N.R. 352 et Her Majesty the Queen and Bayside Drive-in Ltd. (1997), 218 N.R. 150.

[9]            Dans l'arrêt Adolfo Elia c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 316 (QL), décision de la Cour d'appel fédérale rendue le 3 mars 1998, le juge Pratte déclare à la page 2 :

Contrairement à ce qu'a pensé le juge, il n'est pas nécessaire, pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu'il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c'est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n'a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre. »

[10]          Dans l'arrêt Légaré c. Canada (Le ministre du Revenu national), [1999] A.C.F. no 878, autre décision de la Cour d'appel fédérale, le juge Marceau, s'exprimant au nom de la Cour, dit à la page 2 :

La Cour est ici saisie de deux demandes de contrôle judiciaire portées à l'encontre de deux jugements d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt dans des affaires reliées l'une à l'autre et entendues sur preuve commune où se soulevaient une fois de plus les difficultés d'interprétation et d'application de cette disposition d'exception du sous-alinéa 3(2)c)(ii). Une fois de plus, en effet, car plusieurs décisions de la Cour canadienne de l'impôt et plusieurs arrêts de cette Cour se sont déjà penchés sur le sens pratique à donner à ce sous-alinéa 3(2)c)(ii) depuis son adoption en 1990. On voit tout de suite en lisant le texte les problèmes qu'il pose par delà la pauvreté de son libellé, problèmes qui ont trait principalement à la nature du rôle attribué au ministre, à la portée de sa détermination et, par ricochet, à l'étendue du pouvoir général de révision de la Cour canadienne de l'impôt dans le cadre d'un appel sous l'égide des articles 70 et suivants de la Loi.

                                Les principes applicables pour la solution de ces problèmes ont été abondamment discutés, encore qu'apparemment, à en juger par le nombre de litiges soulevés et les opinions exprimées, leur exposé n'ait pas toujours été pleinement compris. Pour les fins des demandes qui sont devant nous, nous voulons reprendre, en des termes qui pourront peut-être rendre plus compréhensibles nos conclusions, les principales données que ces multiples décisions passées permettent de dégager.

                                La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre: c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était "convaincu" paraît toujours raisonnable.

[11]          Il convient maintenant d'examiner les hypothèses sur lesquelles s'est fondé le Ministre dans le contexte de la preuve. Les hypothèses suivantes, énoncées au paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel, sont exactes :

                [TRADUCTION]

a)              La société de personnes (la payeuse) exploite une sablière et gravière;

b)             l'appelant est le fils des deux associés;

d)             l'appelant est considéré comme le directeur général de la payeuse;

e)              l'appelant répond à tous les appels téléphoniques, reçoit les commandes, établit les factures et les chèques;

f)              l'appelant travaille surtout à son domicile, et il utilise sa propre ligne téléphonique pour les appels d'affaires;

i)               l'appelant notait ses heures de travail;

j)               l'appelant ne faisait pas l'objet d'une surveillance quotidienne, mais il demandait au besoin des instructions à son père et au comptable;

m)             l'appelant continuait de fournir des services à la payeuse durant les périodes où il était prétendument mis à pied.

[12]          La preuve présentée montre que, en 1994, l'entreprise ne comptait que trois travailleurs, et non quatre, puisque le chauffeur de camion et l'opérateur de chargeuse étaient une seule et même personne. L'hypothèse voulant que la payeuse ait acquitté la facture téléphonique personnelle de l'appelant (alinéa 4g)) est inexacte. Les montants indiqués aux alinéas 4k) et l) — salaire net et paiements bel et bien reçus durant les périodes en cause — ont été interprétés de façon différente par l'appelant, pour qui certaines sommes reçues lors d'années subséquentes correspondaient à des arriérés de salaire et étaient traitées comme si elles avaient été versées au moment où elles devaient l'être. Pour sa part, le Ministre s'est fondé sur le fait que le salaire gagné et payable n'a été versé que plusieurs mois plus tard, et que l'appelant était en principe tenu de déclarer son revenu selon la méthode de caisse pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu. De par leur nature et leur portée, les services fournis à la payeuse par l'appelant durant les périodes de mise à pied n'étaient pas particulièrement coûteux ni exigeants, mais ils prenaient néanmoins une partie de son temps, et ils étaient importants pour le bien de l'entreprise. L'appelant a dit avoir accepté d'attendre avant de toucher son salaire parce que les ressources de trésorerie de l'entreprise n'étaient pas suffisantes pour que celle-ci puisse lui payer son plein salaire de la même manière qu'aux autres travailleurs, tout en effectuant les importants paiements rattachés à son coûteux matériel. Il faut aussi tenir compte du fait que l'entreprise appartient à son père et à sa mère et que, si elle prend de la valeur par suite de ses efforts, c'est lui qui en profitera — en partie —, étant donné qu'il est l'un des trois héritiers du bien. L'appelant travaillait à son propre rythme, et les fonctions de tenue de livre ou de comptabilité semblent avoir demandé beaucoup de temps.

[13]          L'avocat de l'appelant a avancé que le Ministre aurait du tenir compte de la situation économique dans la région et considérer que d'autres personnes, n'ayant aucun lien de dépendance avec la payeuse, auraient peut-être accepté les mêmes conditions d'emploi. Je ne suis pas d'accord avec lui. Les disparités régionales font l'objet de règlements pris aux termes de la Loi relativement au nombre de semaines de travail et au calcul des prestations, mais elles ne constituent pas un facteur dont le Ministre doit dûment tenir compte lorsqu'il s'acquitte du devoir qui lui incombe aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi. L'exigence principale consiste à appliquer des normes objectives dans l'examen des circonstances propres à l'emploi, et à poser ainsi qu'à régler raisonnablement la question de savoir si un tiers travaillerait dans des conditions où le versement d'une fraction importante de son salaire serait reporté jusqu'à une date avancée de l'année suivante ou, s'il s'agit d'une fraction plus petite du salaire, jusqu'à une date plus éloignée encore. Le seul autre travailleur recevait l'intégralité de son salaire. De même, on ne s'attend pas à ce qu'un travailleur, qui n'est pas lié à l'employeur, utilise le compte bancaire de ce dernier, plutôt qu'un compte chèque personnel, pour payer des dépenses personnelles et familiales. Lorsqu'il s'agit d'un travailleur qui n'est pas lié à l'employeur, une mise à pied est une mise à pied, point à la ligne. Un tel travailleur ne continuerait pas de fournir bon nombre des mêmes services importants à son ancien employeur sans recevoir de contrepartie financière, alors que cela est typique des relations de travail entre des personnes liées — et c'est cette situation qui prévalait en l'instance.

[14]          Il ressort clairement de la jurisprudence que notre cour ne peut substituer sa décision à celle du Ministre et qu'elle ne peut examiner la preuve de novo, sauf si les conditions préalables sont réunies. Dans l'appel en l'instance, il est clair que le Ministre n'a pas agi de mauvaise foi, de façon arbitraire ou illégale, et rien n'indique qu'il ait fondé sa décision sur des faits non pertinents ou qu'il n'ait pas tenu compte de faits pertinents. Selon moi, les faits supposés ou retenus par le Ministre ont été confirmés par la preuve et ont été dûment pris en compte et pesés aux fins de la décision à prendre aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[15]          Revenons à l'objet de la décision rendue le 28 mars 1995 (pièce A-4) relativement à la période du 3 octobre au 23 décembre 1994, selon laquelle l'emploi de l'appelant chez la payeuse était assurable. Selon son témoignage, l'appelant avait fourni toute l'information pertinente au sujet de la relation de travail l'unissant à la société de personnes de ses parents, ce qui fait que, à la suite d'une enquête, la décision en question a été rendue, et il a reçu les prestations d'assurance-chômage auxquelles il avait droit. Il a agi de la même manière par la suite, et il n'avait absolument aucune raison de penser que son emploi cesserait un jour d'être classé dans la catégorie des emplois assurables. Un tel manque de cohérence des processus conduisant à la prise de décisions et de déterminations différentes est source de bien des difficultés pour les travailleurs et les employeurs qui font de leur mieux afin de se conformer à un système complexe. Pour compliquer encore les choses, les parties doivent demander le remboursement des cotisations — pourtant versées de bonne foi, au motif que le travailleur occupait un emploi assurable — dans les trois ans suivant la fin de l'année où elles ont été versées, ainsi que le prévoient les articles 63 et 96 de la Loi sur l'assurance-chômage et de la Loi sur l'assurance-emploi, respectivement. Dans l'appel en l'instance, la payeuse a versé des cotisations en 1995, 1996 et 1997. Dans d'autres circonstances, en présence de faits similaires, une demande de remboursement aurait dû être présentée avant la fin de 1998, 1999 et 2000, respectivement, conformément à la loi, ainsi que l'a soutenu l'avocate de l'intimé. Toutefois, comment cela aurait-il été possible à l'égard des cotisations versées en 1995 et en 1996, la conclusion de la Cour sur la légitimité de la décision du Ministre — rendue le 12 juillet 1999 — ne pouvant être connue tant que ce jugement n'avait pas été remis aux parties? Dans l'appel en l'instance, l'avocate de l'intimé n'a pas avancé cet argument. Cette irrecevabilité prétendue d'une demande de remboursement m'apparaît complètement ridicule, inéquitable et contraire à l'objet et à l'esprit de la loi. Cela permettrait au Ministre de rendre, n'importe quand, une décision portant sur la totalité ou une partie d'une période qui ne serait plus couverte par les dispositions de remboursement et, sans même tenir compte du temps durant lequel se sont déroulées les procédures judiciaires, de refuser de rembourser les cotisations versées par erreur, pour le motif que la demande n'a pas été présentée dans le délai prescrit, délai qui était peut-être déjà dépassé avant que soit rendue la décision portée en appel, ou, sinon, qui l'est très probablement devenu lorsque la Cour rend sa décision dans le cadre d'un appel. Il est de toute évidence préférable de considérer que l'échéance applicable au remboursement des cotisations, dans le cas d'un travailleur dont l'emploi est en bout de ligne jugé non assurable, vaut aussi longtemps que la question demeure du ressort du Ministre. Par contre, à partir du moment où la décision est portée en appel, il faudrait cesser de tenir compte de cette échéance et, dans l'éventualité où la Cour juge que l'emploi n'était pas assurable au cours d'une période donnée, l'employé et le prétendu employeur devraient avoir droit au remboursement des cotisations correspondantes, peu importe le temps écoulé depuis leur versement. Les personnes ayant versé des cotisations parce qu'elles pensaient, à tort, qu'un emploi était assurable auraient sans doute un recours contre le Ministre en invoquant la conservation illégale d'argent et le principe d'équité, mais ce droit à des recours juridiques coûteux — devant une autre instance encore — est une bien piètre consolation pour les travailleurs ordinaires et les gens qui exploitent une petite entreprise.

[16]          L'appel est accueilli et la décision du Ministre, bien que confirmée par ailleurs relativement aux années 1995, 1996 et 1997, est modifiée de façon à conclure ce qui suit :

                L'appelant occupait un emploi assurable pour Peter et Anne Kabatoff, faisant affaire sous le nom Kabatoff's Sand and Gravel, au cours de la période allant du 3 octobre au 23 décembre 1994, conformément à la décision d'Emploi et Immigration Canada datée du 28 mars 1995.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 24e jour de novembre 2000.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 2e jour d'avril 2001.

Mario Lagacé, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4401(EI)

ENTRE :

JACK KABATOFF,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 12 septembre 2000 à Kelowna (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions

Avocat de l'appelant :                          Me Marc R. B. Whittemore

Avocate de l'intimé :                            Me Kristy Foreman Gear

JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 24e jour de novembre 2000.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de mai 2001.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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