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Date: 19990119

Dossier: 97-2625-IT-G

ENTRE :

KEVIN T. HAGON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une nouvelle cotisation d'impôt à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1989, 1991 et 1992. Il soutient que ce dernier n'a pas déclaré la totalité de son revenu dans ses déclarations de revenus des années en cause. En plus d'ajouter des montants à ses revenus, le ministre a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour chacune des années en question, pour le motif qu'il a frauduleusement, sciemment ou à tout le moins dans des circonstances équivalant à faute lourde omis de déclarer certains revenus dans chacune des années. L'intimée a également allégué dans sa réponse que, si les pénalités ne sont pas justifiées en vertu du paragraphe 163(2), celles qui ont été imposées pour les années 1991 et 1992 sont justifiées en application du paragraphe 163(1) puisque l'appelant a été reconnu coupable d'avoir omis de déclarer une partie de son revenu de l'année 1989.

[2] Au cours des années en question, l'appelant exploitait avec son frère Jeff une entreprise connue sous le nom de G & H Cabinets. Pendant l'année 1989, tous deux étaient associés à parts égales avec une troisième personne. À la fin de 1989, ils ont racheté les parts de cet autre associé. Au début de l'année 1990, l'entreprise a été constituée en société sous le nom de G & H Cabinets Ltd. et les deux frères ont continué à l'exploiter en tant que propriétaires à parts égales.

[3] En ce qui concerne les cotisations, l'appelant soutient qu'il s'occupait de l'aspect opérationnel de l'entreprise et que son frère était chargé du volet financier. L'entreprise fabriquait, vendait et installait des armoires de cuisines. L'appelant était responsable de l'atelier de fabrication des armoires, qu'il allait lui-même installer chez les clients. À part les dépôts qu'il effectuait à la banque de temps en temps, il n'avait, a-t-il dit, absolument rien à voir avec les finances et ne savait rien de la façon dont les livres étaient tenus, du moins jusqu'au jour où l'entreprise a déclaré faillite, en 1994 environ.

[4] La cotisation initiale établie à l'égard de l'appelant pour 1989 était datée du 6 avril 1990. Elle était fondée sur le revenu déclaré de l'appelant, soit des allocations familiales totalisant 785,76 $, des prestations d'assurance-chômage totalisant 12 555 $ et un revenu de placement de 188,14 $, auxquels montants le ministre a ajouté 1 000 $ au titre d'un revenu d'emploi que l'appelant a tiré de Rato Enterprises Inc. (Rato) pour un travail qu'il a accompli pour cette dernière. À l'audition, l'appelant n'a pas contesté avoir effectivement reçu ce montant; il a expliqué qu'il ne l'avait pas inclus dans son revenu parce que l'entreprise ne lui avait remis aucun feuillet T4 et que, par conséquent, il avait par mégarde omis de le déclarer à son spécialiste en déclarations. La nouvelle cotisation établie pour 1989 et à l'encontre de laquelle l'appel est interjeté est datée du 27 octobre 1994. L'intimée a par conséquent la charge d'établir que, pour l'année en question, l'appelant a fait une présentation erronée par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude[1]. Pour que l'appelant soit tenu de payer les pénalités imposées, le ministre doit aussi établir que, sciemment ou du fait d'une faute lourde, l'appelant a déclaré en moins un revenu dans les trois années. À cette fin, l'avocate de l'intimée a appelé l'appelant à témoigner. Elle a également appelé à témoigner M. Matthew Talbot, qui a travaillé pour la compagnie en 1989 et qui a ensuite lancé sa propre entreprise de rénovations et est devenu un client de G & H Cabinets Ltd. M. Robert Schell, enquêteur à Revenu Canada, a également témoigné pour le compte de l'intimée.

[5] À mon avis, l'appelant n'est pas un témoin fiable. Au cours de l'audition, il a admis avoir touché des prestations d'assurance-chômage en 1989 alors qu'il travaillait 16 heures par jour; il n'a pas déclaré aux représentants de l'assurance-chômage qu'il avait travaillé. On lui a rappelé, au cours de son témoignage, la demande de prêt qu'il a présentée à la Westminster Credit Union et dans laquelle il a prétendu avoir un revenu mensuel net de 3 800 $, alors qu'il avait déclaré un revenu brut annuel d'environ 10 000 $. Il a déclaré dans son témoignage qu'il avait délibérément exagéré son revenu auprès de la coopérative de crédit pour accroître ses chances d'obtenir le prêt demandé. Ainsi qu'il ressortira plus loin, il est à mon avis plus probable qu'il disait la vérité à la coopérative de crédit et qu'il mentait au ministre du Revenu national. Il a expliqué en des termes peu convaincants la façon dont il subvenait aux besoins de sa famille avec le revenu qu'il a déclaré dans les années en question, fondé sur le revenu de location qu'il a dit avoir reçu. Il a d'abord fait état du revenu de location qui lui était versé par sa mère; plus tard dans son témoignage, il a dit que ce revenu de location lui était versé par sa mère et un locataire qui louait le sous-sol. L'appelant a une neuvième année, et je le crois lorsqu'il dit qu'il ne connaît pas grand-chose à la comptabilité. Cependant, je crois aussi qu'il était tout à fait disposé à dire, dans son témoignage, tout ce qu'il estimait être dans son intérêt de dire. Dans les cas où son témoignage est intéressé et non corroboré, je ne l'accepte pas.

[6] Il y a d'autres raisons pour lesquelles il est difficile de reconstituer le portrait financier de l'entreprise. Le frère de l'appelant, Jeff, vit maintenant en Angleterre, de sorte qu'il n'a pu être appelé à témoigner. Les registres financiers de l'entreprise, tant ceux de la société de personnes en 1989 que ceux de la société constituée par la suite, paraissent avoir été tenus au petit bonheur. Il semble n'y avoir eu aucun livre comptable acceptable. Une fois par mois, les bordereaux de dépôts bancaires, les talons de chèques et autres pièces justificatives originales étaient remis à un cabinet de comptables, qui semble avoir tenu certains livres. J'ai été informé que ceux-ci avaient disparu avant que le syndic de faillite puisse les obtenir. Cette disparition n'a pas été expliquée dans la preuve qui m'a été présentée. M. Schell a eu accès à certains registres au cours de l'enquête qu'il a menée, et j'ai admis en preuve les extraits qu'il en a tirés. Ils donnent au moins une idée partielle de la façon dont la compagnie menait ses affaires. Des états non vérifiés de la société de personnes ont été dressés pour l'année 1989 et ont eux aussi été produits en preuve.

[7] Je m'interromps ici pour traiter de la défense de préclusion fondée sur la chose jugée (“ issue estoppel ”) que la Couronne a fait valoir. En février 1995, Robert Schell a fait une dénonciation sous serment à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique aux termes de laquelle l'appelant et son frère ont été accusés de diverses infractions à la Loi de l'impôt sur le revenu. En tout, il y avait dix chefs d'accusation. Deux d'entre eux visaient les frères conjointement et quatre chefs distincts visaient chacun des deux frères.

[8] Aucun certificat de déclaration de culpabilité n'a été produit en preuve, mais M. Schell et l'appelant ont tous deux déclaré dans leur témoignage que ce dernier avait été déclaré coupable relativement au huitième chef, soit celui d'avoir fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenus de 1989 et, plus particulièrement, d'avoir déclaré que son revenu imposable était de 13 528,90 $ et, de ce fait, d'avoir omis de déclarer un revenu supplémentaire de 10 759,50 $. La déclaration de culpabilité sur ce chef a été prononcée à la suite des événements suivants. Au terme d'un procès de deux jours, la cour a rejeté deux des chefs d'accusation qui pesaient contre l'appelant. À ce moment-là, la Couronne et l'avocat de l'appelant ont eu des discussions et un plaidoyer de culpabilité négocié a été inscrit à l'égard du huitième chef, non pas pour le montant total figurant dans l'accusation, mais pour le montant de 7 134,51 $, c'est-à-dire la part de l'appelant des bénéfices de la société inscrits dans les états non vérifiés de 1989. L'appelant a alors été déclaré coupable conformément au plaidoyer de culpabilité, et la Couronne a laissé tomber les autres chefs d'accusation contre lui. C'est en raison de cette déclaration de culpabilité, selon la Couronne, qu'il y a préclusion fondée sur la chose jugée en ce qui concerne l'appelant.

[9] Il est bien établi qu'une déclaration de culpabilité aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu peut, dans les circonstances appropriées, donner lieu à une préclusion fondée sur la chose jugée dans une action civile intentée par la suite sous le régime de la Loi : Van Rooy v. M.N.R.[2]. Dans la présente affaire, il n'y a pas identité des questions en litige, comme c'était le cas dans l'affaire Van Rooy; la déclaration de culpabilité portait sur le montant de 7 134,51 $, lequel n'est pas le montant total du revenu ajouté au moyen de la nouvelle cotisation établie pour 1989 et dont il est interjeté appel, bien qu'il s'agisse d'une partie identifiable de celui-ci.

[10] Je suis néanmoins d'avis qu'il ne convient pas en l'espèce de permettre que la question de la préclusion fondée sur la chose jugée soit soulevée. La preuve montre que la déclaration de culpabilité a été le résultat de négociations, une démarche dans le cadre de laquelle les deux parties font nécessairement des concessions. C'est le genre de circonstances que le juge Blair, de la Cour d'appel de l'Ontario, avait en tête dans l'arrêt Del Core[3], où il a dit de la déclaration de culpabilité prononcée dans le cadre d'une action au criminel[4] :

[TRADUCTION]

[...] qu'une telle preuve établit prima facie et de façon non concluante la culpabilité dans le cadre de l'instance civile. La déclaration de culpabilité antérieure doit évidemment être pertinente aux procédures en cause. Son poids et son importance dépendront des circonstances de chaque espèce [...]

Puis il a souligné qu'il était possible d'atténuer les effets d'une déclaration de culpabilité en expliquant les circonstances qui l'entourent.

[11] Dans l'affaire qui nous intéresse, le fait que la déclaration de culpabilité a été précédée d'un plaidoyer de culpabilité qui avait été négocié est important. Il se peut que des raisons très valables et pratiques, autres que la culpabilité, aient motivé le plaidoyer. Les avocats n'ont pas cité de jurisprudence portant sur le poids à donner à un plaidoyer de culpabilité négocié et, en l'absence d'une telle jurisprudence, je ne suis pas disposé à conclure qu'il y a préclusion dans le cas de l'appelant en l'espèce.

[12] J'en viens maintenant à la preuve relative à la prétendue omission de déclarer un revenu. Il ressort de la preuve produite que le revenu de l'entreprise n'a pas été totalement consigné dans les livres en 1989, 1991 et 1992. La preuve a permis d'établir que, à un certain nombre d'occasions, Jeff Hagon a reçu des paiements comptants pour des produits livrés et des services fournis par l'entreprise. Les montants en question ont subséquemment été déposés dans le compte bancaire de l'entreprise, mais ils ont été décrits non pas comme des ventes, mais comme des prêts consentis à l'entreprise par les deux frères. C'est ce que Jeff Hagon a inscrit sur les bordereaux de dépôt; le comptable a donc consigné ce qui était en vérité des ventes comme des avances faites à l'entreprise par l'appelant et son frère. Les retraits effectués par ces derniers ont ensuite été consignés comme des débits aux comptes de prêts[5] et non comme des salaires.

[13] Dans son témoignage, l'appelant a maintenu catégoriquement que tout avait été fait à son insu par son frère et qu'il ne pouvait être tenu responsable à cet égard. Il a également déclaré qu'à un certain nombre de reprises au cours de cette période, il ignore exactement combien de fois, il a consenti des hypothèques sur les maisons où il vivait pour fournir à l'entreprise les fonds nécessaires pour la maintenir à flot. Il avait remis ces fonds à son frère. À part cela, il n'avait aucune connaissance précise des montants, des dates ou de la disposition faite du produit de ces prêts.

[14] Je suis convaincu, compte tenu de la preuve, que l'appelant a effectivement omis de déclarer son véritable revenu lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus de 1989. Les états financiers de la société de personnes font état d'un revenu de la société de 21 403,51 $, attribuable à parts égales à l'appelant, à son frère et au troisième associé. La part de l'appelant s'élève donc à 7 134,51 $.

[15] De plus, le témoignage de M. Talbot établit qu'un montant de 7 250 $ payé comptant à Jeff Hagon par un certain Max Anderson, qui exploitait une entreprise sous le nom de Newport Concrete, pour des marchandises vendues ou des travaux effectués par la société au cours de l'année 1989, aurait dû être inscrit dans la colonne des ventes effectuées au cours de cette année-là, mais a plutôt été consigné comme une avance faite à l'entreprise par les frères, si bien que le revenu de la société a été sous-estimé d'autant. La part de l'appelant du revenu non déclaré est de 3 625 $, ce qui donne un revenu non déclaré total de 10 759,50 $ tiré de l'entreprise en 1989, en plus des 1 000 $ tirés de Rato, qui ont été inclus dans la cotisation initiale, bien qu'ils n'aient pas été déclarés.

[16] L'appelant n'a déclaré aucun revenu provenant de l'entreprise en 1989. Je n'accepte pas son explication qu'il ignorait qu'il y avait un revenu à déclarer. Il a admis au cours de son témoignage qu'il avait à l'occasion reçu de l'argent comptant de l'entreprise, dont il a minimisé le montant. Il a dit qu'il s'agissait de “ montants peu élevés, une couple de fois ”. Il a déclaré qu'il entendait par là des sommes de 700 $ à 1 000 $. À mon avis, il a reçu des montants d'argent plus souvent que cela. Il a déclaré qu'à l'époque il consacrait 16 heures par semaine à l'aspect opérationnel de l'entreprise. Je ne crois pas qu'il se serait contenté d'un montant de 1 400 $ ou 2 000 $ seulement pour subvenir à ses besoins, à ceux de son épouse et à ceux de ses deux enfants pendant toute l'année 1989. Je crois que le ministre s'est acquitté de la charge de prouver que l'appelant avait été à tout le moins négligent en omettant de déclarer dans son revenu de 1989 le montant total de 10 759,50 $, qui a été ajouté dans la nouvelle cotisation. Je reviendrai sur la question de la pénalité imposée pour 1989.

[17] Je me pencherai maintenant sur les années 1991 et 1992. La nouvelle cotisation établie à l'égard de l'appelant pour 1991 ajoutait à son revenu déclaré un montant de 6 350 $. La preuve établit à mon entière satisfaction que Matthew Talbot, qui, en 1991, avait cessé de travailler pour la compagnie et en était devenu un client, a payé au total 12 700 $ comptants à Jeff Hagon pour des marchandises fournies par la compagnie, et que ces paiements comptants n'ont pas été décrits, dans les livres de la compagnie, comme des ventes. Ils ont plutôt été déposés subséquemment dans le compte bancaire de la compagnie avec, sur le bordereau de dépôt, une inscription selon laquelle il s'agissait de prêts consentis à la compagnie par l'appelant et son frère. Inévitablement, le comptable a consigné les montants comme s'il s'agissait de prêts d'actionnaires. Au moyen de ce subterfuge, la compagnie a conféré un avantage de 6 350 $ chacun à l'appelant et à son frère : voir Kennedy v. M.N.R.[6]. Dans sa déclaration de revenus de 1991, l'appelant n'a pas déclaré cet avantage.

[18] La nouvelle cotisation établie pour 1992 prévoyait l'ajout de 16 517,50 $ au revenu de l'appelant. Cela représente la moitié du montant total de 33 035 $, qui est la somme de cinq paiements faits par des clients de la compagnie en argent comptant et qui, au moyen du subterfuge décrit précédemment, ont été consignés dans les livres de la compagnie comme des prêts consentis par l'appelant et son frère, et non comme des ventes. Non seulement l'appelant a-t-il échoué dans sa tentative de réfuter les hypothèses faites par le ministre relativement à ces montants, mais le témoignage de M. Schell, fondé sur son examen des quelques livres auxquels il a pu avoir accès, confirme ces hypothèses. Je conclus qu'un avantage a été conféré à l'appelant en 1992, ainsi qu'il est établi dans la cotisation, et qu'il ne l'a pas déclaré.

[19] J'arrive maintenant à la question des pénalités imposées pour les trois années visées par l'appel.

[20] Dans les nouvelles cotisations établies à l'égard de l'appelant, le ministre a imposé des pénalités de 924,38 $ pour 1989, de 135,99 $ pour 1991 et de 1 056,06 $ pour 1992, toutes en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, libellé dans les termes suivants :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à un règlement d'application, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse — appelé “déclaration” au présent article — rempli ou produit pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à un règlement d'application, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total :

de l'excédent éventuel

de la fraction éventuelle de l'impôt qui serait payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi qui est en sus du montant qui serait réputé par le paragraphe 120(2) payé au titre de cet impôt pour l'année, s'il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l'année la partie de son revenu déclaré en moins pour l'année qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission et si son impôt payable pour l'année était calculé en soustrayant des déductions de l'impôt payable par ailleurs par cette personne pour l'année, la partie de ces déductions qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission

sur

la fraction éventuelle de l'impôt qui aurait été payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi qui est en sus du montant qui aurait été réputé par le paragraphe 120(2) payé au titre de cet impôt pour l'année, si l'impôt payable pour l'année avait fait l'objet d'une cotisation établie d'après les renseignements indiqués dans la déclaration pour l'année;

de l'excédent éventuel

du montant qui, s'il était calculé d'après les renseignements indiqués dans la déclaration produite pour l'année en application du paragraphe 122.2(1), serait réputé par ce paragraphe payé pour l'année par cette personne ou par le particulier qui habite avec cette personne à la fin de l'année si celle-ci assume les frais d'entretien d'un enfant admissible du particulier pour l'année — au sens du paragraphe 122.2(2) —

sur

le montant réputé par le paragraphe 122.2(1) payé pour l'année par cette personne ou par ce particulier, selon le cas;

(Abrogé par 1990, chap. 45, art. 51(1).)

c.1) de l'excédent éventuel du total visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii) :

le total des montants dont chacun représente un montant qui serait réputé en application de l'article 122.5 payé soit par cette personne au cours d'un mois déterminé de l'année, soit, si cette personne est le proche admissible, au sens du paragraphe 122.5(1), d'un particulier pour l'année, par ce particulier, si ce total était calculé d'après les renseignements fournis dans le formulaire prescrit produit pour l'année en application de cet article,

le total des montants dont chacun représente un montant réputé en application de l'article 122.5 payé par cette personne ou ce proche admissible au cours d'un mois déterminé de l'année;

de l'excédent éventuel

du montant qui, s'il était calculé d'après les renseignements indiqués dans la déclaration ou formule produite conformément au paragraphe 127.1(1), serait réputé par ce paragraphe payé pour l'année par cette personne

sur

(ii) le montant réputé par ce paragraphe payé pour l'année par cette personne.

Les éléments essentiels, dans la mesure où ils s'appliquent en l'espèce, sont l'existence d'un faux énoncé dans la déclaration de revenus pour l'année, faux énoncé qui doit être fait sciemment ou par suite d'une faute lourde du contribuable. J'ai déjà conclu que l'appelant avait fait les faux énoncés allégués. Il reste à déterminer s'il les a faits sciemment ou par suite d'une faute lourde.

[21] En ce qui concerne l'année 1989, je conclus que l'appelant a fait le faux énoncé en question sciemment pour ce qui est du revenu tiré de Rato. Il savait très bien qu'il avait travaillé pour cette compagnie au cours de l'année et qu'il avait été payé par elle. Je crois qu'il pensait que, parce qu'il n'avait pas reçu de feuillet T4 de Rato, il pourrait omettre de déclarer ce revenu dans sa déclaration. L'autre montant qui a été déclaré en moins pour 1989 se divise en deux parties. Je suis arrivé à la conclusion que l'appelant savait très bien qu'il avait reçu des paiements de la compagnie et qu'il en savait suffisamment au moins pour se renseigner au sujet des finances de l'entreprise avant de produire une déclaration dans laquelle il a attesté qu'il n'avait tiré aucun revenu de l'entreprise au cours de l'année. Il aurait pu consulter, dès la fin de janvier 1990, des états qui lui auraient permis de prendre connaissance du revenu de 7 134,51 $ relativement auquel il a été subséquemment déclaré coupable.

[22] Le reste du revenu non déclaré pour 1989 et celui de 1991 et de 1992 est le résultat du stratagème frauduleux conçu pour déguiser des recettes de ventes en des avances faites au titre d'un prêt ou, pour 1989, plus exactement en un apport de capital. L'appelant a maintenu dans son témoignage qu'il n'avait prêté aucune attention à ce qui était écrit sur les bordereaux de dépôt, que tout était fait à son insu par son frère, et qu'il n'avait ni le temps de s'informer à cet égard ni le sens des affaires suffisamment aiguisé pour le faire. Il faisait tout simplement confiance à son frère. À mon avis, il est peu probable qu'il n'ait eu aucune idée de ce qui se passait. L'appelant a, à de nombreuses occasions, effectué le dépôt des montants en question à la banque. Il est difficile de croire qu'il n'a pas lu les inscriptions sur les bordereaux de dépôt ni demandé ensuite à son frère pourquoi les montants étaient traités comme des prêts. Certes, il a à l'occasion avancé des fonds à l'entreprise grâce aux hypothèques qu'il a consenties sur sa maison. Il devait cependant savoir que les sommes d'argent qu'il déposait ne provenaient pas de ces prêts. Ni les dates ni les montants n'auraient coïncidé.

[23] Le fait que M. Schell a été en mesure de comparer les montants qui ont été portés au crédit du compte de prêt de l'appelant et les retraits qu'il a effectués dans les années 1990, 1991 et 1992 est révélateur. Il y a une étroite corrélation entre les montants qui ont été déposés sous la forme de prêts à la compagnie et ceux qui ont été retirés par l'appelant au cours de ces années. Je n'ai aucun doute que le frère de l'appelant était l'auteur du stratagème frauduleux. Cependant, cela m'amène à croire que l'appelant avait de bonnes raisons de soupçonner que les choses n'étaient pas faites dans les règles et que, s'il s'était informé, il aurait pu apprendre des choses qu'il ne voulait pas savoir.

[24] En droit criminel, l'ignorance volontaire équivaut à une connaissance suffisante pour établir la mens rea[7]. Le critère à appliquer a été énoncé dans cet arrêt par le juge Sopinka [8]:

Pour conclure à l'ignorance volontaire, il faut répondre par l'affirmative à la question suivante: L'accusé a-t-il fermé les yeux parce qu'il savait ou soupçonnait fortement que s'il regardait, il saurait?

À mon avis, la réponse à cette question en l'espèce est affirmative.

[25] La Couronne a fait valoir subsidiairement que, quoi qu'il en soit, l'appelant est tenu de payer des pénalités pour les années 1991 et 1992 en application du paragraphe 163(1), libellé dans les termes suivants :

163(1) Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l'article 150 pour une année d'imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d'imposition précédentes est passible d'une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d'une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

Il ne fait aucun doute que l'appelant a omis de déclarer un montant en 1989. Les années 1991 et 1992 sont toutes deux comprises dans la période de trois ans suivant l'année 1989. Si ma conclusion en ce qui concerne les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) pour 1991 et 1992 est erronée, l'appelant doit tout de même être tenu responsable en vertu du paragraphe 163(1). Pour les deux années, la pénalité de 10 p. 100 en vertu du paragraphe (1) est plus élevée que les pénalités qui ont été imposées en vertu du paragraphe (2). Les appels des pénalités pour ces deux années doivent par conséquent être rejetés, peu importe l'état d'esprit ou le degré de négligence de l'appelant.

[26] Les appels sont rejetés, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de janvier 1999.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

[2]               [1989] 1 C.F. 489.

[3]               Re Del Core and Ontario College of Pharmacists (1985), 51 O.R. (2d) 1 (C.A.).

[4]               À la page 21.

[5]               Ou probablement à leurs comptes de capital en 1989.   

[6]               [1973] C.F. 839, aux pages 842 et 843.

[7]               R. v. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55.

[8]               À la page 111.

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