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Date: 19990219

Dossier: 94-1931-IT-G

ENTRE :

GLEE WALKER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Prononcés oralement à l'audience à London (Ontario) le 27 septembre 1996)

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Glee Walker interjette appel des cotisations d'impôt établies pour les années d'imposition 1987 et 1989. Dans le calcul de son revenu, elle a traité les profits réalisés lors de la vente, en 1987, d'une propriété située rue Bruce, à Cambridge (Ontario), et de la vente, en 1989, d'une partie d'une ferme appelée la propriété Garnham, comme des gains en capital. Dans les deux cas, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a traité les profits comme des revenus.

[2] L'appelante est enseignante à l'école secondaire, un poste qu'elle occupait à temps plein au cours des années d'imposition en cause. Elle paraît avoir peu d'expérience des affaires, sinon aucune, mais elle a un intérêt soutenu pour les vieilles maisons, ayant elle-même remis à neuf et décoré plusieurs propriétés. À compter de 1982, l'appelante a également pris part à un certain nombre d'entreprises immobilières tant dans la région de Cambridge qu'à Detroit. Je ne parlerai pas davantage des acquisitions faites à Detroit, si ce n'est pour dire qu'elles paraissent toutes avoir été faites à des fins spéculatives et, de fait, il est raisonnable de qualifier de spéculatives certaines des activités exercées dans les années en question.

[3] En 1980, l'époux de l'appelante, Bruce White (M. White), était actionnaire et employé d'une compagnie de gravier. Je mentionne les activités de M. White parce que, dans les causes que l'on qualifie communément d'affaires de commerce ou de négoce, l'intention du contribuable est au nombre des questions à régler. Si j'accepte le témoignage de l'appelante selon lequel les décisions prises relativement à la propriété de la rue Bruce et à la propriété Garnham ont été précédées de discussions et reflétaient un consensus, je suis également convaincu que l'expérience de M. White dans le domaine était plus vaste que celle de l'appelante et que ses opinions concernant l'acquisition ou la disposition d'une propriété, son financement, etc., ont fortement influé sur la prise de décision. En outre, il est tout à fait évident qu'il participait très activement aux opérations car c'est lui qui traitait avec les entrepreneurs, les institutions financières, et les autorités municipales et autres, au besoin. Son expérience et sa participation à d'autres opérations immobilières pendant ces années-là sont des faits pertinents qui doivent être pris en considération pour déterminer l'intention de l'appelante en ce qui concerne les deux propriétés en litige. C'est particulièrement le cas pour la propriété Garnham, dont la compagnie à numéro de M. White était copropriétaire.

[4] J'entends traiter de la propriété de la rue Bruce en premier. En raison d'inondations répétées, un certain nombre de maisons situées dans le périmètre d'inondation de Cambridge ont été désignées pour être démolies. L'appelante estimait que l'une de ces résidences, située au 102, rue Water, qu'elle connaissait, valait la peine d'être sauvée, ce dont elle a informé M. White. En outre, il y avait apparemment sur la rue Bruce, située près de là, un terrain à vendre. M. White s'est renseigné sur le coût du déménagement, et il a été décidé d'acheter la maison promise à la démolition et de la transporter sur le terrain libre. La maison a été payée 1 000 $ et le terrain de la rue Bruce, acheté en janvier 1985, a été payé 14 000 $ (pièce R-10). D'après l'appelante, les fondations jetées sur le terrain de la rue Bruce étaient conçues de façon qu'un logement puisse être aménagé au sous-sol si cela était permis. La maison a été transportée sur le terrain de la rue Bruce en avril 1985.

[5] L'appelante a déclaré qu'elle avait acheté cette maison dans l'intention de la convertir en immeuble locatif de trois logements. Elle a déclaré que l'analyse qu'elle et son époux avaient faite les avait convaincus que les coûts du déménagement et de la remise à neuf ne dépasseraient pas les limites du financement disponible et que les loyers projetés seraient suffisants pour permettre d'entretenir la propriété. L'appelante a déclaré que la maison avait été achetée également parce qu'elle pourrait un jour servir de résidence à leur fils cadet, qui avait 18 ou 19 ans à l'époque. C'est là à mon avis davantage un voeu pieux, comme l'a admis l'appelante, qu'une intention déterminante.

[6] Le règlement de zonage applicable au terrain de la rue Bruce permettait la construction de maisons individuelles ou d'immeubles pouvant contenir jusqu'à six logements, dans la mesure où les règlements, en particulier pour ce qui est de la superficie du terrain et du secteur, étaient respectés (pièce R-3). À une date antérieure au 22 mai 1985, l'appelante a demandé une dérogation au règlement de zonage pour permettre la construction d'un triplex sur le terrain en question. Le comité des dérogations a remis à plus tard sa décision à l'égard de cette demande, mais, apparemment, il n'est pas contesté que la proposition relative au duplex était acceptable. D'après l'appelante, leurs plans ont été contrecarrés en raison des coûts imprévus liés au déménagement, des coûts de rénovation plus élevés que prévu et des difficultés qu'ils ont eues avec le service d'urbanisme. M. White a jeté tout le blâme sur le personnel de ce service, qui a fait preuve d'intransigeance. Autre problème de taille, l'un des prêteurs qui s'était engagé à consentir un prêt hypothécaire de premier rang n'a pas donné suite à son engagement, de sorte que l'appelante a dû refinancer l'achat à un coût plus élevé.

[7] La propriété a été mise en vente le 3 février 1986 (pièce R-11). Si l'on se reporte aux pièces R-12 et R-13, l'appelante a reçu une offre de 60 000 $ en décembre 1986 et une de 55 000 $ en mars 1987. La propriété a finalement été vendue 71 600 $ au mois de novembre 1987 (pièce R-11). L'appelante n'a tiré aucun revenu locatif de la propriété pendant la période où elle en a été propriétaire.

[8] Un certain nombre de facteurs me mènent à conclure que la propriété de la rue Bruce a été acquise en vue de réaliser un profit en la revendant au moment opportun. Certains de ces facteurs sont énumérés ci-après, sans aucun ordre d'importance :

M. White a déclaré dans son témoignage que la valeur des biens immobiliers grimpait rapidement à ce moment-là. Il n'y a aucune raison de douter que l'appelante l'ignorait.

Aucun capital n'a été investi. Les coûts totaux projetés, c'est-à-dire le prix d'achat de la maison et du terrain, les frais de déménagement, la construction du sous-sol, la remise à neuf s'il était permis de convertir la propriété en un triplex, devaient être financés par emprunt. Je ferai remarquer que l'un des prêteurs était Waydam Incorporated, une compagnie avec laquelle M. White traitait souvent et qui paraît aussi avoir financé l'acquisition de la propriété de la rue Richardson, dont je parlerai plus loin. Dans son témoignage, l'appelante a affirmé qu'elle n'avait jamais entendu parler de cette compagnie.

La propriété a été mise en vente le 3 février 1986, soit dans les dix mois suivant le déménagement de la maison sur le terrain de la rue Bruce. Au même moment, M. White a pris part à plusieurs autres opérations immobilières dans le même secteur de Cambridge.

En octobre 1984, la compagnie à numéro de M. White a présenté une offre d'achat d'une propriété, rue Walnut, dans laquelle se trouvaient deux maisons vides (pièce R-22 et R-23). L'achat a été conclu le 24 décembre 1984.

Le 17 mars 1985, la compagnie à numéro a acheté un terrain libre rue Richardson (pièce R-21). Le titre de la propriété de la rue Bruce a été pris le 15 mars 1985. D'après M. White, on a envisagé la possibilité (estimation des coûts (pièce A-15) à l'appui) de transporter l'une des maisons de la rue Walnut sur le terrain de la rue Richardson ou peut-être de la rue Bruce parce qu'on pourrait obtenir plus de financement en installant les maisons de la rue Walnut sur des terrains distincts. En fin de compte, M. White a vendu la propriété de la rue Richardson à profit, sans bâtiment, en mars 1987.

Bien que M. White ait affirmé avoir acquis les maisons de la rue Walnut à titre de logements locatifs, celles-ci ont été démolies parce que, a-t-il dit, la propriété était plus vendable comme terrain libre, ce qui démontre encore une fois comment il envisageait les choses à l'époque. La propriété de la rue Walnut a été vendue à la fin de l'année 1987 ou au mois de janvier ou février 1988. Ces opérations et, en particulier, le financement requis paraissent avoir été entremêlés avec l'opération mettant en cause la propriété de la rue Bruce, et on ne peut faire abstraction de leur existence.

Il est douteux que le retard mis à obtenir les dérogations au zonage, lesquelles étaient, a-t-on dit, essentielles pour mener à terme le projet de la rue Bruce, ait été, comme M. White l'a indiqué, la faute de quelqu'un d'autre. Au moins une lettre du comité d'urbanisme indique que l'on attendait que les demandeurs agissent.

J'ai beaucoup de difficulté à croire le témoignage selon lequel ce sont les problèmes de financement — même si leur existence était réelle — qui ont précipité la vente. D'après l'appelante, la partie formant le duplex aurait pu être occupée avant la fin de l'année 1985. On semble avoir fait peu d'efforts véritables pour trouver des locataires acceptables, et le duplex est resté libre jusqu'à sa vente.

Tout bien considéré, je conclus que l'appelante n'a pas réussi à démontrer que la cotisation établie pour l'année 1987 par le ministre était erronée. Par conséquent, je n'ai pas à me pencher sur l'applicabilité du paragraphe 110.6(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[9] J'examinerai maintenant le cas de la propriété Garnham. Il s'agit d'un terrain de 19 acres où se trouve, dans l'angle sud-est, une maison de pierres “ du début du siècle ”. Il est bordé, d'un côté, par la carrière de gravier Lakeview et, de l'autre, par la ferme White Oaks. On y trouve apparemment des dépôts de gravier (pièce A-10). La propriété a été mise en vente en 1982. En 1983, Clifford McEwen l'a achetée en fiducie pour la compagnie à numéro et l'appelante. Ces derniers en ont obtenu le titre en 1985. Par commodité, je parlerai de M. White pour désigner la compagnie copropriétaire. Au cas où je ne l'aurais pas déjà mentionné, M. White était l'unique actionnaire de la société.

[10] L'appelante et M. White ont affirmé avoir acquis cette propriété pour deux raisons. D'une part, et principalement, ils disaient vouloir rénover la résidence délabrée et la convertir en logements locatifs. D'après leurs prévisions, ont-ils dit, avec trois logements, la propriété ferait ses frais. D'autre part, l'appelante et son époux pourraient ainsi donner à leur fils aîné la possibilité d'acquérir la propriété à titre de résidence dans un avenir raisonnablement prévisible. D'après l'appelante, il avait montré un intérêt sérieux à cet égard.

[11] L'avocate de l'appelante a mentionné deux autres propriétés agricoles dont l'appelante était propriétaire, faisant valoir que cela confirmait les intentions de cette dernière et la cohérence de ses actions en ce qui concerne ce genre de propriété. La première est la ferme White Oaks, propriété de M. White depuis 1965, sur laquelle se dressait une grande et vieille maison de pierres où l'appelante et M. White ont vécu de 1975 à 1992. Pendant cette période, ils ont aménagé un petit logement locatif dans la maison et en ont plus tard ajouté deux autres. Tous sont loués ou à louer. De plus, l'appelante soutient que l'on est en train d'aménager un autre logement.

[12] En novembre 1989, l'appelante et la compagnie à numéro ont acheté près de là la ferme Taylor, une propriété d'une centaine d'acres qui comprend un lac et une vieille maison de pierres de 4 500 pieds carrés. La résidence était divisée en trois logements, l'un étant occupé par l'appelante et son époux et les deux autres, loués. Depuis 1992, l'appelante est l'unique propriétaire de cette propriété. De plus, après que la propriété Garnham eut été acquise en 1983, l'appelante et M. White y ont effectué des travaux de rénovation et, en 1985, deux logements avaient été achevés. L'appelante prévoyait tirer des revenus de location de 1 100 $ par mois, ce qui, a-t-elle dit, fournirait des rentrées de fonds suffisantes pour rembourser l'emprunt hypothécaire et pour payer les taxes, l'intérêt et d'autres dépenses semblables. L'appelante a mentionné une évaluation faite en 1985 (pièce A-10), qui prévoyait un revenu brut réel de 12 800 $ par année, et une deuxième évaluation, celle-là faite en 1987 (pièce A-11), où il était fait mention des trois logements et où l'on pouvait lire l'inscription “ louée récemment ” 1 175 $ par mois.

[13] L'appelante a toujours été au courant de l'existence du projet de conservation de la région carolinienne canadienne et du fait qu'une petite partie de la propriété Garnham était touchée par ce projet. À un moment donné, M. White a entamé des discussions avec l'organisme de conservation de la rivière Grand sur une portion d'un terrain boisé occupant la partie nord-est de la propriété Garnham. Ces discussions ont abouti, le 11 octobre 1988, à l'offre suivante faite par M. White au président de l'organisme (pièce R-34) :

[TRADUCTION]

J'ai conclu qu'il était avantageux à ce moment-ci de céder à l'organisme une partie de mon terrain boisé, là où se trouve le marais sud. Par suite de plus amples discussions avec le personnel de l'organisme l'été dernier, j'ai conclu que le projet de la région carolinienne canadienne tirerait profit de cette cession. J'entends céder à l'organisme, en contrepartie du montant de 1 $, approximativement 10 acres de mon terrain boisé de 30 acres et une route d'accès à la forêt et au marais, sous la forme d'un acte de propriété et d'une servitude.

Les détails de la proposition étaient joints à cette lettre. L'offre a été acceptée par l'organisme, et la superficie de 10 acres ainsi que la route d'accès lui ont été cédées à la fin de l'année 1988 ou au début de l'année 1989. Par suite de cette cession, un terrain de 1,4 acre de la propriété Garnham sur lequel la maison était sise a été séparé du reste de la propriété. Cette séparation s'est produite sans que l'approbation du service d'urbanisme de la ville soit requise.

[14] En avril 1984, le terrain de 1,4 acre et la maison ont été vendus 184 000 $. Le ministre soutient qu'au moment de l'acquisition, l'appelante et M. White avaient l'intention d'obtenir une séparation de la partie de la propriété sur laquelle la résidence se trouvait et qui a finalement été revendue. Le ministre se fonde notamment sur les pièces A-8 et A-9, qui sont des échanges intervenus en 1983 entre le vendeur, Garnham, et Clifford McEwen, un ami intime de M. White, et l'acheteur de la propriété Garnham à titre de fiduciaire pour l'appelante et la compagnie à numéro. Chacune des deux pièces mentionne la séparation d'une superficie de deux acres. À la pièce A-8, qui mentionne expressément la substitution des hypothèques, on peut lire la remarque suivante :

[TRADUCTION]

À fournir par vous dès que la séparation mentionnée à l'alinéa 1 a) de ce contrat sera chose faite.

La pièce A-9 mentionne un engagement de séparer les deux hypothèques décrites dans le contrat d'achat une fois que la séparation des portions de deux acres et de 88 acres sera chose faite. Je crois que le contrat d'achat est devant la Cour. L'appelante et M. White disent tous deux que ces engagements n'étaient pas liés à des séparations ni à une vente possible, mais qu'ils étaient plutôt motivés par des considérations et des obligations de nature financière.

[15] À première vue, la thèse de l'appelante selon laquelle l'acquisition de la propriété Garnham n'était pas motivée par la revente est convaincante. Bien que cela puisse être vrai pour ce qui est du gros de la propriété, un examen plus attentif de l'opération révèle que M. White et l'appelante avaient l'intention de séparer la superficie de quelque deux acres sur laquelle la maison était sise, en vue de la revendre. Pour arriver à cette conclusion, j'ai examiné les documents produits en preuve et le témoignage de l'appelante et de M. White à la lumière d'autres faits établis, et j'ai pris en considération des facteurs comme le délai écoulé ainsi que la situation financière de M. White. À mon avis, la seule déduction logique qui puisse en être tirée est que la propriété a été acquise à des fins de revente. J'énumère les faits suivants, encore une fois sans les présenter par ordre d'importance.

On a tenté de séparer la portion en cause peu après la date de l'acquisition. Ainsi qu'il a été signalé, les deux engagements mentionnaient eux aussi la séparation. Dans ce contexte, je n'accorde pas beaucoup de poids à la prétention de l'appelante selon laquelle la séparation n'était envisagée qu'en raison des préférences exprimées par les institutions prêteuses, qui avaient indiqué que la séparation de la maison et d'un acre ou deux du reste de la propriété permettrait à un emprunteur de maximiser le montant d'un emprunt hypothécaire.

L'appelante, tout en étant incapable d'être précise, a admis lors du contre-interrogatoire que la propriété avait été mise en vente, peut-être dès 1985. Compte tenu du contexte dans lequel les questions ont été posées et les réponses données, je crois comprendre qu'elle faisait référence à la maison.

Les autres affaires immobilières auxquelles M. White a pris part au cours de la même période, et dont j'ai parlé plus tôt pour la plupart, portent le sceau d'une opération de commerce.

J'ajouterai dans ce cas-ci que l'empreinte de M. White se retrouve partout dans l'opération concernant la propriété Garnham. C'est lui qui l'a structurée, qui l'a exécutée et qui a activement fait la promotion du don à l'organisme de conservation. Il suffit de mentionner les lettres qu'il lui a adressées (pièces A-34 et A-35) et les rapports de l'estimateur pour le confirmer.

Compte tenu des faits, il est raisonnable d'inférer que, pendant toutes les périodes pertinentes, M. White et, par extension, l'appelante, avaient l'intention de séparer la maison et une partie du terrain adjacent du reste de la propriété et qu'ils ont tout fait pour y arriver. Cette intention ressort de façon évidente des remarques des estimateurs. Je reproduis d'abord un passage du rapport de 1985 où, sous la rubrique “ Remarques spéciales ”, l'estimateur a écrit :

[TRADUCTION]

Apparemment, il existe des dépôts de gravier sur le terrain de la ferme, qui se trouve dans une partie pittoresque de la région, avec des collines, la forêt et un lac à proximité. La maison et une petite partie du terrain ne sont pas encore séparés de la ferme. Si c'est là l'intention ultime, il y a des fermes dans le voisinage immédiat et une carrière de gravier près de là.

On peut lire le commentaire suivant dans le rapport d'évaluation de 1987, sous la rubrique “ Remarques spéciales ” :

[TRADUCTION]

Le vendeur souhaite séparer la maison et deux ou trois acres [...]

Je remarque également que, dans chaque cas, le demandeur nommément désigné dans le document est M. White. Je suis convaincu que les renseignements que contiennent ces rapports rédigés par deux estimateurs distincts ne pouvaient que provenir de l'appelante ou de M. White. À mon avis, ce n'est pas simplement le hasard qui a fait que, un an plus tard, M. White a écrit à l'organisme de conservation pour lui indiquer qu'il estimait avantageux de lui céder une portion de la propriété.

[16] Pour ce qui est de l'objet qui sous-tendait les discussions avec l'organisme de conservation, il y a lieu de mentionner la lettre que le directeur du service d'urbanisme de la municipalité régionale de Waterloo a adressée le 1er décembre 1988 à M. White. Le directeur y confirme les discussions tenues avec M. White et des représentants de l'organisme de conservation et du développement régional. Il y mentionne en outre un croquis exposant les grandes lignes de la proposition de M. White et sur lequel il signale une série de cessions sans condition de servitudes liées à l'accès. À cet égard, il écrit :

[TRADUCTION]

À notre avis, il y a lieu de prendre une décision sur la question de savoir si une cession totale de l'accès à partir de la route jusqu'au terrain boisé est exigée par l'organisme ou si une servitude le long de la route d'accès proposée suffira [...]

Puis, au bas de la première page, il fait une remarque énigmatique sur le droit de l'organisme de conservation d'acquérir une telle servitude d'alignement aux termes de la Planning Act. Il écrit :

[TRADUCTION]

Cependant, les conditions à cet égard sont très précises et notre service surveillerait de près l'exercice de cette fonction pour s'assurer qu'il n'en est fait aucun abus et qu'il n'en découle aucune conséquence préjudiciable pour nos objectifs de planification.

Cette remarque quelque peu énigmatique paraît traduire une certaine crainte vis-à-vis de l'effet de la cession de la route d'accès.

[17] La remarque de M. White relativement à cette lettre est intéressante. Il a déclaré que l'organisme de conservation avait déjà déterminé que la cession représentait la meilleure solution. Il est également intéressant de noter que M. White et l'appelante étaient parfaitement au courant des conséquences et des avantages qui découleraient des mesures prises en ce sens. De fait, il est à mon avis raisonnable d'inférer que la proposition elle-même émanait de M. White, qui recherchait ces conséquences.

[18] Je n'entends pas énumérer tous les faits sur lesquels je me suis fondé, mais je dois en mentionner deux autres. D'une part, l'achat de la propriété Garnham, comme plusieurs autres achats effectués par M. White, dont celui de la propriété de la rue Bruce, était entièrement financé par un prêt hypothécaire de 60 000 $ consenti par le vendeur, à 12 p. 100, un prêt hypothécaire de deuxième rang de 25 000 $, à 16,5 p. 100, et un prêt de 15 000 $ consenti par le conseil scolaire (le taux d'intérêt est inconnu). D'autre part, la propriété n'a été louée que sporadiquement dans les années qui ont suivi l'aménagement des logements en 1985. Cependant, même si elle avait été louée au complet aux taux indiqués dans la proposition, il est peu probable que le seuil de rentabilité aurait été atteint.

[19] Troisièmement, il n'y a curieusement aucun registre faisant état de quelque location que ce soit, bien que j'admette qu'il y en a eu certaines. Il n'y a aucun état des résultats non plus, ce qui, là encore, est curieux puisque l'appelante soutient qu'elle a déclaré une part de 50 p. 100 dans ses déclarations de revenus. Cependant, les pièces R-1, R-2 et R-3, qui sont ses déclarations de 1987, 1988 et 1989, ne font état d'aucune écriture de cette nature. M. White, pour sa part, est resté vague et il a été incapable d'expliquer pourquoi les états financiers de la société ne faisaient état d'aucun revenu de location. Je ne souhaite pas laisser entendre par là qu'il n'y a pas eu de location, mais plutôt que l'omission de déclarer un revenu est peut-être simplement due au fait que le revenu effectivement tiré de cette source était peu élevé. À tout le moins, elle suscite certainement un doute en ce qui concerne le témoignage de l'appelante et de M. White.

[20] En résumé, donc, l'appelante et son époux ont acheté la propriété Garnham pour plusieurs raisons, dont l'une était la revente, la possibilité de revendre la partie de la propriété qui fait l'objet du litige. Il est vrai que leurs intentions étaient différentes quant au reste de la propriété : ils prévoyaient, à un moment donné, construire leur propre maison sur les fondations d'une étable qui existait déjà. Subséquemment, ajouterai-je, ces fondations ont été utilisées à cette fin par leur fils, à qui une partie du terrain a été vendu en 1993. Cependant, la question dont je suis saisi ne concerne que la maison et une superficie de 1,4 acre. Puisque, dès le début, l'appelante et son époux avaient, à mon avis, l'intention de détenir cette partie de la propriété en vue de la revendre, l'opération ne peut être qualifiée que d'affaire de caractère commercial. Par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de février 1999.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de novembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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