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Date: 20000124

Dossier: 98-3468-IT-I

ENTRE :

RYAN J. L'ABBÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant MacLatchy, C.C.I.

[1]L’appelant interjette appel contre la nouvelle cotisation que le ministre du Revenu national (le “ministre” ci-après) a établie pour l’année d’imposition 1996, après avoir rejeté la déduction de 2 990 $ réclamée par l’appelant au titre de frais de déménagement consécutifs au versement à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) des droits d’assurance hypothécaire pour sa nouvelle maison.

[2]En 1995, l’appelant et son épouse ont acheté une maison à Windsor (Ontario). Cette transaction a été financée par la SCHL à condition que des droits d’assurance arrêtés à 2 377,56 $ soient ajoutés au principal. En avril 1996, l’appelant a accepté un nouvel emploi à London (Ontario), ce qui l’a conduit à vendre sa maison à Windsor et à se porter acquéreur d’une autre à London (Ontario) grâce, encore une fois, au financement octroyé par la SCHL, dont de nouveaux droits d’assurance hypothécaire de 2 990 $. Or, pour vendre sa maison à Windsor, il était tenu de rembourser le prêt afférent, y compris le solde des droits d’assurance exigible dans le règlement final. L’appelant a indiqué dans sa déclaration de revenu les droits d’assurance de sa nouvelle maison au titre de frais de déménagement, ce qui a donné lieu à la présente audience et il soutient qu'il devrait être autorisé à déduire soit la part des droits d’assurance hypothécaire non recouvrée suite à la vente de sa maison à Windsor, soit la somme versée au titre de droits d’assurance pour sa nouvelle maison à London.

[3]Les paragraphes 62(1) et (3) de la Loi d’impôt sur le revenu, pertinents en l’espèce, sont ainsi libellés :

Frais de déménagement

(1) Lorsqu’un contribuable a, à un moment donné, commencé :

a) à exploiter une entreprise ou à être employé dans un lieu au Canada (appelé son “nouveau lieu de travail” au présent paragraphe);

b) à être étudiant à plein temps dans un établissement d’enseignement (appelé son “nouveau lieu de travail” au présent paragraphe) qui est une université, un collège ou tout autre établissement dispensant un enseignement de niveau post-secondaire,

et a, de ce fait, déménagé d’une résidence située au Canada où, avant le déménagement, il résidait habituellement (appelée son “ancienne résidence” au présent article) pour venir occuper une autre résidence située au Canada où, après le déménagement, il a résidé habituellement (appelée sa “nouvelle résidence” au présent article), de sorte que la distance entre son ancienne résidence et son nouveau lieu de travail est supérieure d’au moins 40 kilomètres à la distance entre sa nouvelle résidence et son nouveau lieu de travail, il peut déduire, dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition au cours de laquelle il a déménagé de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, ou pour l’année d’imposition suivante, les sommes qu’il a payées au titre des frais de déménagement engagés pour déménager de son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle résidence, dans la mesure où, à la fois :

c) les sommes n’ont pas été payées en son nom par son employeur;

d) les sommes n’étaient pas déductibles, en vertu du présent article, dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année d’imposition précédente;

e) les sommes ne seraient pas, sans le présent article, déductibles dans le calcul du revenu du contribuable;

f) le total de ces sommes ne dépasse :

dans aucun des cas visés à l’alinéa a), le revenu tiré pour l’année par le contribuable de son emploi à son nouveau lieu de travail ou de l’exploitation de sa nouvelle entreprise à son nouveau lieu de travail,

(ii) dans aucun des cas visés à l’alinéa b), le total des sommes qui doivent être incluses dans le calcul de son revenu pour l’année, en vertu des alinéas 56(1)n) et o),

g) tout remboursement ou toute allocation qu’il a reçus relativement à ces frais sont inclus dans le calcul de son revenu.

(3) “Frais de déménagement” Pour l’application du paragraphe (1), sont compris dans les frais de déménagement toutes dépenses engagées au titre de :

a) des frais de déplacement (y compris les dépenses raisonnables pour repas et logement) engagés pour le déménagement du contribuable et des membres de sa maisonnée qui se transportent de l’ancienne résidence à la nouvelle résidence;

b) des frais de transport et d’entreposage des meubles du contribuable qui doivent être transportés de son ancienne résidence à sa nouvelle résidence;

c) des frais de repas et de logement, près de l’ancienne résidence ou de la nouvelle résidence, engagés par le contribuable et les membres de sa maisonnée pendant une période maximale de 15 jours;

d) des frais de résiliation du bail en vertu duquel il était le locataire de son ancienne résidence;

e) des frais relatifs à la vente de son ancienne résidence;

f)lorsque le contribuable ou son conjoint vend ou a vendu son ancienne résidence par suite de déménagement, de ses frais pour les services juridiques à l’égard de l’achat de sa nouvelle résidence et pour tout impôt sur le transfert ou l’enregistrement du droit de propriété de sa nouvelle résidence;

il est toutefois entendu que le terme ne vise pas les frais (autres que les frais visés à l’alinéa f)) engagés par le contribuable pour l’acquisition de sa nouvelle résidence.

[4]L’objet de la loi étant de favoriser la mobilité aux fins d’emploi, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit des dispositions spécifiques autorisant la déduction de certains frais de réinstallation comme le fait ressortir la décision The Queen v. Phillips, 94 DTC 6177 :

[...]la Loi renferme certaines lacunes et ses dispositions, compte tenu de leur généralité, sont de peu d'utilité [...] Il appartient aux tribunaux de combler ces lacunes, d'une façon compatible avec la loi et avec nos décisions antérieures, mais seulement dans les cas où nous sommes tenus de le faire. Notre mandat n'englobe pas l'établissement de politiques fiscales. En conséquence, nous devrions éviter de trancher des questions qui n'ont pas besoin de l'être; nous devrions laisser au législateur le soin de les résoudre.

L’énumération au paragraphe 62(3) n’est pas exhaustive comme l’atteste l’emploi du verbe “sont compris”. Dans l’affaire Seguin v. Canada (1997), 221 N.R. 321, la Cour d’appel fédérale a, au terme d’un contrôle judiciaire, écrit :

Selon le sens ordinaire des mots employés, sont inclus dans la disposition les frais engagés pour déménager physiquement, pour changer de résidence, de même que certains autres frais qui se rapportent directement au déménagement et à la réinstallation proprement dits et non un montant destiné à compenser pour des dommages accessoires qui sont sans rapport avec le déménagement et la réinstallation proprement dits dans la nouvelle résidence. Ainsi sont exclus les frais d’intérêts de l’ancienne résidence qui ne se rattachent pas directement au déménagement physique du contribuable et de sa famille mais plutôt à l'emprunt bancaire qu’il a contracté sur son ancienne résidence.

Dans l’affaire Storrow v. The Queen 78 DTC 6551 à la page 6553 :

A mon avis, les dépenses contestées ne constituaient pas des frais de déménagement selon la signification ordinaire ou habituelle de l’expression. Les dépenses ou les frais que cette expression comprend sont, à mon avis, des débours ordinaires engagés par un contribuable qui, en fait, change de résidence. L’expression ne comprend pas (sauf si le paragraphe 62(3)) le fait ressortir de façon explicite) des choses comme l’augmentation du coût de la nouvelle habitation par rapport à l’ancienne (que ce soit en vertu de la vente, du bail ou autrement). Elle ne comprend pas non plus les frais d’installation d’articles ménagers de l’ancienne maison dans la nouvelle, ou le coût de remplacement et de rajustement qui y sont afférents (comme les tentures, les tapis, etc.). Les frais de déménagement, comme le permet le paragraphe 62(3), ne comprennent pas, à mon avis, les dépenses ou les frais occasionnés à la suite de l’acquisition d’une nouvelle résidence. Seules sont déductibles les dépenses engagées en vue du déplacement physique du contribuable, de sa maisonnée et de ses biens à la nouvelle résidence.

[5]Il ressort de toutes ces affaires que les sommes à faire entrer dans le calcul des frais de déménagement doivent, relativement aux circonstances, être sensées et raisonnables. La Cour est d’avis que la déduction demandée par l’appelant ne constitue pas, compte tenu des circonstances, une dépense qui peut être assimilée aux frais de déménagement. Il s’agit certes d’un préjudice financier occasionné par le déménagement, l’un des risques potentiels à assumer lorsqu’un déménagement est envisagé. Ce préjudice financier ne sera pas compris dans les frais de déménagement, mais est-il si important qu’il remet le déménagement en question ?

[6]Il est intéressant de noter que, peu après le déménagement de l’appelant, la SCHL a modifié sa politique pour que soient transférables les droits d’assurance d’une résidence à l’autre. Malheureusement, l’appelant n’avait pas cette possibilité à l’époque où il déménageait; sa perte dans ce cas est une perte à considérer avant le déménagement. L’appelant a aussi prétendu que sa perte, si elle n’entrait pas dans le cadre des “frais de déménagement”, devrait alors être assimilée à des frais juridiques, étant donné qu’il a dû, en achetant sa nouvelle maison, s’acquitter des frais exigibles. La Cour n’accepte pas cet argument. La perte subie par l’appelant ne cadre pas avec les frais juridiques associés à l’achat d’une nouvelle résidence. Elle tient des droits d’assurance versés conformément à la politique de financement de la SCHL.

[7]En conséquence, l’appel est rejeté.

Signé à Toronto (Ontario), ce 24e jour de janvier 2000.

“ W. E. MacLatchy ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour d'août 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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