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Dossier : 2016-2158(OAS)

ENTRE :

RÉAL LÉVESQUE,

appelant,

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL,

intimé.

 

Appel entendu le 12 octobre 2016, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de la décision rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social en vertu du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9, est accueilli, sans dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2017.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 


Référence : 2017 CCI 44

Date : 20170320

Dossier : 2016-2158(OAS)

ENTRE :

RÉAL LÉVESQUE,

appelant,

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I. Introduction et faits pertinents

[1]             Monsieur Réal Lévesque, l’appelant, interjette appel d’une décision du ministre de l’Emploi et du Développement social (le « ministre ») concernant la détermination du montant du supplément de revenu mensuel garanti (« SRG ») selon la Loi sur la sécurité de la vieillesse (« LSV »)[1], et ce, pour la période de paiement allant de juillet 2012 à décembre 2012.

[2]             À cet égard, bien que l’intimé soutienne que la période en litige est celle de juillet 2012 à juin 2013, il m’apparaît évident que l’appelant ne conteste pas le calcul effectué par le ministre relativement à la période de paiement allant de janvier à juin 2013. N’ayant jamais été contesté par l’appelant, le calcul effectué par le ministre pour cette période de paiement doit donc demeurer tel qu’il est présentement.

[3]             À la lumière de ces commentaires, une seule période de paiement est donc actuellement en litige, c’est-à-dire celle de juillet à décembre 2012.

[4]             L’appelant reçoit la pension de la sécurité de la vieillesse depuis décembre 2009, soit le mois suivant son 65e anniversaire de naissance. Dans sa demande initiale, l’appelant avait également indiqué vouloir recevoir le SRG, tel que le prévoit la LSV[2].

[5]             De 2009 à 2011, l’appelant reçoit donc son supplément de revenu mensuel de revenu garanti sans problème. Le supplément demeurait essentiellement le même, car ses revenus ne changeaient pas pendant cette période.

[6]             Le 3 août 2012, l’appelant a soumis au ministre un formulaire intitulé « Déclaration du revenu prévu après la retraite ou après la diminution du revenu de pension – l’année 2012 ». L’appelant avait pris sa retraite le 30 septembre 2011.

[7]             Conséquemment à cette perte du revenu provenant d’une activité rémunérée, le ministre a calculé les montants du supplément de revenu mensuel garanti auxquels l’appelant avait droit pour la période de juillet 2012 à décembre 2012 non pas à partir de l’année de référence, comme pour les périodes précédentes, mais bien à partir d’une estimation des revenus de l’appelant tel qu’il est prévu dans la LSV[3].

[8]             De plus, puisque l’appelant est marié, les revenus de son épouse ont également été pris en considération afin de calculer le revenu combiné de l’appelant et de son épouse. 

[9]             Ainsi, pour la période de juillet 2012 à décembre 2012, les revenus de l’appelant furent initialement calculés de la façon suivante :

Revenu de pension estimé pour l’année d’imposition 2012

Régime de rentes du Québec

8 158,74 $

Autres sources de revenus pour l’année d’imposition 2011

Déduction pour REER

(9 000,00 $)

Revenu total de l’appelant

0,00 $

Revenu total de l’épouse

5 583,96 $

Revenu combiné

5 583,96 $

[10]        C’est donc en se fiant aux informations fournies par l’appelant que le ministre a d’abord calculé le supplément mensuel auquel l’appelant avait droit pour la période en litige. Cependant, à la suite de la production des déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2012 de l’appelant et de son épouse, le ministre a révisé son calcul pour la période de juillet 2012 à décembre 2012 afin de tenir compte de leurs véritables revenus.  À la suite de l’obtention de ces informations, le revenu combiné de l’appelant et de son épouse fut révisé de la façon suivante :

Revenu de pension estimé pour l’année d’imposition 2012

Régime de rentes du Québec

8 192,00 $

FRV

21 314,00 $

Autres sources de revenus pour l’année d’imposition 2011

Déduction pour REER

(9 000,00 $)

Revenu total de l’appelant

20 506,00 $

Revenu total de l’épouse

5 583,96 $

Revenu combiné

26 089,96 $

[11]        Il ressort de ce second calcul qu’une somme importante provenant d’un fonds de revenu viager  (« FRV ») n’avait pas été prise en compte par l’appelant dans l’établissement de ses revenus aux fins du calcul du SRG. Dans son avis d’appel, l’appelant admet qu’il a retiré la somme de 21 314 $ de son compte (la « somme forfaitaire ») et que par la suite il a transféré une somme de 19 951 $ dans un régime enregistré d’épargne-retraite (« REER »). [4]

[12]        Selon la preuve présentée par les parties, il semble que la somme forfaitaire serait provenue d’un compte de retraite immobilisé (« CRI ») que détenait l’appelant grâce à son ancien emploi.  Un montant de 39 902, 87 $ provenant de ce compte aurait été transféré du CRI vers le FRV, lequel est assimilé à un FERR (fonds enregistré de revenu de retraite) au sens de la Loi sur l’impôt sur le revenu (« LIR »)[5].  

[13]        Le 14 juin 2012, un somme de 19 951,43 $ aurait à nouveau été transféré du FRV vers un compte REER, ce qui aurait permis à l’appelant de réclamer une déduction importante ayant eu pour effet de diminuer grandement l’impact fiscal de ces opérations sur sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012.

II. Questions en litige

[14]        Il y a deux questions qui doivent être tranchées :

(a)  La première question concerne la façon dont le « revenu réel » de l’appelant doit être déterminé, c’est-à-dire dans le cas où le SRG doit, en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi, être calculé en fonction d’une estimation du revenu pour l’année civile suivant celle dans laquelle la perte d’un revenu a eu lieu. Selon le ministre, le « revenu réel » de l’appelant se calcule comme suit : revenu réel = revenu de pension 2012 + revenu tiré de toute activité rémunérée en 2012 + revenu de toute autre source en 2011. La question est donc de savoir si cette méthode est conforme à la LSV.

(b) Tel qu’il est mentionné ci-dessus, le ministre a traité la somme forfaitaire comme un revenu provenant d’un régime de pension aux fins du calcul susmentionné. Le terme « revenu provenant d’un régime de pension » est défini à l’article 14 du Règlement sur la  sécurité de la vieillesse. De ce fait, la deuxième question est de savoir si la somme forfaitaire est un revenu provenant d’un régime de pension au sens de cette définition.

III. Mise en contexte

[15]        En vertu de la LSV, un contribuable qui voudrait recevoir le supplément de revenu mensuel garanti doit en faire la demande, celui-ci n’étant pas versé automatiquement. Cette demande doit obligatoirement être accompagnée d’une déclaration de revenus pour l’année de référence, c’est-à-dire l’année civile précédant la période de paiement en cours[6].

[16]        Puisque l’appelant a pris sa retraite en septembre 2011, il a été possible pour lui, comme le prévoit le paragraphe 14(5) de la LSV, de produire une déclaration supplémentaire en cas de cessation d’activité rémunérée.

[17]        Selon le ministre, cette demande supplémentaire est une option qui est offerte afin de réévaluer les revenus d’un contribuable non pas en fonction de l’année de référence, mais bien, selon le paragraphe 14(5) de la LSV, à partir d’une estimation de ces revenus pour l’année civile suivant la perte. Conséquemment, cela permet au ministre de hausser le supplément de revenu mensuel garanti auquel un contribuable aurait droit, en prenant immédiatement en considération des pertes de revenus qui n’apparaîtraient pas dans les revenus de l’année de référence.

IV. Analyse et conclusion

[18]        Selon l’intimé, le « revenu réel » doit être calculé par la méthode prévue au paragraphe 14(5), dans un cas où cette option a été utilisée, plutôt qu’en fonction du revenu de l’année précédente. Cette disposition est reproduite ci-dessous :

Déclaration supplémentaire dans les cas où la cessation d’activité commence avant la période de paiement en cours

14(5) Si la cessation d’une activité a eu lieu dans les cas visés aux alinéas a) ou b), le demandeur — ou son époux ou conjoint de fait, dans le cas où celui-ci produit la déclaration visée à l’alinéa 15(2)a) — peut, au plus tard à la fin de la période de paiement suivant la période de paiement en cours, produire une seconde déclaration où figure :

a) si la cessation a eu lieu au cours de l’année civile précédant la période de paiement, son revenu estimatif pour l’année civile se terminant pendant la période de paiement en cours, lequel correspond alors au total des éléments suivants :

(i) son revenu perçu au titre de tout régime de pension au cours de l’année civile,

(ii) son revenu perçu au titre de toute activité rémunérée pour cette année civile, compte non tenu du revenu perçu au titre de l’activité qu’il a cessé d’exercer,

(iii) son revenu pour l’année de référence, compte non tenu du revenu perçu au cours de celle-ci au titre de toute activité rémunérée ou de tout régime de pension;

[...]

[19]        Utilisant cette disposition dans l’établissement des revenus de l’appelant, le ministre a donc additionné les revenus perçus au titre d’un régime de pension en 2012, les revenus provenant de toute activité rémunérée en 2012 (exception faite de son salaire puisqu’il se rapportait à l’activité que l’appelant a cessé d’exercer), et finalement, son revenu pour l’année 2011, sauf les revenus tirés d’activités rémunérées et de régimes de pension.

[20]        Ce faisant, le ministre a donc initialement additionné les montants au titre du régime de rentes du Québec auxquels l’appelant avait droit pour l’année d’imposition 2012, soit 8 158,74 $ en tous; il a également pris en compte une déduction pour REER de 9 000 $ pour de l’année d’imposition 2011, ce qui donnait un revenu total de 0 $ (et un revenu combiné de 5 583,96 $).

[21]        Or, une fois que la déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012 de l’appelant a été produite, le ministre a révisé les revenus de l’appelant pour y ajouter la somme forfaitaire, ce qui faisait donc passer ses revenus de 0 $ à 20 506 $ (et donnait un revenu combiné de 26 089,96 $).

[22]        Le ministre a donc constaté l’existence d’un trop-payé en comparant le montant de 26 089,96 $ au montant initialement déclaré, soit 5 583,96 $.

[23]        Le ministre soutient que c’est en vertu de l’article 18 de la LSV qu’il a le droit de réévaluer les revenus de l’appelant et de pallier ainsi les fluctuations de ceux-ci par la réclamation d’un trop-payé ou le versement d’un moins-perçu. Cet article se lit comme suit :

Rectification

Rectification de paiements de suppléments

 Lorsqu’il est établi que le revenu du demandeur d’un supplément pour l’année de référence, appelé « revenu réel » au présent article, ne coïncide pas avec le revenu, appelé « revenu déclaré » au présent article, calculé sur la base d’une déclaration ou d’une estimation établie aux termes de l’article 14, les rectifications suivantes doivent être apportées :

a) si le revenu réel dépasse le revenu déclaré, le trop-payé fait l’objet, selon les modalités réglementaires, d’une retenue opérée sur les paiements ultérieurs de supplément ou de pension;

b) si le revenu déclaré dépasse le revenu réel, le moins-perçu est versé au demandeur.

[24]        De l’avis du ministre, le « revenu réel » au sens de cette disposition  serait les véritables revenus de l’appelant d’après sa déclaration de revenu, le tout calculé selon le paragraphe 14(5) de la LSV, tandis que le « revenu déclaré » serait les revenus que l’appelant avait prévu recevoir dans sa demande initiale, également selon le paragraphe 14(5) de la LSV.

[25]        Ayant ainsi établi que le véritable revenu de l’appelant au sens de la LSV pour la période en litige était de 26 089,96 $ et que son revenu déclaré était de   5 583l,96 $, le ministre a exigé de l’appelant le remboursement d’un trop payé.

[26]        Avec égards, bien que cette interprétation soit utilisée par le ministre depuis un certain temps, à première vue, il n’est pas clair que cela soit permis en vertu de la LSV.

[27]        En effet, la loi ne donne pas à la notion de « revenu réel » le même sens que le ministre. Selon l’article 18 de la LSV, ce qui est défini comme étant le revenu réel est plutôt le revenu de l’appelant pour l’année de référence et non son revenu véritable calculé selon le paragraphe 14(5) de la LSV à la suite de la production de sa déclaration de revenu. Selon moi, c’est en effet ce qui ressort des  mots « le revenu du demandeur d’un supplément pour l’année de référence, appelé "revenu réel" au présent article ». 

Le terme « année de référence » est défini à l’article 10 de la LSV comme étant « [l]’année civile précédant la période de paiement en cours ».

mensuel

[33]       

[34]        Se pose alors la question, de savoir pourquoi le législateur aurait édicté dans cette optique les paragraphes 14(2) à (7) de la LSV. Pourquoi adopter des dispositions qui tentent de prendre en compte des baisses de revenu si ces dispositions créeront inévitablement un trop-payé que le ministre devra se faire rembourser ?

[35]        À cet égard, il me semble approprié de réitérer ici le principe d’interprétation des lois appelé principe de « l’effet utile ». Selon l’auteur Pierre-André Côté[7], ce principe veut que « l’interprète accorde sa préférence à l’interprétation qui donne un quelconque effet à l’intervention du législateur plutôt qu’à celle qui impliquerait que celui-ci a "parlé pour ne rien dire" ». 

[36]        Je suis d’avis que ce principe s’applique en l’espèce. En effet, reconnaître l’interprétation littérale des paragraphes 2 à 7 de l’article 14 de la LSV reviendrait à nier leur raison d’être, voire même leur existence, ce qui m’apparaît contraire à l’intention du législateur.

[37]        Quoi qu’il en soit, en l’espèce l’interprétation du ministre est plus profitable pour l’appelant que l’interprétation littérale. En effet, selon l’interprétation littérale, le trop-payé devrait être calculé sur la différence entre les revenus de l’année de référence, soit 29 390,96 $ et les revenus déclarés par l’appelant conformément au paragraphe 14(5) de la LSV, soit 5 583,96 $. Or, dans le présent cas, le ministre a calculé le trop-payé en utilisant les véritables revenus de l’appelant pour l’année d’imposition 2012, calculés selon le paragraphe 14(5) de la LSV, soit 26 089,96 $ au lieu du montant de 29 390,96 $ réduisant ainsi le trop-payé.  

[38]        Compte tenu de ces informations, il m’apparaît donc justifié de confirmer l’interprétation qu’a faite le ministre de l’article 18 de la LSV quant à la méthode de calcul qui doit être utilisée.

V. Est-ce que la « somme forfaitaire » est un revenu de pension au sens du Règlement sur la sécurité de la vieillesse?

[39]        La deuxième question à trancher est de savoir si la somme forfaitaire reçue par l’appelant constitue un revenu provenant d’un régime de pension selon la définition à l’article 14 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse. Les dispositions pertinentes de cet article se lisent comme suit en français :

14 Pour l’application de l’article 14 de la Loi, le revenu provenant d’un régime de pension est le total des montants perçus au titre :

(a)    de rentes;

[...]

(f)    de pensions ou de pensions de retraite, autres que les prestations reçues aux termes de la Loi et tout versement semblable reçu en vertu d’une loi provinciale;

[...]

Elles sont rédigées comme suit en anglais :

14 For the purposes of section 14 of the Act, pension income means the aggregate of amounts received as

(a)    annuity payments;

[...]

(f)    superannuation or pension payments, other than a benefit received pursuant to the Act or any similar payment received pursuant to a law of a provincial legislature;

[...]

[40]        Le terme « superannuation » utilisé dans la version anglaise de l’article 14 du Règlement est défini dans le Canadian Oxford Dictionary (2nd edition) comme suit :

1 a pension paid to a retired person. 2 a regular payment made towards this by an employed person. [...]

[41]        Le terme anglais « pension » est défini dans le même dictionnaire comme suit :

1 a regular payment made by a government to people above a specified age, to the disabled, or to such a person’s surviving dependants. 2 a similar payment made by an employer etc. to a retired employee. 3 a regular payment from a fund etc. to which the recipient has contributed (usu. with an employer) as an investment during his or her working life in order to realize a return upon retirement (also attributive: pension plan). [...]

[42]        Le terme « pension » qui est utilisé dans la version française du Règlement, est défini comme suit dans le Petit Robert :

1 Allocation périodique versée régulièrement à une personne. [...]

[43]        Selon le sens commun aux deux versions des dispositions en question, le paiement doit être répétitif ou régulier pour être considéré comme un « superannuation or pension payment » ou un montant perçu au titre de « pensions ou de pensions de retraite ».

[44]        Le retrait prématuré de la somme forfaitaire du FRV de l’appelant n’est pas une rente parce qu’il ne s’agit pas d’un versement périodique. Pour les raisons exposées ci-dessus, la somme forfaitaire n’a pas été perçue au titre de « pensions ou de pensions de retraite » puisque ces termes impliquent que le paiement fut périodique ou régulier. La somme forfaitaire, de par sa forme, ne satisfait donc pas aux exigences de cette définition; elle constitue plutôt un retrait discrétionnaire non transformé en rente.

[45]        À cet égard, l’intimé soutient que la décision Ward c. Ministre des Ressources humaines et du Développement social), 2008 CCI 25, écrite par mon collègue le juge Hershfield, établit clairement que les montants qui proviennent d’un FERR sont des revenus de pension et que cette décision devrait être suivie par notre Cour.

[46]        Je reconnais que, dans certains cas, des montants provenant d’un FERR pourraient être considérés comme des revenus de pension. Je suis toutefois en désaccord avec la généralisation que fait l’intimée. Reconnaître ou non l’existence d’un revenu de pension au sens de la LSV n’est pas une question de véhicule financier, mais bien une question de droit : est-ce que les montants en question constituent une rente ou un revenu de pension? L’article 14 du Règlement a été rédigé de façon restrictive et exhaustive; il était donc l’intention du législateur de circonscrire au maximum ce qui constitue des revenus de pension au sens de l’article 14 de la LSV. C’est pourquoi une généralisation basée sur la nature du véhicule financier m’apparaît risquée, voire erronée.

[47]        En effet, tel qu’il a été mentionné précédemment, pour qu’une somme constitue une rente ou un revenu de pension pour les fins de l’article 14 du Règlement, celle-ci doit être versée de façon périodique ou régulière. Ainsi, si un contribuable recevait une somme de 1 500 $ annuellement provenant d’un FERR, je suis d’avis que celle-ci constituerait une rente ou un revenu de pension au sens de la loi. Or, si ce même contribuable retire une somme de 15 000 $ de ce même FERR dans une année d’imposition donnée, cela ne transforme pas ce montant en rente ou en pension au sens de l’article 14 du Règlement puisque le retrait n’est pas et ne sera jamais quelque chose de périodique ou de régulier. Il y a donc lieu de considérer chaque cas comme étant un cas d’espèce plutôt que de tenir pour acquis qu’un certain véhicule financier donné produira toujours une rente ou une pension.

[48]        Je fais remarquer également que l’interprétation proposée par l’intimé pourrait, dans les circonstances, donner lieu à un résultat inéquitable. D’une part, selon l’intimé, la somme forfaitaire réduit le SRG de l’appelant pour l’année suivant la perte de revenu. Tel qu’il a été indiqué auparavant, cette somme fut placé dans un REER. Si l’appelant convertit son REER en un FERR, ce qui est souvent la méthode choisie par les contribuables en vue de recevoir une rente, le montant converti pourrait de nouveau réduire son SRG, car ce montant serait inclus dans le calcul du « revenu réel » pour l’année de référence.

[49]        Pour tous ces motifs, j’estime que la somme forfaitaire n’est pas un « revenu provenant d’un régime de pension » au sens de l’article 14 du Règlement. Par conséquent, ce montant ne doit pas être inclus dans le « revenu réel » du contribuable calculé conformément au paragraphe 14(5) de la LSV.

[50]        Pour ces motifs, l’appel est accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2017.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 44

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2158(OAS)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

RÉAL LÉVESQUE c. MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 octobre 2016

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 mars 2017

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9.

[2] Paragraphe 11(2) LSV

[3] Paragraphe 14(5) LSV.

[4] Essentiellement, l’appelant conteste la prise en compte du montant de 21 314 $ provenant d’un REER puisque ce retrait fut occasionné, selon l’appelant, par une erreur de son courtier financier. Le placement d’une somme de 19 951,43 $ prise sur ce montant, dans un compte REER corrige en grande mesure l’erreur de son courtier.

[5] Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), ch. 1, paragraphe 146.3(1).

[6] Article 10 de la LSV, « année de référence ».

[7] Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 2009, paragraphe 1852.

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